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23/03/2020 | FRANCE | N°430591

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 23 mars 2020, 430591


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 mars 2019 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a clôturé sa plainte relative à l'exercice, auprès du docteur Sam B..., de son droit d'accès à l'intégralité de son dossier médical pour la période allant de 1997 à 2014 ;

2°) d'enjoindre à la CNIL de reprendre l'instruction de sa plainte ;

3°) d'o

rdonner au docteur B..., d'une part, d'adresser une copie de son dossier médical portant sur ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 mars 2019 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a clôturé sa plainte relative à l'exercice, auprès du docteur Sam B..., de son droit d'accès à l'intégralité de son dossier médical pour la période allant de 1997 à 2014 ;

2°) d'enjoindre à la CNIL de reprendre l'instruction de sa plainte ;

3°) d'ordonner au docteur B..., d'une part, d'adresser une copie de son dossier médical portant sur la période litigieuse à la CNIL, pour qu'elle en vérifie le contenu et, d'autre part, d'expliquer les raisons qui l'ont conduit à lui extraire une dent sans son consentement le 23 juin 2014 ;

4°) de sanctionner le docteur B... ;

5°) d'ordonner au conseil départemental de l'ordre des médecins de reprendre l'instruction de sa plainte.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu'en 2016, M. A... a demandé au docteur B... de lui communiquer son dossier médical relatif aux années 1997 à 2014 ainsi que les factures attestant du paiement de l'intégralité des sommes versées pour les soins qui lui avaient été prodigués. Estimant que les documents fournis étaient incomplets, M. A... a saisi le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de l'ordre des médecins le 6 octobre 2016. Par un courrier du 18 novembre 2016, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de l'ordre national des chirurgiens-dentistes a demandé au docteur B... de procéder à la communication demandée. En l'absence de réponse, M. A... a, par courrier du 8 août 2017, saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une plainte dirigée contre M. B.... Le 5 septembre 2017, la CNIL a envoyé un premier courrier au docteur B..., lui rappelant ses obligations en matière de droit d'accès. En réponse à ce courrier, M. B... a indiqué avoir à nouveau communiqué son dossier médical à M. A..., incluant un certain nombre de radiographies ainsi qu'une synthèse des soins pratiqués en 2011. Le chirurgien-dentiste a également informé la CNIL et le requérant que les radiographies pratiquées depuis 2002 pouvaient être consultées à son cabinet, ajoutant qu'il n'était pas en mesure communiquer les radiographies antérieures à 2002 dès lors qu'elles avaient été perdues. S'agissant des demandes de factures, M. B... a indiqué qu'elles avaient été établies et remises au requérant " en leur temps ". A la suite de cette communication, M. A... a indiqué à la CNIL que le dossier médical qui lui avait été envoyé était incomplet à défaut de production de l'ensemble des radiographies détenues par M. B... et dès lors qu'aucun élément relatif à l'extraction d'une dent pratiquée le 23 juin 2014 ne lui était parvenu. Par deux nouveaux courriers, la CNIL a alors demandé au M. B... de communiquer à M. A... l'intégralité des données à caractère personnel le concernant. Celui-là a alors de nouveau affirmé que le requérant pouvait consulter sur place les radiographies demandées ou récupérer leurs photocopies. Après un nouveau courrier et une mise en demeure prononcée par la présidente de la CNIL, le praticien a adressé par voie postale l'ensemble des radiographies le concernant à M. A.... Au vu de cet envoi et des différents éléments à sa disposition, la présidente de la CNIL a procédé, le 14 mars 2019, à la clôture de la plainte de M. A..., par une décision dont celui-ci demande l'annulation pour excès de pouvoir.

2. L'article 11 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, dispose que : " La Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. Elle exerce les missions suivantes : (...) 2° Elle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en oeuvre conformément aux dispositions de la présente loi. / A ce titre : (...) c) Elle reçoit les réclamations, pétitions et plaintes relatives à la mise en oeuvre des traitements de données à caractère personnel et informe leurs auteurs des suites données à celles-ci (...) ". Il appartient à la CNIL de procéder, lorsqu'elle est saisie d'une plainte ou d'une réclamation tendant à la mise en oeuvre de ses pouvoirs, à l'examen des faits qui sont à l'origine de la plainte ou de la réclamation et de décider des suites à lui donner. Elle dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. L'auteur d'une plainte peut déférer au juge de l'excès de pouvoir le refus de la CNIL d'engager à l'encontre de la personne visée par la plainte une procédure sur le fondement du I de l'article 45 de la loi du 6 janvier 1978 précité, y compris lorsque la CNIL procède à des mesures d'instruction ou constate l'existence d'un manquement aux dispositions de cette loi. Il appartient au juge de censurer ce refus en cas d'erreur de fait ou de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir. Aux termes de l'article 39 de la même loi : " I.- Toute personne physique justifiant de son identité a le droit d'interroger le responsable d'un traitement de données à caractère personnel en vue d'obtenir : (...) 4° La communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ainsi que de toute information disponible quant à l'origine de celles-ci ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée rappelle les différents échanges qui ont eu lieu entre la CNIL, le requérant et M. B..., ainsi que la mise en demeure prononcée à l'encontre de ce dernier avant de relever que les différents éléments demandés par M. A... et détenus par le praticien avaient bien été communiqués au requérant. Il s'ensuit que la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fonde et que le moyen tiré de son défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, outre que la CNIL n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des circonstances de fait mises en avant par le requérant, il ressort des énonciations de la décision attaquée que la commission a tenu compte des éléments portés à sa connaissance par M. A... pour mettre en demeure M. B... de lui transmettre son dossier médical complet. Si le requérant fait valoir que le courrier du 28 septembre 2018 indique que lui ont été adressées les radiographies en litige alors-même que ce courrier a été posté le 2 octobre 2018 et que le courrier du conseil départemental de l'ordre national des chirurgiens-dentistes adressé à M. B... est resté sans réponse, ces éléments sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Enfin, la circonstance que le dossier médical en cause ne contienne aucun élément concernant une extraction dentaire du 23 juin 2014 ne saurait à elle seule attester de ce que le dossier qui a été envoyé n'était pas complet dès lors qu'il n'est pas contesté que l'ensemble des radiographies en litige a été communiqué à M. A... et qu'aucune feuille de soins n'a été établie pour cet acte qui n'a pas été facturé. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la CNIL aurait entaché sa décision d'erreur de fait.

5. En troisième lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 1 que la présidente de la CNIL a procédé à la clôture de la plainte de M. A... après s'être assurée, à l'issue d'une mise en demeure, de la transmission au requérant de l'ensemble des éléments détenus par M. B... le concernant. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la présidente de la CNIL aurait méconnu l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978. Par ailleurs, il ne relève pas de la compétence de la CNIL de vérifier le respect par les médecins des obligations qui leur incombent au titre des dispositions du code de la santé publique et du code civil. Il s'ensuit que l'incomplétude alléguée du dossier médical de M. A... détenu par M. B... et la circonstance tirée de ce que ce dernier aurait procédé à une intervention médicale sur le requérant sans obtenir son consentement préalable sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. M. A... ne peut dès lors pas utilement soutenir que la présidente de la CNIL aurait entaché sa décision d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 1111-4, R. 1112-2, R. 1112-7 et R. 4127-35 du code de la santé publique et 16-3 du code civil.

6. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, à la suite de la plainte de M. A..., la CNIL est intervenue à plusieurs reprises auprès de M. B... et a mis en demeure ce dernier de transmettre au requérant l'intégralité de son dossier médical, ce qu'il a fait par un courrier du 2 octobre 2018, auquel 11 radiographies dentaires étaient notamment jointes. Si le requérant conteste la taille des radiographies, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne lui auraient pas été envoyées au format traditionnel pour ce type de documents. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des éléments relatifs à l'extraction dentaire du 23 juin 2014 ait été conservés par M. B... sans être communiqués à M. A.... Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de clôture de sa plainte serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la CNIL du 14 mars 2019 qu'il attaque. Sa requête doit donc être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 430591
Date de la décision : 23/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2020, n° 430591
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:430591.20200323
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