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15/02/2019 | FRANCE | N°410694

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 15 février 2019, 410694


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire délivré par le maire de Paris le 3 décembre 2015 à la société Flova en vue du changement de destination d'un local situé sur une voie privée et de l'extension du local d'habitation avec modification de la façade et de la toiture et, d'autre part, d'enjoindre au maire de faire opposition aux travaux envisagés, enfin, de surseoir à statuer jusqu'à la décision judiciaire définitive sur l'instance qu'elle a engagée devant

le tribunal de grande instance de Paris. Par un jugement n° 1604116 du ...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire délivré par le maire de Paris le 3 décembre 2015 à la société Flova en vue du changement de destination d'un local situé sur une voie privée et de l'extension du local d'habitation avec modification de la façade et de la toiture et, d'autre part, d'enjoindre au maire de faire opposition aux travaux envisagés, enfin, de surseoir à statuer jusqu'à la décision judiciaire définitive sur l'instance qu'elle a engagée devant le tribunal de grande instance de Paris. Par un jugement n° 1604116 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai 2017 et 8 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la société Flova la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de MmeA..., à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Flova et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Flova est propriétaire des lots n° 46 et 47 d'une copropriété située 1, rue Lancret à Paris (16ème arrondissement), composée d'un immeuble et d'une remise attenante à usage artisanal. Mme A... est propriétaire d'un appartement situé dans l'immeuble, dont la pièce de séjour donne accès, par une porte-fenêtre sans garde-corps, au toit-terrasse de la remise qui constitue le lot n° 47 appartenant à la société Flova. La ville de Paris a, par arrêté du 3 décembre 2015, délivré à cette société un permis de construire l'autorisant à changer la destination du local artisanal dont elle est propriétaire et à étendre le local d'habitation attenant avec modification de la façade et de la toiture de la remise, comportant notamment le remplacement du toit-terrasse existant par une toiture en pente avec verrière. Mme A...a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire. Par jugement du 23 mars 2017, contre lequel elle se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Ce n'est que lorsque le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R. 613-2 du code de justice administrative mentionné ci-dessus, qu'il appartient à ce président, qui, par ailleurs, peut toujours, s'il l'estime nécessaire, fixer une nouvelle date d'audience, de clore l'instruction ainsi rouverte. D'autre part, lorsque, postérieurement à la clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le greffe du tribunal administratif de Paris a, après la date de la clôture de l'instruction fixée par ordonnance au 1er mars 2017 à 12 heures, communiqué à Mme A...un mémoire de la société Flova enregistré le 1er mars 2017 à 10 heures 59, que Mme A...en a pris connaissance le 2 mars 2017 à 13 heures 31 et qu'elle a produit un mémoire en réplique le 6 mars 2017 à 15 heures 47. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction et que le délai restant à courir jusqu'à la date de l'audience, fixée au 9 mars 2017 à 15 heures, permettait l'intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R. 613-2, soit le 6 mars 2017 à 0 heure. Il en résulte, tout d'abord, que le président de la formation de jugement n'avait pas à clore par ordonnance l'instruction ainsi rouverte, ensuite, que Mme A...a disposé d'un délai suffisant pour répliquer aux écritures de la société Flova, enfin, que le tribunal a pu, sans irrégularité, se contenter de prendre connaissance et viser le dernier mémoire présenté par cette dernière, enregistré après la nouvelle clôture de l'instruction, lequel ne contenait pas l'exposé de circonstances de fait ou de droit nouvelles.

5. En second lieu, c'est par une motivation suffisante que le tribunal a répondu aux conclusions de Mme A...selon lesquelles le permis de construire serait irrégulier faute de viser l'autorisation définitive de l'assemblée générale de la copropriété de l'immeuble et les dispositions du code du patrimoine relatives aux monuments historiques.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, c'est par une appréciation souveraine des pièces du dossier qui n'est pas entachée de dénaturation que le tribunal a estimé, tout d'abord, que le contenu de la notice jointe à la demande de permis de construire satisfaisait aux exigences de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme, ensuite, que les documents graphiques et photographiques permettaient d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès du terrain, enfin, que la construction autorisée ne portait pas atteinte à l'aspect du site de l'immeuble Jassédé dès lors, notamment, que le local artisanal existant était dépourvu d'intérêt architectural.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en cas d'exécution du projet autorisé par le permis de construire attaqué, lequel remplace le toit-terrasse existant par une toiture en pente avec verrière, située en contrebas de la porte-fenêtre de l'appartement de Mme A...non munie en l'état d'un garde-corps, celle-ci pouvait se prémunir de ce risque par des travaux de faible ampleur et, le cas échéant, provisoires dans l'attente de la résolution du litige d'ordre privé qui l'oppose à la société Flova pour l'accès au toit-terrasse existant. Eu égard à ces circonstances, c'est sans commettre d'erreur de droit que le tribunal a jugé que le maire pouvait délivrer le permis de construire sans l'assortir de prescriptions particulières tenant à la réalisation de travaux de sécurisation de la propriété de MmeA....

8. En dernier lieu, après avoir relevé que le local artisanal existant était dépourvu d'intérêt architectural, sans dénaturer les pièces du dossier ainsi qu'il a été dit au point 6, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la circonstance que la société Flova aurait dissimulé la réalité de la situation dégradée de ce local et ignoré ses obligations d'entretien était sans influence sur la légalité du permis de construire contesté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris et de la société Flova, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros qui sera versée à la ville de Paris et la somme de 1 500 euros qui sera versée à la société Flova, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : Mme A...versera la somme de 1 500 euros à la ville de Paris et la somme de 1 500 euros à la société Flova au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à la ville de Paris et à la société Flova.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410694
Date de la décision : 15/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2019, n° 410694
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:410694.20190215
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