Vu la procédure suivante :
Le préfet du Cher a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion du centre d'accueil pour demandeurs d'asile de Vierzon, au besoin avec le concours de la force publique, de Mme A...B....
Par une ordonnance n° 1603172 du 18 octobre 2016, le juge des référés a rejeté cette demande.
Par un pourvoi, enregistré 19 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à la demande d'expulsion de Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme B...;
1. Considérant, d'une part, que selon l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile " accueillent les demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre Etat européen. Cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou à la date du transfert effectif vers un autre Etat, si sa demande relève de la compétence de cet Etat. (...) / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un lieu d'hébergement mentionné au même article L. 744-3 à titre exceptionnel et temporaire. / Lorsque, après une décision de rejet définitive, le délai de maintien dans un lieu d'hébergement mentionné audit article L. 744-3 prend fin, l'autorité administrative compétente peut, après mise en demeure restée infructueuse, demander en justice qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer ce lieu. / Le quatrième alinéa du présent article est applicable aux personnes qui ont un comportement violent ou commettent des manquements graves au règlement du lieu d'hébergement. / La demande est portée devant le président du tribunal administratif, qui statue sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et dont l'ordonnance est immédiatement exécutoire " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, saisi par le préfet d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'expulsion d'un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile d'un demandeur d'asile dont la demande a été définitivement rejetée, le juge des référés du tribunal administratif y fait droit dès lors que la demande d'expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d'urgence et d'utilité ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que MmeB..., de nationalité congolaise, a formé une demande d'asile qui a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 mai 2015 ; que le recours formé contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 11 janvier 2016 ; que le directeur du centre d'accueil pour demandeurs d'asile de Vierzon a demandé à MmeB..., par lettres des 17 mars et 24 juin 2016, de quitter ce lieu d'hébergement ; qu'après avoir mis en demeure l'intéressée de quitter les lieux dans un délai de quinze jours par lettre du 5 juillet 2016, le préfet du Cher a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans d'ordonner son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique ; que, par l'ordonnance attaquée du 18 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande du préfet, en retenant que la condition d'urgence n'était pas remplie dans les circonstances de l'espèce ;
5. Considérant que, pour juger que la mesure sollicitée par le préfet ne présentait pas, en l'espèce, un caractère d'urgence, le juge des référés s'est fondé sur les circonstances que Mme B...souffre d'une affection tuberculeuse, qu'elle devait subir une intervention chirurgicale le 20 octobre 2016 et qu'elle est mère d'un très jeune enfant, né le 4 mai 2015 ; qu'après avoir relevé que l'intéressée ne disposait d'aucune autre solution d'hébergement effective, il a jugé que, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à la situation de vulnérabilité de l'intéressée et de son enfant à l'approche de l'hiver et en dépit du nombre de demandes d'hébergement de demandeurs d'asile insatisfaites dans le département, la mesure d'expulsion sollicitée par le préfet du Cher ne présentait pas, à la date à laquelle il s'est prononcé et en raison des circonstances exceptionnelles qu'il a relevées, un caractère d'urgence ; qu'en statuant ainsi, le juge des référés s'est livré, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation ;
6. Considérant que si le ministre soutient, en outre, que le juge des référés aurait commis une erreur de droit en énonçant que l'application des dispositions de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ne serait pas exclue s'agissant de la procédure d'expulsion organisée par l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que ce moyen est dirigé contre un motif qui présente un caractère surabondant ; que ce moyen doit, dès lors, être écarté comme inopérant ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme de 3 000 euros à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de MmeB..., sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.