Vu la procédure suivante :
La société Lagardère SCA a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001. Par un jugement n° 0508668 du 8 juillet 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 10VE03084 du 6 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Lagardère SCA contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier 2013, 24 avril 2013, 30 mai 2013 et 12 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lagardère SCA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 6 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Versailles ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel qu'elle avait présenté devant la cour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Lagardère SCA.
1. Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe à la valeur ajoutée applicable à cette opération " ; qu'en vertu de l'article 212 de l'annexe II à ce code, alors en vigueur : " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. / Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l'article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre : / a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations. (...) / 2. Par dérogation aux dispositions du 1, il est fait abstraction, pour le calcul du pourcentage de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent : / a) Aux cessions des biens d'investissements corporels ou incorporels ; b) Au produit des opérations immobilières et financières exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et présentant un caractère accessoire par rapport à l'activité principale de l'entreprise, à la condition que ce produit représente au total 5 % au plus du montant du chiffre d'affaires total, toutes taxes comprises, du redevable. " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lagardère SCA, société holding tête de groupe, fournit des services à ses filiales sous la forme de concession de marque, en contrepartie desquels elle perçoit des redevances entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en tant que redevable partiel de cette imposition, elle a acquitté des factures relatives à des missions de conseil, confiées à des banques et à des cabinets d'avocats, dans le cadre d'opérations de fusions et d'acquisitions réalisées par le groupe ; qu'à l'issue de ces opérations, la société Lagardère SCA a refacturé sans marge ces frais à ses filiales Hachette SA, Grolier Interactive Europe et Europe 1 Communication ; qu'elle a inclus les recettes résultant de ces refacturations dans le chiffre d'affaires des opérations taxables figurant au numérateur et au dénominateur de son prorata de déduction ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la prise en compte de ces sommes refacturées dans le calcul de ce prorata ;
3. Considérant que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée soit reconnu à l'assujetti ainsi que pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que toutefois le ministre ne conteste ni que les services de conseil facturés à la société Lagardère SCA et la refacturation de ces services à ses filiales entraient dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et devaient être soumis à cette taxe, ni que ces opérations ouvraient droit à déduction ; qu'au cours de la période en litige, les dispositions précitées de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts prévoyaient la prise en compte, au numérateur du prorata de déduction, de l'intégralité du chiffre d'affaires correspondant à des opérations ouvrant droit à déduction et, au dénominateur, de l'intégralité du chiffre d'affaires correspondant à des opérations entrant dans le champ d'application de la taxe, majoré des subventions reçues, à la seule exception, dans l'un et l'autre cas, des recettes provenant des cessions des biens d'investissements corporels ou incorporels et des opérations immobilières et financières exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et présentant un caractère accessoire par rapport à l'activité principale de l'entreprise ; que ces dispositions, pas plus que celles des articles 17 et 19 de la directive du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires dont elles assuraient la transposition, ne prévoyaient d'exclure du calcul du prorata de déduction le chiffre d'affaires se rapportant à des opérations de refacturation soumises à la taxe ; qu'en jugeant que le chiffre d'affaires résultant de la refacturation des frais de conseil ne pouvait pas être pris en compte dans le calcul du prorata de déduction de la société Lagardère SCA, au motif qu'il ne provenait pas d'opérations réalisées par le redevable partiel lui-même dans le cadre de son exploitation propre, la cour administrative d'appel de Versailles a retenu un critère non prévu par les dispositions applicables et a ainsi commis une erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Lagardère SCA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à la société Lagardère SCA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 6 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'État versera à la société Lagardère SCA une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Lagardère SCA et au ministre des finances et des comptes publics.