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24/04/2012 | FRANCE | N°343081

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 24 avril 2012, 343081


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 12 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant au... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°09PA04281 du 24 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant d'une part, à l'annulation du jugement n° 0605142/ 6-1 du 5 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 mars 2006 reje

tant sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, d'autre part, à ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 12 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant au... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°09PA04281 du 24 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant d'une part, à l'annulation du jugement n° 0605142/ 6-1 du 5 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 mars 2006 rejetant sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, d'autre part, à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B...,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de MmeB... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., de nationalité marocaine, est entrée en France en 1999 pour y suivre des études et a bénéficié depuis lors de titres de séjour temporaires ; qu'elle s'est vue délivrer, le 18 novembre 2004, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " après avoir contracté un pacte civil de solidarité le 29 juin de la même année avec un ressortissant français qu'elle a épousé le 20 novembre 2004 ; qu'après avoir rompu la vie commune à la suite de violences qui lui ont été infligées par son époux dont elle a divorcé le 3 mars 2009, elle a demandé le 3 novembre 2005 le renouvellement de ce titre ; que le préfet de police a opposé un refus à cette demande, assorti d'une obligation de quitter le territoire national, aux motifs que l'intéressée ne pouvait justifier d'une communauté de vie avec son époux à l'appui de cette première demande en qualité de conjoint de ressortissant français et qu'elle n'était pas démunie d'attaches familiales au Maroc ; que par un jugement du 5 juin 2009, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation de cette décision ; que Mme B...se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 juin 2010 qui a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement ;

Considérant qu' en vertu de l'article L 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à l'étranger marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ; qu'en application du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code, lorsque la communauté de vie a été interrompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre ; qu'il résulte de l'article L 313-11-7° du même code que ce titre est également délivré à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ;

Considérant que pour rejeter la requête de MmeB..., la cour a jugé sans commettre d'erreur de droit qu'il résultait du texte même de l'article L. 313-11- 4° et du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code que ces dispositions ne sauraient s'appliquer qu'en cas de renouvellement d'une carte délivrée en qualité de conjoint d'un ressortissant français et que l'intéressée, qui n'avait jamais disposé d'un tel titre, ne pouvait s'en prévaloir ; que la cour a ensuite déduit de la durée et des conditions du séjour en France de Mme B...et de la circonstance qu'elle n'est pas démunie d'attaches familiales au Maroc, que l'intéressée n'était pas fondée à soutenir qu'un titre de séjour devait lui être délivré à raison de sa vie privée et familiale en France; que toutefois, eu égard, d'une part, aux conditions du séjour en France de Mme B...et, d'autre part, aux circonstances particulières résultant des violences qu'elle a subies du fait de son conjoint, qui ont motivé la rupture de la vie commune, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce en procédant à une telle appréciation; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, eu égard d'une part, aux conditions de son séjour en France en qualité d'étudiante, à compter de 1999, puis de salariée, à compter de 2002, et des liens personnels et familiaux qu'elle a développés, notamment en partageant une vie commune avec un ressortissant français avec lequel, en 2004, elle a conclu un pacte civil de solidarité avant de l'épouser, et, d'autre part, des circonstances particulières résultant des violences qu'elle a subies du fait de son conjoint et qui ont motivé la rupture de la vie commune, Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 5 juin 2009 et de la décision du 13 mars 2006 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B...dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à verser à Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 24 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 5 juin 2009 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La décision du 13 mars 2006 du préfet de police est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B...et au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 343081
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2012, n° 343081
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:343081.20120424
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