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14/11/2011 | FRANCE | N°341325

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 14 novembre 2011, 341325


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet et 8 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX01727 du 4 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement n° 0700570 du 18 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. A...B...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 282,38 e

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet et 8 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX01727 du 4 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement n° 0700570 du 18 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. A...B...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 282,38 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du refus de l'Etat de procéder au versement de cotisations patronales d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire au titre de l'exercice de son mandat sanitaire pour la période allant du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989 et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 14 800 euros en réparation de son préjudice ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de M. B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 ;

Vu le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Masse-Dessen,Thouvenin, avocat de M. B...,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Masse-Dessen,Thouvenin, avocat de M. B...;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...B..., vétérinaire, a accompli des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux en vertu d'un mandat sanitaire dont il a été investi en application de l'article L. 215-8 du code rural, devenu depuis l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989 ; qu'il a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 20 282,38 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé le défaut de versement par l'Etat des cotisations dues par l'employeur au régime général d'assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire auxquels il devait être affilié en raison de cette activité ; que, par un jugement du 18 juin 2009, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande au motif que le préjudice invoqué n'était ni réel, ni certain ; que, saisie d'un appel de M.B..., la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 4 mai 2010, condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 14 800 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus de l'Etat de procéder au versement des cotisations dues par l'employeur au régime général de sécurité sociale ; que le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet des Pyrénées-Atlantiques avait opposé devant le tribunal administratif de Pau l'exception tirée de ce que la créance dont se prévalait M. B...était prescrite au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, dès lors qu'elle censurait le motif sur lequel s'était fondé le tribunal administratif pour rejeter la demande, se trouvait saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'exception ainsi soulevée ; qu'en ne répondant pas à cette exception, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est fondé à demander l'annulation de cet arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard aux conditions dans lesquelles M. B...a exercé son mandat sanitaire et au lien de subordination existant à l'égard du service vétérinaire départemental chargé d'organiser la prophylaxie qui faisait appel à ses services, il devait être regardé comme ayant la qualité d'agent public non titulaire de l'Etat ; qu'il relevait, dès lors, du régime général de la sécurité sociale, en application des dispositions de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat en vertu de la loi du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés ; que l'Etat avait l'obligation, dès la date de sa prise de fonction, d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) en application, des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale, issues de l'article 1er du décret du 29 décembre 1945, et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraites complémentaires des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondantes ; qu'il est constant que l'Etat n'a jamais fait procéder à cette immatriculation ni versé les cotisations correspondantes durant toute la période d'activité de M. B...; que ce dernier est, dès lors, fondé à soutenir qu'en ne déclarant pas son activité du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989 auprès des organismes de retraite, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ;

Considérant qu'il incombait à l'Etat, en sa qualité d'employeur, d'entreprendre les démarches nécessaires à l'affiliation de ses agents au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire des agents non titulaires ; que, dès lors, M.B..., qui n'a pu par ailleurs, malgré la durée de la période en cause, avoir connaissance de l'absence de paiement par l'Etat des cotisations qu'il devait, compte tenu des conditions de versement des rémunérations auxquelles il avait droit, n'a pas contribué au préjudice qu'il invoque en n'ayant pas accompli de démarche en vue de son affiliation ; que, par suite, l'Etat doit être déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables qui résultent du défaut d'affiliation et de paiement des cotisations patronales ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, une créance telle que celle dont se prévaut M. B...ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues mais à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite ; qu'il est constant que M. B...n'avait pas encore cessé son activité à la date à laquelle il a demandé une indemnité ; qu'ainsi, aucune prescription n'a pu courir à son encontre ;

Sur le préjudice subi par M. B...:

Considérant que M. B...demande une indemnité correspondant au montant des cotisations dues par l'Etat, son employeur, pendant la période allant du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989, qu'il aura à effectuer à titre de régularisation, afin de percevoir une pension de retraite complète ; qu'il résulte de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale qu'il est tenu compte, pour l'ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse, de toutes les cotisations d'assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à l'entrée en jouissance de la pension, quelle que soit la date de leur versement, que le versement des cotisations afférentes à une période d'activité de plus de trois ans doit porter sur l'intégralité de la période d'activité pendant laquelle les cotisations dues n'ont pas été versées et que l'assuré est admis à procéder lui-même au versement des cotisations patronales et salariales qui auraient dû être versées par l'employeur ; qu'il résulte de l'instruction que le silence gardé par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la demande datée du 30 octobre 2006 dont il a été saisi par M. B...en ce qui concerne le versement des cotisations de retraite dues par l'employeur au titre de l'exercice de son mandat sanitaire, a fait naître une décision de refus ; que ce refus implique que M.B... procède lui-même au versement de ces cotisations, comme l'y habilitent les dispositions précitées, afin d'obtenir ses droits à la retraite ; que si le versement des cotisations n'a pas encore été effectué, le préjudice subi par M. B...présente néanmoins un caractère certain, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Pau ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des calculs établis à la demande de M. B...par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), auxquels l'administration n'oppose aucun élément de nature à les infirmer, que M. B...aura à verser, à titre de régularisation, des cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse d'un montant de 14 800 euros, auprès de la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse territorialement compétente ; qu'en revanche, M. B...ne produit aucun élément permettant d'évaluer le montant des cotisations patronales et salariales de retraite complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation et ne peut, dès lors, prétendre à aucune indemnité de ce chef ; qu'enfin, si le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE fait valoir que M. B...a inclus les rémunérations versées par l'Etat dans l'assiette des revenus qu'il a déclarés au régime de retraite des professions libérales et a ainsi acquis des droits à pension au titre de ces rémunérations, cette circonstance, au demeurant non établie, est sans influence sur le montant du préjudice dont l'intéressé réclame l'indemnisation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 14 800 euros en réparation du préjudice qu'il a subi ; qu'il est également fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...de la somme de 4 500 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 mai 2010 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B...la somme de 14 800 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus de versement des cotisations d'assurance-vieillesse dues par lui au régime général de sécurité sociale des travailleurs salariés pour l'exercice d'un mandat sanitaire du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 18 juin 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PÊCHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341325
Date de la décision : 14/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - RÉGIME DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968 - POINT DE DÉPART DU DÉLAI - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT QUI N'A PAS DÉCLARÉ L'ACTIVITÉ D'UN AGENT AUPRÈS DES ORGANISMES DE RETRAITE - ANNÉE AU COURS DE LAQUELLE L'INTÉRESSÉ CESSE SON ACTIVITÉ ET FAIT VALOIR SES DROITS À LA RETRAITE.

18-04-02-04 La responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à l'égard d'un agent public non titulaire, dès lors que l'Etat n'a pas satisfait à son obligation, dès la date de la prise de fonction de l'agent, d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et de verser les cotisations correspondantes. La créance dont se prévaut l'agent ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues mais à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITÉ - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT QUI N'A PAS DÉCLARÉ L'ACTIVITÉ D'UN AGENT AUPRÈS DES ORGANISMES DE RETRAITE - POINT DE DÉPART DE LA PRESCRIPTION QUADRIENNALE - ANNÉE AU COURS DE LAQUELLE L'INTÉRESSÉ CESSE SON ACTIVITÉ ET FAIT VALOIR SES DROITS À LA RETRAITE.

36-13-03 La responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à l'égard d'un agent public non titulaire, dès lors que l'Etat n'a pas satisfait à son obligation, dès la date de la prise de fonction de l'agent, d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et de verser les cotisations correspondantes. La créance dont se prévaut l'agent ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues mais à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - ÉVALUATION DU PRÉJUDICE - PRÉJUDICE MATÉRIEL - PERTE DE REVENUS - PRÉJUDICE MATÉRIEL SUBI PAR DES AGENTS PUBLICS - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT QUI N'A PAS DÉCLARÉ L'ACTIVITÉ D'UN AGENT AUPRÈS DES ORGANISMES DE RETRAITE - POINT DE DÉPART DE LA PRESCRIPTION QUADRIENNALE - ANNÉE AU COURS DE LAQUELLE L'INTÉRESSÉ CESSE SON ACTIVITÉ ET FAIT VALOIR SES DROITS À LA RETRAITE.

60-04-03-02-01-03 La responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à l'égard d'un agent public non titulaire, dès lors que l'Etat n'a pas satisfait à son obligation, dès la date de la prise de fonction de l'agent, d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et de verser les cotisations correspondantes. La créance dont se prévaut l'agent ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues mais à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 2011, n° 341325
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:341325.20111114
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