Vu, enregistré le 30 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Paris rejetant son recours dirigé contre le jugement du 20 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. Lucio A a été assujetti au titre des années 1991 et 1992 ;
2°) statuant au fond, de remettre à la charge de M. Lucio A les impositions en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil et notamment sa modification par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a déduit de ses revenus imposables au titre de chacune des années 1991 et 1992 une somme de 18 000 F, représentant la pension versée à sa compagne, avec laquelle il vivait en union libre, pour l'entretien de leur fils mineur, qu'ils avaient tous deux reconnu ; que l'administration, contestant ces déductions a établi des suppléments d'impôt sur le revenu, dont le tribunal administratif de Paris a déchargé M. A, sur le fondement de l'interprétation de la loi fiscale donnée par une réponse ministérielle ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 30 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement ;
Considérant que, comme l'a jugé la cour, et comme l'admet d'ailleurs M. A, les dispositions de l'article 156 du code général des impôts applicables aux années d'imposition litigieuses, faisaient obstacle à la déduction d'une pension versée pour l'entretien d'un enfant qui vivait sous le toit du contribuable et dont il avait la garde conjointement avec l'autre parent ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Lorsqu'un redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'aux termes de la réponse ministérielle à la question de M. , député, publiée le 19 mars 1977 (Journal Officiel AN, p. 1132, n° 33935) : Les contribuables qui vivent en union libre sont considérés, sur le plan fiscal, comme des célibataires ayant à leur charge les enfants qu'ils ont reconnus. Lorsqu'un enfant a été reconnu par son père et sa mère, il ne peut cependant être compté qu'à la charge d'un seul des parents en vertu du principe selon lequel un enfant ne peut jamais être pris en compte simultanément par plusieurs contribuables. L'autre parent est donc imposable comme célibataire sans charge de famille mais il peut déduire de ses revenus la pension alimentaire qu'il verse pour l'entretien de son enfant. Cette pension doit être incluse dans les revenus du parent qui compte l'enfant à charge pour la détermination du quotient familial. Les autres versements qui seraient intervenus entre les deux parents ne peuvent en aucun cas être pris en considération pour l'établissement de l'impôt, dès lors qu'il n'existe aucune obligation alimentaire entre concubins ;
Considérant que, pour l'application du texte fiscal selon l'interprétation résultant de cette réponse ministérielle, la cour administrative d'appel a relevé que celle-ci concernait la pension versée par un contribuable en exécution de l'obligation d'entretien de ses enfants qui incombait à chacun des parents, selon les articles 203 et 334 du code civil ; que, dès lors que n'étaient pas encore applicables les dispositions de l'article 371-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que cette obligation n'était pas subordonnée à la démonstration d'un état de besoin de l'enfant, eu égard à l'insuffisance des ressources de son autre parent ;
Considérant en outre que, contrairement à ce que soutient le ministre, la cour n'a nullement jugé que la pension pouvait être affectée à d'autres emplois que ceux qu'exige l'entretien de l'enfant mais a au contraire relevé que, conformément aux prévisions de l'article 208 du code civil, elle ne devait pas être d'un montant excessif, notamment au regard des ressources respectives des deux parents ;
Considérant qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel, qui a porté une appréciation souveraine sur le caractère raisonnable et proportionné du montant de la pension au regard de l'obligation d'entretien de l'enfant incombant au contribuable et sur son affectation exclusive, compte tenu des ressources de chacun des parents, à l'entretien de l'enfant, a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. A de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à M. Lucio A.