Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 28 avril 1986, l'ordonnance du 22 avril 1986 par laquelle le président du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a transmis le dossier de la requête enregistrée au greffe central dudit tribunal le 15 juin 1984 présentée par le président du conseil général du DEPARTEMENT DES ARDENNES ; le président du conseil général du DEPARTEMENT DES ARDENNES demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 25 novembre 1983 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale des Ardennes en date du 28 juin 1983 suivant laquelle Mme Y..., qui aurait perçu à tort la majoration spéciale d'aide sociale aux grands infirmes depuis 1977, devait rembourser les sommes perçues à ce titre depuis 1979, soit 82 540 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l' aide sociale ;
Vu le décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 et notamment son article 9 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gosselin, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier soumis à la commission centrale d'aide sociale que la direction des affaires sanitaires et sociales du DEPARTEMENT DES ARDENNES a, par lettre du 17 janvier 1983, informé X... Richard-Franke que, depuis 1977, son allocation compensatrice lui était versée deux fois et que, à compter du mois de janvier 1983, il serait procédé à la récupération des sommes indûment versées depuis 1979 pour un montant de 82 540 F, par une réduction de moitié de son allocation ;
Considérant que le DEPARTEMENT DES ARDENNES a, le 13 avril 1983, saisi la commission cantonale d'admission à l'aide sociale de Sedan qui a décidé que Mme Y... devrait rembourser les sommes perçues à tort depuis 1979 ; que le 28 juin 1983, sur appel de Mme Y..., la commission départementale d'aide sociale a confirmé la décision de la commission cantonale ; que le 25 novembre 1983, la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale au motif que les commissions d'aide sociale ne pouvaient décider de récupérations qu'en vertu de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale ou de l'article I alinéa II du décret du 15 mai 1969, textes qui n'étaient pas applicables en l'espèce ;
Considérant que l'ensemble des contestations relatives au recouvrement des sommes demandées à des particuliers, bénéficiaires de l'aide sociale, en raison des dépenses exposées par une collectivité publique ressortissent à la compétence des juridictions d'aide sociale instituées par les articles 128 et 129 du code de a famille et de l'aide sociale, sous réserve, le cas échéant, des questions préjudicielles à l'autorité judiciaire pouvant tenir, notamment, à l'obligation alimentaire ; que, par suite, la commission départementale avait compétence pour statuer sur la contestation relative au recouvrement de la somme demandée à Mme Y... et sur la décision prise à cet égard par la commission cantonale ; que, dès lors, le DEPARTEMENT DES ARDENNES est fondé à demander l'annulation de la décision du 25 novembre 1983 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale des Ardennes en date du 28 juin 1983 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que la somme de 82 540 F a été indûment versée à Mme Y... à la suite d'une erreur exclusivement imputable à l'administration ; que, dans une telle hypothèse, l'administration devait procéder à la répétition de l'indû en usant des voies de droit dont elle dispose en vertu des règles de droit commun régissant le recouvrement des créances publiques qui ne sont pas assises et liquidées par les services fiscaux, et non pas en exerçant un recours devant la commission cantonale, un tel recours n'étant exigé que dans des hypothèses toutes différentes, limitativement énumérées par l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale et par l'article 9 du décret du 2 septembre 1954 ;
Considérant, dans ces conditions, que la commission cantonale de Sedan était incompétente pour statuer sur le recours en récupération dont l'a saisi le DEPARTEMENT DES ARDENNES ; qu'en revanche, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, si la commission départementale était compétente pour connaître de la demande présentée par Mme Y... contre la décision de la commission cantonale, elle a commis une erreur de droit en confirmant, par sa décision du 28 juin 1983, la décision entachée d'incompétence de la commission précitée ; qu'il y a donc lieu d'annuler la décision du 28 juin 1983 de la commission départementale ;
Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 25 novembre 1983 et celle de la commission départementale d'aide sociale des Ardennes en date du 28 juin 1983 sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au président du conseil général du DEPARTEMENT DES ARDENNES, à Mme Y... et au ministre des affaires sociales et de l'intégration.