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15/05/2014 | FRANCE | N°12NC01731

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 12NC01731


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Rudloff, avocat ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100050 du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une carte de résident ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 novembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

-...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Rudloff, avocat ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100050 du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une carte de résident ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 novembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation relative à son intégration républicaine ainsi qu'à ses ressources ;

- la décision est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant à tort cru en situation de compétence liée ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est constitutive d'une discrimination en raison de son handicap et de son état de santé ;

- l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour effet indirect d'interdire l'obtention de la carte de résident par tout étranger dont l'état de santé l'empêche de percevoir des ressources égales au salaire minimum de croissance, ce qui est contraire au principe constitutionnel et législatif d'égalité de traitement et méconnait l'interdiction des discriminations indirectes énoncée par le droit de l'Union européenne, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ;

Vu la décision et le jugement attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2013, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- la décision n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision n'est constitutive d'aucune discrimination ;

Vu la lettre du 13 mars 2014 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 17 avril 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 27 mars 2014 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 1er avril 2014 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées adoptée le 13 décembre 2006 ;

Vu la directive 2000-78-CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Vu la directive 2000-43-CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;

Vu la loi n° 90-602 loi du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2011 relative à la lutte contre les discriminations ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles (...) L. 313-11, (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. /Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. / Le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement fait l'objet d'un avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale : " les prestations familiales comprennent (...) 4° l'allocation de logement " ;

3. Considérant que si M. A...a fait l'objet d'une condamnation pénale à une peine de réclusion criminelle en 1986 pour des faits commis en 1984, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est arrivé à l'âge de trois ans en France, où demeure la plupart des membres de sa famille, dans le cadre du regroupement familial ; que M. A...qui n'a pas été à nouveau condamné, parle français et suit un traitement psychiatrique depuis 1994 est, dans ces conditions, fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne remplissait pas la condition d'intégration républicaine pour lui refuser une carte de résident ;

4. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., bénéficiaire de l'allocation adulte handicapée et de la majoration pour la vie autonome, perçoit un revenu mensuel de 816,72 euros inférieur au salaire minimum de croissance ; que contrairement à ce que soutient l'intéressé, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'allocation de logement ne doit pas être prise en compte pour déterminer le montant des ressources propres dont doit disposer un ressortissant étranger pour obtenir une carte de résident ; qu'ainsi le préfet, qui aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tenant à l'insuffisance des ressources de M.A..., n'a commis ni une erreur manifeste d'appréciation, ni une erreur de droit en estimant que le montant des ressources propres de l'intéressé ne lui permettait pas d'obtenir une carte de résident en application de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que M. A... fait valoir qu'il réside régulièrement en France depuis l'âge de trois ans, où demeurent... ; qu'il est toutefois constant que le préfet du Bas-Rhin a, par décision du 9 novembre 2010, renouvelé le titre de séjour temporaire dont le requérant était titulaire ; qu'ainsi M. A... n'étant pas privé du droit de résider en France, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en refusant de lui délivrer une carte de résident, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. " ;

8. Considérant que si M. A...fait valoir que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonnant à une condition de ressources le bénéfice d'une carte de résident ont pour effet d'instaurer une discrimination contraire aux stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'égard des personnes handicapées, dès lors que le montant de l'allocation adulte handicapé, même cumulé avec la majoration pour la vie autonome, est inférieur au salaire minimum de croissance, il résulte cependant des articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale que cette allocation se cumule avec les revenus d'une activité professionnelle en milieu ordinaire ou en milieu protégé de travail dans la limite d'un plafond qui est supérieur au salaire minimum de croissance ; que, dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder le bénéfice d'une carte de résident a été prise en application de dispositions instaurant une discrimination à raison du handicap, en méconnaissance des stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que ainsi qu'il a été dit au point 8, les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant ni pour objet, ni pour effet d'instaurer une discrimination à raison du handicap des ressortissants étrangers bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé, le moyen tiré de ce que la décision refusant le bénéfice d'une carte de résident à M. A...est fondée sur des dispositions contraires aux directives 2000-78-CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail et 2000-43-CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

10. Considérant, en sixième lieu, que pour les mêmes motifs que ce qui est dit au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées, aux termes duquel : " On entend par discrimination fondée sur le handicap toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'Homme, de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politiques, économiques, social, culturel civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d'aménagement raisonnable ", ne peut, en tout état de cause, qu'être ecarté ;

11. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit que : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office (...). " ;

12. Considérant que si M. A...soutient que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ce moyen n'a pas été présenté dans un écrit distinct et motivé ; que par suite, un tel moyen doit être écarté comme irrecevable ;

13. Considérant, enfin, que M. A...ne saurait utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux dispositions de la loi du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap, ni aux dispositions de la loi du 16 novembre 2011 relative à la lutte contre les discriminations ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

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N°1201731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01731
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-05-15;12nc01731 ?
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