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15/10/2009 | FRANCE | N°08NC01388

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2009, 08NC01388


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2008, et la pièce complémentaire, enregistrée le 15 septembre 2008, présentée pour M. Sylvain A, demeurant ..., par Me Tadic ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600608 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à annuler la délibération en date du 30 juin 2000 par laquelle le jury de l'Ecole supérieure d'informatique et applications de Lorraine (ESIAL) l'a ajourné à la session de la deuxième année du cursus conduisant au diplôme d

'ingénieur en informatique, d'autre part, à condamner l'Université Henri Poinca...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2008, et la pièce complémentaire, enregistrée le 15 septembre 2008, présentée pour M. Sylvain A, demeurant ..., par Me Tadic ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600608 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à annuler la délibération en date du 30 juin 2000 par laquelle le jury de l'Ecole supérieure d'informatique et applications de Lorraine (ESIAL) l'a ajourné à la session de la deuxième année du cursus conduisant au diplôme d'ingénieur en informatique, d'autre part, à condamner l'Université Henri Poincaré Nancy I à lui verser une somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2003 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi ;

2°) de condamner l'Université Henri Poincaré Nancy I à lui verser une somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2003 et de la capitalisation des intérêts en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Université Henri Poincaré Nancy I une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier : l'Université n'avait pas d'avocat en première instance ; le tribunal a statué sur un moyen qui n'était pas soulevé, en indiquant qu'il n'exerçait aucun contrôle sur l'appréciation faite par le jury des mérites du candidat ; le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'un enseignement prévu au programme de deuxième année n'a pas été dispensé ;

- la composition du jury était irrégulière ; l'Université n'a jamais produit la délibération du jury ; il incombait au tribunal de demander à l'Université de produire la délibération ou tout document lui permettant de vérifier que le jury était convoqué conformément à la décision du président de l'Université du 5 octobre 1999 ; il y a lieu, pour la Cour, d'inviter l'Université à produire tout document établissant la composition effective du jury et de tirer les conséquences de l'absence éventuelle d'un membre du jury, toute absence de l'un d'entre eux entachant la délibération d'illégalité ;

- le jury a délibéré dans des conditions irrégulières : en application du règlement de scolarité et du livret de l'élève, le jury d'examen a prononcé son ajournement sans attendre la note chiffrée du stage professionnel ; le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la note finale individuelle à l'issue des épreuves de consolidation était éliminatoire , ce qui suppose que le jury est en situation de compétence liée, alors qu'il a un pouvoir d'appréciation souveraine ;

- les fautes commises par l'administration l'ont privé d'une chance sérieuse d'être admis en 3ème année dès septembre 2000 et d'obtenir son diplôme dès juin 2001 ;

Vu le jugement et la délibération attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 février 2009, présenté pour l'Université Henri Poincaré Nancy I, représenté par son président, par Me Vivier ;

L'Université Henri Poincaré Nancy I demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de M. A ;

2°) de mettre à la charge de M. A une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la composition du jury était irrégulière ;

- le jury a délibéré dans des conditions régulières ;

- l'administration n'a pas privé l'intéressé d'une chance sérieuse d'être admis en 3ème année dès septembre 2000 et d'obtenir son diplôme dès juin 2001 ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 février et 23 juillet 2009, présentés pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- à la date de l'arrêté du président de l'université fixant la composition du jury, ce n'est

pas l'article L. 613-1 du code de l'éducation qui s'appliquait, mais l'article 17 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984, qui prévoit que chaque établissement doit établir un règlement de scolarité, rendu en l'espère opposable aux étudiants sous la forme d'un livret de l'élève ESIAL 1999-2000 ; pour les étudiants inscrits dans le cycle d'études conduisant au diplôme d'ingénieur, la loi ne donne pas au président de l'Université compétente pour désigner les membres du jury ; l'arrêté du président de l'Université portant désignation des membres du jury n'a pas été rendu opposable aux étudiants et son contenu n'est pas conforme au règlement de scolarité ; le jury final du 5 juin 2000 n'a pas délibéré dans la composition fixée par l'arrêté du président de l'Université du 5 octobre 1999 ;

- la réalité même d'une délibération du jury le 30 juin 2000 n'est pas établie, de sorte que son ajournement est illégal ;

- si le livret de l'élève n'est, comme le prétend l'Université, qu'une compilation

anonyme , celle-ci a alors commis deux fautes à l'origine d'une perte de chance : elle a diffusé un livret qui n'est qu'une compilation anonyme ; elle n'a pas diffusé son document format 21 x 29,7 , en tant que comportant les modalités de contrôle opposables, à l'exclusion de toutes les autres informations figurant dans le livret de l'élève ;

- le jury n'est pas tenu d'ajourner un élève dont la note finale individuelle est inférieure à 10/20 ;

- son redoublement est affiché dans son C.V. et cela ne facilite pas son embauche ; il a également subi un préjudice moral et un préjudice d'image ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2009 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Tadic, avocat de M. A, et de Me Vivier, avocat de l'Université Henri Poincaré Nancy I ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 septembre 2009, présentée pour

M. A ;

Considérant que M. A préparait le diplôme d'ingénieur informatique de l'Ecole supérieur d'informatique et applications de Lorraine (ESIAL), rattachée à l'Université Henri Poincaré Nancy I, quand il a été ajourné de la session de la deuxième année du cursus conduisant audit diplôme, par délibération du jury de l'Ecole en date du 30 juin 2000, au motif qu'il avait une note finale individuelle de 9,85 / 20, inférieure à la note requise de 10/20 ;

Sur la légalité de la délibération en date du 30 juin 2000 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens dirigés contre la délibération du 30 juin 2000 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'éducation, applicable à la date de la délibération attaquée : Seuls peuvent participer aux jurys et être présents aux délibérations des enseignants-chercheurs, des enseignants, des chercheurs ou, dans des conditions et selon des modalités prévues par voie réglementaire, des personnalités qualifiées ayant contribué aux enseignements, ou choisies, en raison de leurs compétences, sur proposition des personnels chargés de l'enseignement ; qu'aux termes de l'article 2-1 du règlement scolarité applicable en l'espèce : chaque jury est composé de membres de droit qui sont les enseignants présents de ce jury et les responsables de modules de l'année concernée ainsi que du directeur des études et du directeur de l'école ;

Considérant qu'en s'abstenant, malgré la demande réitérée qui lui en a été faite par le requérant, puis le 4 août 2009 par le greffe de la Cour, de produire à l'instance tout document permettant de vérifier la composition nominative du jury lors de la délibération du 30 juin 2000, l'Université Henri Poincaré Nancy I n'a pas mis la Cour en mesure de se prononcer sur le bien-fondé du moyen de M. A tiré de ce que tous les membres du jury n'étaient pas présents et de ce que ce dernier n'aurait pas, lors de ladite délibération, été composé conformément aux prescriptions précitées du règlement de scolarité ; que la seule production, par l'Université, de l'arrêté de son président en date du 5 octobre 1999 fixant la composition du jury de l'ESIAL, ainsi que des décisions prises par le jury le 30 juin 2000, n'est pas de nature à attester la régularité de la composition du jury lors de la délibération litigieuse ; que les allégations précitées du requérant devant par suite être tenues pour établies, il y a lieu pour la Cour d'accueillir le moyen ainsi soulevé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 30 juin 2000 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, le jugement attaqué doit être annulé ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'en l'absence de lien direct de causalité entre la faute que constitue l'irrégularité de la composition du jury lors de la délibération en date du 30 juin 2000 et les préjudices allégués, les conclusions indemnitaires de M. A doivent être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Université Henri Poincaré Nancy I la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'Université Henri Poincaré Nancy I au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2008 du Tribunal administratif de Strasbourg et la délibération en date du 30 juin 2000 du jury de l'Ecole supérieure d'informatique et applications de Lorraine sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté, ainsi que les conclusions de l'Université Nancy I tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sylvain A et à l'Université Henri Poincaré Nancy I.

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08NC01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01388
Date de la décision : 15/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-10-15;08nc01388 ?
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