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09/09/2021 | FRANCE | N°19NT02783

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 septembre 2021, 19NT02783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701311 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les dégrèvements accordés en cours d'instance (article 1er) et a rejeté le surplus de la demande (article 2).
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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701311 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les dégrèvements accordés en cours d'instance (article 1er) et a rejeté le surplus de la demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 juillet 2019, 14 janvier 2020, 24 août 2020, 2 décembre 2020, 10 février 2021, 11 avril 2021 et 22 avril 2021, M. B..., représenté par Me Fouché, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions demeurant à sa charge ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge résultant du fait que les bénéfices déclarés par la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) à hauteur de 42 896 euros pour 2012 et 11 353 euros pour 2013 ne peuvent être regardés comme des revenus distribués et du fait que la somme de 26 204 euros correspondant à une charge sur exercices antérieurs ne constitue pas un désinvestissement pour cette société ;

Il soutient que :

- la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'est pas prononcée sur la situation de la SELAS B... et Associés ;

- le service a confondu la situation la situation de la société et celle de M. B... ; cela constitue une sanction déguisée ;

- les sommes réclamées sont hors de proportion avec ses facultés contributives, en méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- les sommes de 42 896 euros et 11 353 euros correspondent à des bénéfices déclarés par la société pour 2012 et 2013 ; ces bénéfices, même s'ils ont été déclarés tardivement, ne constituent pas des recettes dissimulées et ne caractérisent donc pas un désinvestissement justifiant qu'il soit fait application du 1° du 1 de l'article

109 du code général des impôts ;

- la somme de 26 204 euros correspondant à des charges sur exercices antérieurs, bien qu'ayant été réintégrée dans les bénéfices sociaux, ne constitue pas, en l'absence de désinvestissement, un revenu distribué au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- en ce qui concerne une imposition fondée sur le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il appartient à l'administration d'établir que les sommes ont été mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts ; la circonstance que le contribuable soit le maître de l'affaire est sans incidence ; la substitution de base légale ne peut être opérée, en raison du fait que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'est pas prononcée sur la situation de la SELAS B... et Associés ;

- les pénalités ne sont pas justifiées ; les sommes réclamées à M. B... représentent 24% des recettes de la société SELAS B... et Associés sur la période 2012-2013 et 135% des bénéfices.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 2 mars 2020, 25 novembre 2020, 28 décembre 2020 et 23 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril 2021 et 22 avril 2021, M. B..., représenté par la Selas B... et associés, demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Par une ordonnance du 4 juin 2021, le président de la 1ère chambre a refusé la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) B... et associés, dont M. B... est le dirigeant et unique associé, ce dernier a fait l'objet d'un contrôle sur pièces. A l'issue de ce contrôle, le service a estimé que M. B... était le maître de l'affaire de la société B... et Associés et en a déduit que les bénéfices reconstitués de la société au titre des exercices clos en 2012 et 2013 étaient présumés constituer des revenus distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Le service a également estimé que le profit constitué par la taxe sur la valeur ajoutée collectée par la société devait également être présumé appréhendé par le maître de l'affaire en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Le service a également considéré que les sommes inscrites au compte courant d'associé de M. B... étaient imposables sur le fondement de ces mêmes dispositions. Le service a également procédé à des rectifications en matière de revenus fonciers. Après mise en recouvrement et rejet partiel de sa réclamation, M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement n° 1701311 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les dégrèvements accordés en cours d'instance (article 1er) et a rejeté le surplus de la demande (article 2). M. B... relève appel de l'article 2 de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, si M. B... fait valoir que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'est pas prononcée sur la situation de la SELAS B... et Associés, une telle circonstance est sans incidence sur les impositions en litige, en raison du principe de l'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre de la société d'une part et de ses dirigeants d'autre part. Au demeurant, les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés de la SELAS B... et associés ayant été effectuées selon la procédure d'imposition d'office, la commission s'est déclarée incompétente pour en connaître. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, M. B..., qui ne conteste pas sa qualité de maître de l'affaire, disposait sans contrôle des fonds sociaux. Il avait ainsi la faculté de prélever à son profit les bénéfices de la société. Par conséquent, le fait, pour le service, d'avoir constaté que les bénéfices reconstitués de la société au titre des exercices clos en 2012 et 2013 étaient présumés constituer des revenus distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ne constitue ni une confusion entre les deux contribuables ni une sanction déguisée.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

5. En premier lieu, pour démontrer que M. B... devait être regardé comme le maître de l'affaire, le service s'est fondé sur le fait qu'il était le gérant statutaire de la SELAS B... et Associés qu'il dirige seul, qu'il détenait la totalité des actions de la SELAS B... et Associés, à savoir 100 % du capital social d'un montant de 37 000 euros et qu'il est l'unique titulaire de la signature bancaire sur les comptes bancaires. M. B... ne conteste d'ailleurs pas sa qualité de maître de l'affaire. Par suite, c'est à bon droit que le service a estimé que les bénéfices reconstitués de la société au titre des exercices clos en 2012 et 2013 étaient présumés constituer des revenus distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

6. En deuxième lieu, M. B... fait valoir que les sommes de 42 896 euros et 11 353 euros correspondent à des bénéfices déclarés par la société pour 2012 et 2013. Il soutient que ces bénéfices, même s'ils ont été déclarés tardivement, ne constituent pas des recettes dissimulées et ne caractérisent donc pas un désinvestissement justifiant qu'il soit fait application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Il ne justifie cependant pas, par cette seule allégation dépourvue de toute justification sur la comptabilisation de ces recettes par la SELAS B... et Associés, de ce que c'est à tort que le service a estimé que ce chef de rectification avait donné lieu à désinvestissement. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, M. B... soutient que la somme de 26 204 euros correspondant à des charges sur exercices antérieurs, bien qu'ayant été réintégrée dans les bénéfices sociaux, ne constitue pas, en l'absence de désinvestissement, un revenu distribué au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Il ne justifie cependant pas, par cette seule allégation dépourvue de toute justification sur la réalité d'un décaissement de ces charges par la SELAS B... et Associés au cours d'un exercice antérieur, de ce que c'est à tort que le service a estimé que ce chef de rectification avait donné lieu à désinvestissement. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En quatrième lieu, s'agissant du profit de taxe sur la valeur ajoutée, M. B... fait valoir qu'il appartient à l'administration d'établir que les sommes ont été mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et que la circonstance que le contribuable soit le maître de l'affaire est sans incidence. En défense, le ministre sollicite une substitution de base légale visant à substituer aux dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts celles du 1° du 1 de ce même article. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi. En l'espèce, si M. B... fait valoir qu'une telle substitution de base légale ne peut être opérée en raison de l'absence d'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, cet argument ne peut qu'être écarté en raison, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, du principe d'indépendance des procédures. Au demeurant, la commission s'est déclarée incompétente, les impositions en matière d'impôt sur les sociétés ayant été établies d'office. Par suite, rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande de substitution sollicitée par le ministre. Dès lors, le moyen invoqué par M. B... doit être écarté.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour établir l'existence d'un manquement délibéré, l'administration fiscale fait valoir qu'en sa qualité d'unique associé et de dirigeant de la société B... et associés, M. B... n'a pas souscrit dans les délais les déclarations de résultats de la société au titre des exercices 2012 et 2013 et que ces déclarations n'ont été déposées qu'après l'intervention de l'administration. L'administration fait également valoir que M. B... exerce des fonctions d'avocat et ne pouvait de bonne foi ignorer l'existence de ces obligations déclaratives. Enfin, l'administration s'appuie sur le fait que M. B... faisait supporter à la société des charges importantes non engagées dans 1'intérêt de l'entreprise mais dans son intérêt personnel. M. B... ne conteste pas ces éléments mais fait valoir que les pénalités sont excessives au regard des bénéfices de la société. Cependant, le fait que le montant de la pénalité soit sans rapport avec les bénéfices est sans incidence sur la caractérisation d'un manquement délibéré. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un manquement délibéré.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT027833


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02783
Date de la décision : 09/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELAS GERARD ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-09;19nt02783 ?
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