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24/02/2021 | FRANCE | N°431711

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 24 février 2021, 431711


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la mise en demeure émise le 16 août 2018 par le payeur départemental du Calvados pour le paiement de la somme de 9 908,38 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er décembre 2014 au 31 mai 2016 et de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1802499 du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 ju

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Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la mise en demeure émise le 16 août 2018 par le payeur départemental du Calvados pour le paiement de la somme de 9 908,38 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er décembre 2014 au 31 mai 2016 et de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1802499 du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 17 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Calvados demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme A... D..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat du département du Calvados et à la SCP Capron, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / (...) Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir. / (...) Après la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet, dans des conditions définies par la convention mentionnée au I de l'article L. 262-25 du présent code, les créances du département au président du conseil départemental. La liste des indus fait apparaître le nom de l'allocataire, l'objet de la prestation, le montant initial de l'indu, le solde restant à recouvrer, ainsi que le motif du caractère indu du paiement. Le président du conseil départemental constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de M. C... B..., la caisse d'allocations familiales du Calvados a décidé de récupérer, le 30 mai 2016, un indu de revenu de solidarité active de 6 528,18 euros pour la période allant du 1er décembre 2014 au 31 mai 2016 et, le 7 décembre 2016, un nouvel indu de revenu de solidarité active de 3 444,05 euros pour la période allant du 1er septembre 2015 au 31 mai 2016. En vue du recouvrement de ces indus, le payeur départemental du Calvados a adressé à M. B..., le 16 août 2018, une mise en demeure valant commandement de payer la somme de 9 908,38 euros. Le département du Calvados se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé cette mise en demeure et déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme réclamée.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant du I de l'article 73 de loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du V du même article 73 de la loi du 28 décembre 2017 : " 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. (...) Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. (...) / 5° Lorsque la mise en demeure de payer n'a pas été suivie de paiement, le comptable public compétent peut, à l'expiration d'un délai de trente jours suivant sa notification, engager des poursuites devant donner lieu à des frais mis à la charge du redevable dans les conditions fixées à l'article 1912 du code général des impôts. / (...) L'envoi de la mise en demeure de payer tient lieu du commandement prescrit par le code des procédures civiles d'exécution préalablement à une saisie-vente. Dans ce cas, la mise en demeure de payer n'est pas soumise aux conditions générales de validité des actes des huissiers de justice (...) ".

5. Les I et V de l'article 73 de la loi du 28 décembre 2017 sont entrés en vigueur, en vertu du XVII du même article, à compter du 1er janvier 2019. Ils étaient immédiatement applicables aux instances en cours à cette date. Par suite, les articles L. 281 du livre des procédures fiscales et L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales étaient applicables dans leur rédaction citée aux points 3. et 4. à la date à laquelle le tribunal a statué sur la demande de M. B..., dirigée contre une mise en demeure de payer tenant lieu du commandement prescrit par le code des procédures civiles d'exécution, qui constitue un acte de poursuite au sens de ces dispositions.

6. La loi du 28 décembre 2017 a modifié l'article L. 281 du livre des procédures fiscales en étendant son champ d'application aux créances non fiscales des collectivités territoriales et en prévoyant qu'en cette matière le juge de l'exécution est compétent non seulement pour les contestations relatives à la régularité en la forme de l'acte de poursuite, comme c'était déjà le cas auparavant sur le fondement du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, mais également pour les contestations relatives à l'obligation au paiement, au montant de la dette compte tenu des paiements effectués et à l'exigibilité de la somme réclamée. La loi s'est en revanche bornée à corriger le 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales pour indiquer que les contestations qui portent sur la régularité en la forme d'un acte de poursuite émis sont présentées selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, sans faire mention des contestations relatives à l'obligation au paiement, au montant de la dette compte tenu des paiements effectués et à l'exigibilité de la somme réclamée et sans modifier la disposition selon laquelle le bien-fondé de la créance peut être contesté devant la juridiction compétente à réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification de l'acte de poursuite. La question de savoir quel est le juge compétent pour connaître des contestations relatives à l'obligation de payer résultant d'un acte de poursuite émis pour le recouvrement d'une créance locale soulève ainsi une difficulté sérieuse.

7. Il résulte de ce qui précède que la contestation par M. B... de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure émise par le payeur départemental du Calvados, au titre d'un indu de revenu de solidarité active présente à juger une question de compétence de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si cette action relève ou non de compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.

D E C I D E :

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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi du département du Calvados jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur la demande de M. B....

Article 3 : La présente décision sera notifiée au département du Calvados et à M. C... B....

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'intérieur, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 fév. 2021, n° 431711
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP CAPRON

Origine de la décision
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Date de la décision : 24/02/2021
Date de l'import : 16/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 431711
Numéro NOR : CETATEXT000043189197 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-02-24;431711 ?
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