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20/09/2018 | FRANCE | N°17-14247

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 septembre 2018, 17-14247


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2016), que salarié en qualité de directeur de création par la société Ogility action, aux droits de laquelle vient la société Geometry global (l'employeur), M. Y... a déclaré être atteint d'un syndrome dépressif qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, après l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) ; que M.

Y... ayant engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2016), que salarié en qualité de directeur de création par la société Ogility action, aux droits de laquelle vient la société Geometry global (l'employeur), M. Y... a déclaré être atteint d'un syndrome dépressif qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, après l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) ; que M. Y... ayant engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et celui-ci contestant le caractère professionnel de la maladie, une juridiction de sécurité sociale a désigné un autre comité régional ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la maladie déclarée par la victime présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle et qu'elle est la conséquence de la faute inexcusable de celui-ci, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 544 du code de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction peuvent être immédiatement frappés d'appel ; qu'il résulte de l'article 514 du même code que l'exécution provisoire ne peut être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit ; qu'il ne résulte d'aucun texte que la décision prescrivant une mesure d'instruction, notamment la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles en application de l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ; qu'il en résulte que l'employeur, appelant d'un jugement, non assorti de l'exécution provisoire, l'ayant débouté au fond de sa prétention concernant l'opposabilité d'une décision relative à la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle et ayant ordonné la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne peut se voir opposer l'avis de ce comité émis en son absence avant qu'il ait été statué sur l'appel ; qu'au cas présent, la société Geometry Global était appelante d'un jugement ayant, d'une part, rejeté la demande tendant à obtenir que la notification d'un refus de prise en charge lui soit déclaré définitivement opposable et, d'autre part, ordonné la saisine du comité régional des Pays-de-Loire afin qu'il établisse si la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle ; qu'elle faisait valoir que ce jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire, de sorte que l'avis émis par le comité régional en son absence alors même qu'il n'avait pas été statué sur l'appel n'était pas régulier, de sorte que la cour d'appel ne pouvait se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie sans saisir un nouveau comité régional ; qu'en refusant d'écarter l'avis du comité régional des Pays-de-Loire et en se fondant sur cet avis pour juger que la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 514 et 544 du code de procédure civile, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que lorsque le juge est saisi d'une contestation portant sur le caractère professionnel de la maladie sur le fondement de l'article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au litige, la désignation préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de l'article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire ;

Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que lorsque le juge sollicite l'avis d'un expert dans un litige portant sur des données techniques pour lesquelles il n'a pas la compétence nécessaire pour appréhender l'avis de l'expert, de sorte que celui-ci s'avère prépondérant pour la solution du litige, le droit à un procès équitable implique que les parties disposent de la possibilité de soumettre à l'expert des observations, avant que celui-ci n'émette son avis ; qu'il en résulte que le juge de sécurité sociale, qui ordonne la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle pour déterminer si une maladie non désignée par un tableau de maladies professionnelles présente un lien direct et essentiel avec le travail habituel du salarié, doit veiller à ce que les parties disposent une possibilité effective de faire valoir leurs droits et de présenter des observations devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que la société Geometry Global faisait valoir, pour demander la nullité de l'avis du comité régional des Pays-de-Loire, qu'elle n'avait pas été en mesure de se défendre devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que, pour rejeter cette demande de nullité et refuser de rechercher si l'employeur avait été en mesure de faire valoir ses droits devant le comité, la cour d'appel s'est bornée à relever que la procédure aurait été contradictoire dès lors que le comité s'est prononcée sur la base du dossier constitué par la caisse au cours de la procédure d'instruction sur le fondement de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile, R. 142-24-2 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 461-1 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale, qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief, s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional ;

Et attendu qu'ayant souverainement constaté que l'avis en cause avait été rendu, notamment, sur la base du rapport circonstancié de l'employeur ainsi que le comité régional le mentionnait en page deux de son avis, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas fondé à se prévaloir du caractère non contradictoire de la procédure suivie devant le comité régional ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de défaut de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil et de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant eux ;

D'où il suit que le moyen, dépourvu d'objet en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Geometry global aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Geometry global et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... et celle de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Geometry global.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur évocation, dit que la maladie déclarée par M. Jean Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle et qu'elle est la conséquence de la faute inexcusable imputable à la société Geometry Global, anciennement dénommée Ogilvy Action, d'avoir ordonné la majoration de la rente à son taux maximum, d'avoir dit que la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il pourrait être redevable en raison des articles L. 452-1 et L. 452-3, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices complémentaires : ordonné la réouverture des débats afin que Monsieur Jean Y... présente ses demandes et qu'il y soit répondu, invité les parties à conclure pour l'audience du lundi 20 mars 2017 à 9 heures (salle 520 – Savatier 5ème étage escalier R) et d'avoir condamné la société Geometry Global anciennement dénommée Ogilvy Action à régler à Monsieur Jean Y... une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « SUR LA VALIDITE DE L'AVIS DU COMITÉ DE RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES DES PAYS DE LOIRE considérant que les dispositions de l'article 539 du code de procédure civile dont il résulte que le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement et que le recours exercé dans ce délai est également suspensif ; néanmoins que si ces dispositions ont pour effet de rendre nul tout acte fait en exécution d'un jugement frappé d'appel non assorti de l'exécution provisoire, elles ne sauraient avoir pour effet de rendre nul un avis médical qui n'est pas un acte d'exécution forcé ; par ailleurs que les dispositions de l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale énumèrent les pièces constitutives du dossier devant être soumis par la caisse au comité de reconnaissance des maladies professionnelles et donnent à la victime, ses ayants droits et son employeur, la possibilité de déposer des observations qui sont annexées au dossier soumis au comité ; qu'en l'espèce l'avis médical a été rendu conformément aux dispositions précitées et, notamment, sur la base du rapport circonstancié de l'employeur ainsi que le comité le mentionne expressément en page 2 de son avis ; Qu'il s'en suit que le principe du contradictoire a été respecté à l'égard de la SAS GEOMETRY GLOBAL et que le moyen tiré de la nullité du second avis du comité qui a été ordonné à bon droit au vu des dispositions de l'article R 142-24-2 du code de de la sécurité sociale, ne saurait prospérer et doit être rejeté. Le jugement étant confirmé de ce chef ; SUR L'IMPUTABILITE DE LA MALADIE AU TRAVAIL qu'il y a lieu dans le cadre des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile d'évoquer l'imputabilité de la maladie professionnelle au travail et la faute inexcusable de l'employeur ; que le premier avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de PARIS ILE DE FRANCE a été rendu sur la base d'une expertise sollicitée par ce comité aux fins de : « préciser le diagnostic de la pathologie psychiatrique présentée par Monsieur Jean Y... , dire si des facteurs extra professionnels ou un état antérieur peuvent être invoqués pour expliquer l'état psychiatrique de Monsieur Jean Y... et dire si les conditions de l'exercice professionnel ont joué un rôle prédominant dans l'apparition de la pathologie psychiatrique ayant fait l'objet de la déclaration de Monsieur Jean Y... ; Que l'expert le Docteur Gaëlle E... a examiné Monsieur Jean Y... le 8 mars 2014 établi son rapport le 8 mars 2014 et conclut au vu de l'enquête administrative de maladie professionnelle effectuée au mois de juin 2013 et des pièces fournies par l'intéressé qui sont énumérées en page 2 du rapport que : « Monsieur Jean Y... a présenté un syndrome anxio-dépressif de type burn out réactionnel à la situation à laquelle il a dû faire face dans son travail, qu'aucune pathologie antérieure psychique n'était présente avant décembre 2010 et que les conditions de travail ont clairement joué un rôle déclencheur dans cette pathologie »; Que ce premier avis émet donc un avis favorable à la prise en charge du syndrome anxio dépressif au titre de la législation sur les risques professionnels ; que le second avis rendu le 14 avril 2016 par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles des PAYS DE LA LOIRE, conclut à la caractérisation d'un syndrome anxio dépressif compte tenu « de la pathologie présentée par l'intéressé, un syndrome dépressif, de sa profession Directeur de Création Publicité, des éléments apportés au CRRMP qui montrent que l'intéressé a été confronté à des difficultés dans le cadre de son activité professionnelle, de la cohérence des éléments cliniques après avoir pris connaissance de l'avis du médecin du travail et après avoir entendu le représentant de l'ingénieur conseil chef de service de prévention de la CARSAT, le comité établit une relation directe et essentielle entre la pathologie présentée par l'intéressé et son activité professionnelle »; Qu'il s'en suit que l'imputabilité de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur Jean Y... est établie par deux avis motivés rendus par deux comités distincts qui caractérisent tous deux le lien de causalité entre le syndrome anxio dépressif présenté par la victime et la profession de Directeur Artistique exercée par celui-ci au sein de la SAS GEOMETRY GLOBAL de sorte que la demande de désignation d'un troisième comité de reconnaissance des maladies professionnelles n'est pas justifiée et doit être rejetée ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 544 du code de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction peuvent être immédiatement frappés d'appel ; qu'il résulte de l'article 514 du même code que l'exécution provisoire ne peut être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit ; qu'il ne résulte d'aucun texte que la décision prescrivant une mesure d'instruction, notamment la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles en application de l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ; qu'il en résulte que l'employeur, appelant d'un jugement, non assorti de l'exécution provisoire, l'ayant débouté au fond de sa prétention concernant l'opposabilité d'une décision relative à la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle et ayant ordonné la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne peut se voir opposer l'avis de ce comité émis en son absence avant qu'il ait été statué sur l'appel ; qu'au cas présent, la société Geometry Global était appelante d'un jugement ayant, d'une part, rejeté la demande tendant à obtenir que la notification d'un refus de prise en charge lui soit déclaré définitivement opposable et, d'autre part, ordonné la saisine du CRRMP des Pays-de-Loire afin qu'il établisse si la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle ; qu'elle faisait valoir que ce jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire, de sorte que l'avis émis par le CRRMP en son absence alors même qu'il n'avait pas été statué sur l'appel n'était pas régulier, de sorte que la cour d'appel ne pouvait se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie sans saisir un nouveau CRRMP ; qu'en refusant d'écarter l'avis du CRRMP des Pays-de-Loire et en se fondant sur cet avis pour juger que la maladie déclarée par M. Jean Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 514 et 544 du code de procédure civile, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque le juge sollicite l'avis d'un expert dans un litige portant sur des données techniques pour lesquelles il n'a pas la compétence nécessaire pour appréhender l'avis de l'expert, de sorte que celui-ci s'avère prépondérant pour la solution du litige, le droit à un procès équitable implique que les parties disposent de la possibilité de soumettre à l'expert des observations, avant que celui-ci n'émette son avis ; qu'il en résulte que le juge de sécurité sociale, qui ordonne la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle pour déterminer si une maladie non désignée par un tableau de maladies professionnelles présente un lien direct et essentiel avec le travail habituel du salarié, doit veiller à ce que les parties disposent une possibilité effective de faire valoir leurs droits et de présenter des observations devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que la société Geometry Global faisait valoir, pour demander la nullité de l'avis du CRRMP des Pays-de-Loire, qu'elle n'avait pas été en mesure de se défendre devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que, pour rejeter cette demande de nullité et refuser de rechercher si l'employeur avait été en mesure de faire valoir ses droits devant le comité, la cour d'appel s'est bornée à relever que la procédure aurait été contradictoire dès lors que le comité s'est prononcée sur la base du dossier constitué par la caisse au cours de la procédure d'instruction sur le fondement de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile, R. 142-24-2 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale et 6-1 de le convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur évocation, dit que la maladie déclarée par M. Jean Y... le 22 janvier 2013 est la conséquence de la faute inexcusable imputable à la société Geometry Global, anciennement dénommée Ogilvy Action, d'avoir ordonné la majoration de la rente à son taux maximum, d'avoir dit que la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il pourrait être redevable en raison des articles L. 452-1 et L. 452-3, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices complémentaires : ordonné la réouverture des débats afin que Monsieur Jean Y... présente ses demandes et qu'il y soit répondu, invité les parties à conclure pour l'audience du lundi 20 mars 2017 à 9 heures (salle 520 – Savatier 5ème étage escalier R) et d'avoir condamné la société Geometry Global anciennement dénommée Ogilvy Action à régler à Monsieur Jean Y... une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE Sur la faute inexcusable qu'il y a lieu dans le cadre des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile d'évoquer la faute inexcusable de l'employeur ; que les dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce Monsieur Y... produit plusieurs attestations de collègues de travail à l'époque des faits ; Que Monsieur Karim Z... atteste le 15 avril 2013 être intervenu en qualité de graphiste free lance au sein de l'équipe créative de Monsieur Y... et, à partir de fin 2008, avoir pu remarquer que l'équipe créative de Jean Y... était quasiment inexistante, que ce dernier était constamment surchargé mais trouvait néanmoins le temps de l'accompagner dans sa tâche ; Qu'il précise qu' « avec le temps les sujets sont devenus de plus en plus nombreux et les délais de plus en plus courts et qu'à sa connaissance aucune solution n'a été trouvée par la Direction pour donner à Jean Y... les ressources nécessaires afin de faire face à cette situation » ; Que Monsieur F... atteste le 17 avril 2013 pouvoir témoigner du fait que Jean Y... était extrêmement sollicité et qu'il courait littéralement dans les couloirs entre deux briefs, deux interventions, deux réunions et « qu'au fil des mois il l'a vu s'étioler victime de stress et de fatigue » ; Que Monsieur Pierre-Edouard A... témoigne le 16 avril 2013 qu'il est intervenu régulièrement pour le portefeuille de marques FRANCE dont Jean Y... avait la responsabilité, que les délais étaient systématiquement. très courts et la production demandée très conséquente, qu'il lui a semblé pendant cette période que Jean Y... ne disposait d'aucune équipe créative sur ce portefeuille et « qu'il était apparemment toujours en situation de rush pour répondre aux nombreuses sollicitations et le plus souvent dans des conditions difficile de stress et d'urgence »; Que Madame Alexandra B... atteste le 15 avril 2013 avoir collaboré 9 mois avec Jean Y... qui a demandé son intégration au sein de l'équipe laquelle a été refusée par l'employeur qui ne souhaitait pas s'engager au long terme, et qui souligne « le sous effectif de l'équipe, le travail systématique dans l'urgence, le surmenage et la fatigue » ; Que Monsieur Thomas David C... atteste le 3 juillet 2013 avoir travaillé principalement sur le compte BAT, compte très important pour l'agence mais que celle-ci ne traitait pas avec sérieux. Il précise que : « Jean Y... se battait constamment pour ses équipes avec une Direction qui négligeait le compte BAT, que Jean Y... n'a jamais eu le soutien de la Direction et qu'il a été témoin des moments où certaines personnes l'ont sapé devant ses équipes ce qui était terriblement non professionnel, quelque chose que jamais personne ne devrait subir » ; Qu'il poursuit en concluant que selon lui, la société OGILVY ACTION : « a utilisé Jean Y... jusqu'au point où il ne pouvait plus rien donner et que la mauvaise gestion de la société a largement contribué au burn out de Jean Y... ; par ailleurs que le rapport d'enquête de la caisse établi le 4 juillet 2013 a révélé qu'à partir du 28 février 2011 l'agence a aménagé dans de nouveaux locaux et que Monsieur Y... qui travaillait dans un bureau individuel jusqu'au 28 février 2011 a travaillé à partir de cette date dans un espace ouvert, élément qui a été confirmé par la Directrice des Ressources Humaines Madame D..., qui a déclaré clans le cadre de cette même enquête que le personnel disposait néanmoins d'espaces pour organiser des réunions informelles afin d'échanger des idées ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces témoignages qui émanent tous de collègues de travail qui ont collaboré aux missions qui étaient confiées à l'intimé, Monsieur Jean Y... a été confronté à une surcharge intense et permanente de travail avec un champ d'action sans cesse élargi et des objectifs de production toujours plus élevés dans des délais constamment réduits, sans toutefois être doté des moyens humains nécessaires à la réalisation et à l'effectivité des créations dont il avait la Direction ; Que l'employeur face, à ses demandes réitérées de moyens supplémentaires qui sont restées vaines, conscient de l'exposition au risque de stress d'un salarié dont les conditions de travail ont été dégradées par le passage d'un bureau individuel favorisant la concentration et l'organisation d'un espace de réflexion personnel à un espace ouvert exposé aux bruits et aux passages permanents des autres salariés, n'a pris aucune mesure pour préserver Monsieur Jean Y... de ce risque ; Qu'il s'en suit que la faute inexcusable de la SAS GEOMETRY GLOBAL est caractérisée et qu'il y a lieu d'ordonner la fixation de la rente majorée à son taux maximum ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de la maladie de M. Y... , à intervenir sur le premier moyen, entrainera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit que la maladie était imputable à la faute inexcusable de l'employeur ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable d'établir que l'employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que lorsque le salarié invoque l'existence d'une charge anormale de travail comme étant à l'origine d'une syndrome dépressif, il incombe au juge de rechercher concrètement quelle était la charge de travail au regard des fonctions exercées par le salarié, des responsabilités et des fonctions qui lui étaient confiées, de l'organisation du travail au sein de l'entreprise, de sa composition et de ses effectifs, des conditions de travail du salarié notamment en terme de durée du travail ; que, pour estimer que M. Y... était soumis à une « surcharge intense et permanente de travail », la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur des attestations, rédigées dans des termes généraux, faisant état d'une telle surcharge et d'un sous-effectif, sans à aucun moment faire état du moindre fait précis susceptible d'illustrer la prétendue surcharge et le prétendu sous-effectif ; qu'en statuant de la sorte, sans relever le moindre élément relatif aux fonctions, aux responsabilités exercées par M. Y... , à l'organisation et aux conditions de travail au sein de la société Geometry Global, aux effectifs de l'entreprise et à la composition de l'équipe au sein de laquelle travaillait M. Y... , ou encore aux horaires de travail effectués par M. Y... , la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour contester l'existence de conditions de travail anormales, la société Geometry Global produisait, à l'appui de ses écritures, des éléments relatifs aux fonctions de M. Y... et à l'organisation de son travail avec le client dont il avait la charge, la société British American Tobacco, aux effectifs de l'agence et à l'existence d'embauches nombreuses et constantes au sein du département création notamment sur le client British American Tobacco, à la durée du travail de M. Y... , au fait que M. Y... qui travaillait selon une convention de forfait de 218 jours par an bénéficiait de l'ensemble de ses congés et jours de RTT, aux locaux de l'entreprise et au bureau de M. Y... ; qu'en affirmant que M. Y... était soumis à une « surcharge intense et permanente de travail », sans procéder au moindre examen, même sommaire, de ces éléments déterminants, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 455 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-14247
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Action de la victime - Caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Contestation par l'employeur - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles - Désignation par jugement - Caractère immédiatement exécutoire

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux spéciaux - Contentieux technique - Maladies professionnelles - Reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie par la caisse - Demande du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur - Contestation par l'employeur du caractère professionnel de la maladie - Procédure - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles - Désignation par jugement - Appel - Effet suspensif (non) APPEL CIVIL - Effet suspensif - Exclusion - Cas - Désignation d'un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles

Lorsque le juge est saisi d'une contestation portant sur le caractère professionnel de la maladie sur le fondement de l'article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, la désignation préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de l'article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire


Références :

article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 sep. 2018, pourvoi n°17-14247, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 183
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 183

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lesourd, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14247
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