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27/02/2020 | FRANCE | N°18-18189

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 27 février 2020, 18-18189


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 167 F-D

Pourvoi n° T 18-18.189

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020

La société Frbis, société civile immobilière, dont le siège e

st [...] , a formé le pourvoi n° T 18-18.189 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'o...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 167 F-D

Pourvoi n° T 18-18.189

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020

La société Frbis, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 18-18.189 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires [...] , dont le siège est [...] , représenté par son syndic, le cabinet Astrae GTC immobilier, dont le siège est [...] ,

2°/ au syndicat des copropriétaires [...] , dont le siège est [...] , représenté par son syndic le cabinet H... Q..., dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Frbis, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat du syndicat des copropriétaires [...] , de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat du syndicat des copropriétaires [...] , après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2018), rendu en référé, la SCI Frbis (la SCI), propriétaire d'un lot dans l'immeuble du [...] soumis au statut de la copropriété, ayant fait surélever un appentis, le syndicat des copropriétaires de cet immeuble et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble voisin du [...] l'ont assignée en arrêt et démolition des travaux.

Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en ses première à troisième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche, qui est recevable

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner sous astreinte à faire procéder, à ses frais, à la démolition de la surélévation de son appentis sur cour au [...], avec remise en l'état antérieur des murs des deux copropriétés du [...] sur lesquels l'appentis surélevé est adossé, alors « que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, même en l'absence de titre et en cas de méconnaissance de droits d'un tiers ; qu'en l'espèce, la SCI Frbis a soutenu qu'une démolition de la construction litigieuse constituerait une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme parce qu'elle entraînerait la suppression de deux chambres, l'une occupée par M. et Mme P..., l'autre par leur enfant à naître, et que la seule infraction résulterait de l'absence d'autorisation de la copropriété du [...] ; que la cour d'appel a considéré que la SCI Frbis soutenait en vain le caractère disproportionné des conséquences de la démolition alors qu'elle ne précise pas quel est le droit fondamental à mettre en balance avec le droit de propriété des voisins concernés, ni en quoi la destruction d'une construction sans chevillage et fixation serait disproportionnée à ces droits, ni n'établirait l'impossibilité du gérant de se loger dans son lot comprenant une entrée, une cuisine, deux chambres, un débarras, une salle d'eau et un WC ; qu' en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Ayant retenu que l'impossibilité, pour la famille du gérant de la SCI, de se reloger dans son lot qui comprenait une entrée, une cuisine, un bureau, deux chambres, un débarras, une salle d'eau et un WC ne résultait d'aucune circonstance en débat, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer ni l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 9 du code civil, que la SCI n'était pas fondée à se prévaloir de conséquences disproportionnées de la démolition.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Frbis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Frbis et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires du [...] et au syndicat des copropriétaires du [...] , chacun, la somme de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Frbis.

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI Frbis à faire procéder, à ses frais, à la démolition de la surélévation de son appentis sur cour au [...], avec remise des murs des deux copropriétés du [...], sur lesquels l'appentis surélevé est adossé, en l'état où ils se trouvaient avant la réalisation des travaux litigieux, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la signification de la décision ;

Aux motifs qu'« en vertu de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Au vu des pièces produites, en particulier les trois procès-verbaux de constats des 14 avril, 21 et 30 juin 2016 et les correspondances des parties, il est établi avec l'évidence requise en référé que la SCI Frbis a entrepris des travaux de surévaluation de son lot, achevés à ce jour et constitués d'une construction en parpaing coiffée d'une verrière et "accrochée sur le pignon de l'immeuble n° 38 (
.), sur l'implantation du n°38, entre les deux blocs d'immeubles n° 38 (
.) et n° 30, (
.) dont le ravalement sur cette façade est récent" (procès verbal de constat du 30 juin 2016) ce que confirment les conclusions de la SCI Frbis selon lesquelles "la construction de la propriété de la SCI était réalisée en procédant à la surélévation d'un mur en brique lui appartenant de 20 cm édifié contre le mur du bâtiment voisin. Il était prévu qu'entre les deux murs, une plaque de polystyrène serait mise en place".
Il en résulte en outre que ces travaux l'ont été sans l'autorisation de la copropriété du [...] qui n'a pas même été consultée au préalable et en infraction manifeste avec les dispositions des articles 25b), 26 et 35 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, que la copropriété voisine, du 22-36 de cette rue, n'a pas davantage été consultée et qu'au minimum ces travaux, qui ont mécaniquement pour effet de modifier la répartition des charges de copropriété telles que visées à l'article 25 e) de cette loi, affectent l'aspect extérieur de la première et s'adossent au mur de la seconde.
Il en résulte enfin que malgré mise en demeure RAR du 21 juin 2016 d'avoir à stopper ces travaux et alors qu'elle s'était engagée par lettre RAR du 28 juin 2016 au syndic de sa copropriété (pièce 8) à les arrêter et à se soumettre à la décision de l'assemblée générale des copropriétaires sur ceux-ci si nécessaire, la SCI Frbis n'a pas craint de les achever sans plus attendre.
Or, la SCI Frbis ne justifie d'aucun droit de surélévation, que ne constitue pas le permis de construire qui lui a été délivré par arrêté du 27 mai 2016, lequel ne saurait préjudicier aux droits des tiers que sont ses copropriétaires et ceux de la copropriété voisine.
La SCI Frbis ne démontre pas non plus que le refus des intimés d'accepter le fait accompli devant lequel elle les a mis en dépit de leur mise en garde est à l'évidence abusif, ce que ne suffit pas à établir la décision du tribunal administratif de Paris du 12 décembre 2016 rejetant comme manifestement irrecevable la requête en annulation de ce permis de construire formée par le syndicat des copropriétaires du [...] , dès lors que cette décision est fondée sur des motifs de procédure, sur lesquels précisément la SCI Frbis ne s'explique pas.
Il en résulte pour les syndicats de copropriétaires intimés un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en ordonnance la remise en état des lieux.
A cet égard, la SCI Frbis invoque vainement "le caractère disproportionné des conséquences de la démolition pour elle" dans la mesure où le couple de son gérant qui attend un enfant occupe les lieux surélevés dont la démolition "porterait une atteinte tout à fait disproportionnée au droit de jouissance de son gérant".
En effet, la SCI Frbis ne précise pas en appel lequel de ses droits fondamentaux devrait être mis en balance avec le droit de propriété de ses voisins concernés ni en quoi la démolition d'une construction selon lui sans chevillage ni fixation, donc sans caractère manifestement irréversible ou insurmontable, serait disproportionnée par rapport au but recherché par les textes précités, qui tendent à protéger les droits méconnus de ses copropriétaires à se voir consulter préalablement à une réalisation telle que celle en examen qu'ils sont fondés à autoriser ou refuser afin d'éviter qu'ils soient mis devant le fait accompli de celle-ci ;
Au demeurant, l'impossibilité pour la famille du gérant de la SCI Frbis de se reloger dans son lot qui comprend une entrée, une cuisine, un bureau, deux chambres, un débarras, une salle d'eau et un WC ne résulte d'aucune circonstance en débat.
Enfin, la SCI Frbis est d'autant moins fondée à se prévaloir des conséquences prétendument "disproportionnées" de la démolition sollicitée que son gérant est, en sa qualité d'architecte, un homme de l'art qui ne saurait ignorer les droits méconnus et qu'il résulte de ce qui précède que ces exigences lui ont été dûment rappelées en temps utile si bien qu'elle a méconnu en toute connaissance de cause des risques encourus son propre engagement de s'y conformer.
Le prononcé d'une astreinte telle que fixée par le juge des référés est justifié par la résistance manifeste de la SCI Frbis » (arrêt p 3 § 8 et suiv.) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du jugement qu'« en droit, l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir une dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Si la condition de l'absence de contestation sérieuse n'est pas requise en application de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, une contestation sérieuse sur l'existence même du trouble ou de son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.
L'article 544 du code civil dispose "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".
L'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que "le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir
en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble".
L'article 25 de ladite loi prévoit que "ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :

b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci".
Aux termes de l'article 26 de ladite loi, "sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des vois les décisions concernant :
b) la modification ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes".
En application de l'article 35 alinéa 1er de ladite loi, "la surélévation ou la création de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée par les soins du syndicat que si la décision en est prise à la majorité prévue à l'article 26".
L'article 491 alinéa 1er du code de procédure civile prévoit que le juge statuant en référé peut prononcer des condamnations à des astreintes. Il peut les liquider, à titre provisoire.
En l'espèce, les demandeurs versent notamment aux débats :
Un avis de mutation en date du 27 mai 2014 (pièce n° 1 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), le règlement de copropriété (pièce n° 2 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), une télécopie de la SCI Grimal au cabinet [...] en date du 21 juin 2016 (pièce n° 3 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), un courrier électronique de Nexity en date du 21 juin 2006, avec photographie jointe (pièce n° 5 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), un procès-verbal de constat d'huissier en date du 21 juin 2006 (pièce n° 6 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par le cabinet [...] à la SCI Frbis le 21 juin 2016 (pièce n° 7 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), un courrier recommandé de M. P..., gérant de la SCI Frbis, au cabinet [...] en date du 28 juin 2016 (pièce n° 8 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), un procès-verbal de constat d'huissier en date du 30 juin 2016 (pièce n° 1 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par Nexity à la SCI Frbis le 12 août 2016 (pièce n° 6 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ).
En défense, la SCI Frbis produit notamment : une demande de permis de construire en date du 26 mai 2016 (pièce n° 2), l'arrêté de la mairie de Paris (permis de construire) en date du 27 mai 2016 (pièce n° 3), les avis favorables de la mairie du 12ème arrondissement de Paris et de l'architecte des bâtiments de France (pièces n° 4 et 5), une déclaration "attestant l'achèvement et la conformité des travaux" signée par la SCI Frbis en date du 30 août 2016 (pièce n° 7), un CCTP établi par M. O... P..., architecte et par ailleurs gérant de la SCI Frbis, au mois de mai 2016 (pièce n° 9), des échanges de SMS (pièce n° 10), un "plan permis" (pièce n° 12), une situation au répertoire SIRENE au 16 août 2016 (pièce n° 13).
Des éléments de la procédure et des pièces produites, il ressort que la SCI Frbis a entrepris des travaux de surélévation d'un appentis dont elle était propriétaire au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [...] en s'accolant aux murs pignons des deux immeubles situés respectivement au [...], portant ainsi atteinte :
-au droit de propriété du syndicat des copropriétaires du [...] , dont le mur venait pourtant d'être ravalé,
-aux parties communes de l'immeuble du [...] , affectées à l'évidence par ces travaux de surélévation, ainsi qu'il ressort des photographies produites et des procès-verbaux de constats d'huissier, peu important à cet égard la technique de fixation aux murs utilisée pour procéder à cette surélévation (chevillage ou autres
).
Le CCTP établi par M. O... P... lui-même prévoit d'ailleurs explicitement la réalisation d'un mur en brique de 20 cm en surélévation "contre le mur du bâtiment voisin "avec mise en place "entre les deux murs" d'une "plaque en polystyrène" (page 4/24)
La SCI Frbis ne justifie avoir sollicité aucune autorisation des syndicats des copropriétaires des [...] ni préalablement à la réalisation des travaux de surélévation litigieux, ni même pendant l'exécution desdits travaux, alors même qu'il lui a été demandé de les stopper dès le 21 juin 2016.
Par ailleurs, le fait que la SCI Frbis soit propriétaire de l'appentis se trouvant au rez-de-chaussée de l'immeuble du [...] ne l'autorisait nullement à modifier unilatéralement le volume et la consistance de son lot en le surélevant et en s'adossant sur les murs des deux immeubles entre lesquels se trouvait son appentis, sans la moindre autorisation de l'une ou l'autre des copropriétés.
Les travaux de surélévation entrepris constituent donc une appropriation irrégulière tant du mur de l'immeuble du [...] , partie commune, en violation des dispositions de l'article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, que du mur voisin de l'immeuble du [...] , constituant une atteinte évidente au droit de propriété.
Par ailleurs, la SCI Frbis a procédé à une surélévation de partie privative sans l'autorisation préalable du syndicat des copropriétaires en violation de l'article 25 b) précité de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et sans avoir sollicité de la copropriété la moindre modification du règlement de copropriété ou de l'état descriptif de division en raison de l'accroissement de son lot.
Ces différents éléments permettent à eux-seuls de caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite causé par les travaux litigieux, conformément aux dispositions de l'article 809 du code de procédure civile.
(
)
Par ailleurs, la seule manière de faire cesser le trouble occasionné par la surélévation irrégulière de l'appentis appartenant à la SCI FRBIS est de procéder à la démolition de cette surélévation avec remise des murs des deux copropriétés en l'état où ils se trouvaient avant la réalisation des travaux litigieux.
Contrairement aux allégations de la SCI Frbis, la suppression de cette surélévation par rehaussement n'apparaît nullement, en l'espèce, disproportionnée au regard de l'ampleur du trouble causé par la surélévation entreprise par la SCI Frbis portant une atteinte manifeste au droit de propriété et caractérisant une violation des règles les plus élémentaires relatives à la copropriété des immeubles bâtis.
Plusieurs éléments attestent par ailleurs de l'absence de caractère disproportionné au droit de jouissance, à la vie privée ou au domicile du gérant de la SCI Frbis d'une telle mesure :
*il n'est pas justifié que M. O... P... bénéficierait d'un droit d'occupation, à titre personnel, du lot appartenant à la SCI Frbis,
*la SCI Frbis a placé les deux copropriétés devant le fait accompli en procédant unilatéralement aux travaux de surélévation litigieux alors qu'elle avait été informée, avant la fin du chantier, de l'irrégularité des travaux entrepris sans toutefois avoir renoncé à son projet,
*elle ne peut donc désormais se prévaloir de sa propre turpitude en alléguant avoir procédé a posteriori, et en connaissance du risque pris, à des aménagements qui seraient, selon elle, de nature à porter atteinte à la vie privée ou au domicile de son gérant, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
* la SCI Frbis ne justifie en tout état de cause nullement desdits aménagements, alors même qu'il ressort des pièces produites qu'à la suite de travaux effectués par un précédent propriétaire, le lot acquis par la SCI Frbis est constitué d'un appartement en rez-de-chaussée divisé en : "entrée, cuisine, bureau, deux chambres, débarras, salle d'eau avec wc" (pièce n° 1 produite par le syndicat des copropriétaires du [...] ), de sorte qu'aucun trouble de jouissance consécutif à la démolition de la surélévation litigieuse n'apparaît établi,
*la SCI Frbis elle-même indique que l'ouvrage litigieux n'aurait fait l'objet d'aucun "chevillage" ni d'aucune "fixation", de sorte qu'il n'existe aucun obstacle technique dirimant à sa suppression.
La SCI Frbis sera donc condamné à faire procéder, à ses frais, à la démolition de la surélévation de son appentis sur cour au [...], avec remise des murs des deux copropriétés du [...] , sur lesquels l'appentis surélevé est adossé, en l'état où ils se trouvaient avant la réalisation des travaux litigieux, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai de quinze jours suivants la signification de la présente décision, conformément à l'article 491 alinéa 1er du code de procédure civile et aux articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
L'astreinte courra pendant six mois » (ord. p 8, § 1er et suiv.) ;

1°) Alors que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la SCI Frbis ne pouvait pas exercer son droits de surélever ses parties privatives librement ; qu'en statuant ainsi sans constater que son droit avait causé un préjudice aux autres copropriétaires ou porté atteinte à la destination de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°) Alors que la cour d'appel ne peut statuer qu'au regard des conclusions qui ont été régulièrement signifiées à toutes les parties ; qu'en l'espèce, la cour a considéré que les travaux ont été réalisés par la SCI Frbis sans que le syndicat des copropriétaires du [...] n'ait été consulté, après avoir visé des conclusions de cette partie du 1er février 2018 ; qu'en statuant ainsi au visa de conclusions qui n'ont pas été signifiées à la SCI Frbis, la cour d'appel a violé les articles 4, 15 et 671 du code de procédure civile ;

3°) Alors qu'une surélévation sur les parties privatives d'un lot d'une copropriété peut être réalisée sans consultation des copropriétés voisines ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reproché à la SCI Frbis d'avoir effectué des travaux de surélévation sur ses parties privatives sans avoir consulté la copropriété voisine du [...] ; qu'en considérant que ces travaux constituaient, en l'absence d'une telle consultation, un trouble manifestement illicite pour le syndicat des copropriétaires du [...], la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

4°) Alors que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, et de son domicile, même en l'absence de titre et en cas de méconnaissance de droits d'un tiers ; qu'en l'espèce, la SCI Frbis a soutenu qu'une démolition de la construction litigieuse constituerait une violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme parce qu'elle entraînerait la suppression de deux chambres, l'une occupée par M. et Mme P..., l'autre par leur enfant à naître, et que la seule infraction résulterait de l'absence d'autorisation de la copropriété du [...] ; que la cour d'appel a considéré que la SCI Frbis soutenait en vain le caractère disproportionné des conséquences de la démolition alors qu'elle ne précise pas quel est le droit fondamental à mettre en balance avec le droit de propriété des voisins concernés, ni en quoi la destruction d'une construction sans chevillage et fixation serait disproportionnée à ces droits, ni n'établirait l'impossibilité du gérant de se reloger dans son lot comprenant une entrée, une cuisine, deux chambres, un débarras, une salle d'eau et un WC ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-18189
Date de la décision : 27/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 27 fév. 2020, pourvoi n°18-18189


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18189
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