REJET du pourvoi formé par :
1°) X... Jean-Marie,
2°) la société anonyme des Carrières Gaillard, civilement responsable,
3°) les Assurances générales de France, partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes (chambre correctionnelle) en date du 6 mai 1985, qui a condamné le premier nommé à 2 000 francs d'amende pour infraction à l'article 19 de la loi du 15 juillet 1845 et à 1 200 francs d'amende pour contravention au Code de la route et qui, ayant relaxé Z..., A... et Y..., s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'un ensemble routier composé d'un tracteur et d'une semi-remorque à plateau surbaissé a été gratuitement mis par la société des Carrières Gaillard à la disposition de Z..., directeur de la société des Sablières réunies de la Loire (SARELO) en vue d'assurer le transport d'une pelle mécanique ; que X..., chauffeur au service de la société Gaillard, a été chargé de la conduite du tracteur ; que Y... et A..., préposés de la SARELO, ont formé avec lui un convoi, le premier circulant en tête et le second en queue ; qu'arrivé à un passage à niveau où un panneau signalait un danger pour les véhicules surbaissés, X... est descendu de son tracteur pour examiner les lieux ; qu'ayant estimé pouvoir passer, il a demandé à A... et Y...de vérifier, au cours de la manoeuvre, si le plateau touchait ; qu'après la traversée de la première voie ceux-ci ont signalé que l'engin ne pouvait franchir la seconde ; que, l'arrivée d'un train étant annoncée, X... n'a pas eu le temps de faire marche arrière et que la collision qui s'est produite a fait plusieurs blessés ;
Attendu que les juges du second degré ont déclaré X... coupable du délit de blessures involontaires prévu par l'article 19 de la loi du 15 juillet 1845 sur les chemins de fer et de contravention à l'article R. 29, alinéa 2, du Code de la route et l'ont condamné in solidum avec son commettant, la société des Carrières Gaillard, à réparer les dommages subis par les blessés constitués parties civiles ;
Qu'en revanche Z..., A... et Y...que la société Gaillard avait cités directement en vue de les voir déclarer auteurs ou complices des mêmes infractions ont bénéficié d'une relaxe ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation commun aux demandeurs, par lequel il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société des Carrières Gaillard, employeur habituel de X..., civilement responsable des dommages causés par ce dernier en s'engageant avec son camion sur un passage à niveau qu'il n'a pu franchir totalement, au cours d'une mission pour laquelle il avait été, avec ledit camion, mis à la disposition de la société SARELO :
" au motif que " si jusqu'au franchissement du passage à niveau, les opérations de convoyage se trouvaient bien sous la responsabilité civile de la SARL SARELO, il en allait autrement à partir de ce franchissement, étant donné que la décision de s'engager avait été prise par Jean-Marie X... exclusivement ; qu'il en résulte que ce conducteur avait repris sur l'ensemble tracteur semi-remorque les pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction, et était à nouveau sous la dépendance de son employeur habituel, la SA des Carrières Gaillard ; qu'il s'ensuit que c'est bien le président-directeur général de cette dernière société, à l'exclusion de toute autre personne morale, qui devra être déclaré civilement responsable de Jean-Marie X... " (p. 17 de l'arrêt) ;
" alors qu'acquiert la qualité de commettant occasionnel celui à la disposition et sous l'autorité duquel a été mis le préposé et qui a reçu pouvoir de lui donner des instructions ; que X... ayant été mis pour l'ensemble de la mission en cause sous l'autorité de la société SARELO, qui avait fait encadrer son camion de véhicules lui appartenant et conduits par ses propres salariés et qui avait choisi l'itinéraire à suivre comportant le franchissement du passage à niveau, la société Gaillard n'ayant à aucun moment de cette mission recouvré le pouvoir de diriger X..., la cour d'appel ne pouvait déclarer cette dernière civilement responsable sans violer l'article 1384, alinéa 5, du Code civil " ;
Sur la recevabilité du moyen en ce qu'il est produit au nom de X... ;
Attendu que X... ne saurait, faute d'intérêt, critiquer l'arrêt en ce qu'il a déclaré la société Gaillard civilement responsable des conséquences dommageables des infractions dont il a été reconnu coupable ;
Que le moyen doit être déclaré irrecevable en ce qui le concerne ;
Sur le moyen en tant qu'il est présenté au nom de la société des Carrières Gaillard et des Assurances générales de France ;
Attendu que pour déclarer la société des Carrières Gaillard civilement responsable des dommages causés par son préposé X... la cour d'appel relève, par motifs propres et adoptés, qu'en mettant bénévolement à la disposition de la SARELO, pour un transport unique et difficile, un salarié dont il appréciait les services, Gaillard n'a à l'évidence pas transféré à l'utilisateur son pouvoir de contrôle et de direction en ce qui concernait la partie technique de la conduite du véhicule ; que, si jusqu'au franchissement du passage à niveau, les opérations de convoyage se trouvaient bien sous la responsabilité civile de la SARELO, il en était autrement à partir de ce franchissement ; que, confronté à une difficulté relevant de sa spécialité, X... avait repris la direction de l'opération et se trouvait toujours, pour cette partie de sa mission, sous la dépendance de son employeur habituel ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par une appréciation souveraine de la situation de fait dans laquelle se trouvait le prévenu vis-à-vis des deux sociétés en cause, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel doit dès lors être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, commun aux demandeurs, par lequel il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré X... seul coupable de l'infraction litigieuse et seul responsable de l'accident, en écartant la complicité de MM. Y... et A... :
" au motif que " il résulte des déclarations concordantes de Jean-Marie X..., René A... et Claude Y..., qu'aussitôt après être arrivé face au passage à niveau 285, c'est Jean-Marie X..., et lui seul, qui a pris l'initiative des opérations ; que des trois hommes présents il était du reste le seul chauffeur professionnel à connaître véritablement les caractéristiques techniques de l'ensemble articulé qu'il conduisait " (arrêt p. 16) ;
" alors qu'en s'abstenant de s'expliquer sur les actes de complicité retenus par les premiers juges, et résultant de ce que " Y... et A... ont apporté aide et assistance à (X...) en le guidant pour " franchir le passage à niveau " (p. 7, alinéa 6, du jugement), actes constatés par l'arrêt lui-même qui relève que X... " demanda à Luc A... et à Claude Y... de lui indiquer si le plateau touchait " et que " lorsqu'il voulut franchir la seconde voie, ses compagnons lui firent savoir que cela ne passerait pas " (arrêt p. 15, alinéas 1 et 2), la cour d'appel a violé les articles 60 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que le prévenu, reconnu coupable de blessures involontaires et de contravention au Code de la route et tenu de réparer pour le tout les dommages résultant de ces infractions, sans distinguer s'il en est ou non l'auteur unique, ne saurait se prévaloir de la prétendue coexistence de fautes imputables à des coprévenus relaxés ; que par voie de conséquence la société des Carrières Gaillard, civilement responsable, et la compagnie Assurances générales de France qui lui doit garantie ne sauraient davantage critiquer la décision intervenue ;
Attendu en outre que la demande de la société Gaillard tendant à la réparation du dommage résultant de la destruction de son ensemble routier ne pouvait trouver de fondement dans le délit de blessures involontaires faisant l'objet de la poursuite ; qu'il n'importe en conséquence que les juges d'appel aient omis d'énoncer les motifs qui les conduisaient à relaxer A... et Y... du chef de complicité de ce délit ;
D'où il suit que ce moyen ne peut davantage être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.