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02/08/2007 | FRANCE | N°06NC01209

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 août 2007, 06NC01209


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2006, présentée pour M. Pierre X demeurant ..., par Me Dieudonné, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203535 en date du 27 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à, titre principal, à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables des agissements du service de l'infirmerie du lycée Le Corbusier à Illkirch-Graffenstaden et, à titre subsidiaire, à ordonner une expertise complémentaire confiée à un médecin spécialisé en cardiologie

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2°) à titre principal, de condamner l'Etat à réparer l'intégralité des préj...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2006, présentée pour M. Pierre X demeurant ..., par Me Dieudonné, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203535 en date du 27 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à, titre principal, à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables des agissements du service de l'infirmerie du lycée Le Corbusier à Illkirch-Graffenstaden et, à titre subsidiaire, à ordonner une expertise complémentaire confiée à un médecin spécialisé en cardiologie ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à réparer l'intégralité des préjudices subis par le requérant ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire confiée à un médecin spécialisé en cardiologie ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu la faute de service alors que l'infirmière a commis plusieurs manquements à ses obligations ;

- elle a, d'une part, posé un diagnostic alors qu'elle aurait dû inciter le lycéen à aller consulter un médecin ; l'infirmière a ainsi traité avec désinvolture l'existence de symptômes de troubles cardiaques ;

- l'infirmière a, d'autre part, en prescrivant la prise de Ventoline, traitement contre l'asthme mais contre-indiqué en cas de troubles cardiaques, commis une grave erreur d'appréciation et effectué un acte qu'elle n'était pas habilitée à faire ; le tribunal ne se prononce pas sur la question de la prescription de la Ventoline et l'expert se borne à indiquer que les problèmes cardiaques seraient nécessairement intervenus ,

- le requérant a été privé d'une chance d'éviter l'accident cardiaque et surtout les conséquences dramatiques qui en découlent ;

- il y a lieu, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale confiée à un cardiologue ;

- le préjudice subi est considérable car le requérant se trouve dans un état grabataire avec aphasie et tétraplégie, demeure atteint d'une incapacité permanente partielle évaluée à 95 % et a besoin en permanence de l'assistance d'une tierce personne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré les 12 et 22 mars 2007, présenté par le ministre de l'éducation nationale ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de M. X ;

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé :

- aucune faute n'est imputable aux services de l'éducation nationale comme l'indique les conclusions de l'expert ;

- à l'inverse, les parents et l'élève ont commis une faute en omettant de signaler à l'infirmière l'affection cardiaque dont souffrait la victime ;

- le préjudice est évalué de façon excessive ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2007, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Alsace Nord par Me Nunge, avocat ;

La caisse demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 420 820,51 € en remboursement des dépenses engagées et futures, augmentée des intérêts au taux légal à dater des présentes conclusions, ainsi qu'une somme de 926 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 4 000 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le solde définitif de l'ensemble des débours engagés au titre des prestations en nature et comprenant notamment les frais d'hospitalisation, les frais médicaux, les frais de transport, les frais d'appareillage et les soins orthophonistes et infirmiers, est fixé à 420 820,51 € ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985, et notamment son article 57 ;

Vu le code de la sécurité sociale, et notamment les articles L. 451-1 et L. 421-8 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2007 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en référé que, le 31 janvier 2001, M. Pierre X, élève de première au lycée Le Corbusier à Illkirch-Graffenstaden, alors âgé de dix-neuf ans, s'est présenté vers 15h00 à l'infirmerie de l'établissement en se plaignant de difficultés respiratoires et de troubles du rythme cardiaque ; que l'élève, qui est resté, après l'examen par l'infirmière, une demi-heure dans les locaux de l'infirmerie, a souhaité, nonobstant les recommandations contraires de celle-ci, retourner en cours ; qu'à la fin des cours à 18h00, il s'est rendu au domicile de sa soeur aînée, où il a été victime vers 20h30 d'un arrêt cardio-respiratoire provoqué par une fibrillation ventriculaire, elle-même liée, probablement selon l'expert, à un syndrome préexistant de Wolf Parkinson White, et qui a entraîné pour l'intéressé de graves séquelles neurologiques ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'examen médical auquel a procédé l'infirmière et à l'issue duquel il n'a été décelé «aucune anomalie» a consisté en un contrôle de la tension, du pouls, de la température et de la fréquence respiratoire ; que, compte tenu des moyens mis à la disposition du service de santé scolaire et des missions imparties par les dispositions de l'article 3 du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de profession d'infirmier, cet examen ne saurait être regardé comme insuffisant ; qu'en tout état de cause, il n'est pas contesté que seul un examen par un médecin cardiologue au moyen d'un enregistrement d'électrocardiogrammes eût permis de déceler l'anomalie cardiaque de l'intéressé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu 'il n'est pas contesté que la fiche de renseignements confidentiels, remplie par les familles qui est remise à l'administration scolaire et qui contient les informations médicales mises à la disposition de l'infirmière, mentionnait parmi les rubriques maladies de l'élève une allergie aux acariens et un problème d'asthme mais ne comportait aucune indication sur l'anomalie cardiaque de l'intéressé ; qu'il ressort, par ailleurs, du rapport d'expertise que les troubles pour lesquels M. X s'était présenté à l'infirmerie pouvaient, sur le plan clinique également, passer pour une crise d'asthme, affection connue chez l'intéressé, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et pour laquelle celui-ci avait l'habitude de s'auto-traiter par recours à la «Ventoline» ; que, dans ces conditions, eu égard à l'ambiguïté des symptômes et en l'absence de troubles significatifs et compte tenu des compétences et des missions assignées à l'infirmière scolaire, s'il est vrai que l'administration de «Ventoline» par nébulisation est déconseillée en cas de troubles cardiaques, il ne résulte cependant pas de l'instruction qu'en laissant l'élève effectuer une inhalation de «Ventoline», médicament prescrit par le médecin traitant et qui avait d'ailleurs permis d'améliorer apparemment l'état de santé de l'élève, l'infirmière aurait commis une grave erreur d'appréciation, comme le prétend le requérant, ni qu'elle aurait excédé ses compétences professionnelles telles que fixées par le décret précité du 15 mars 1993 ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence de signes cliniques manifestes attestant une situation d'urgence et alors que l'élève a pu, après son malaise, rejoindre sa classe où il a assisté normalement au cours suivant où il n'a pas manifesté de signes susceptibles d'alerter son professeur sur une évolution défavorable de son état de santé, la circonstance que l'infirmière n'aurait pas avisé l'élève de la nécessité d'aller consulter en urgence un médecin ne saurait pas davantage être constitutive d'une faute de service de nature à engager la responsabilité du service public de la santé scolaire ;

Considérant qu'il suit de là que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Strasbourg a considéré que l'infirmière de l'établissement doit être regardée comme ayant fait toutes diligences pour apporter les soins requis ; que, contrairement à ce que soutient M. X, dès lors que les premiers juges ne retenaient aucune faute imputable au fonctionnement du service public de la santé scolaire, ils n'étaient pas tenus de vérifier si l'intéressé avait été privé d'une chance d'éviter la survenance de l'accident cardiaque et de ses séquelles ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que ni M. X ni la caisse primaire d'assurance maladie d'Alsace Nord ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions respectives à fin d'indemnité ou de remboursement des débours ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X et la caisse primaire d'assurance maladie d'Alsace Nord la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre X, au ministre de l'éducation nationale et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Alsace Nord.

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N° 06NC01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01209
Date de la décision : 02/08/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GROUPES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-08-02;06nc01209 ?
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