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08/06/2022 | SUISSE | N°1C_556/2021

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit public  , Arrêt du 8 juin 2022  , 1C 556/2021


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_556/2021  
 
 
Arrêt du 8 juin 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
Conseil communal de Concise, 
Municipalité, En Chenaux 8, 1426 Concise, 
représentée par Me Pierre-Yves Brandt, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 


A.A.________, 
C.________, 
tous les deux représentés par Me Alain Sauteur, avocat, 
intimés, 
 
Département des institutions et du territoire du canton de Vaud, 
place du ...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_556/2021  
 
 
Arrêt du 8 juin 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
Conseil communal de Concise, 
Municipalité, En Chenaux 8, 1426 Concise, 
représentée par Me Pierre-Yves Brandt, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
A.A.________, 
C.________, 
tous les deux représentés par Me Alain Sauteur, avocat, 
intimés, 
 
Département des institutions et du territoire du canton de Vaud, 
place du Château 1, 1014 Lausanne, 
représenté par la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne Adm cant VD, 
 
Office fédéral du développement territorial, Worblentalstrasse 66, 3063 Ittigen, 
 
D.________ SA, et 
E.________, 
tous deux représentés par Me Marc-Olivier Buffat, avocat. 
 
Objet 
Plan général d'affectation, décision incidente, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 17 août 2021 (AC.2019.0299). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Le territoire de la Commune de Concise est actuellement régi par le Plan des zones de février 1979 et le règlement communal sur le Plan d'extension et la police des constructions (RPE), approuvés par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 3 septembre 1980. 
E.________ est propriétaire de la parcelle no 1644 de la Commune de Concise; colloquée en zone industrielle, elle supporte déjà déjà une série de constructions. La société D.________ SA, administrée par le prénommé, est propriétaire de la parcelle no 1967 voisine au nord, actuellement en nature de vigne. Ces deux parcelles sont issues de la division de l'ancienne parcelle no 1644, opérée le 2 septembre 2014. 
En 2016, la Municipalité de Concise a délivré une autorisation de construire un complexe artisanal et de bureaux sur la parcelle no 1967. Au terme d'un contrôle incident de la planification, ce permis de construire a été définitivement annulé par le Tribunal fédéral par arrêt du 8 juillet 2021 (cause 1C_296/2020). 
Dès 2003, la commune a entrepris la révision de sa planification générale (PGA). Cette démarche a abouti à la mise à l'enquête publique en 2018 (et 2019) d'un projet de PGA prévoyant notamment, sur les deux parcelles nos 1644 et 1967, une zone d'activités artisanales en lieu et place de l'affectation en zone industrielle. B.A.________ et A.A.________ - propriétaires voisins - s'y sont opposés, demandant que les parcelles nos 1644 et 1967 soient "déclassées" en zone inconstructible. 
Le projet de PGA a été adopté par le Conseil communal de Concise par décisions des 25 juin 2018 et 24 juin 2019. Le 26 août 2019, le département cantonal compétent a partiellement approuvé cette planification à l'exception de la parcelle no 1967maintenue dans son affectation initiale; le département, plus précisément le Service cantonal du développement territorial, a précisé réserver son préavis dans l'attente de l'issue de la procédure d'autorisation de construire sur cette parcelle, procédure achevée depuis lors et ayant abouti - on l'a vu - au refus définitif de cette autorisation. 
Par arrêt du 17 août 2021, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé la décision d'approbation du département en tant qu'elle concerne la parcelle n o 1644; elle a par ailleurs annulé les décisions communales en tant qu'elles portent sur les parcelles n os 1644 et 1967. Elle a renvoyé le dossier aux autorités précédentes pour nouvelles décisions dans le sens des considérants.  
Par acte du 17 septembre 2021, le Conseil communal de Concise recourt contre cet arrêt au Tribunal fédéral, concluant principalement à sa réforme en ce sens que la décision d'approbation du 26 août 2019 est maintenue en tant qu'elle concerne la parcelle n o 1644 et les décisions communales sont maintenues en tant qu'elles concernent les parcelles nos 1644 et 1967; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. La Direction cantonale générale du territoire et du logement (DGTL) s'en remet à justice et se réfère à ses déterminations antérieures. Les intimés concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. E.________ et D.________ SA demandent l'admission du recours. Egalement invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) conclut au rejet. Au terme d'un échange ultérieur d'écritures, les parties, de même que E.________ et D.________ SA, persistent dans leurs conclusions respectives. Les intimés se sont encore exprimés, mais uniquement sur le fond de la cause, à l'exclusion de la question de la recevabilité. 
 
2.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
2.1. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure ( art. 90 LTF ), qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause ( art. 91 let. a LTF ) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts ( art. 91 let. b LTF ). Il l'est également contre certaines décisions préjudicielles et incidentes. Il en va ainsi de celles qui concernent la compétence et les demandes de récusation ( art. 92 LTF ). Quant aux autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément, elles peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ( art. 93 al. 1 let. a LTF ) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ( art. 93 al. 1 let. b LTF ).  
 
2.2. La contestation porte sur un arrêt annulant la décision cantonale d'approbation de la révision du PGA communal en tant qu'il porte sur la parcelle no 1644; l'arrêt annule également les décisions communales préalables d'adoption dans la mesure où elles concernent cette même parcelle et la parcelle voisine no 1967. La cour cantonale a relevé les dimensions modestes de cette zone industrielle, son caractère décentré par rapport au village et son implantation au sein d'une vaste zone agricole. Elle a par ailleurs souligné, se référant à l'art. 15 al. 3 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700) et à l'art. 30a al. 2 de son ordonnance d'application du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1), que le besoin objectif pour une zone d'activités n'était pas établi, spécialement sur le plan régional, le rapport réalisé selon l' art. 47 OAT étant muet à ce sujet; du reste, la zone n'avait depuis plusieurs décennies pas été pleinement développée. Il ressortait par ailleurs du dossier qu'une appréciation semblait avoir été effectuée en relation avec l'ISOS; une appréciation définitive ne pourrait toutefois être opérée qu'une fois connus les besoins effectifs en termes de zones d'activités sur le plan régional. En définitive, la pesée des intérêts en faveur du maintien de la zone litigieuse (parcelles nos 1644 et 1967) apparaissait incomplète et ne pouvait être confirmée; la cause était par conséquent renvoyée aux autorités précédentes pour nouvelles décisions au sens des considérants.  
 
2.3. L'arrêt attaqué s'analyse comme une décision de renvoi ne mettant pas un terme à la procédure. Elle revêt un caractère incident et ne peut en principe pas faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral. Une telle décision est cependant tenue pour finale lorsque le renvoi a lieu uniquement en vue de son exécution par l'autorité inférieure sans que celle-ci ne dispose encore d'une liberté d'appréciation notable (cf. ATF 145 III 42 consid. 2.1).  
 
2.3.1. La recourante reconnaît que l'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure. Elle soutient en revanche que le renvoi ne lui conférerait plus aucune latitude de jugement, lui imposant d'adopter une position à laquelle elle n'adhère pas. Le Tribunal cantonal aurait, aux termes de son arrêt, déjà scellé le sort des parcelles nos 1644 et 1967. Il en résulterait pour elle un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence.  
 
2.3.2. Il est vrai, au regard des motifs retenus non seulement dans l'arrêt attaqué, mais également dans le cadre des procédures judiciaires antérieures, particulièrement lors du contrôle incident ayant conduit à l'annulation du permis de construire de 2016, qu'il existe une série d'éléments susceptibles de compromettre l'affectation en zone d'activités souhaitée par la commune. Cela étant, aux termes de ses considérants, la cour cantonale s'est contentée d'émettre des doutes à ce propos, sans pour autant exclure formellement une telle affectation. Elle a en effet considéré qu'en l'état du dossier une pesée complète des intérêts ne pouvait être opérée, le dossier, en particulier le rapport 47 OAT, ne fournissant aucune information quant aux besoins en zones d'activités sur le plan régional, ni n'exposait la mesure dans laquelle le développement d'autres zones d'activités régionales à proximité avait été examiné. Le Tribunal cantonal a en outre rappelé que les art. 15 al. 3 LAT et 30a al. 2 OAT requerraient encore l'introduction par le canton d'un système de gestion des zones d'activités garantissant, globalement, leur utilisation rationnelle. Il a néanmoins reconnu qu'il pouvait exister un intérêt public de la commune à disposer d'une zone d'activités. Par ailleurs, s'agissant de l'ISOS, l'arrêt attaqué indique que les intérêts liés à cet inventaire semblent avoir été pris en compte; la cour cantonale n'a toutefois ni approfondi ni examiné cette hypothèse, rappelant qu'une appréciation définitive sur ce sujet ne pourrait être effectuée qu'une fois connus les besoins effectifs en termes de zones d'activités sur le plan régional.  
 
2.3.3. Il est ainsi erroné de prétendre que le renvoi de la cause opéré par le Tribunal cantonal annihilerait toute marge d'appréciation de la commune, condamnant inexorablement celle-ci à exclure les parcelles n os 1644 et 1967 de sa zone à bâtir; au contraire, le renvoi commande une instruction complémentaire et une pesée complète des intérêts. Conservant une certaine marge d'appréciation, c'est à tort que la commune recourante déduit un préjudice irréparable du renvoi de la cause.  
 
2.4. La commune recourante affirme que l'admission de son recours pourrait conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ( art. 93 al. 1 let. b LTF ). Sur le fond, elle soutient que les critères d'examen du besoin en zones d'activités déduits de l' art. 30a al. 2 OAT ne s'appliqueraient qu'aux nouvelles zones et non aux zones d'activités existantes. Ce serait ainsi à tort que la cour cantonale aurait renvoyé la cause pour qu'il soit procédé à cet examen, les deux parcelles concernées étant déjà affectées à une zone existante; le plan directeur cantonal favoriserait le maintien des zones d'activités existantes et les autorités cantonales auraient affirmé n'avoir pas pour pratique le "dézonnage" de telles zones déjà bâties. A comprendre la recourante, l'admission de ce grief rendrait sans objet le renvoi et permettrait d'aboutir à une décision finale.  
 
2.4.1. Dans le cadre de la révision de sa planification, il appartient à l'autorité communale de tenir compte des principes d'aménagement du territoire découlant de la législation fédérale et de procéder à une pesée complète des intérêts ( art. 3 al. 1 OAT ; cf. ATF 145 II 70 consid. 3.2; arrêt 1C_575/2019 du 1er mars 2022 consid. 9.1). Dans ce contexte, il apparaît douteux que l' art. 30a al. 2 OAT , singulièrement le système de gestion des zones d'activités, ne s'applique qu'aux nouvelles zones à l'exclusion des zones existantes. Le raisonnement de la recourante conduirait en effet au maintien sans condition de zones d'activités existantes indépendamment du besoin effectif; cela contreviendrait à l' art. 15 LAT , qui commande, à son alinéa premier, de définir les zones à bâtir en fonction des besoins prévisibles, et ordonne, à l'al. 2, leur réduction en cas de surdimensionnement; il ne serait pas non plus tenu compte des exigences d'examen régional imposées par l'al. 3. A ce stade, cette question peut cependant demeuré indécise.  
 
2.4.2. En effet, quand bien même le recours devrait être admis pour ce motif, cela ne mettrait pas pour autant fin à la procédure. La cour cantonale a considéré qu'il "sembl[ait]" qu'il avait été tenu compte de l'ISOS, sans toutefois être catégorique à ce propos; une appréciation définitive à ce sujet ne pourrait, selon les considérants, être effectuée qu'une fois connus les besoins effectifs en termes de zones d'activités sur le plan régional. Aussi le Tribunal cantonal n'a-t-il pas dans son arrêt formellement examiné la compatibilité de la zone litigieuse avec les exigences de protection de l'ISOS, alors que ce grief a été expressément soulevé par les intimés (cf. recours cantonal du 26 septembre 2019, ch. 4b, p. 9 s.). En cas d'admission du recours pour violation de l' art. 30a al. 2 OAT , la cause devrait alors être renvoyée à l'instance précédente pour apprécier la conformité de la planification aux exigences de l'ISOS (cf. art. 107 al. 2 LTF ; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2014 2e éd., n. 15 s. ad art. 107 LTF ), d'autant que cet aspect relève de l'appréciation des circonstances locales dont l'examen revient au premier chef aux autorités cantonales, respectivement communales (cf. ATF 142 I 162 consid. 3.2.2; arrêt 1C_250/2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1; CORBOZ, op. cit., n. 20 s. ad art. 107 LTF ).  
 
2.4.3. La recourante ne peut dès lors pas non plus déduire la recevabilité de son recours de l' art. 93 al. 1 let. b LTF .  
 
3.  
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable. Le présent arrêt est rendu sans frais, la commune agissant dans le cadre de ses attributions officielles ( art. 66 al. 4 LTF ). Elle versera en revanche des dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat ( art. 68 al. 2 et 4 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux intimés, à titre de dépens, à la charge de la Commune de Concise. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département des institutions et du territoire du canton de Vaud, à l'Office fédéral du développement territorial, au mandataire de D.________ SA et E.________ ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 8 juin 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit public  
Numéro d'arrêt : 1C_556/2021
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2022-06-08;1c.556.2021 ?

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