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30/07/2019 | SUISSE | N°8C_342/2018

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit social  , Arrêt du 30 juillet 2019  , 8C 342/2018


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_342/2018  
 
 
Arrêt du 30 juillet 2019  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Wirthlin et Viscione. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Beatrice Pilloud, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'acci

dents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (salaire social), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assura...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_342/2018  
 
 
Arrêt du 30 juillet 2019  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Wirthlin et Viscione. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Beatrice Pilloud, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (salaire social), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 20 mars 2018 (S2 16 138). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1952, occupait un poste d'ouvrier-chauffeur auprès du Service des routes, transports et cours d'eau de l'Etat du Valais (ci-après: le SRTC). Son engagement remontait à 1979. A ce titre, il était obligatoirement assuré contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 14 décembre 2006, à la suite d'un faux-mouvement en utilisant un marteau pneumatique, l'assuré a subi une lésion au niveau de son épaule droite (déchirure partielle du tendon du sus-épineux). Il a pu reprendre son activité professionnelle à 100 % dès le 2 avril 2007. 
Le 12 mars 2014, il a annoncé une rechute (rupture transfixiante du tendon du sus-épineux de l'épaule droite). L'assuré n'ayant pas pu reprendre son activité, le docteur B.________, spécialiste FMH en chirurgie générale et traumatologie et médecin d'arrondissement de la CNA, a indiqué qu'une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l'assuré (pas de port et de soulèvement de charges ni d'activité au-dessus du plan des épaules avec le membre supérieur droit) devait pouvoir être trouvée au sein de l'administration cantonale (cf. rapport du 15 avril 2015). C.________, voyer et supérieur hiérarchique de l'assuré, a proposé à ce dernier un poste de travail en tant qu'"homme à tout faire" pour l'atelier de fabrication de panneaux du SRTC ainsi que pour l'aide à la circulation de ses équipes de marquage. Le docteur B.________ a confirmé l'exigibilité médicale de cette activité le 20 juillet 2015. La CNA a mis fin au versement de l'indemnité journalière dès le 3 août 2015, date à laquelle A.________ était, selon elle, en mesure de mettre en valeur une pleine capacité de travail dans l'activité adaptée. 
Le 20 novembre 2015, l'assuré a adressé une lettre à la CNA dans laquelle il se plaignait de la gestion de son dossier, à savoir que son activité adaptée était "bidon" et non rentable et que ses douleurs étaient exacerbées par le travail. Il mentionnait que ses chefs ne savaient pas que lui faire faire et qu'après avoir nettoyé des véhicules légers pendant une semaine avec un seul bras, il avait été délégué au ponçage des panneaux de signalisation. Dans un rapport du 30 novembre 2015, le docteur B.________ a constaté que le rendement de l'assuré dans l'activité débutée en août 2015 était clairement insuffisant et a préconisé un séjour à la clinique D.________ dans le but de parfaire le traitement antalgique et d'évaluer les capacités professionnelles résiduelles. L'assuré a séjourné à la clinique D.________ du 9 décembre 2015 au 20 janvier 2016. Il ressort du rapport de sortie de la clinique D.________ du 26 janvier 2016 que la situation était stabilisée du point de vue des aptitudes fonctionnelles liées au travail. En outre, le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles retenues était favorable. 
Le 12 février 2016, A.________ a derechef écrit à la CNA pour lui faire part de ses griefs à l'encontre de sa nouvelle activité. En particulier, il estimait son rendement à 25 % au maximum et le fait de toucher un "salaire social de près de 75%" le perturbait. Après avoir exercé pendant plus de 36 ans une activité manuelle et lourde, l'activité de substitution lui paraissait aussi inutile qu'ennuyeuse. Le 1 er  mars 2016, à l'issue d'un entretien entre l'inspecteur de la CNA, C.________ et l'assuré, ce dernier a remis à son supérieur une lettre du 29 février 2016 demandant au Service du personnel de l'Etat du Valais sa mise à la retraite dès le 1 er  juin 2016. Le 22 mars 2016, C.________ a précisé à l'inspecteur de la CNA que les tâches effectuées par l'assuré au sein de l'unité de signalisation n'étaient pas occupationnelles ni inutiles à l'Etat du Valais. Il ne s'agissait pas d'un "poste social" créé pour occuper A.________.  
Dans un rapport d'examen du 6 avril 2016, le docteur B.________ a conclu à la stabilisation médicale du cas et évalué l'atteinte à l'intégrité à un taux de 15 %. Dans un courrier du 31 mai 2016, le chef du SRTC, E.________, et l'adjointe du chef du Service des ressources humaines ont confirmé que la fonction occupée par l'assuré à partir du 3 août 2015 au sein du groupe Signalisation était rémunérée selon la classe 19, comme l'était son ancienne activité d'ouvrier-chauffeur. 
Par décision du 6 juin 2016, confirmée sur opposition le 21 octobre 2016, la CNA a indiqué que les séquelles accidentelles de l'assuré ne l'empêchaient pas de poursuivre sa nouvelle activité, rémunérée de manière identique à celle déployée auparavant. Partant, l'assureur-accidents niait le droit à une rente d'invalidité mais reconnaissait une atteinte à l'intégrité correspondant à un taux de 15 %. 
 
B.   
A.________ a déféré cette décision devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton du Valais. Un échange de courriels entre A.________ et F.________, chef de la section Personnel, Administration et Finances du SRTC a également été produit. Par jugement du 20 mars 2018, le Tribunal cantonal a rejeté le recours. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont il requiert l'annulation. Il conclut, principalement, au renvoi de la cause à la CNA pour qu'elle fixe son taux d'invalidité à 34 % et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle procède à l'audition de E.________, chef du SRTC, le tout sous suite de frais et dépens. 
La cour cantonale et la CNA ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final ( art. 90 LTF ) rendu en matière de droit public ( art. 82 ss LTF ) par une autorité cantonale de dernière instance ( art. 86 al. 1 let . d LTF). Il a été déposé dans le délai ( art. 100 LTF ) et la forme ( art. 42 LTF ) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le litige porte sur le taux d'invalidité du recourant, singulièrement sur le revenu d'invalide qui doit être retenu pour la comparaison des revenus prescrite par l' art. 16 LPGA (RS 830.1). Comme en instance cantonale, le taux de l'atteinte à l'intégrité n'est pas litigieux. 
La procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente ( art. 105 al. 3 LTF ). 
 
3.   
Le revenu d'invalide doit en principe être évalué en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Le salaire effectivement réalisé ne peut cependant être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide que si trois conditions cumulatives sont remplies: l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé doit reposer sur des rapports de travail particulièrement stables; cette activité doit en outre permettre la pleine mise en valeur de la capacité résiduelle de travail exigible; le gain obtenu doit enfin correspondre au travail effectivement fourni et ne pas contenir d'éléments de salaire social (cf. ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 594 s.; 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475). La preuve de l'existence d'un salaire dit "social" est toutefois soumise à des exigences sévères, parce que, selon la jurisprudence, l'on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 141 V 351 consid. 4.2 p. 353; 117 V 8 consid. 2c/aa p. 18). Des liens de parenté ou l'ancienneté des rapports de travail peuvent constituer des indices de la possibilité d'un salaire social (arrêt 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 4.1 et la référence). 
 
4.   
La juridiction cantonale a retenu que le poste proposé au recourant dès le mois d'août 2015 était pleinement exigible sur le plan médical. Par ailleurs, elle a réfuté le caractère purement occupationnel du travail du recourant et la qualification de "salaire social" pour la rémunération obtenue. Les premiers juges ont considéré que les explications données par C.________ lors des entretiens des 1 er et 22 mars 2016 sur l'utilité des tâches confiées à l'assuré étaient convaincantes et qu'elles étaient corroborées par le correctif apporté au courriel du 18 novembre 2016 par F.________. En outre, la juridiction cantonale a retenu que les précisions apportées par E.________ et l'adjointe au chef du Service des ressources humaines par courrier du 31 mai 2016 confirmaient que la fonction d'ouvrier-chauffeur exercée par le recourant avant sa rechute et celle d'ouvrier professionnel au sein du groupe Signalisation étaient toutes deux rangées dans la classe 19 de l'échelle des traitements de l'administration cantonale valaisanne, bénéficiant ainsi d'une rémunération identique. Les juges ont conclu que le recourant n'avait pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante requis que sa rémunération contenait une composante de salaire social.  
 
5.  
 
5.1. Le recourant invoque une appréciation arbitraire des faits et des preuves en tant que la cour cantonale n'a pas retenu que la rémunération dans sa fonction au sein du groupe Signalisation contenait une composante de salaire social. Il reproche à la juridiction cantonale de s'être fondée sur les propos de C.________ alors que ce dernier n'avait aucune compétence pour affirmer qu'un employé à l'unité de Signalisation était rémunéré en classe 19. Le recourant fait valoir qu'en tout état de cause, même si un employé de l'unité de Signalisation devait être rémunéré en classe 19, il ne pouvait bénéficier de cette classe de salaire puisqu'il n'avait été affecté qu'au "ponçage de panneaux", soit un aspect très limité de la fonction d'ouvrier au sein du groupe Signalisation. Il soutient encore que la lecture et l'interprétation par la juridiction cantonale des précisions apportées par F.________ à son courriel du 18 novembre 2016 sont erronées et ne sauraient dès lors conduire à la conclusion qu'il pouvait bénéficier de la classe de salaire 19 pour son activité au sein du groupe Signalisation. Selon le recourant, les précisions apportées par E.________ et l'adjointe au chef du Service des ressources humaines dans leur courrier du 31 mai 2016 ont également été interprétées de manière erronée par la juridiction cantonale. A ce propos, il reproche aux premiers juges de ne pas avoir donné suite à sa requête portant sur l'audition de E.________ alors que ce dernier aurait pu établir que l'emploi au sein du groupe Signalisation en tant que "ponceur de panneaux" ne pouvait en aucun cas bénéficier de la classe de traitement 19. Il y voit à la fois une violation de la maxime d'office ( art. 61 let . c LPGA) et une violation de son droit d'être entendu ( art. 29 al. 2 Cst. ).  
 
5.2. La violation du droit d'être entendu et du principe de la maxime inquisitoire (ou, autrement dit, du devoir d'administrer les preuves nécessaires) dans le sens invoqué par le recourant sont des questions qui n'ont pas de portée propre par rapport au grief tiré d'une mauvaise appréciation des preuves (voir arrêt 8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132). Le juge peut en effet renoncer à accomplir certains actes d'instruction, sans que cela n'entraîne une violation du devoir d'administrer les preuves nécessaires ou plus généralement une violation du droit d'être entendu, s'il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (sur l'appréciation anticipée des preuves en général: ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2 p. 428).  
 
6.  
 
6.1. Dans son correctif apporté au courriel du recourant du 18 novembre 2016, F.________ a notamment biffé les termes d'"activité occupationnelle mise à disposition pour éviter un licenciement" utilisés par le recourant pour décrire son poste de "ponçeur de panneaux" et les a remplacés par "activité plus adaptée au handicap de A.________, en accord avec le représentant de la SUVA". F.________ a confirmé que le recourant avait bénéficié de la même classe salariale pour son activité au sein de l'unité "Signalisation" que pour celle qu'il occupait précédemment comme ouvrier spécialisé. Il a en outre biffé les termes utilisés par le recourant, d'après lesquels "ce poste supplémentaire n'est pas nécessaire et le fait d'avoir offert provisoirement une petite occupation dans le secteur Signalisation n'a été possible que parce que l'unité de personnel A.________ était toujours disponible dans le secteur entretien des routes".  
 
6.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, on ne saurait déduire de ces précisions que le travail fourni dans sa nouvelle activité au sein de l'unité Signalisation ne pouvait en aucun cas bénéficier de la classe de salaire 19. En particulier, le fait qu'il exerçait dans son nouveau poste une activité "plus adaptée à son handicap" ne permet pas d'inférer que la rémunération perçue par le recourant n'équivalait pas aux prestations de travail correspondantes. Le recourant n'apporte aucun élément concret permettant de penser qu'il n'était pas en mesure de fournir la contrepartie du salaire perçu ou que son rendement était limité.  
 
6.3. Son affirmation selon laquelle il était uniquement affecté au "ponçage de panneaux", sous-tendant que cette tâche ne représentait qu'un aspect limité du métier réalisé par les ouvriers travaillant au sein du groupe Signalisation, n'a été corroborée ni par son supérieur direct, ni par le service des ressources humaines. Quant à l'argument du recourant selon lequel l'audition de E.________ aurait permis d'établir que le poste de "ponceur de panneaux" au sein du groupe Signalisation ne pouvait assurément pas bénéficier de la classe de salaire 19, il tombe à faux. En effet, dans la mesure où la fonction de "ponceur de panneaux" n'existait pas et que E.________ avait déjà confirmé par écrit que la fonction d'ouvrier-chauffeur et celle d'ouvrier professionnel au groupe Signalisation étaient toutes deux rangées dans la classe 19 de l'échelle des traitements de l'administration cantonale valaisanne, on ne voit pas en quoi son audition aurait été plus parlante que ses explications fournies par écrit, sauf à se contredire. Vu ce qui précède, l'existence d'un salaire dit "social" n'apparaît dès lors pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.  
 
6.4. En l'absence de salaire social, la juridiction cantonale pouvait fixer le revenu d'invalide du recourant en se fondant sur le revenu effectivement réalisé par celui-ci dans son activité adaptée, sans devoir procéder à une évaluation sur la base de salaires fondés sur les données statistiques (cf. ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 593 s.).  
 
7.   
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 30 juillet 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : Fretz Perrin 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit social  
Numéro d'arrêt : 8C_342/2018
Date de la décision : 30/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2019-07-30;8c.342.2018 ?

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