La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2005 | SUISSE | N°5P.171/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 octobre 2005, 5P.171/2005


{T 0/2}
5P.171/2005 /frs

Arrêt du 7 octobre 2005
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Fellay.

X. ________ Ltd,
recourante, agissant par Mme C.________ et représentée par Me Christian
Fischele, avocat,

contre

S.________,
intimée, représentée par Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mainlevée de l'opposition),

recours de droit public contre l'

arrêt de la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève du 7 avril 2005.

Faits:

A.
A.a En 2000 et 2001, Y.____...

{T 0/2}
5P.171/2005 /frs

Arrêt du 7 octobre 2005
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Fellay.

X. ________ Ltd,
recourante, agissant par Mme C.________ et représentée par Me Christian
Fischele, avocat,

contre

S.________,
intimée, représentée par Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mainlevée de l'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève du 7 avril 2005.

Faits:

A.
A.a En 2000 et 2001, Y.________, société incorporée aux Iles Vierges
britanniques, a accordé quatre prêts d'un montant total supérieur à 7
millions de francs à X.________, société ayant son siège aux Bahamas.

Par convention du 10 août 2001, Y.________ a cédé tous les droits découlant
des contrats de prêts à S.________, société des Iles Vierges britanniques.
Cette convention est signée notamment par C.________ pour le compte de
Y.________, par O.________ pour le compte de X.________ et par D.________,
belle-soeur de A.________, pour le compte de S.________.

Y. ________ soutient que ladite convention de cession est un faux. C.________
a déposé plainte pénale contre A.________ et S.________. Selon elle, la
belle-soeur de A.________, qui représente S.________, et A.________, qui se
prétend représentant de X.________, essaient de faire en sorte que S.________
puisse encaisser la créance auprès de X.________ au détriment de Y.________.

A.b Se prétendant toutes deux titulaires de la créance en remboursement des
quatre prêts, Y.________ et S.________ ont requis et obtenu chacune un
séquestre sur les mêmes avoirs de X.________ auprès de la banque Leu et ont
introduit chacune une poursuite en validation de séquestre contre X.________,
soit les poursuites n°s xxxx (Y.________) et xxxx (S.________).

La débitrice X.________ ne conteste pas la créance en tant que telle, mais
elle ne s'en acquitte pas puisque chacun de ses prétendus représentants veut
qu'elle soit payée à un créancier différent: C.________ veut qu'elle soit
payée à Y.________ et A.________ veut qu'elle le soit à S.________.

A.c Le 2 janvier 2004, un procès a été ouvert aux Bahamas aux fins de faire
constater que seuls A.________ et O.________ sont administrateurs de
X.________. C.________ y a conclu à ce que cette qualité lui soit reconnue à
elle seule. La cause est toujours pendante.

B.
Dans la poursuite en validation de séquestre n° xxxx initiée par S.________
pour différents montants avec intérêts, dont le total en capital ascende à
plus de 7 millions de francs, sous déduction de deux versements de 95'719 fr.
et de 40'640 fr., l'Office des poursuites de Genève a notifié le commandement
de payer à chacun des deux prétendus représentants de la débitrice
X.________. A.________ n'a pas fait opposition. En revanche, C.________ a
fait opposition.

Par jugement du 18 janvier 2005, le Tribunal de première instance du canton
de Genève a rejeté la requête de S.________ tendant à la mainlevée provisoire
de cette opposition.

Sur appel de la poursuivante, la Cour de justice du canton de Genève a, par
arrêt du 7 avril 2005 communiqué aux parties le 11 du même mois, déclaré
irrecevables les conclusions prises par A.________ pour le compte de
X.________ et prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par
C.________.

C.
Agissant le 10 mai 2005 par la voie du recours de droit public, X.________ -
représentée par C.________ - requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
de la Cour de justice. Elle invoque la violation de l'art.9 Cst. dans
l'application de l'art. 82 LP.

L'intimée S.________ conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du
recours en tant qu'il est recevable.

L'effet suspensif a été attribué au recours par ordonnance présidentielle du
7 juin 2005.

Sur requête de l'intimée, la recourante a été astreinte à fournir des sûretés
en garantie des dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté contre une décision qui prononce en dernière instance cantonale
la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 LP; ATF 120 la 256 consid.
1a; 111 III 8 consid. 1; 93 II 436 consid. 2 et les références), le présent
recours est recevable au regard des art. 86 al.1, 87 (a contrario) et 89 al.
1 OJ. Le recours est par ailleurs recevable au regard de l'art. 84 al. 1 let.
a OJ, en tant que la recourante invoque l'interdiction de l'arbitraire (art.
9 Cst.). Enfin, la recourante, dont l'opposition a été levée, est
personnellement touchée par la décision attaquée et a ainsi qualité pour
recourir (art. 88 OJ), ce qu'elle a fait en temps utile (art. 89 al. 1 OJ).

1.2 En instance cantonale, la procédure de mainlevée a opposé S.________ à
X.________, dont la représentation était alléguée tant par C.________ que par
A.________. Par l'arrêt attaqué, la Cour de justice a tranché préalablement
le sort de la représentation de la débitrice: elle a retenu que C.________
avait seule la qualité d'administratrice de celle-ci et que A.________ ne
l'avait pas, n'ayant fourni depuis les arrêts sur séquestres des 10 septembre
2003 et 2septembre 2004 aucun élément nouveau qui aurait permis de s'écarter
de la solution de ces arrêts et une procédure au fond sur la représentation
étant toujours pendante aux Bahamas. Elle a donc déclaré irrecevables les
conclusions prises par A.________.

Ce dernier n'ayant pas interjeté de recours de droit public contre la
décision lui déniant la qualité de représentant de la débitrice et déclarant
irrecevables ses conclusions, la question de la représentation de la
débitrice est donc, dans la présente poursuite de S.________, définitivement
liquidée. Il n'y a dès lors pas lieu de notifier le présent recours pour
réponse à A.________.

2.
La recourante estime être en droit de produire un nouveau moyen de fait, soit
l'arrêt du 7 avril 2005 de la Cour de justice rendu dans la cause de
mainlevée parallèle opposant Y.________ à X.________, sur lequel elle fonde
son premier grief, à savoir la violation par la Cour de justice de l'art. 9
Cst. pour avoir rendu le même jour deux arrêts contradictoires sur le même
complexe de faits.

Dans un recours de droit public pour arbitraire, les faits, moyens de preuve
ou moyens de droit nouveaux sont irrecevables. Des exceptions à ce principe
ne sont admises que dans quatre cas: de nouveaux moyens sont recevables
lorsque seule la motivation de la décision attaquée donne l'occasion de les
soulever, lorsqu'ils ont trait à un point de vue qui s'impose et que
l'autorité cantonale aurait dû prendre en considération d'office, lorsqu'ils
n'acquièrent de l'importance que lors de l'établissement des faits selon
l'art. 95 OJ et enfin, pour les moyens de droit nouveaux, lorsque l'autorité
cantonale de dernière instance disposait d'un plein pouvoir d'examen et
devait appliquer le droit d'office (ATF 128 I 354 consid. 6c et les arrêts
cités).
En l'espèce, le prononcé de l'arrêt dont la recourante requiert l'admission
en procédure est un fait nouveau irrecevable, aucune des exceptions admises
par la jurisprudence n'étant réalisée. Il en va de même de l'argument
juridique tiré de la contradiction entre les deux décisions de mainlevée; au
demeurant, les décisions de mainlevée provisoire n'étant pas revêtues de
l'autorité de la chose jugée (ATF 100 III 48 consid. 3), le risque de
jugements contradictoires est inexistant.

3.
Saisi d'un recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst.), le Tribunal
fédéral n'annule la décision cantonale que si celle-ci est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice
et de l'équité (ATF 126 III 438 consid. 3 p. 440; 125 I 166 consid. 2a; 120
Ia 369 consid. 3a; 118 Ia 118 consid. 1c p. 123 s. et les arrêts cités). La
violation doit être manifeste et reconnaissable d'emblée (ATF 102 Ia 1
consid. 2a p. 4). Pour que la décision soit annulée, il ne suffit pas que sa
motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1; 118 Ia 118 consid.
1c p. 124 et les arrêts cités). Le recourant ne peut se contenter de
prétendre que la décision entreprise est arbitraire, mais doit au contraire
démontrer, par une argumentation précise, que la décision incriminée est
insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 119 Ia 197 consid. 1d), une
critique de nature purement appellatoire étant irrecevable (ATF 107 Ia 186).
Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de
l'autorité cantonale apparaît concevable ou même préférable (ATF 126 III 438
consid. 3 p. 440; 125 II 129 consid. 5b p. 134; 118 Ia 20 consid. 5a p. 26).

4.
La recourante invoque l'arbitraire dans l'application de l'art. 82 LP,
reprochant à la cour cantonale d'avoir admis la qualité de cessionnaire de la
poursuivante alors qu'il est vraisemblable que la convention de cession n'est
pas authentique.

4.1 En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une
reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé
peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le
débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

4.1.1 Selon la volonté du législateur, le droit en matière de poursuite admet
que l'on puisse poursuivre une personne même pour des créances qui ne se
basent sur aucun jugement, sur aucun document public, pas même sur un titre
privé; le complément nécessaire d'un droit de poursuite aussi étendu est la
possibilité pour le poursuivi de faire opposition (Message du Conseil fédéral
concernant la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 23
février 1886, in FF 1886 II 61/62). Dans la procédure de mainlevée -
définitive ou provisoire -, qui est une pure procédure d'exécution forcée
(ATF 94 I 365 consid. 6 p. 373; 72 II 52 p. 54), un incident de la poursuite,
le juge doit examiner le jugement exécutoire ou les titres y assimilés,
respectivement le titre - public ou privé - qu'est la reconnaissance de dette
et statuer sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur, c'est-à-dire
décider si l'opposition doit ou ne doit pas être maintenue. Selon la
jurisprudence, le juge de la mainlevée provisoire est autorisé à lever
provisoirement l'opposition du débiteur à la poursuite sur le seul vu d'une
reconnaissance de dette sous seing privé et même d'un contrat, si le débiteur
ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération, et cela peut avoir
pour conséquence de permettre au créancier de faire réaliser les biens du
débiteur et d'obtenir ainsi satisfaction si ce dernier n'ouvre pas action en
libération de dette en temps utile (ATF 74 II 47 consid. 3 p. 51/52). La
procédure de mainlevée provisoire, comme la procédure de mainlevée
définitive, est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est
pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un
titre exécutoire: le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le
titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de
son origine et de ses caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit
pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend
pas immédiatement vraisemblables des exceptions (ATF 58 I 363 consid. 2 p.
369/370). Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force
probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la
validité de la créance - et il lui attribue force exécutoire si le débiteur
ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires.

Lorsque la reconnaissance de dette est signée par un représentant du
débiteur, la mainlevée provisoire dans la poursuite introduite contre le
représenté ne peut être prononcée que sur le vu d'une pièce attestant des
pouvoirs du représentant (ATF 112 III 88 consid. 2c); de même, quand l'obligé
est une personne morale, la mainlevée provisoire dans la poursuite contre
celle-ci ne peut être prononcée que si les pouvoirs du représentant (art. 32
al. 1 CO) ou de l'organe (art. 55 al. 2 CC) qui a signé sont documentés par
pièces (ATF 130 III 87 consid. 3.1). La jurisprudence a toutefois admis qu'il
n'est pas arbitraire de prononcer la mainlevée même en l'absence d'une
procuration écrite lorsque les pouvoirs du représentant ou de l'organe ne
sont pas contestés ou s'ils peuvent se déduire d'un comportement concluant du
représenté ou de la société au cours de la procédure sommaire de mainlevée,
comportement dont il résulte clairement que le représentant ou l'organe a
signé en vertu de pouvoirs (ATF précités).

Lorsque la créance en poursuite résulte d'un contrat de prêt - qui est une
reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP (ATF 131 III 268 consid. 3.2)
- et que le créancier poursuivant se prévaut d'une cession de créance (art.
164 al. 1 et 165 CO; sur les exigences formelles de la cession, cf. ATF 122
III 361 consid. 4c), la mainlevée provisoire peut être accordée à celui qui a
pris la place du créancier désigné dans la reconnaissance de dette (ATF 83 II
211 consid. 3b p. 214; 95 II 617 consid. 1 p. 620), pour autant que le
transfert de la créance soit établi par titre (Panchaud/Caprez, La mainlevée
d'opposition, § 18 p. 41; Daniel Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, n. 73 ad art. 82 LP; P.-R. Gilliéron,
Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,
n. 74 ad art. 82 LP; Eugen Fischer, Rechtsöffnungspraxis in Basel-Stadt, BJM
1980 p.117). Il doit en aller de même lorsque la substitution du nouveau
créancier résulte d'une reprise de contrat, soit du transfert de
l'intégralité du rapport contractuel avec tous les droits et obligations y
relatifs - ce qui suppose l'accord de tous les intéressés (sur cette notion,
cf. ATF 47 II 416 consid. 2 p. 421; arrêt 4C.109/1999 du 24 juin 1999 et les
références) -, et que ce transfert et les pouvoirs des représentants
signataires sont documentés par titres.

4.1.2 Sur le seul vu des pièces produites par le créancier,
le juge prononce
la mainlevée provisoire si le débiteur ne rend pas immédiatement
vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Lorsque le poursuivi conteste
l'authenticité des signatures des représentants à la convention de cession ou
de reprise de contrat et, par suite, la qualité de créancier du cessionnaire
ou du reprenant, il doit rendre vraisemblable la falsification. En effet,
dans le système de la mainlevée provisoire voulu par le législateur, à moins
que le titre produit par le créancier poursuivant ne soit d'emblée suspect -
ce que le juge vérifie d'office -, le titre bénéficie de la présomption (de
fait) que les faits qui y sont constatés sont exacts et que les signatures
qui y sont apposées sont authentiques (C. Jaeger, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne/Genève 1900,
n. 3 ad art. 82 LP p. 238; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, 4e éd., n. 8 ad art.82 LP; Ernst Blumenstein,
Handbuch des Schweizerischen Schuldbetreibungsrechtes, Berne 1911, p. 302
note 20; Fritzsche/Walder, Schuldbetreibung und Konkurs, T. I, § 20 n. 5 p.
259; Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e
éd., Berne 2003, § 19 n. 74; Panchaud/Caprez, op. cit., § 4 n. 1). Le juge
prononce la mainlevée provisoire si la falsification n'est pas rendue
vraisemblable séance tenante. Lorsque le juge doit ainsi statuer selon la
simple vraisemblance (Glaubhaftmachung, la semplice verosimiglianza), il
doit, en se basant sur des éléments objectifs, avoir l'impression que le fait
invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il
ait pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3 p. 325; 104 Ia 408
consid. 4 p. 413; 5P.333/1998 consid. 2c). Pour convaincre le juge, le
poursuivi ne peut donc pas se contenter de contester l'authenticité de la
signature; il doit démontrer, au moyen de pièces ou d'autres moyens de preuve
immédiatement disponibles, qu'il est plus vraisemblable que la signature soit
fausse qu'authentique.

4.2 La cour cantonale a recherché si la poursuivante S.________ avait la
qualité de cessionnaire. Se référant à l'arrêt rendu par elle en matière de
séquestre le 2 septembre 2004, elle a jugé que la poursuivante avait cette
qualité puisqu'elle avait produit une convention de cession du 10 août 2001
et que, même si l'authenticité de cet acte était contestée, les conclusions
des expertises établies par Daniel Correvon et les affidavits fournis
rendaient sa thèse de la véracité de la convention litigieuse suffisamment
vraisemblable. Elle a ensuite réfuté les moyens libératoires, soit les
contestations de la poursuivie: premièrement, en l'état, il ne résultait de
la procédure pénale aucun indice déterminant permettant de déduire que la
convention en question fût un faux; deuxièmement, l'argument selon lequel
C.________ n'aurait pas eu le pouvoir de signer la convention au nom de
Y.________ en août 2001 ne convainquait pas au vu du "certificate of
incumbency" du 26 septembre 2000 attestant de sa qualité d'administratrice et
de l'absence de toute allégation ou démonstration d'une modification du
conseil d'administration de cette société; troisièmement, l'argument selon
lequel O.________ n'aurait pas eu le pouvoir de signer la convention au nom
de X.________ n'était qu'une pure allégation, dès lors qu'aucune pièce
infirmant le contenu du "certificate of incumbency" du 2 août 2001 n'avait
été produite et que le document attestant que C.________ était son
administratrice datait du 8 janvier 2001 et ne permettait pas d'exclure une
modification des représentants de la société au mois d'août 2001. La cour
cantonale a donc levé l'opposition formée par C.________.

4.3
4.3.1La recourante estime que la vraisemblance de la qualité de cessionnaire
ne suffit pas, parce que l'appréciation de la cour cantonale dans le cadre de
l'opposition à séquestre ne peut valoir entièrement dans la procédure de
mainlevée, l'objectif des deux procédures n'étant pas le même et le juge
étant tenu de vérifier d'office si le cessionnaire détient un titre valable;
en outre, le juge de la mainlevée aurait empiété sur les compétences du juge
du fond en retenant la qualité de cessionnaire; il aurait déchargé la
poursuivante de son obligation de prouver les faits qu'elle avait allégués
conformément à l'art. 8 CC; il y aurait donc atteinte grave à la répartition
du fardeau de la preuve, la poursuivante ayant été mise au bénéfice de la
vraisemblance "en lieu et place du débiteur".

En avançant de tels arguments, la recourante méconnaît la nature de la
procédure de mainlevée et les obligations qui incombent respectivement au
poursuivant et au débiteur. Dès lors que la créancière poursuivante avait
produit les titres documentant sa créance et les pouvoirs des signataires -
seule exigence qui lui était imposée par l'art. 82 al. 1 LP -, il incombait à
la débitrice, comme l'exigeait l'art. 82 al. 2 LP, de rendre vraisemblables
la falsification de la signature de C.________ ainsi que l'absence de
pouvoirs de celle-ci et de O.________ au jour de la conclusion de la
convention du 10 août 2001. Lorsque la cour cantonale constate que
l'authenticité de la convention litigieuse a été rendue "suffisamment
vraisemblable" et qu'aucun indice de la procédure pénale ne permet de
conclure à l'existence d'un faux, elle statue en réalité sur un seul et même
fait: la falsification de la signature de C.________, qu'il appartenait à la
poursuivie de rendre vraisemblable. En retenant ainsi que la falsification
n'avait pas été rendue vraisemblable, la cour cantonale a procédé à une
application de l'art. 82 LP exempte d'arbitraire.

4.3.2 La recourante ne prétend pas, ni ne tente de démontrer qu'il serait
arbitraire de déduire des expertises de Daniel Correvon et des affidavits,
ainsi que de la procédure pénale, l'absence de preuve de la vraisemblance de
la falsification de la signature de C.________ et, partant, de la convention
de cession. Elle n'invoque pas non plus un défaut de motivation de
l'appréciation des preuves (art. 29 al.2 Cst.). En se bornant à invoquer le
caractère gratuit de la cession et l'absence d'allégation et de preuve d'une
quelconque cause qui puisse justifier cette cession, elle ne s'en prend pas à
la motivation de l'arrêt attaqué et sa critique, appellatoire, est
irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).

4.3.3 Lorsqu'elle reproche à la Cour de justice d'avoir retenu le contraire
de ce qu'avait admis le premier juge, d'avoir renversé les rôles des parties
en exigeant de la débitrice qu'elle apporte la preuve formelle et complète de
sa libération et en se contentant de la vraisemblance de la part de la
créancière, ainsi que de lui avoir fait supporter à elle le fardeau de la
preuve des allégations de la poursuivante, la recourante formule sous une
autre forme le même grief que celui invoqué en premier (ci-dessus consid.
4.3.1), se méprenant à nouveau sur la nature de la procédure de mainlevée.

4.3.4 En soutenant qu'il y a renversement du rôle des parties et qu'il est
insoutenable de la contraindre à agir au fond, avec ce que cela implique de
frais et d'efforts, la recourante méconnaît que le débiteur qui ne sait pas
quel est son véritable créancier peut se libérer de son obligation en
consignant le montant en justice conformément à l'art.168 al. 1 CO (Spirig,
Commentaire zurichois, n. 197 ad Vorb. 164-174 OR). S'il ne consigne pas, il
s'expose à succomber en procédure de mainlevée et à devoir agir au fond en
libération de dette; ni le risque de devoir payer deux fois pour une seule et
unique dette, ni le conflit existant entre deux prétendus représentants ne
sauraient avoir pour conséquence de faire supporter au créancier cessionnaire
la charge d'ouvrir comme demandeur une action en reconnaissance de dette
(art. 279 al. 2 LP). Au contraire, faute de consignation, c'est dans la ou
les procédures en libération de dette que le débiteur sera contraint d'ouvrir
contre le ou les prétendus créanciers ayant obtenu la mainlevée - procédures
qui pourront être jointes selon le droit de procédure cantonal -, que la
question litigieuse de la titularité de la créance pourra être tranchée à
titre préjudiciel, de façon à permettre ensuite la continuation de la
poursuite en faveur d'un seul créancier. La décision de mainlevée n'est dès
lors pas non plus arbitraire sous cet angle.

4.3.5 Lorsqu'elle reproche à la cour cantonale d'avoir examiné deux pièces
qu'elle a produites et d'avoir ignoré toutes les autres, partant d'avoir
arbitrairement écarté des moyens de preuve pertinents, d'avoir admis que
O.________ représentait X.________ alors que c'était à S.________ de
démontrer que tel était le cas et que sa pièce 10 rendait l'inverse
vraisemblable, la recourante s'en prend à l'appréciation des preuves par la
cour cantonale, mais sa critique ne contient pas la moindre démonstration que
cette appréciation serait arbitraire. Elle est donc irrecevable (art. 90 al.
1 let. b OJ).

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

Les frais et dépens de la procédure fédérale doivent être mis à la charge de
la recourante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). La valeur litigieuse étant
supérieure à 7 millions de francs, il se justifie de fixer l'émolument
judiciaire à 40'000 fr. (art. 153a OJ; ch. 3 du Tarif des émoluments
judiciaires du Tribunal fédéral). Un montant de 40'000 fr. sera alloué à
l'intimée à titre de dépens (art. 4 et 6 du Tarif pour les dépens alloués à
la partie adverse dans les causes portées devant le Tribunal fédéral), cette
indemnité étant couverte à due concurrence par la caution déposée par la
recourante, laquelle sera versée à l'intimée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 40'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 40'000 fr. à titre de
dépens. Cette indemnité est couverte à due concurrence par la caution déposée
par la recourante, laquelle sera versée à l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à Me Benoît
Carron, avocat à Genève, pour A.________.

Lausanne, le 7 octobre 2005

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.171/2005
Date de la décision : 07/10/2005
2e cour civile

Analyses

Art. 82 LP; mainlevée provisoire de l'opposition dans une poursuite fondéesur une reprise de contrat dont l'authenticité des signatures est contestée. Nature de la procédure de mainlevée. Preuve par titre de la qualité decréancier cessionnaire ou reprenant (consid. 4.1.1). Exception defalsification des signatures soulevée par le débiteur; vraisemblance(consid. 4.1.2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-10-07;5p.171.2005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award