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22/10/2003 | SUISSE | N°6P.82/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 octobre 2003, 6P.82/2003


{T 0/2}
6P.82/2003/sch

Arrêt du 22 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Brahier Franchetti,
Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat, place de la
Taconnerie 3, 1204 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case po

stale
3108, 1211
Genève 3.

Procédure pénale, "in dubio pro reo", arbitraire,

recours de droit public contre...

{T 0/2}
6P.82/2003/sch

Arrêt du 22 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Brahier Franchetti,
Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat, place de la
Taconnerie 3, 1204 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case postale
3108, 1211
Genève 3.

Procédure pénale, "in dubio pro reo", arbitraire,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du
canton de
Genève, Chambre pénale, du 5 mai 2003.

Faits:

A.
Les époux A.X.________ et B.X.________ ont été inculpés le 1er
septembre 1997
de défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art.
305ter CP),
pour avoir ouvert le 13 novembre 1995 un compte bancaire auprès de la
banque
Z.________ à Genève, au nom de la société Y.________ SA, sans
entreprendre de
démarches pour identifier le réel ayant droit économique des valeurs
qui y
seraient gardées ou transférées, et pour avoir rempli faussement la
formule
d'ouverture du compte en indiquant comme ayant droit un certain
D.________
alors qu'ils savaient que celui-ci agissait à titre fiduciaire pour
une
tierce personne.

Par ordonnance de condamnation du 25 juillet 2001, le Procureur
général du
canton de Genève a déclaré A.X.________ coupable de faux dans les
titres et
de défaut de vigilance en matière d'opérations financières et l'a
condamné à
six mois d'emprisonnement et au paiement d'une amende de 25'000
francs. Il a
ordonné la confiscation du solde des valeurs patrimoniales déposées
sur le
compte bancaire précité et leur allocation à C.________, qui s'était
porté
partie civile. Par ordonnance du même jour, il a déclaré B.X.________
coupable des mêmes infractions et l'a condamnée à la peine de quatre
mois
d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et au paiement d'une
amende de
10'000 francs. Le 6 août 2001, A.X.________ et B.X.________ ont fait
opposition à ces ordonnances auprès du Tribunal de police du canton de
Genève. Invités à se déterminer sur le point de savoir s'ils
entendaient
faire porter leur opposition sur la question de la culpabilité ou sur
la
question de la mesure de la peine uniquement, ils ont fait savoir, par
courrier du 8 octobre 2001, qu'ils soulèveraient à la prochaine
audience un
incident liminaire tendant à ce que le tribunal sursoie à statuer
jusqu'à ce
qu'A.X.________ puisse être, le cas échéant, jugé pour des faits qui
lui
étaient reprochés dans le cadre d'une autre procédure pénale ouverte
contre
lui. Statuant contradictoirement sur incident à l'audience du 9
novembre
2001, le Tribunal de police a rejeté cette requête, après être entré
en
matière sur les oppositions et avoir mis à néant les ordonnances de
condamnation du 25 juillet 2001. Une nouvelle audience de jugement a
été
convoquée pour le 14 décembre 2001. Le 6 décembre 2001, B.X.________ a
demandé son renvoi devant la Cour correctionnelle siégeant avec le
concours
du jury et a décliné la compétence du Tribunal de police, pour le
motif
qu'elle n'avait jamais consenti à être jugée par cette juridiction,
comme
l'exigeait l'art. 28 al. 2 de la loi genevoise sur l'organisation
judiciaire.
A.X.________ en a fait de même le lendemain. Les époux X.________ ont
réitéré
leur demande à l'audience de jugement du 14 décembre 2001. Statuant
le même
jour sur incident, le Tribunal de police a considéré la requête comme
tardive
et l'a déclarée irrecevable. Il a estimé que les époux X.________
avaient
admis par actes concluants sa compétence en soulevant le 9 novembre
2001 un
incident liminaire sans rapport avec cette question. Les époux
X.________ ont
annoncé qu'ils entendaient immédiatement interjeter pourvoi en
cassation sur
cette question auprès de la Cour de cassation du canton de Genève, ce
qu'il
ont fait le jour-même. Ils ont alors quitté l'audience du Tribunal de
police,
laquelle s'est poursuivie.

Par jugement du 11 janvier 2002, le Tribunal de police a reconnu
A.X.________
coupable de faux dans les titres et de défaut de vigilance en matière
d'opérations financières et l'a condamné à la peine de six mois
d'emprisonnement et à une amende de 25'000 francs. Il a reconnu
B.X.________
coupable de complicité de défaut de vigilance en matière d'opérations
financières et l'a condamnée à la peine de quatre mois
d'emprisonnement avec
sursis pendant trois ans et à une amende de 10'000 francs. Il a
ordonné la
confiscation du solde actuel des valeurs patrimoniales déposées sur
le compte
bancaire au nom de Y.________ SA et leur allocation à C.________. Les
époux
X.________ ont fait appel de ce jugement auprès de la Chambre pénale
du
canton de Genève.

Par arrêts du 24 mai 2002, la Cour de cassation genevoise a rejeté les
recours d'A.X.________ et B.X.________, admettant que ces derniers
avaient
reconnu la compétence matérielle du Tribunal de police par actes
concluants.
Par un arrêt du 2 octobre 2002 (1P.348/2002 et 1P.350/2002), le
Tribunal
fédéral a rejeté les recours de droit public d'A.X.________ et
B.X.________
contre les arrêts du 24 mai 2002 de la Cour de cassation genevoise.

B.
A.X.________ et B.X.________ ont saisi la Chambre pénale de la Cour de
justice genevoise d'un appel contre le jugement du Tribunal de police
du 11
janvier 2002. A l'audience du 25 novembre 2002, ils ont sollicité le
renvoi
de la cause devant le Tribunal de police pour procéder à l'audition de
témoins et rendre un nouveau jugement, cette autorité ayant statué le
11
janvier 2002 au mépris selon eux de l'effet suspensif attaché aux
recours qui
étaient pendants devant la Cour de cassation genevoise. Par arrêt du
16
décembre 2002, la Chambre pénale a rejeté cette requête. A.X.________
et
B.X.________ ont chacun formé un recours de droit public au Tribunal
fédéral
contre cette décision cantonale. Par un arrêt du 26 février 2003
(1P.66/2003
et 1P.67/2003), le Tribunal fédéral a déclaré les recours
irrecevables,
considérant que la décision attaquée était une décision incidente aux
termes
de l'art. 87 al. 2 OJ, qu'elle n'était pas susceptible de porter un
préjudice
irréparable et qu'elle pourrait, s'il y a lieu, être attaquée avec le
prononcé final.

Par arrêt du 5 mai 2003, la Chambre pénale a partiellement admis
l'appel
d'A.X.________, le libérant du chef d'accusation de faux dans les
titres.
Elle a condamné A.X.________, pour défaut de vigilance en matière
d'opérations financières, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis
durant
quatre ans et à une amende de 25'000 francs. Elle a condamné
B.X.________,
pour complicité de défaut de vigilance en matière d'opérations
financière, à
trois mois d'emprisonnement avec sursis durant trois ans et à une
amende de
10'000 francs. Elle a confirmé pour le surplus le jugement du
Tribunal de
police du 11 janvier 2002.

C.
A.X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre les
arrêts des 16 décembre 2002 et 5 mai 2003. Il conclut à leur
annulation.

A. X.________ s'est également pourvu en nullité au Tribunal fédéral
contre
l'arrêt du 5 mai 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se
plaindre
d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en
nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être
invoqué dans
le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84
al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à
peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points
conforme au
droit ou à l'équité; il est lié par les moyens invoqués dans le
recours et
peut se prononcer uniquement sur les griefs de nature
constitutionnelle que
le recourant a non seulement invoqués, mais suffisamment motivés (ATF
127 I
38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid.
1c p.
76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les
critiques de
nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).

2.
2.1Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application du droit
cantonal
de procédure. Il prétend que le jugement du Tribunal de police du 11
janvier
2002 est nul. Selon lui, ce jugement a été rendu alors que la
question de la
compétence matérielle du Tribunal de police, admise par celui-ci le 14
décembre 2001, faisait l'objet d'un pourvoi en cassation devant la
Cour de
cassation genevoise. Ce recours cantonal serait doté de l'effet
suspensif, de
sorte que le Tribunal de police n'aurait pas dû statuer au fond avant
que
cette dernière autorité n'ait rendu son arrêt, ce qu'elle a fait le
24 mai
2002. Le recourant en déduit que la Chambre pénale aurait dû renvoyer
la
cause au Tribunal de police.

Au plan cantonal, cette question a fait l'objet d'un incident que la
Chambre
pénale a rejeté par son arrêt du 16 décembre 2002. Dans son arrêt du
26
février 2003 (1P.66/2003 et 1P.67/2003), le Tribunal fédéral a
indiqué que
cet arrêt cantonal, valant décision incidente non susceptible de
créer un
préjudice irréparable, pourrait être attaqué avec le prononcé final
(cf. art.
87 al. 3 OJ). C'est ce que fait ici le recourant.

2.2 Ce n'est que sous l'angle restreint de l'interdiction de
l'arbitraire que
le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit
cantonal de procédure (ATF 121 I 1 consid. 2 p. 3). Il n'y a pas
arbitraire
du seul fait qu'une autre interprétation de la loi est possible, voire
préférable (124 I 247 consid. 5 p. 250; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373;
118 Ia
497 consid. 2a p. 499; 116 Ia 325 consid. 3a p. 326/327). Selon la
jurisprudence, est arbitraire une décision qui méconnaît gravement
une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté ou qui heurte de manière
choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. En d'autres
termes, il
ne se justifie de l'annuler que si elle est insoutenable, en
contradiction
manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans
motif
objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne

suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore
faut-il
qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 273 consid. 2.1
p. 275;
127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 168 consid. 3 p. 170).

Dans son arrêt du 16 décembre 2002, la Chambre pénale a indiqué qu'en
droit
genevois, la voie de la cassation était une voie extraordinaire, qui
ne
recelait, à défaut d'une mention expresse, pas en soi d'effet
suspensif. Elle
a relevé que le recourant n'avait pas requis l'effet suspensif et
elle a
conclu que le Tribunal de police, après avoir admis sa compétence
matérielle,
pouvait légitimement poursuivre les débats et rendre son jugement sur
le
fond, même si la question de sa compétence faisait l'objet d'un
recours
auprès de la Cour de cassation genevoise. Elle a ainsi exclu le
renvoi de la
cause au Tribunal de police.

Le recourant se réfère à l'ancien art. 343 al. 3 du Code de procédure
pénale
genevois (CPP/GE), selon lequel le pourvoi est suspensif. Selon lui,
ainsi
qu'en attestent les travaux préparatoires, l'abrogation de cette
disposition
par la loi du 17 mai 1990 est due à l'adoption de l'art. 369 al. 2
CPP/GE,
qui précise que les procédures de recours ont effet suspensif. Le
recourant
est ainsi d'avis que le pourvoi en cassation genevois a de plein
droit effet
suspensif.

L'art. 369 CPP/GE se trouve au titre V, chapitre I du CPP/GE,
respectivement
intitulé Exécution des ordonnances et des jugements et Peines et
mesures
privatives de liberté. L'art. 369 al. 1 CPP/GE prévoit que les
ordonnances de
condamnations, celles de la Chambre d'accusation et les décisions des
juridictions de jugement ou de recours sont exécutées sur l'ordre du
procureur général, sauf dans les cas où la loi désigne une autre
autorité.
Selon l'art. 369 al. 2 CPP/GE, le délai d'opposition et le recours
cantonal
et l'exercice de ceux-ci ont effet suspensif jusqu'à droit jugé, sauf
si la
loi en dispose autrement. Selon la systématique légale, on conçoit que
l'effet suspensif institué par l'art. 369 al. 2 CPP/GE tend à
empêcher à la
suite d'un recours cantonal l'exécution d'une décision prononçant une
peine
ou une mesure privative de liberté. Les intitulés du titre et du
chapitre où
se trouve cette disposition imposent cette conclusion. En revanche,
on ne
saurait nécessairement déduire de la réglementation cantonale qu'un
recours
contre une décision incidente, c'est-à-dire une décision prise dans
le cours
de la procédure et qui ne constitue qu'une étape vers la décision
finale,
soit de plein droit suspensif. La Chambre pénale a exposé que le
pourvoi
cantonal était une voie extraordinaire, que le recourant n'avait pas
requis
l'effet suspensif et qu'en conséquence, son
recours n'avait pas
suspendu la
procédure pendante devant le Tribunal de police. Il est vrai que cette
motivation, qui ne mentionne pas l'art. 369 al. 2 CPP/GE, est aussi
générale
qu'imprécise. On ne saurait cependant considérer la solution retenue
comme
incompatible dans son résultat avec la réglementation cantonale. En
effet, il
ne s'agissait pas d'un recours dirigé contre un jugement de
condamnation mais
contre une décision incidente. L'art. 369 al. 2 CPP/GE ne traite pas
de cette
situation spécifique de sorte que l'on peut sans arbitraire dénier
toute
portée à cette disposition dans le cas concret. Autrement dit, il
n'est pas
insoutenable d'admettre que la problématique de l'effet suspensif d'un
pourvoi en cassation immédiat contre une décision incidente se résout
indépendamment de la réglementation de l'art. 369 al. 2 CPP/ GE. Au
titre IV
(Voies de recours extraordinaires) chapitre I (Cassation) du CPP/GE se
trouvent les dispositions réglementant le pourvoi en cassation (art.
338 à
356). Aucune de celles-ci n'aborde la question de l'effet suspensif
dans le
cas d'un recours contre une décision incidente. A défaut d'une
réglementation
expresse à ce sujet, il ne paraît pas indéfendable d'exclure l'effet
suspensif automatique pour un pourvoi en cassation lorsqu'il est
dirigé
contre une décision incidente et de n'admettre un tel effet que si le
président ou la juridiction l'ordonne sur requête. Cela est conforme
à la
conception selon laquelle une voie de droit extraordinaire, comme
l'est le
pourvoi en cassation, ne comporte en principe pas d'effet suspensif
de plein
droit (cf. Gérard Piquerez, Procédure pénale suisse, Zurich 2000, n.
3321).
Dans son résultat, la décision de la Chambre pénale est donc exempte
d'arbitraire.

3.
Le recourant invoque une violation des art. 32 al. 3 Cst., 2 al. 1
Prot. no 7
CEDH (RS 0.101.07) et 14 § 5 du Pacte ONU II (RS 0.103.2). Selon lui,
dès
lors que le Tribunal de police a statué au mépris de l'effet
suspensif et que
la Chambre pénale a malgré cela refusé de retourner la cause à cette
autorité, il a été privé du double degré de juridiction que lui
garantissent
les dispositions précitées.

Le recourant se fonde sur la prémisse que son pourvoi en cassation
cantonal
était pourvu de l'effet suspensif. Or, comme on l'a vu, c'est sans
arbitraire
que la Chambre pénale a retenu que tel n'était pas le cas. Le
recourant ne
peut donc tirer aucun argument de l'effet suspensif relativement à la
garantie du double degré de juridiction. Il ne formule pas d'autre
motivation
qui serait recevable au regard de l'art. 90 al.1 let. b OJ.
Au demeurant, on ne perçoit aucune violation du droit constitutionnel
ou
conventionnel. L'art. 32 al. 3 Cst. garantit le droit à toute personne
condamnée de faire examiner le jugement par une juridiction
supérieure. Les
dispositions conventionnelles également invoquées n'ont pas de portée
distincte (ATF 128 I 237 consid. 3 p. 238). Cette garantie n'exige
pas que la
juridiction supérieure jouisse d'un plein pouvoir d'examen en fait et
en
droit. Un recours limité au réexamen complet des questions de droit
et au
réexamen des faits et des preuves sous le seul angle de l'arbitraire
est donc
tout à fait admissible (ATF 124 I 92 consid. 2 p. 94 ss; décision de
la Cour
européenne des droits de l'homme du 30 mai 2000 dans la cause
Loewenguth c.
France, Recueil des arrêts et décisions 2000 VI p. 557, § 2).

En l'espèce, après avoir annoncé qu'il recourait auprès de la Cour de
cassation genevoise contre la décision incidente prise par le
Tribunal de
police à propos de sa compétence, le recourant a choisi de ne plus
participer
à la procédure qui se poursuivait devant cette dernière autorité. Il
s'est
donc lui-même placé dans la situation dont il paraît se plaindre
aujourd'hui.
A la suite du jugement sur le fond rendu par le Tribunal de police le
11
janvier 2002, le recourant a formé un appel devant la Chambre pénale.
En
procédure genevoise, la Chambre pénale dispose d'un plein pouvoir
d'examen
dans la procédure de recours, tant en fait qu'en droit. Le recourant
a ainsi
notamment pu requérir les mesures d'instruction dont il s'était
lui-même
privé par son comportement en première instance. Contre l'arrêt de la
Chambre
pénale du 5 mai 2003, le recourant a encore eu l'occasion de saisir le
Tribunal fédéral du présent recours de droit public et d'un pourvoi en
nullité. Le recourant a donc clairement bénéficié de la garantie d'un
double
degré de juridiction.

4.
Se plaignant d'une violation de l'art. 6 CEDH, le recourant prétend
n'avoir
pas été jugé par un tribunal compétent pour le motif que le Tribunal
de
police a statué alors qu'un pourvoi en cassation cantonal était
pendant. De
la sorte, le recourant ne fait que reprendre, sous une autre
formulation, les
critiques déjà examinées aux consid. 2 et 3 ci-dessus. Il y est
renvoyé.

5.
Le recourant se plaint d'arbitraire et de la violation du principe
"in dubio
pro reo" dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves.

Dans la mesure où, comme en l'espèce, l'appréciation des preuves est
critiquée en référence avec le principe "in dubio pro reo", celui-ci
n'a pas
de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38
consid.
2a p. 41).

5.1 En bref, les faits à l'origine de la condamnation du recourant en
vertu
de l'art. 305ter CP sont les suivants:

Le recourant est actif dans le domaine financier. Le 25 octobre 1995,
E.________, avocat à Francfort, a écrit au recourant, avec qui il
était en
relation d'affaires depuis plusieurs années, pour lui demander de
fournir à
l'un de ses clients, nommé D.________, une société anonyme de droit
suisse.
D.________ a rencontré le recourant à Genève en novembre 1995 et lui
a acheté
pour 14'000 francs la société Y.________ SA, dont l'épouse du
recourant était
l'administratrice. Ne souhaitant pas être indiscret, le recourant n'a
pas
demandé à voir le passeport de son cocontractant. Aucun document n'a
été
signé à l'occasion de la vente. Selon les déclarations du recourant,
D.________ lui a expliqué avoir un client qui faisait du commerce
international et agir à titre fiduciaire pour ce client. Le recourant
a
ensuite entrepris auprès de la banque Z.________ les démarches
nécessaires à
l'ouverture d'un compte bancaire au nom de la société qu'il venait de
vendre.
Les documents d'ouverture du compte ont été remplis le 13 novembre
1995 et
signés par l'épouse du recourant; la formule A, datée du même jour,
désigne
D.________ comme ayant droit économique, avec comme adresse celle de
l'avocat
E.________. Seul D.________ avait la signature sur le compte. La
banque
Z.________ a fait savoir au recourant et à son épouse que l'élection
de
domicile effectuée par l'ayant droit économique du compte auprès de
son
avocat n'était pas admissible. Une seconde formule A, signée par
l'épouse du
recourant et datée du 22 décembre 1995, a été adressée à Me
E.________, puis
récupérée à Francfort par le recourant et son épouse lors d'une
réunion chez
cet avocat, en présence de D.________. Il a alors été convenu que Me
E.________ adresserait lui-même une copie du passeport de D.________
à la
banque Z.________, ce qu'il a fait le 22 décembre 1995. Le compte
auprès de
la banque Z.________ a fait l'objet de plusieurs opérations en vertu
d'ordres
de transfert donnés par D.________.

5.2
5.2.1Le recourant laisse entendre que la Chambre pénale n'aurait pas
tenu
compte des circonstances dans lesquelles il a traité avec
D.________. Pour
l'essentiel, le recourant ne formule pas de critiques précises contre
l'arrêt
attaqué, mais se contente d'exposer différents faits, dont il déduit
qu'il ne
s'est jamais trouvé en présence d'indices qui lui permettaient de
conclure
que D.________ n'était pas le seul ayant droit économique du compte.
Il ne
soulève de la sorte aucune critique recevable au regard de l'art. 90
al. 1
let. b OJ. Au demeurant, déterminer quelle intensité de la vigilance
était
requise dans le cas concret compte tenu des circonstances de
l'affaire relève
de l'application de l'art. 305ter CP, autrement dit du droit pénal
fédéral,
dont l'examen n'est pas recevable dans un recours de droit public
(cf. supra,
consid. 1.1).
5.2.2 Le recourant prétend qu'il ne pouvait pas être tenu compte de
ses
déclarations à la police le 11 septembre 1996.

Il ressort du procès-verbal établi à cette occasion que le recourant a
indiqué ce qui suit à propos de sa rencontre à Genève en novembre
1995 avec
D.________: "[Celui-ci] m'a dit qu'il avait un client nigérian qui
faisait du
business international et qu'il agissait à titre fiduciaire pour ce
client.
Il a acheté la Y.________ SA et en possédait seul la signature
individuelle.
Mais il agissait comme intermédiaire en ce qui concernait le compte
bancaire
ouvert à la banque Z.________". Le recourant met en cause cette
déclaration,
relevant qu'il ressort également du procès-verbal que "[D.________
lui] a dit
qu'il touchait des commissions sur les transactions de ce compte. Ces
transactions concernaient des activités d'import-export des clients
de M.
D.________". Selon le recourant, le procès-verbal est ainsi confus et
contradictoire, pour mentionner tout d'abord un client nigérian à qui
appartiendrait les avoirs sur le compte, puis des clients actifs dans
l'import-export. Le recourant soutient qu'il a utilisé les termes
"fiduciaire" et "intermédiaire" différemment de la manière dont ils
ont été
protocolés. Il explique à ce sujet d'une part avoir exercé la fonction
d'intermédiaire entre l'ayant droit économique ou Me E.________ et la
banque
et, d'autre part, que le terme fiduciaire recoupe les activités de la
société
Y.________ SA annoncées à la banque par l'ayant droit économique et Me
E.________, qui ont rempli les documents d'ouverture de compte. Il
ajoute
également que lors de son audition par la police, il ne parlait ni ne
lisait
couramment le français.

Dans son argumentation, le recourant se livre à une libre discussion
des
faits, purement appellatoire. Il ne démontre aucun arbitraire. Il
ressort
clairement du procès-verbal établi le 11 septembre 1996 que le
recourant a
déclaré à la police que D.________ lui avait signalé agir à titre
fiduciaire
pour un client nigérian. Une telle affirmation ne recèle aucune
ambiguïté.
Lors de l'audience d'inculpation devant le juge d'instruction le 1er
septembre 1997, le recourant, assisté d'un avocat, a indiqué qu'il
confirmait
la déclaration faite à la police le 11 septembre 1996. Dans ces
conditions,
la Chambre pénale n'est pas tombée dans l'arbitraire en retenant, sur
la base
des propos du recourant, qur D.________ lui avait dit agir à titre
fiduciaire
pour un tiers.

5.2.3 Le recourant s'en prend à la remarque de la Chambre pénale selon
laquelle le manque de curiosité du recourant est "d'autant plus
blâmable que
les circonstances de la vente de la société Y.________ SA à D.________
étaient douteuses puisqu'aucun contrat n'avait été signé et puisqu'en
décembre 1995 déjà, au moment de remplir la seconde formule A, [le
recourant]
négociait sa vente à un second acheteur" (arrêt attaqué, p. 11). Le
recourant
conteste la vente à un second acheteur.

On ne perçoit pas en quoi la seconde vente évoquée par la Chambre
pénale
serait pertinente pour l'application de l'art. 305ter CP, s'agissant
de
déterminer si le recourant a entrepris ou non des démarches de
vérification
suffisantes de l'ayant droit économique. En conséquence, même si la
constatation cantonale devait être inexacte, elle ne serait pas de
nature à
faire apparaître la décision attaquée comme arbitraire dans son
résultat. Au
demeurant, le recourant ne développe qu'une argumentation
appellatoire,
irrecevable dans un recours de droit public.

5.2.4 Le recourant relève qu'il a produit en procédure d'appel une
attestation de D.________ datée du 22 novembre 2002, lequel confirme
qu'il a
toujours été le seul ayant droit économique des valeurs sur le compte
de la
banque Z.________. La Chambre pénale a considéré que ce document
n'était pas
déterminant et qu'il était incertain que son contenu soit digne de
foi (cf.
arrêt attaqué, p. 10). Le recourant en conclut que la solution de la
Chambre
pénale est contradictoire, celle-ci lui reprochant de n'avoir pas
constaté
que D.________ n'était pas l'ayant droit économique tout en
considérant comme
incertain s'il l'était. Le recourant ajoute qu'aucun élément de la
procédure
ne laisse penser qu'une autre personne que D.________ serait l'ayant
droit
économique. Dans la mesure où l'argumentation du recourant
s'interprète
comme une critique de l'application de l'art. 305ter CP compte tenu
des
circonstances concrètes, elle est irrece-

vable dans un recours de droit public (cf. supra, consid. 1.1). Au
surplus,
on ne saisit pas quelle constatation factuelle contenue dans l'arrêt
attaqué
le recourant met en cause. La critique est irrecevable sous l'angle
de l'art.
90 al. 1 let. b OJ.

6.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le
recourant,
qui succombe, supporte les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est
communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice
genevoise,
Chambre pénale.

Lausanne, le 22 octobre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.82/2003
Date de la décision : 22/10/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-22;6p.82.2003 ?
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