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21/10/2003 | SUISSE | N°I.453/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 octobre 2003, I.453/02


{T 7}
I 453/02

Arrêt du 21 octobre 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Widmer, Ferrari et
Frésard.
Greffier : M. Beauverd

C.________, recourant, représenté par Me Pierre Bauer, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne
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Faits:

A.
Par décision du 5 octobre 1999, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton
...

{T 7}
I 453/02

Arrêt du 21 octobre 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Widmer, Ferrari et
Frésard.
Greffier : M. Beauverd

C.________, recourant, représenté par Me Pierre Bauer, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 24 mai 2002)

Faits:

A.
Par décision du 5 octobre 1999, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton
de Neuchâtel a accordé à C.________, ressortissant portugais né en
1948, une
rente entière d'invalidité, assortie de rentes complémentaires
correspondantes, à partir du 1er novembre 1997. Cette décision
contenait
l'indication suivante:

«Cette rente a été calculée sans la prise en compte d'éventuelles
périodes de
cotisations à l'étranger (France)... Si à la suite de notre enquête,
des
périodes de cotisations à l'étranger devaient être prises en compte,
nous
adapterons sans autre la décision ci-jointe. Afin de préserver vos
droits en
ce qui concerne la prise en considération de périodes de cotisations à
l'étranger, un recours contre la présente décision n'est pas
nécessaire».

Par décision du 2 février 2000, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton
de Neuchâtel a annulé la décision susmentionnée et alloué derechef à
l'assuré
une rente entière d'invalidité, assortie de rentes complémentaires
correspondantes. Cette prestation avait toutefois été calculée compte
tenu
des périodes de cotisations accomplies en Suisse, en France et au
Portugal,
et en fonction d'un revenu annuel moyen déterminant de 68'742 fr. et
de
l'échelle de rente 44. Son montant mensuel était de 1'942 fr. à
partir du 1er
novembre 1997 et de 1'962 fr. dès le 1er janvier 1999.

L'assuré étant retourné dans son pays d'origine, son dossier a été
transmis à
la Caisse suisse de compensation.

Le 22 février 2001, celle-ci a informé l'intéressé qu'il avait droit,
dès le
1er février précédent, à une rente d'un montant mensuel de 2'011 fr.
Cette
prestation avait été calculée sur la base d'un revenu annuel moyen
déterminant de 70'452 fr. et de l'échelle de rente 44.

Par décision du 23 janvier 2002, l'Office AI pour les assurés
résidant à
l'étranger (ci-après : l'office AI) a annulé la décision du 2 février
2000 au
motif qu'elle était erronée. Il a alloué à l'assuré, à partir du 1er
novembre
2001, une rente entière d'invalidité d'un montant mensuel de 536 fr.
Cette
prestation avait été calculée compte tenu exclusivement des périodes
de
cotisations accomplies en Suisse et au Portugal, et en fonction d'un
revenu
annuel moyen déterminant de 55'620 fr. et de l'échelle de rente 13.

B.
Saisie d'un recours contre cette décision, la Commission fédérale de
recours
en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger l'a
rejeté par
jugement du 24 mai 2002.

C.
C.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, au
maintien de
son droit à la rente fixée selon les bases de calcul mentionnées dans
la
décision du 2 février 2000, y compris l'augmentation communiquée le 22
janvier (recte : février) 2001.

L'office intimé conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office
fédéral
des assurances sociales a renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit:

1.
1.1 D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de
changement
de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la
réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des
conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits
sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se
prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant
par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

1.2 L'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une
part, et la
Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre
circulation des personnes (ci-après : ALCP) - en particulier son
annexe II,
qui règle la coordination des systèmes de sécurité sociale - ne
s'applique
donc pas à la présente procédure, dès lors qu'il est entré en vigueur
le 1er
juin 2002, postérieurement à la décision administrative litigieuse
(cf. ATF
128 V 315 consid. 1). De même, la loi fédérale sur la partie générale
du
droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, qui est
entrée en
vigueur le 1er janvier 2003 et a entraîné des modifications des
dispositions
dans le domaine de l'assurance-invalidité notamment, n'est pas
applicable en
l'espèce.

2.
Le litige porte sur le point de savoir si l'office intimé était en
droit, par
sa décision du 23 janvier 2002, de revenir sur la décision (du 2
février
2000) d'octroi d'une rente entière calculée compte tenu des périodes
de
cotisations accomplies en Suisse, en France et au Portugal.

La décision litigieuse n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance mais concerne la révocation par voie de révision ou de
reconsidération d'une décision entrée en force. Aussi, le Tribunal
fédéral
des assurances doit-il se borner à examiner si les premiers juges ont
violé
le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une
manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au
mépris de
règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104
let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.
3.1L'administration ne peut revenir sur une décision formellement
passée en
force et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée
sous
l'angle matériel que lorsque les conditions qui président à la
révocation,
par son auteur, d'une décision administrative sont réalisées. Une
décision
d'octroi de prestations formellement passée en force peut être
révoquée si
les conditions d'une révision ou d'une reconsidération sont
réalisées. En ce
qui concerne plus particulièrement cette dernière, l'administration
peut
procéder à la reconsidération d'une décision formellement passée en
force de
chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas
prononcée
quant au fond pour autant que la décision soit sans nul doute erronée
et que
sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 21 consid.
3a, 173
consid. 4a, 271 consid. 2, 368 consid. 3, 121 V 4 consid. 6 et les
arrêts
cités).

3.2
3.2.1Aux termes de l'art. 12 al. 1 de la Convention de sécurité
sociale entre
la Suisse et le Portugal du 11 septembre 1975, dans sa version -
applicable
en l'occurrence (cf. consid. 1) - en vigueur du 1er novembre 1995 au
31 mai
2002, pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir
de base
au calcul de la rente ordinaire de l'assurance-invalidité suisse due
à un
ressortissant suisse ou portugais, les périodes de cotisations et les
périodes assimilées accomplies selon les dispositions légales
portugaises
sont prises en compte comme des périodes de cotisations suisses en
tant
qu'elles ne se superposent pas à ces dernières; seules les périodes de
cotisations suisses sont prises en compte pour déterminer le revenu
annuel
moyen.

Selon la jurisprudence, ne peuvent être prises en compte comme des
périodes
de cotisations suisses au sens de l'art. 12 al. 3 de la convention (en
vigueur jusqu'au 31 octobre 1995 et dont la teneur est identique à
celle de
l'art. 12 al. 1 précité) que les périodes de cotisations et les
périodes
assimilées accomplies au Portugal et non pas dans un Etat tiers
(arrêts non
publiés D. O. du 3 mars 1995, I 302/94, et D. du 19 avril 1989, I
351/88).

3.2.2 En l'espèce, dans la mesure où elle avait été calculée compte
tenu des
périodes de cotisations accomplies non seulement en Suisse et au
Portugal
mais également en France, la décision d'octroi d'une rente entière du
2
février 2000 était sans nul doute erronée sur le vu des principes
ci-dessus
exposés. La rectification de cet acte administratif revêtant par
ailleurs une
importance notable, l'office intimé était dès lors en droit, en
principe, de
procéder à sa reconsidération.

4.
Le recourant fait valoir que la reconsidération de la décision
d'octroi d'une
rente entière du 2 février 2000, entrée en force, viole les principes
de la
bonne foi (art. 9 Cst.) et des droits acquis, ainsi que le droit
constitutionnel d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse
(art. 12
Cst.).
4.1
4.1.1En ce qui concerne le reproche de violation du principe de la
bonne foi
et des droits acquis, le recourant allègue être retourné dans son pays
d'origine sur la foi de la décision d'octroi d'une rente d'un montant
mensuel
de 2'011 fr. (recte : 1'962 fr. durant la période précédant son
retour),
calculée compte tenu des périodes de cotisations accomplies non
seulement en
Suisse et au Portugal mais également en France. Or, ce retour au pays
est
source d'un préjudice dans la mesure où il a entraîné des frais de
déménagement importants, ainsi que la perte du droit aux prestations
complémentaires à l'AVS/AI qui lui auraient permis, s'il avait gardé
son
domicile et sa résidence habituelle en Suisse, de compenser
l'importante
diminution du montant de sa rente.

4.1.2
Le droit à la protection de la bonne foi, déduit de l'art. 4 aCst.,
est
expressément consacré à l'art. 9 Cst. Selon la jurisprudence rendue
sous
l'ancien droit, qui est toujours valable (ATF 127 I 36 consid. 3a,
126 II 387
consid. 3a; RAMA 2001 n° KV 171 p. 281 consid. 3b, 2000 n° KV 126 p.
223, n°
KV 133 p. 291 consid. 2a), il permet au citoyen d'exiger que
l'autorité
respecte ses promesses et qu'elle évite de se contredire. Ainsi, un
renseignement ou une décision erronés peuvent obliger
l'administration à
consentir à un administré un avantage contraire à la loi, si les
conditions
cumulatives suivantes sont réunies :

1. il faut que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète
à
l'égard de personnes déterminées;
2. qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa
compétence;
3. que l'administré n'ait pu se rendre compte immédiatement de
l'inexactitude
du renseignement obtenu;
4. qu'il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions
qu'il ne
saurait modifier sans subir un préjudice;
5. que la loi n'ait pas changé depuis le moment où le renseignement a
été
donné (ATF 121 V 66 consid. 2a et les références).
Le droit à la protection de la bonne foi a encore plus de poids
lorsque
l'autorité ne donne pas seulement un renseignement mais prend une
mesure
concrète, étant donné qu'une décision est davantage de nature à
susciter la
confiance d'un administré qu'un simple renseignement (ATF 114 Ia 215
consid.
3b, 106 V 72 consid. 3b; DTA 1999 no 40 p. 237 consid. 3a;
Häfelin/Müller,
Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 4ème éd. 2002, ch. 631).

4.1.3 En l'espèce, il apparaît que les conditions 1, 2, 3 et 5 du
droit à la
protection de la bonne foi sont réalisées. Toutefois, il n'est pas
nécessaire
en l'occurrence d'examiner si la 4ème condition est également
réalisée, dès
lors que l'argumentation du recourant apparaît de toute façon mal
fondée sur
le vu des considérations qui vont suivre.

4.2
4.2.1Par sa décision litigieuse du 23 janvier 2002, l'office intimé a
réduit
le montant de la rente entière d'invalidité à partir du 1er novembre
2001 et
s'est réservé le droit de réclamer la rente indûment perçue avant
cette
dernière date. Par ailleurs, il ressort de cette décision que le
versement de
la rente entière avait été interrompu dès le mois de novembre 2001.
Dès lors,
dans la mesure où le recourant n'avait pas perçu de prestations
depuis la
date à laquelle le montant de la rente a été réduit rétroactivement
par la
décision en reconsidération, une éventuelle obligation de restituer
des
prestations indûment perçues n'entre pas en ligne de compte dans le
présent
litige.

4.2.2 Lorsque est litigieuse une reconsidération avec effet ex nunc
et pro
futuro, l'administré ne peut pas, en principe, se prévaloir du droit
à la
protection de la bonne foi et du principe de la sécurité du droit
puisque,
justement, l'autorité est revenue sur la décision erronée qui avait
fondé la
confiance de l'intéressé. Même si l'administré a pris des
dispositions qui
continuent de produire des effets dans l'avenir et sur lesquelles il
ne peut
revenir, les principes de la légalité et de l'égalité de traitement
l'emportent sur le droit à la protection de la bonne foi lorsque,
comme en
l'occurrence, la décision initiale était sans nul doute erronée et
que sa
rectification revêtait une importance notable (Rumo-Jungo Alexandra,
Die
Instrumente zu Korrektur der Sozialversicherungsverfügung, in :
Verfahrensfragen in der Sozialversicherung, St-Gall 1996, p. 284).

Cela étant, le moyen du recourant tiré de la violation du principe de
la
bonne foi et des droits acquis se révèle mal fondé.

4.2.3 Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir de l'art. 12
Cst. aux

termes duquel quiconque est dans une situation de détresse et n'est
pas en
mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté
et de
recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme
à la
dignité humaine. Certes, cette disposition pose le principe du droit
à des
conditions minimales d'existence pour toute personne qui n'est pas en
mesure
de subvenir à ses besoins et fonde une prétention justiciable à des
prestations positives de la part de l'Etat (ATF 122 II 193 consid.
2/dd p.
198; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II
: Les
droits fondamentaux, p. 685 et 689). Le contenu du droit à des
conditions
minimales d'existence est défini par le législateur, auquel il incombe
d'adopter des règles en matière de sécurité sociale. Toutefois, si le
droit à
des conditions minimales d'existence est un droit de l'homme qui
appartient à
toute personne physique dans le besoin, quelle que soit sa
nationalité et
indépendamment de son statut au regard de la police des étrangers
(Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit. p. 688), il suppose un lien de
rattachement avec la Suisse, telle la résidence dans ce pays,
condition qui
n'est pas réalisée en l'occurrence.

5.
Vu ce qui précède, l'office intimé était fondé, par sa décision du 23
janvier
2002, de supprimer le droit à la rente entière d'invalidité calculée
compte
tenu des périodes de cotisations accomplies en Suisse, en France et au
Portugal, et de remplacer cette prestation par une rente entière
calculée en
fonction exclusivement des périodes de cotisations accomplies en
Suisse et au
Portugal.

Le recours se révèle ainsi mal fondé.

Etant donné que la décision administrative a été rendue avant
l'entrée en
vigueur de l'Accord sur la libre circulation des personnes, il n'y a
pas lieu
d'examiner en l'occurrence si l'application de l'Accord conduit, pour
la
période à partir de son entrée en vigueur, à un résultat différent
(cf.
consid. 1.2). Il appartiendra à l'administration, à qui le dossier
devra être
transmis, d'examiner ce point.

6.
Le litige ne concernant pas l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance
(cf. consid. 2), la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario;
ATF 119 V 484 consid. 5). Le recourant, qui succombe, supportera donc
les
frais de la cause (art. 156 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais qu'il a versée.

3.
Le dossier est transmis à l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger
pour qu'il procède conformément aux considérants.

4. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
fédérale de
recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger
et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.453/02
Date de la décision : 21/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-21;i.453.02 ?
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