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21/10/2003 | SUISSE | N°4C.173/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 octobre 2003, 4C.173/2003


{T 0/2}
4C.173/2003 /ech

Arrêt du 21 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Nyffeler.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Alain Gros, avocat,
Etude
Froriep Renggli, rue Charles-Bonnet 4, 1211 Genève 12,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Marco Crisante, avocat, rue du
Conseil-Général 18, 1205 Genève.

contrat de travail; licenciement immédiat,

recours en rÃ

©forme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction des
prud'hommes du canton de Genève du 6 novembre 2002.

Fai...

{T 0/2}
4C.173/2003 /ech

Arrêt du 21 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Nyffeler.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Alain Gros, avocat,
Etude
Froriep Renggli, rue Charles-Bonnet 4, 1211 Genève 12,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Marco Crisante, avocat, rue du
Conseil-Général 18, 1205 Genève.

contrat de travail; licenciement immédiat,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction des
prud'hommes du canton de Genève du 6 novembre 2002.

Faits:

A.
A.a X.________ SA est une société oeuvrant dans le domaine des
télécommunications. Désirant étendre ses activités au Caire, elle a
engagé le
dénommé A.________, ressortissant égyptien, dès le 9 janvier 2000,
sur la
base d'un accord verbal.

Le 21 juillet 2000, les parties ont signé un contrat de durée
indéterminée en
vertu duquel A.________ serait engagé, dès l'obtention d'un permis de
travail
valable sur le territoire suisse, en qualité de "Finance &
Administration
Manager Middle East & Africa", moyennant un salaire mensuel brut de
5'500 fr.
Le contrat fixait la durée hebdomadaire du travail à 42,5 heures et
précisait
que les heures supplémentaires ne seraient ni payées ni compensées. Il
prévoyait que les absences et retards injustifiés feraient l'objet
d'une
retenue sur le salaire. Les règles internes de bonne conduite
édictées par
l'employeur prescrivaient aux employés, entre autres obligations, de
respecter l'horaire de travail et elles leur interdisaient
d'effectuer des
appels téléphoniques ou d'utiliser la messagerie électronique à des
fins
privées. Elles précisaient que leur violation était susceptible
d'entraîner
"une action disciplinaire pouvant aller jusqu'à et y compris le
licenciement".

Le 30 octobre 2000, A.________ s'est vu délivrer une autorisation de
séjour.
Son activité principale, au siège de la société, a consisté dans la
facturation électronique.

A.b Par courrier électronique du 3 janvier 2001, A.________ a envoyé
à son
employeur un décompte faisant état de 84 jours de travail
supplémentaires
effectués en l'an 2000. X.________ SA lui a répondu le lendemain, par
le même
moyen de communication, qu'elle contestait le bien-fondé de ce
décompte. Le
jour suivant, toujours par courrier électronique, la société lui a
confirmé
qu'elle n'entendait pas se séparer de lui et qu'elle faisait son
possible
pour obtenir la prolongation de l'autorisation de séjour en Suisse.
Elle l'a
en outre invité à préaviser ses absences et à faire preuve de
davantage de
professionnalisme dans l'accomplissement de son travail.

A. ________ a alors consulté un avocat qui a écrit à X.________ SA,
en date
du 31 janvier 2001, pour l'inviter à respecter ses obligations
contractuelles.
Le 7 février 2001, X.________ SA, par l'intermédiaire du service
juridique
d'un syndicat patronal, s'est adressée au conseil de A.________ pour
réitérer
son refus de faire droit aux prétentions élevées par ce dernier.
Déplorant
par ailleurs le changement d'attitude qu'elle avait constaté chez son
employé
qui ne semblait plus guère concerné par la bonne marche de
l'entreprise,
arrivant fréquemment en retard sans donner la moindre excuse, elle
l'a mis
formellement en demeure de respecter ses obligations contractuelles.
La
société déclarait, au surplus, réserver ses droits eu égard aux longs
appels
téléphoniques effectués régulièrement par l'employé, en violation des
règles
internes de bonne conduite.

A la même date, X.________ SA, par un courrier électronique interne, a
indiqué à A.________ qu'il devait être présent au travail durant les
heures
de bureau (8 h 30 - 18 h) et elle lui a demandé d'être ponctuel à un
rendez-vous fixé le lendemain matin à 8 h 30.

Toujours en date du 7 février 2001, X.________ SA a adressé
directement à son
employé, par lettre recommandée, un "second avertissement écrit" au
motif
qu'il s'était présenté le 5 février 2001 à 13 h au bureau alors même
qu'un
interlocuteur venant de Zurich l'y attendait depuis 8 h.

Par courrier recommandé du 8 février 2001, X.________ SA a adressé un
"troisième avertissement écrit" à A.________ en invoquant le fait
que, le 6
février 2001, l'employé n'était arrivé au travail qu'à 17 h 45 sans
en avoir
informé quiconque au préalable.

Le 14 février 2001, A.________ a transmis, par courrier électronique,
à
X.________ SA un décompte de 124,5 heures de travail supplémentaires
pour le
mois de janvier 2001.

Par courrier électronique du 12 mars 2001, intitulé "dernier
avertissement",
X.________ SA a mis A.________ en demeure de cesser d'utiliser à des
fins
privées les infrastructures de la société, telles que le téléphone,
le fax et
internet.

B.
Le 10 avril 2001, A.________ a assigné X.________ SA en paiement de
83'551
fr. à titre de rémunération du travail supplémentaire accompli par
lui.
Le 17 avril 2001, X.________ SA a remis en mains propres à A.________
une
lettre de licenciement pour justes motifs avec effet immédiat. Il y
était
fait grief à l'intéressé de ne pas avoir tenu compte des
avertissements qui
lui avaient été adressés à plusieurs reprises au sujet de la qualité
de son
travail ainsi que de ses absences et retards fréquents. A cet égard,
la
lettre en question mentionnait deux arrivées tardives, les 12 et 17
avril
2001. L'employeur déplorait également l'usage persistant de
l'infrastructure
de l'entreprise à des fins privées.

Le 31 mai 2001, le demandeur a amplifié ses prétentions en réclamant,
en sus
de celle déjà formulée et augmentée à 87'795 fr.75, le paiement de
33'000 fr.
et de 24'750 fr. à titre, respectivement, de dommages-intérêts et
d'indemnité
du chef de la résiliation immédiate injustifiée de son contrat de
travail.

Dans sa réponse du 28 juin 2001, la défenderesse a conclu au rejet de
la
demande et, reconventionnellement, au paiement de 183'350 fr. au
titre du
dommage qu'elle avait éprouvé du fait de la mauvaise qualité du
travail
accompli par son employé et de l'utilisation indue, par ce dernier, de
l'infrastructure de la société à des fins privées.

Par jugement du 26 mars 2002, le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève, considérant que la résiliation immédiate du contrat de
travail était
injustifiée, a condamné la défenderesse à payer au demandeur,
intérêts en
sus, les sommes de 17'767 fr. brut, correspondant à ce qu'il aurait
gagné
jusqu'à la fin des rapports de travail (30 juin 2001), y compris
l'indemnisation des vacances non prises, et de 5'500 fr. net à titre
d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO. Les parties ont été
déboutées de
toutes autres ou plus amples conclusions.

Statuant par arrêt du 6 novembre 2002, sur appel de la défenderesse
et appel
incident du demandeur, la Cour d'appel des prud'hommes du canton de
Genève,
après avoir annulé partiellement le jugement de première instance, a
condamné
la défenderesse à payer au demandeur la somme de 8'250 fr., plus
intérêts, à
titre d'indemnité pour licenciement injustifié, en lieu et place des
5'500
fr. alloués par le Tribunal des prud'hommes. Elle a, en outre,
condamné le
demandeur à payer à la défenderesse la somme de 2'450 fr., avec
intérêts,
motif pris de l'utilisation indue, par l'intéressé, des installations
téléphoniques de son employeur.

C.
Contre l'arrêt de la Cour d'appel, la défenderesse a déposé,
parallèlement,
un recours de droit public et un recours en réforme. Dans le premier,
elle
conclut à l'annulation de la décision attaquée. Dans le second, elle
conclut
à ce que ledit arrêt soit réformé dans la mesure où il a alloué à
tort les
sommes de 17'767 fr. et 8'250 fr., plus intérêts, au demandeur. Seul
est en
cause, dans les deux recours connexes, le point de savoir si la cour
cantonale a apprécié arbitrairement les preuves dont elle disposait,
respectivement a méconnu les règles topiques du droit fédéral, en
admettant
que la résiliation immédiate du contrat de travail du demandeur était
injustifiée.

Dans ses réponses aux deux recours, le demandeur invite le Tribunal
fédéral à
débouter la défenderesse de toutes ses conclusions.

La Cour d'appel se réfère, de son côté, aux motifs énoncés dans son
arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon la cour cantonale, la défenderesse n'a pas établi avoir
menacé à
réitérées reprises verbalement le demandeur d'un renvoi immédiat au
cas où il
continuerait à ne pas se conformer à ses horaires de travail et à
utiliser
abusivement les infrastructures de la société. Il est vrai, en
revanche, que
le demandeur a fait l'objet de plusieurs avertissements écrits, les 7
et 8
février 2001 ainsi que le 12 mars 2001, au sujet de son manque de
ponctualité
et de son utilisation abusive d'internet et du téléphone de la
société.
Cependant, l'employé n'a reçu aucune mise en garde verbale ou écrite
en ce
qui concerne la qualité de son travail, pourtant invoquée pour
justifier son
congédiement immédiat.

S'agissant des seuls manquements du travailleur ayant donné lieu à
des mises
en garde expresses, les juges d'appel soulignent que le contrat de
travail
prévoyait que les absences et retards injustifiés seraient
sanctionnés par
une retenue sur le salaire, tandis que les règles de bonne conduite
édictées
par la défenderesse disposaient que l'utilisation de l'infrastructure
de
l'entreprise à des fins privées pourrait entraîner l'ouverture d'une
action
disciplinaire susceptible de déboucher sur un licenciement. Dans ces
conditions, il est apparu à l'autorité intimée qu'à défaut de toute
précision, dans les mises en garde écrites, quant à la nature de la
sanction
encourue s'il ne se conformait pas aux obligations que l'employeur
l'invitait
à respecter, le demandeur ne pouvait pas comprendre qu'il s'exposait
à un
licenciement immédiat puisque, selon le contrat et les règles de bonne
conduite, les manquements qui lui étaient reprochés n'étaient pas
sanctionnés
par une telle mesure.

Par ailleurs, relève encore la Cour d'appel, la défenderesse
n'indique pas en
quoi le comportement du demandeur excluait la continuation des
rapports de
travail jusqu'au prochain terme de congé ordinaire qui, en
l'occurrence,
n'était que de deux mois.

Cela étant, de l'avis de l'autorité intimée, la décision des premiers
juges
de considérer comme abusive la résiliation immédiate du 17 avril 2001
ne
souffre aucune critique.

1.2 Invoquant la violation de l'art. 337 al. 1 CO et de la
jurisprudence y
relative, la défenderesse soutient que les manquements reprochés au
demandeur
- soit le non-respect des horaires fixés par l'employeur et
l'utilisation du
téléphone de l'entreprise à des fins privées - étaient suffisamment
graves
pour justifier un licenciement immédiat sans avertissement préalable.

Dans le cas contraire, toujours selon la défenderesse, force serait de
constater que le demandeur a reçu au moins quatre avertissements dont
il n'a
tenu aucun compte, de sorte que son congédiement avec effet immédiat
s'avérait amplement justifié. Il n'était d'ailleurs point nécessaire,
pour
cela, que les avertissements fussent assortis d'une menace d'un
licenciement
immédiat.

La défenderesse soutient enfin que les constatations de fait de
l'arrêt
attaqué sont incomplètes. A cet égard, elle indique avoir allégué
dans toutes
ses écritures et dûment prouvé que le demandeur consultait
régulièrement,
depuis son poste de travail, des sites internet étrangers à son
activité
professionnelle, certains revêtant même un caractère pornographique.
Cette
dernière circonstance, découverte lors d'un contrôle ponctuel effectué
postérieurement au départ de l'intéressé, était propre à justifier
rétroactivement le licenciement immédiat du demandeur, aux yeux de la
défenderesse, et elle pouvait être invoquée pendente lite.

1.3 Dans sa réponse au recours, le demandeur s'emploie à démontrer
que, dans
la mesure où la défenderesse n'a pas émis la moindre critique sur son
travail
ou son comportement pendant plus d'une année, sa décision de le
licencier
sur-le-champ constituait de toute évidence une mesure de rétorsion
puisqu'elle avait été prise après qu'il eut élevé des prétentions
pécuniaires
déduites du contrat de travail.

Pour le reste, le demandeur met en doute le caractère probant de la
pièce
invoquée par la défenderesse pour étayer sa requête visant à
compléter l'état
de fait et il nie catégoriquement avoir consulté des sites
pornographiques,
tout en reconnaissant avoir visité à quelques reprises des sites
internet à
des fins privées.

2.
L'art. 64 OJ ne confère pas aux parties la faculté de compléter ad
libitum
les faits constatés par l'autorité cantonale, en particulier en
soutenant
qu'un complètement desdits faits conduirait à une solution juridique
différente du litige. Pour que la norme précitée entre en jeu, l'arrêt
attaqué ne doit pas contenir les constatations nécessaires à
l'application du
droit fédéral. Le complètement des faits est exclu lorsqu'il est fait
grief à
la cour cantonale d'avoir constaté les faits de manière erronée, car
c'est
l'appréciation des preuves qui est alors mise en cause, laquelle ne
saurait
être contrôlée en instance de réforme (arrêt 4C.197/2001 du 12
février
2002,
consid. 2b).

En l'espèce, les constatations de la cour cantonale sont tout à fait
suffisantes pour permettre au Tribunal fédéral de trancher la question
juridique litigieuse. Aussi n'y a-t-il pas lieu de les compléter. Il
est du
reste frappant d'observer la similitude entre l'argumentation
développée par
la défenderesse sous l'angle de l'art. 64 OJ et celle qu'elle a
présentée
dans son recours de droit public connexe au titre de l'appréciation
arbitraire des preuves. Ce qu'elle reproche, en réalité, à la Cour
d'appel,
c'est de n'avoir pas pris en compte un élément de preuve - la pièce
n° 20 de
son chargé - propre à établir un fait dûment allégué. Un tel grief
ressortit
au domaine de l'appréciation des preuves et il devait donc être
soumis au
Tribunal fédéral par la voie du recours de droit public pour
violation de
l'art. 9 Cst., ce qui a bien été le cas.

En tout état de cause, pour les motifs indiqués plus loin (cf.
consid. 3.2 in
fine), même si le fait litigieux avait été dûment constaté, le sort
du litige
n'en eût pas été modifié pour autant.

3.
3.1 L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le
contrat
de travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO).
Sont
notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances
qui,
selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui
qui a
donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al.
2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs
doit être
admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, seul un
manquement
particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement
immédiat. Si
le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation
immédiate
que s'il a été répété malgré un ou plusieurs avertissements (ATF 121
III 467
consid. 4d, 117 II 560 consid. 3, 116 II 145 consid. 6a p. 150). La
jurisprudence s'est refusée à poser des règles rigides sur le nombre
et le
contenu des avertissements dont la méconnaissance, par le
travailleur, est
susceptible de justifier un licenciement immédiat. Sont décisives,
dans
chaque cas particulier, entre autres circonstances, la nature, la
gravité, la
fréquence ou la durée des manquements reprochés au travailleur, de
même que
son attitude face aux injonctions, avertissements ou menaces formulés
par
l'employeur. Les juridictions cantonales disposent à cet égard d'un
large
pouvoir d'appréciation. En tout état de cause, il convient de ne pas
perdre
de vue que ce n'est pas l'avertissement en soi, fût-il assorti d'une
menace
de licenciement immédiat, qui justifie une telle mesure, mais bien le
fait
que l'acte imputé au travailleur ne permet pas, selon les règles de
la bonne
foi, d'exiger de l'employeur la continuation des rapports de travail
jusqu'à
l'expiration du délai de congé. La gravité de l'acte, propre à
justifier un
licenciement immédiat, peut être absolue ou relative. Dans le premier
cas,
elle résulte d'un acte pris isolément. Dans le second, elle découle
du fait
que le travailleur, pourtant dûment averti, persiste à violer ses
obligations
contractuelles; ici, la gravité requise ne réside pas dans l'acte
lui-même,
mais - à l'image de la récidive en droit pénal - dans sa réitération.
Cela
étant, savoir s'il y a gravité suffisante dans un cas donné restera
toujours
une question d'appréciation (ATF 127 III 153 consid. 1c).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al.
3 CO).
Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet
effet, il
prendra en considération tous les éléments du cas particulier,
notamment la
position et la responsabilité du travailleur, la nature et la durée
des
rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des
manquements
(ATF 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec
réserve la
décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient
lorsque
celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et
la
jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle
s'appuie sur
des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle,
ou
encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient
absolument dû
être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions
rendues en
vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 119 II 157
consid. 2a
in fine; 116 II 145 consid. 6a).

3.2 Quoi qu'en pense la défenderesse, les juges d'appel n'ont pas
violé ces
principes jurisprudentiels ni excédé leur large pouvoir
d'appréciation en
refusant d'avaliser le licenciement avec effet immédiat du demandeur.

On relèvera, en premier lieu, que la défenderesse n'est pas très
conséquente
avec ses propres actes, lorsqu'elle soutient que le non-respect des
horaires
fixés par l'employeur et l'utilisation du téléphone de l'entreprise à
des
fins privées suffisaient à justifier un tel licenciement sans
avertissement
préalable. Elle oublie, ce disant, qu'elle-même a jugé nécessaire
d'avertir
le demandeur à raison de ces faits avant de le congédier. La
défenderesse
feint également d'ignorer que ses propres règles de conduite
prévoyaient
d'autres mesures (retenue sur le salaire et action disciplinaire) pour
sanctionner de tels comportements. La portée de ceux-ci doit du reste
être
relativisée, du moins en ce qui concerne les arrivées tardives au
lieu de
travail. En effet, comme le soulignaient déjà les premiers juges, la
défenderesse a laissé le demandeur travailler selon un horaire libre
durant
une année, sans émettre la moindre protestation, acceptant ainsi
l'horaire
irrégulier adopté par son employé.

La Cour d'appel n'a pas non plus méconnu le droit fédéral en jugeant
insuffisants les avertissements donnés par la défenderesse au
demandeur entre
le 7 février et le 12 mars 2001. Ceux-ci ne comportaient
effectivement aucune
précision quant à la nature de la sanction à laquelle le demandeur
s'exposait
s'il ne se conformait pas aux injonctions de l'employeur.
L'intéressé, qui
s'était expatrié pour venir travailler en Suisse au bénéfice d'une
autorisation de séjour temporaire, ne pouvait pas clairement
comprendre, en
prenant connaissance de ces avertissements, qu'il serait congédié
séance
tenante en cas de récidive, alors que son contrat et le règlement
interne de
l'entreprise prévoyaient expressément des sanctions moins radicales
pour les
agissements qui lui étaient reprochés, la plus incisive étant le
"licenciement" sans précision aucune au sujet de son éventuel
caractère
immédiat. Au surplus, le demandeur démontre de manière convaincante,
dans sa
réponse au recours, les singularités des avertissements qui lui ont
été
donnés en soulignant, d'une part, qu'il n'y a jamais eu de "premier
avertissement" et, d'autre part, que le "troisième avertissement" du 8
février 2001 se réfère à une prétendue arrivée tardive dont le "second
avertissement" du 7 février 2001 ne fait pas mention, bien que cette
arrivée
tardive serait survenue le 6 février 2001 déjà, c'est-à-dire
antérieurement.
Il est du reste assez frappant de constater la concomitance entre
l'envoi des
avertissements au demandeur, suivi de son licenciement immédiat, et la
formulation par l'intéressé de revendications salariales.

S'agissant enfin des faits prétendument omis de manière arbitraire
par la
Cour d'appel, voire constatés de manière incomplète par elle, il sied
d'observer, en premier lieu, que, du propre aveu de la défenderesse,
elle
n'ignorait pas que le demandeur fréquentait avec une certaine
assiduité des
sites internet sans aucun rapport avec sa fonction au sein de
l'entreprise.
Or, cela ne l'a pas amenée à mettre un terme à la relation
contractuelle, et
la première intervention avérée de sa part auprès de l'employé pour
déplorer
l'utilisation abusive de son outil de travail n'a été effectuée que
le 12
mars 2001. D'où il suit que, dans l'esprit même de la défenderesse, le
comportement incriminé ne justifiait pas le congédiement immédiat de
son
auteur.

La défenderesse, il est vrai, fait grand cas de la découverte du
caractère
pornographique de certains des sites visités à partir de l'ordinateur
du
demandeur. Sans doute la jurisprudence fédérale autorise-t-elle
l'employeur à
se prévaloir a posteriori, pour justifier un licenciement immédiat,
d'une
circonstance qui existait au moment de la déclaration de
licenciement. Il est
également indéniable que la consultation assidue de sites internet - à
caractère sexuel ou non - sur le lieu du travail à des fins privées
peut
constituer une circonstance de ce genre (cf. arrêt 4C.349/2002 du 25
juin
2003, consid. 5). Toutefois, une telle faculté n'est accordée à
l'employeur
qu'à des conditions restrictives, l'une d'elles étant qu'il "ne
connaissait
pas et ne pouvait pas connaître" pareille circonstance (ATF 127 III
310
consid. 4a et les arrêts cités). Or, cette condition n'est pas
réalisé en
l'espèce. De fait, sachant que le demandeur visitait des sites
internet à des
fins privées, la défenderesse aurait fort bien pu s'enquérir à
l'époque de la
nature de ces sites, comme elle l'a fait immédiatement après avoir
congédié
son employé; elle aurait alors pu prendre les mesures qui
s'imposaient pour
faire cesser semblables pratiques. Venir fustiger l'auteur de
celles-ci après
la rupture abrupte des relations de travail pour tenter de justifier
rétroactivement cette mesure n'est, dès lors, pas admissible dans les
circonstances du cas particulier.

3.3 Il résulte de cet examen que le licenciement immédiat du demandeur
n'était pas justifié. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter, en
tant
qu'il est recevable, le recours en réforme soumis à l'examen du
Tribunal
fédéral.

4.
Compte tenu de la valeur litigieuse, la procédure n'est pas gratuite
(art.
343 al. 2 et 3 CO). Les frais et dépens doivent être mis à la charge
de la
défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 21 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.173/2003
Date de la décision : 21/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-21;4c.173.2003 ?
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