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20/10/2003 | SUISSE | N°5P.266/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 octobre 2003, 5P.266/2003


{T 0/2}
5P.266/2003 /frs

Arrêt du 20 octobre 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Escher et Meyer.
Greffier: M. Braconi.

A. Y.________,
recourant, représenté par Me Jacques Roulet, avocat, boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

SI X.________,
boulevard Georges-Favon 19, 1204 Genève,
intimée, représentée par Me Nicolas Riedo, avocat,
rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-

de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3,

Office des faillites de Genève, 1227 Carouge GE.

art. 9 Cst. (notif...

{T 0/2}
5P.266/2003 /frs

Arrêt du 20 octobre 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Escher et Meyer.
Greffier: M. Braconi.

A. Y.________,
recourant, représenté par Me Jacques Roulet, avocat, boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

SI X.________,
boulevard Georges-Favon 19, 1204 Genève,
intimée, représentée par Me Nicolas Riedo, avocat,
rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3,

Office des faillites de Genève, 1227 Carouge GE.

art. 9 Cst. (notification de la commination de faillite),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 5 juin 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 20 mars 2000, le Tribunal des baux et loyers du
canton de
Genève a condamné B.Y,________ à payer à la SI X.________ la somme de
10'000
fr. par mois du 1er février 1999 jusqu'à ce qu'elle évacue de sa
personne et
de ses biens l'hôtel et le bar-restaurant sis rue X.________ à Genève;
l'intéressée a quitté les locaux le 4 février 2002.

Le 16 janvier 2002, A.Y.________, époux de la prénommée, a requis son
inscription au registre du commerce en qualité de chef de maison d'une
entreprise individuelle, par la «reprise de l'actif et du passif de
l'entreprise individuelle "B.Y.________ "»; l'inscription a été
opérée dans
le journal le 17 janvier 2002, et publiée dans la Feuille officielle
suisse
du commerce le 23 janvier suivant.

B.
Le 6 mars 2002, la SI X.________ a fait notifier à A.Y.________, «au
vu de la
reprise de l'actif et du passif de l'entreprise individuelle
"B.Y.________"»,
un commandement de payer la somme de 210'000 fr. avec intérêts à 5%
l'an dès
le 1er décembre 2000 à titre d'indemnités pour occupation illicite de
l'immeuble situé rue X.________ de février 2000 à novembre 2001; cet
acte a
été frappé d'opposition.

Le 11 juin 2002, le Tribunal de première instance de Genève a levé
définitivement l'opposition au commandement de payer. Ce prononcé a
été
confirmé le 8 août 2002 par la 1ère Section de la Cour de justice du
canton
de Genève.

C.
Le 13 janvier 2003, l'office des poursuites a notifié à «Mme
B.Y.________»
une commination de faillite pour le compte de son mari. Sur
l'intervention du
mandataire de celui-ci, l'office a procédé le 1er avril suivant à une
nouvelle notification «[qui] remplace celle effectuée le 13 janvier
dernier,
laquelle a été annulée pour irrespect de la procédure en matière de
poursuite», car il est apparu qu'elle avait eu lieu «par voie postale
après
avoir obtenu l'accord par téléphone de l'épouse du débiteur».

D.
Le 5 février 2003, la poursuivante a requis l'ouverture de la
faillite de
A.Y.________.
Par jugement du 4 mars 2003, le Tribunal de première instance de
Genève a
déclaré la faillite, avec effet dès ce jour à 14 h. 20. Statuant le 5
juin
2003 sur l'appel interjeté par le débiteur, la 1ère Section de la
Cour de
justice du canton de Genève a confirmé ce jugement.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral
pour
violation des art. 5, 9 et 26 Cst., A.Y.________ conclut à
l'annulation de
cet arrêt.

L'intimée propose le rejet du recours; l'autorité cantonale se réfère
aux
considérants de sa décision.

F.
Par ordonnance du 25 août 2003, le Président de la cour de céans a
attribué
l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé à temps contre une décision qui confirme en dernière instance
cantonale la faillite du débiteur (ATF 119 III 49 consid. 2 p. 51;
118 III 4
consid. 1 p. 5 et les citations), le présent recours est ouvert du
chef des
art. 84 al. 2, 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

2.
L'art. 5 al. 1 et 3 Cst. ne consacre pas un droit constitutionnel du
citoyen
au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ; c'est l'art. 9 Cst. qui
sanctionne le
principe de la bonne foi (ATF 129 I 161 consid. 2.1;
Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, p.
542 n°
1117). Quant au moyen tiré de la garantie de la propriété (art. 26
Cst.), il
n'a pas de portée propre en l'occurrence, car l'atteinte portée à la
«libre
disposition des biens» constitue un effet légal de la faillite (cf.
art. 197
al. 1 et 204 al. 1 LP), dont l'ouverture est critiquée au titre de la
protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.).

3.
En substance, le recourant fait valoir que la première notification
de la
commination de faillite était «nulle», faute de satisfaire aux
exigences de
l'art. 64 LP, en sorte que sa faillite ne pouvait être prononcée; cela
d'autant plus que l'office des poursuites compétent, s'étant avisé de
l'irrégularité, a révoqué l'acte en question et l'a notifié à
nouveau. Dans
ces conditions, la Cour de justice devait constater que la faillite
avait été
ouverte sur la base d'une commination de faillite «inexistante» et,
par
conséquent, annuler le jugement déclaratif; elle ne pouvait, sauf à
commettre
arbitraire, se substituer à l'office, et déclarer «nulles et non
avenues»
tant la révocation de la première notification que la seconde
communication
de l'acte.

3.1 D'après la jurisprudence, une notification viciée n'entraîne pas
la
nullité de l'acte de poursuite lorsque le poursuivi a eu connaissance
de son
contenu (ATF 128 III 101 consid. 1b p. 103; 120 III 114 consid. 3b p.
116;
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la
faillite, vol. I, n. 25 ss ad art. 64-66 LP et les citations). Le
recourant
ne soutient pas que l'autorité cantonale serait tombée dans
l'arbitraire en
appliquant ce principe à la notification de la commination de
faillite (art.
161 LP).

En l'espèce, la cour cantonale a constaté que le recourant
connaissait, en se
présentant à l'audience en première instance, les circonstances dans
lesquelles la commination de faillite qui lui était destinée avait été
notifiée, fût-ce d'une manière irrégulière, à son épouse; et de
conclure que
le vice «avait été réparé par la connaissance qu'il avait eue de la
notification et par le fait que l'acte lui était finalement parvenu».
Or, le
recourant se contente, pour l'essentiel, de rappeler la façon dont a
eu lieu
la notification litigieuse - qui n'est, d'ailleurs, nullement remise
en cause
par la juridiction précédente - et à réaffirmer que le non-respect des
exigences posées à l'art. 64 LP entraîne la nullité de l'acte, mais
il ne
s'en prend pas aux motifs de la décision attaquée; insuffisamment
motivé, le
recours est par conséquent irrecevable sur ce point (art. 90 al. 1
let. b OJ;
ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495). Vu le
principe
énoncé ci-dessus, il n'est donc pas arbitraire d'avoir admis que la
notification de la commination de faillite n'était pas affectée de
nullité.

3.2 Aux termes de l'art. 172 ch. 1 LP, le juge doit rejeter la
réquisition de
faillite lorsque l'autorité de surveillance a annulé - sur plainte ou
d'office - la commination; la loi vise le cas où la décision de
l'autorité de
surveillance est antérieure à l'audience de faillite (Gilliéron, op.
cit.,
vol. III, n. 10 ad art. 172 LP). Le juge de la faillite est lié par
une telle
décision, dont il ne peut revoir le bien-fondé (Blumenstein, Handbuch
des
Schweizerischen Schuldbetreibungsrechtes, p. 576; Baumann, Die
Konkurseröffnung nach dem Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs,
thèse Zurich 1979, p. 117; Giroud, Kommentar zum SchKG, vol II, n. 4
ad art.
172 LP; en général: Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und
Nichtigkeit, n. 152 ad art. 22 LP et les citations).
En soi, rien ne paraît s'opposer à une application (par analogie) de
la
disposition précitée lorsque la commination de faillite est révoquée
par
l'office des poursuites qui l'a notifiée (cf. sur la révocation des
actes de
poursuite en général: Lorandi, op. cit., n. 301 ss ad art. 17 LP;
Weiss,
Nichtigkeit, Anfechtbarkeit und Widerruf von Betreibungshandlungen,
thèse
Zurich 1957, p. 54 ss). C'est alors au poursuivant qu'il appartient
d'entreprendre cette décision par la voie de la plainte, en faisant
valoir
que les conditions de la révocation n'étaient pas réalisées (ATF 88
III 12
consid. 1 p. 14 et la jurisprudence citée), faute de quoi elle devient
définitive et lie le juge de la faillite.

3.3 Dans le cas présent, la révocation et la nouvelle notification de
la
commination de faillite sont intervenues après l'ouverture de la
faillite en
première instance; à strictement parler, il ne s'agit dès lors pas de
pseudo-nova au sens de l'art. 174 al. 1 LP (à ce sujet: Brönnimann,
Novenrecht und Weiterziehung des Entscheides des Konkursgerichtes
gemäss Art.
174 E SchKG, in: FS Walder, p. 435/436 et 443). Lorsque la
commination est
annulée postérieurement à la déclaration de faillite, doctrine et
jurisprudence s'accordent à dire que c'est l'exécution du jugement
déclaratif
qui doit être refusée (Archiv für Schuldbetreibung und Konkurs
II/1893 n° 2
p. 4 ss; ZBJV XXIX/1893 p. 433; Blumenstein, op. cit., p. 576/577 n.
50;
Jaeger/ Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs,
vol. II, n. 7 ad art. 172 LP). Dans le prolongement des
considérations qui
précèdent (cf. consid. 3.2), on pourrait appliquer la même solution
dans
l'hypothèse où ledit acte est révoqué (définitivement) par l'office
des
poursuites. Quoi qu'il en soit, un motif y fait obstacle en l'espèce.
Il ressort des constatations, non critiquées, de l'arrêt attaqué (ATF
125 III
45 consid. 3 et la jurisprudence citée) que l'office des poursuites a
révoqué
la commination de faillite alors que le délai pour porter plainte
était
largement échu (cf. art. 17 al. 2 LP). Ce procédé n'est toutefois
admissible
que si la mesure est nulle (ATF 97 III 3 consid. 2 p. 5; 88 III 12
consid. 1
p. 14/15; 78 III 49 consid. 1 p. 51); or, comme on l'a vu, tel n'est
pas le
cas ici (cf. supra, consid. 3.1). Du reste, l'office ne l'a jamais
prétendu
explicitement: après avoir estimé que la «notification de cet acte de
poursuite n'a[vait] pas été faite de manière régulière», il l'a
annulée «pour
irrespect de la procédure en matière de poursuite», avant de
procéder à une
nouvelle notification. Il s'ensuit que, en tenant cette opération
pour nulle,
l'autorité cantonale n'est pas tombée dans l'arbitraire (ATF 97 III 3
consid.
2 p. 5/6; 78 III 49 consid. 1 p. 53).

4.
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est
recevable, avec
suite de frais et dépens à la charge de son auteur (art. 156 al. 1 et
159 al.
1 OJ).

L'effet suspensif ayant été accordé, l'ouverture de la faillite prend
date à
compter du présent arrêt (ATF 118 III 37 consid. 2b p. 39).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La faillite du recourant prend effet le 20 octobre 2003 à 15 h. 00.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 3'000 fr. à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève ainsi qu'à
l'Office
des faillites de Genève.

Lausanne, le 20 octobre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.266/2003
Date de la décision : 20/10/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-20;5p.266.2003 ?
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