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20/10/2003 | SUISSE | N°4P.157/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 octobre 2003, 4P.157/2003


{T 0/2}
4P.157/2003 /ech

Arrêt du 20 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

SI X.________,
recourante, représentée par Me Claude Aberlé, avocat, route de
Malagnou 32,
1208 Genève,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me François Zutter, avocat, rue de
Chantepoulet 1-3,
case postale 1080, 1211 Genève 1,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genè

ve 3.

procédure civile; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
...

{T 0/2}
4P.157/2003 /ech

Arrêt du 20 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

SI X.________,
recourante, représentée par Me Claude Aberlé, avocat, route de
Malagnou 32,
1208 Genève,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me François Zutter, avocat, rue de
Chantepoulet 1-3,
case postale 1080, 1211 Genève 1,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

procédure civile; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève du 26 mai 2003.

Faits:

A.
Par contrats de bail conclus le 9 novembre 1982, et régulièrement
reconduits
jusqu'à la résiliation par le locataire pour le 30 juin 2000, la SI
X.________, alors représentée par Y.________ SA, a loué à A.________
un
appartement de six pièces, ainsi que deux places de stationnement,
l'une
intérieure, l'autre extérieure. En dernier lieu le loyer mensuel de
l'appartement était de 1'400 fr., celui des places de stationnement
de 160
fr., respectivement 80 fr. B.________, décédé en 1994, et D.________
étaient
administrateurs de Y.________ SA, celle-là étant de plus
administratrice de
la SI X.________. Cette dernière société a connu deux changements
d'actionnariat et de régie. A fin 1993, C.________ a repris la SI
X.________
en tant que seul actionnaire, et a confié la gestion de l'immeuble à
l'agence
immobilière Z.________ SA.

A. ________ a résilié les contrats de bail le 28 février 2000, à
l'échéance
du 31 mai 2000, reportée au 30 juin 2000. Par courrier de son
mandataire du
28 juin 2000 à l'agence immobilière Z.________ SA, il a exposé avoir
remis en
1982, à B.________, une garantie de loyer de 4'050 fr., à savoir
trois mois
de loyer, en main propre. Il avait cependant égaré la quittance de ce
montant, mais précisait que l'administratrice de la SI X.________ et
de
Y.________ SA se souvenait qu'à cette époque tous les locataires
étaient
requis de verser soit une garantie en main propre, soit de fournir une
garantie bancaire. A.________ a aussi invoqué compensation de cette
créance
de 4'050 fr. par le non-paiement du loyer de mai et juin 2000, à
hauteur de
3'680 fr., et a demandé le versement du solde, de 370 fr.

Le 22 août 2000, la SI X.________ a fait notifier à A.________ un
commandement de payer au montant de 3'680 fr., lequel a été frappé
d'opposition. Le 8 décembre 2000, le Tribunal de première instance a
prononcé
la mainlevée provisoire. A.________ a introduit une action en
libération de
dette et en paiement devant la commission de conciliation en matière
de baux
et loyers, qui l'a transmise au tribunal, en raison de l'absence de
conciliation. A la suite d'enquêtes, le Tribunal des baux et loyers a
jugé,
le 18 septembre 2002, que A.________ avait valablement opposé
compensation à
concurrence de 3'680 fr. et que la SI X.________ lui devait encore la
somme
de 370 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 juin 2000, la poursuite
engagée ne
devant pas suivre sa voie.

B.
Saisie par la SI X.________, la Chambre d'appel en matière de baux et
loyer
de la Cour de justice de Genève a rejeté son appel. Dans son arrêt du
26 mai
2003, elle a retenu que le tribunal n'avait pas apprécié de manière
insoutenable les témoignages recueillis, en accordant une importance
particulière à celui de D.________ et en relevant le défaut de
pertinence de
la déposition d'un autre témoin, E.________. L'appréciation des
preuves faite
par le tribunal ne s'avérait donc pas arbitraire.

C.
Agissant le 27 juin 2003 par la voie du recours de droit public, la SI
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt susmentionné
avec
suite de frais et dépens et de débouter toute partie de toute autre
conclusion. Elle soutient que l'appréciation des preuves effectuée par
l'autorité cantonale était arbitraire, en ce que le témoignage de
D.________
était contredit par celui de E.________ et de C.________,
administrateur de
la SI X.________. Âgée de 72 ans, D.________ n'avait pas pu préciser
à quel
représentant de Y.________ SA et à quel moment l'argent, valant
garantie de
loyer, avait été payé.

L'intimé conclut au rejet du recours. La Chambre d'appel se réfère aux
considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

L'arrêt attaqué est final dans la mesure où la cour cantonale a
statué sur
une demande pécuniaire, au fond, par une décision qui n'est
susceptible
d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal,
s'agissant du
grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
84 al. 2
et 86 al. 1 OJ).

La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise,
qui la
déboute entièrement, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel
et
juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en
violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité
pour
recourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue.

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) dans la forme prévue par
la loi
(art. 90 al. 1 OJ), le présent recours est à cet égard recevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1, p.
120; 128
III 50 consid. 1c et les arrêts cités, p. 53/54).

2.
2.1Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8
consid. 2.1,
p. 9; 128 I 81 consid. 2, p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid.
2.1 p.
275; ATF 128 II 259 consid. 5 p. 280).

2.2 En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque
l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément
de preuve
propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement
sur le
sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des
constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38
consid. 2a
p. 41; 124 I 208 consid. 4a).

3.
3.1En raison de la valeur litigieuse, le droit cantonal de procédure
limite
la cognition de la Chambre d'appel à la censure de la violation de la
loi, à
laquelle est assimilée l'appréciation juridique erronée d'un point de
fait,
les allégations ou moyens de preuve nouveaux n'étant pas admis, sous
réserve
de l'ordre public ou de la prise en considération de faits dont les
tribunaux
doivent connaître d'office (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
Commentaire de
la loi de procédure civile genevoise, vol. II, n. 6 ss ad art. 292;
vol. III,
n. 2 ad art. 445). Ainsi, le pouvoir d'examen de la cour cantonale est
identique à celui du Tribunal fédéral dans le cadre du recours de
droit
public.

3.2
3.2.1En l'espèce, le tribunal, puis la cour ont privilégié le
témoignage de
D.________ qui était l'associée de B.________ et revêtait
simultanément les
qualités d'administratrice de la SI X.________ et de Y.________ SA.
En ces
qualités, elle a déclaré que B.________ et elle-même demandaient "soit
l'équivalent de trois mois de garantie, soit une garantie bancaire de
trois
mois", selon une pratique généralisée qui concernait notamment les
appartements d'un certain standing. Elle a indiqué au tribunal
qu'elle se
souvenait de l'intimé, qui avait payé trois mois d'avance "au moment
de la
signature du bail ou quelques jours avant (...) à titre de garantie",
l'argent ayant été remis soit à elle-même, soit à B.________. Elle a
ajouté
qu'aucun locataire ne recevait d'appartement sans avoir versé
l'équivalent de
trois mois de garantie, ce qui constituait une règle "impérative".

3.2.2 Même si la recourante ironise sur l'âge du témoin (72 ans) et
sur son
imprécision, parce qu'elle n'a pas pu dire le jour exact du paiement,
ni si
la somme a été remise à elle-même ou à B.________, la déposition est
univoque
et les éléments qu'elle contient en totale harmonie avec la pratique
usuelle
de l'époque, tout particulièrement à l'endroit d'un locataire étranger
voulant louer un appartement "d'un certain standing", ce qui était le
cas du
logement de six pièces avec dépendances, pris à bail par l'intimé. A
juste
titre, la cour cantonale a relevé que le témoignage de E.________ ne
pouvait
apporter aucun élément concluant pour apprécier la situation de
l'intimé.
Même à titre indicatif, le cas de comparaison qu'elle propose n'est
pas
déterminant. En effet, la date de location est différente et
relativement
imprécise, s'agissant d'un contrat de bail passé en 1987 ou en 1988.
De plus,
aucun renseignement n'est donné quant à la nature de l'appartement
loué,
notamment quant à son standing et quant au montant du loyer. Enfin,
ce qui
constitue une différence remarquable réside dans le fait que
E.________ a
obtenu "sans difficulté" cette location, parce qu'elle était une amie
de
l'épouse de C.________, fils de B.________. Les disparités entre les
deux
situations étaient telles que la Chambre d'appel était fondée à
retenir que
la déposition de ce dernier témoin n'avait de valeur probante que
pour son
propre cas, et ne pouvait être utilisée dans l'appréciation de celui
de
l'intimé ou d'autres locataires. C'est donc sans arbitraire que la
cour
cantonale a écarté ce témoignage, selon lequel E.________ n'avait
versé
aucune garantie à la signature du bail, et lui a préféré celui de
D.________.
De plus, E.________ a déclaré qu'elle ignorait "la situation des
autres
locataires", ce qui confirme la relativité de sa déposition.

En conséquence, le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves
doit
être écarté, ce qui entraîne le rejet du recours.

4.
Vu l'issue du litige, un émolument de 2'000 fr. sera mis à la charge
de la
recourante qui succombe, ainsi qu'une indemnité de 2'500 fr. à payer
à titre
de dépens en faveur de l'intimé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 20 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.157/2003
Date de la décision : 20/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-20;4p.157.2003 ?
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