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20/10/2003 | SUISSE | N°1P.542/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 octobre 2003, 1P.542/2003


{T 0/2}
1P.542/2003 /col

Arrêt du 20 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Reeb
et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

T. ________,
recourant,

contre

Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique, case postale 3108,
1211 Genève 3,

assistance judiciaire,

recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
Cour de
justice civile du canton de Genève du
17 juillet 2003.>
Faits:

A.
Inculpé d'escroquerie, de gestion déloyale et de faux dans les titres,
T.________ a été placé en détention pr...

{T 0/2}
1P.542/2003 /col

Arrêt du 20 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Reeb
et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

T. ________,
recourant,

contre

Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique, case postale 3108,
1211 Genève 3,

assistance judiciaire,

recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
Cour de
justice civile du canton de Genève du
17 juillet 2003.

Faits:

A.
Inculpé d'escroquerie, de gestion déloyale et de faux dans les titres,
T.________ a été placé en détention préventive à la prison de
Champ-Dollon le
10 juillet 2001.
Le 19 décembre 2001, il a formé une demande d'assistance juridique
que la
Présidente du Tribunal de première instance du canton de Genève a
rejetée le
5 mars 2002.
Le 29 avril 2002, la Présidente de la Cour de justice du canton de
Genève a
admis le recours formé par T.________ contre cette décision qu'elle a
annulée
en octroyant une assistance juridique partielle avec effet au 19
décembre
2001. Elle a désigné l'avocat Robert Assaël comme défenseur d'office
de
T.________, en imposant à celui-ci de verser un montant mensuel de
100 fr. au
titre de participation aux honoraires.
Le 15 novembre 2002, la Présidente du Tribunal de première instance a
révoqué
l'octroi de l'assistance juridique au motif que T.________ avait
désigné un
défenseur de choix, le 18 août 2002, en la personne de l'avocat
Christian
Favre, et que partant, la condition de l'indigence n'était plus
remplie. En
outre, T.________ n'aurait pas effectué les versements mis à sa
charge selon
la décision du 29 avril 2002.
Le 14 janvier 2003, la Présidente de la Cour de justice a rejeté le
recours
formé contre cette décision.
Le 3 février 2003, le mandat de Me Favre a pris fin.

B.
Le 28 mars 2003, T.________ a présenté une nouvelle demande, que la
Présidente du Tribunal de première instance a rejetée le 6 mai 2003.
Le 17
juillet 2003, la Présidente de la Cour de justice a rejeté le recours
formé
contre cette décision, en se référant aux décisions antérieures.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, T.________ demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 17
juillet 2003,
de lui accorder l'assistance juridique avec effet au 18 août 2002 et
de
désigner Me Assaël comme son défenseur d'office dans la procédure
cantonale.
A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité
intimée
pour nouvelle décision au sens des considérants. Il invoque les art.
8, 9,
10, 29, 31 et 32 Cst., ainsi que les art. 5 par. 3 et 6 par. 2 CEDH.
Il
requiert d'être dispensé du paiement des frais.
La Présidente de la Cour de justice se réfère à sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public
n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129
consid.
1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176; 128 III 50 consid. 1b p.
53, et les
arrêts cités). Toutes les conclusions du recours allant au-delà de
l'annulation de la décision attaquée sont ainsi irrecevables.

2.
A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose des
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause ne paraisse
dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite; elle a en
outre
le droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la
sauvegarde de ses droits le requiert (ATF 129 I 129 consid. 2.1 p.
133; 128 I
225 consid. 2.3 p. 227; 127 I 202 consid. 3b p. 205). Comme le
recourant ne
se prévaut pas des prescriptions du droit cantonal de procédure, son
grief
doit être examiné, avec une cognition pleine, au regard du seul art.
29 al. 3
Cst. (cf. ATF 122 I 49 consid. 2a p. 50; 121 I 60 consid. 2a p.
61/62; 120 Ia
14 consid. 3a p. 15, 179 consid. 3a p. 181/182, et les arrêts cités).
Dans ce
cadre, le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait que
sous
l'angle de l'arbitraire; il examine en revanche librement la question
de
savoir si le droit à l'assistance judiciaire gratuite, déduit
directement de
l'art. 29 al. 3 Cst., a été respecté (ATF 129 I 129 consid. 2.1 p.
133; 127 I
202 consid. 3a p. 204/205; 122 I 49 consid. 2a p. 50, et les arrêts
cités).
L'assistance judiciaire n'est octroyée qu'à la personne qui,
notamment, ne
dispose pas de moyens financiers suffisants pour mener ou soutenir le
procès.
Pour déterminer l'indigence, il y a lieu de tenir compte des
circonstances
concrètes existant au moment où la demande est présentée. L'autorité
doit
éviter de procéder de façon trop schématique, afin de pouvoir prendre
en
considération tous les éléments importants de l'espèce (ATF 128 I 225
consid.
2.5.1 p. 232; 127 I 202 consid. 3b p. 205; 124 I 1 consid. 2a p. 2).
Elle
doit notamment tenir compte de la nécessité où se trouve le requérant
d'agir
dans un délai relativement court (ATF 108 Ia 109 consid. 5b et les
arrêts
cités). Est indigente la partie qui ne peut assumer les frais liés à
la
défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à
son
entretien et celui de sa famille (ATF 127 I 202 consid. 3b p. 205;
125 IV 161
consid. 4a p. 164; 124 I 97 consid. 3b p. 98). A cet égard, il y a
lieu de
tenir compte des ressources effectives du requérant et, le cas
échéant, des
personnes qui ont à son égard une obligation d'entretien, ainsi que
de sa
fortune (ATF 124 I consid. 2a p. 2, 97 consid. 3b p. 98-100). On ne
peut
toutefois se fonder sur le seul critère de la possession d'un véhicule
automobile pour refuser l'assistance judiciaire (ATF 124 I 1 consid.
2c p.
4/5).

3.
Il est constant que le recourant se trouve dans un cas de défense
nécessaire
(ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232, et les arrêts cités). Il reste à
examiner si les motifs pour lesquels la requête du 28 mars 2003 a été
rejetée
sont compatibles avec l'art. 29 al. 3 Cst. A cet égard, la décision
attaquée
renvoie aux décisions antérieures confirmant la révocation de
l'assistance
juridique accordée initialement au recourant. Selon la jurisprudence,
une
telle révocation est possible, car la Constitution ne garantit pas
une prise
en charge définitive des frais de la défense par l'Etat; l'assistance
judiciaire peut être retirée lorsqu'il apparaît en cours de procès
que la
condition de l'indigence n'est plus remplie (ATF 122 I 5).

3.1 Les autorités cantonales ont considéré que tel était le cas dès
l'instant
où le recourant avait désigné Me Favre comme défenseur de choix aux
côtés de
Me Assaël.
L'autorité peut présumer que le prévenu qui désigne un défenseur de
son choix
n'a plus droit à l'assistance judiciaire. En effet, celui qui donne à
un
avocat le mandat de le défendre doit être en état de le rémunérer
pour ses
services. Cela inclut de payer les débours et les honoraires, ainsi
que de
fournir des sûretés pour la couverture de ces frais, comme c'est
l'usage du
barreau. C'est bien parce qu'elle est hors d'état d'assumer de tels
frais
qu'une personne indigente peut réclamer l'assistance judiciaire.
Inversement,
celui qui dispose des moyens de payer les frais d'un avocat n'est pas
indigent au sens de l'art. 29 al. 3 Cst.
Sur l'origine du montant de 1000 fr. payé à Me Favre, le recourant a
varié.
Dans son recours du 25 novembre 2002, il a indiqué qu'il provenait
d'un prêt
fourni par des amis, version qu'il semble reprendre dans l'acte de
recours.
Dans sa demande du 28 mars 2003, il a allégué que le montant en
question
avait été prélevé sur sa rente de vieillesse. Le seul élément attesté
est que
c'est la fille du recourant qui a effectué le versement, comme Me
Favre l'a
confirmé dans une lettre adressée le 10 septembre 2003 à son confrère
Assaël.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait sérieusement reprocher aux autorités
cantonales d'avoir tiré de la désignation de Me Favre la conclusion
que le
recourant était en mesure de subvenir aux frais d'un avocat, partant
de lui
retirer le bénéfice de l'assistance judiciaire. Le recourant le
reconnaît
implicitement lui-même lorsqu'il explique que le but de sa démarche
était de
"soulager l'assistance juridique".

3.2 Se pose alors la question du sort de la demande du 28 mars 2003,
présentée après que le recourant eut déchargé de son mandat Me Favre,
faute
de moyens de le payer.
De ce point de vue, le renvoi que fait la décision attaquée notamment
à celle
rendue le 14 janvier 2003 n'est pas pertinent puisque, contrairement
à ce que
dit l'autorité intimée, un fait nouveau était intervenu entre-temps,
soit la
fin du mandat de Me Favre. Il apparaît ainsi que l'autorité intimée
n'a pas
réexaminé la situation concrète du recourant au regard de la
situation créée
par le retrait de Me Favre. Or, celle-ci n'avait pas changé par
rapport aux
conditions prévalant avant que ne soit accordée l'assistance
juridique selon
la décision du 29 avril 2002, aux termes de laquelle le recourant ne
disposait pas à l'époque de moyens insuffisants pour prendre en
charge les
frais de sa défense. En tout cas, la décision attaquée n'évoque aucun
élément
de nature à penser que la situation financière du recourant se serait
rétablie au point que les conditions d'octroi de l'assistance
juridique ne
seraient plus réalisées à cet égard.

3.3 Les autorités cantonales ont reproché au recourant de n'avoir pas
respecté la condition dont était assortie la décision du 29 avril
2002, selon
laquelle le recourant était astreint de participer aux honoraires de
son
défenseur d'office, à raison d'un montant de 100 fr. par mois.
Dès l'instant où la décision du 29 avril 2002 a été révoquée, le 15
novembre
2002, le paiement de cette participation ne pouvait plus être exigé.
La
controverse qui a surgi à ce propos était ainsi sans incidence sur la
décision à prendre. Appelée à statuer sur une nouvelle demande,
l'autorité ne
pouvait en tout cas se fonder sur ce motif pour la rejeter.

4.
La solution retenue dans la décision attaquée repose ainsi sur une
appréciation insoutenable, partant arbitraire, des circonstances de
la cause.
Le recours doit être admis pour ce motif et la décision attaquée
annulée,
sans qu'il soit nécessaire d'examiner de surcroît les autres griefs
soulevés
par le recourant. Il est statué sans frais (art. 156 OJ). Le
recourant, qui
est intervenu sans l'assistance d'un avocat, n'a pas droit à des
dépens (art.
159 OJ). La demande d'assistance judiciaire pour la présente
procédure a
perdu son objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

3.
La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à la
Présidente de
la Cour de justice civile du canton de Genève, ainsi qu'à Me Robert
Assaël,
avocat à Genève.

Lausanne, le 20 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.542/2003
Date de la décision : 20/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-20;1p.542.2003 ?
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