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16/10/2003 | SUISSE | N°I.665/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 octobre 2003, I.665/02


{T 7}
I 665/02

Arrêt du 16 octobre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Wagner

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par la Fédération suisse pour
l'intégration
des handicapés (FSIH), place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 14 juin 2002)

Fai

ts:

A.
C. ________ a oeuvré dès le 1er septembre 1994 en qualité de
manoeuvre au
service de l'entreprise X.________. So...

{T 7}
I 665/02

Arrêt du 16 octobre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Wagner

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par la Fédération suisse pour
l'intégration
des handicapés (FSIH), place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 14 juin 2002)

Faits:

A.
C. ________ a oeuvré dès le 1er septembre 1994 en qualité de
manoeuvre au
service de l'entreprise X.________. Son dernier jour de travail
effectif
remonte au 1er avril 1998. Le 7 avril 1998, il a présenté une demande
de
prestations de l'assurance-invalidité.

Selon un rapport du 28 mai 1998 du docteur A.________, généraliste et
médecin
traitant de l'assuré, celui-ci était atteint de lombosciatalgies et
cruralgies droites sur discopathie L3-L4 et canal lombaire étroit et
d'obésité. L'incapacité de travail dans son activité de manoeuvre de
chantier
avait été totale du 27 août au 14 décembre 1997 et depuis le 2 avril
1998.

Afin d'élucider le point de savoir quelles étaient les limitations
fonctionnelles rencontrées par C.________ dans une activité de
manoeuvre de
chantier et dans une activité adaptée, l'Office de
l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud a confié une expertise aux médecins de
l'Association
médicale du Centre Z.________. Dans un rapport du 27 juin 2000, le
docteur
B.________, médecin-chef de cet établissement, a posé le diagnostic de
lombosciatalgies à prédominance droite d'origine mixte, organique sur
discopathies étagées L3 à S1 avec légère protrusion discale L3 à L5 et
fonctionnelle sur troubles somatoformes douloureux. A la question «
Quelle
capacité de travail peut-on espérer dans l'exercice d'une activité
adaptée au
handicap après une période éventuelle de mise au courant ? »,
l'expert a
répondu « 60 % dans une activité où le patient peut alterner les
positions
assises et debout et qu'il ne soit pas astreint à porter des charges
lourdes
».

Dans un projet d'acceptation de rente du 12 septembre 2000, l'office
AI a
avisé C.________ que dans une activité adaptée à son état de santé
soit des
travaux de mécanique conventionnelle et de précision ainsi que des
travaux de
montage à l'établi, sa capacité de travail était de 60 % et qu'il
était en
mesure de réaliser un salaire annuel de 28'029 fr. Sans l'atteinte à
sa
santé, il percevrait dans son activité de manoeuvre un revenu annuel
de
54'366 fr. Il résultait de la comparaison des revenus une invalidité
de 48,44
%.

Par décision du 19 octobre 2000, l'office AI a alloué à C.________ à
partir
du 1er avril 1999 un quart de rente d'invalidité, assorti d'un quart
de rente
complémentaire pour sa conjointe et d'un quart de rente pour enfant.

B.
C.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances
du canton de Vaud, en concluant à l'annulation de celle-ci et à
l'allocation
d'une demi-rente d'invalidité. Se référant à l'avis de son médecin
traitant,
il faisait valoir une incapacité de travail de 50 % dans un travail
adapté.

Dans ses déterminations du 13 mars 2001, l'office AI a indiqué que
pour
calculer le revenu invalide, il s'était fondé non pas sur les barèmes
de
salaires tels qu'ils ressortent de l'enquête suisse sur la structure
des
salaires (ESS) de l'Office fédéral de la statistique, mais sur un
salaire
pour un poste non qualifié dans la mécanique selon les valeurs
médianes
obtenues à partir des données recueillies auprès d'entreprises du
canton de
Vaud.

Par jugement du 14 juin 2002, la juridiction cantonale a admis le
recours et
réformé la décision attaquée dans le sens des considérants. Se
fondant sur
les données statistiques, telles qu'elles résultent des enquêtes ESS
de
l'Office fédéral de la statistique, elle a fixé le revenu annuel
d'invalide à
54'379 fr. 25 (valeur 2000) et pris en compte le 60 % de ce montant,
soit
32'626 fr. 20. Opérant sur la somme de 32'704 fr. une déduction
globale de 20
%, elle a retenu un revenu d'invalide de 26'163 fr. 20. En comparant
ce gain
avec le revenu sans invalidité de 54'336 fr. (recte : 54'366 fr.), on
obtenait ainsi un taux d'invalidité de 51,87 % ([54'366 fr. - 26'163
fr. 20]
x 100 / 54'366 fr.), lequel donne droit à une demi-rente d'invalidité.

C.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud interjette
recours
de droit administratif contre ce jugement, en concluant à
l'annulation de
celui-ci.

C. ________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de
changement de
règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la
réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des
conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits
sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se
prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant
par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Partant, la loi
fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6
octobre 2000, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et qui a
entraîné
des modifications des dispositions dans le domaine de l'AI notamment,
n'est
pas applicable en l'espèce.

2.
Les premiers juges ont retenu que l'intimé présente une capacité
résiduelle
de travail de 60 % dans un emploi adapté à son handicap, soit une
activité où
il peut alterner les positions assise et debout et où il n'est pas
astreint à
porter des charges lourdes (expertise du docteur B.________ du 27
juin 2000),
point qui n'est pas remis en cause devant la Cour de céans. Ils ont
admis
qu'il avait droit à une demi-rente pour une invalidité de 51,87 %,
taux qui
est contesté par le recourant.

2.1 Selon l'art. 28 al. 2 LAI (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002),
pour
l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'invalide
pourrait
obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de
lui,
après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu
d'une
situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait
pu obtenir s'il n'était pas invalide.

2.2 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se
placer au
moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans
invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les
modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la
rente
survenues jusqu'au moment où la décision est rendue être prises en
compte
(ATF 129 V 222 et 128 V 174).

3.
En l'occurrence, le moment de la naissance du droit à la rente
remonte au 1er
avril 1999 (art. 29 al. 1 let. b LAI). Il n'y a pas eu de
modifications des
revenus avec et sans invalidité susceptibles d'influencer le droit à
la rente
jusqu'à la décision administrative litigieuse du 19 octobre 2000. Pour
procéder à la comparaison des revenus, il convient donc de se placer
en 1999.

3.1 Le montant de 54'366 fr. du revenu annuel sans invalidité, fixé
par le
recourant dans la décision administrative litigieuse et repris tel
quel par
les premiers juges dans la comparaison des revenus, n'est pas remis
en cause
devant la Cour de céans.

3.2 Est litigieux le calcul du revenu que l'intimé pourrait réaliser
malgré
la survenance de son invalidité en exerçant une activité adaptée à son
handicap.

3.2.1 Le recourant a effectué ce calcul en se fondant sur un salaire
pour un
poste non qualifié dans la mécanique selon les valeurs médianes
obtenues à
partir des données recueillies auprès d'entreprises dans le canton de
Vaud.
Il fait valoir que les revenus d'invalide de référence ainsi obtenus
sont
nettement inférieurs à ceux habituellement retenus sur la base de
données
statistiques et qu'il n'est dès lors pas procédé à des réductions
comme sur
les salaires ressortant des statistiques. Selon lui, cette manière de
procéder est conforme à la loi et l'application des données
statistiques
telles qu'elles résultent des enquêtes ESS ne se justifie donc pas. A
titre
subsidiaire, il conteste la déduction globale de 30 % (recte : 20 %)
sur le
salaire statistique effectuée par la juridiction cantonale.

3.2.2 Avec raison, les premiers juges ont appliqué en l'espèce les
données
statistiques. En effet, le revenu d'invalide doit être évalué avant
tout en
fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. En
l'absence d'un revenu effectivement réalisé, il y a lieu de se
référer aux
données statistiques, telles qu'elles résultent des enquêtes sur la
structure
des salaires de l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 76 s.
consid.
3b/aa et bb; VSI 2002 p. 68 consid. 3b). On se réfère alors à la
statistique
des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la
médiane ou
valeur centrale (ATF 124 V 323 consid. 3b/bb; VSI 1999 p. 182).
Les données salariales qui résultent des descriptions de postes de
travail
(DPT) établies par la CNA peuvent également servir au calcul du revenu
d'invalide si certaines conditions sont remplies. (arrêt U 35/00 et U
47/00
du 28 août 2003, destiné à la publication). Cinq DPT au moins doivent
avoir
été éditées et l'on doit pouvoir disposer de toutes les indications
nécessaires sur le nombre total de places de travail documentées
entrant en
considération pour le handicap donné, sur le salaire maximum et
minimum ainsi
que sur le salaire moyen du groupe correspondant.

En l'occurrence, les données salariales résultant des DPT n'entrent
pas en
considération. Ainsi que cela ressort d'un rapport intermédiaire du
10 août
2000, le recourant, pour calculer le revenu d'invalide de l'intimé,
s'est
référé au salaire annuel moyen selon enquête REA. Pour des travaux de
mécanique conventionnelle et de précision, permettant l'alternance des
positions et n'impliquant que le port de charges légères, le salaire
annuel
moyen serait de 45'300 fr., soit de 27'180 fr. en cas d'occupation à
60 %.
Pour des travaux de montage à l'établi, d'assemblage de pièces
légères, de
soudage de circuits imprimés, de contrôle et de réparation, celui-ci
serait
de 48'113 fr., soit de 28'878 fr. en cas d'occupation à 60 %.

Ainsi que le relèvent avec raison les premiers juges, on ignore tout
des
entreprises consultées dans l'enquête REA, au sujet de laquelle on ne
sait
pas comment les données salariales ont été établies. Par ailleurs, les
indications fournies ne permettent pas non plus de déterminer à
quelle année
de référence se rapportent les salaires annuels moyens en question
(arrêt non
publié T. du 10 mai 2002 [I 481/01]). Il n'est dès lors pas possible
de
calculer le revenu d'invalide comme l'a fait l'office recourant.

3.2.3 Compte tenu de l'activité légère de substitution, le salaire de
référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des
activités simples et répétitives dans le secteur privé (RAMA 2001 n°
U 439 p.
347), à savoir 4'268 fr. par mois - valeur en 1998 -, part au 13ème
salaire
comprise (Enquête sur la structure des salaires 1998, TA1 p. 25,
niveau de
qualification 4). Ce salaire mensuel hypothétique représente, compte
tenu du
fait que les salaires bruts standardisés se basent sur un horaire de
travail
de quarante heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la
moyenne
usuelle dans les entreprises en 1999 (41,8 heures; La Vie économique,
9-2001
p. 84, tabelle B 9.2) un revenu d'invalide de 4'460 fr. par mois
(4'268 x
41,8 : 40). Adapté à l'évolution des salaires (La Vie économique,
9-2001 p.
85, tabelle B 10.2) de l'année 1999 (0.3 %), il s'élève à 4'473 fr.
par mois.
Attendu qu'il est raisonnablement exigible de l'intimé qu'il exerce à
60 %
une activité légère de substitution, le salaire hypothétique est dès
lors de
2'684 fr. par mois ou de 32'208 fr. par année.

3.2.4 Les premiers juges ont admis un abattement de 20 %, taux
contesté par
le recourant, qui allègue qu'une réduction de 10 % paraît adéquate au
vu de
la situation.

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques
doivent être
réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap,
âge,
années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et
taux
d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir
d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent
influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 s. consid.
5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 s. consid. 4b).

L'intimé est né le 24 octobre 1963. Il est au bénéfice d'un permis C
et d'une
expérience professionnelle acquise en Suisse depuis 1985. Il ne
présente donc
aucune limitation liée à l'âge, aux années de service, à la
nationalité ou à
la catégorie d'autorisation de séjour. Le fait que l'atteinte à sa
santé
impose une alternance des positions assise et debout, lui interdit le
port de
charges lourdes et limite
le taux d'occupation à 60 % justifie un
abattement
de 10 % au plus.

Compte tenu d'un abattement de 10 %, le revenu annuel d'invalide est
de
28'987 fr. (valeur 1999).

3.3 La comparaison des revenus donne une invalidité de 46,68 %
([54'366 fr. -
28'987 fr.] x 100 : 54'366 fr.), taux qui donne droit à un quart de
rente
(art. 28 al. 1 LAI). Si l'intimé remplit les conditions du cas
pénible, il a
droit à une demi-rente d'invalidité (art. 28 al. 1bis LAI).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud, du 14 juin 2002, est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.665/02
Date de la décision : 16/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-16;i.665.02 ?
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