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15/10/2003 | SUISSE | N°6S.296/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 octobre 2003, 6S.296/2003


{T 0/2}
6S.296/2003 /mks

Arrêt du 15 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

B. ________,
recourant, représenté par Me Pierre Lièvre, avocat et notaire, case
postale
65, 2900 Porrentruy 2,

contre

Procureur général du canton du Jura, Le Château, case postale 9, 2900
Porrentruy.

Refus du sursis (art. 41 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour pénale du T

ribunal
cantonal du
canton du Jura, du 17 juin 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 6 février 2003, la Juge pénale d...

{T 0/2}
6S.296/2003 /mks

Arrêt du 15 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

B. ________,
recourant, représenté par Me Pierre Lièvre, avocat et notaire, case
postale
65, 2900 Porrentruy 2,

contre

Procureur général du canton du Jura, Le Château, case postale 9, 2900
Porrentruy.

Refus du sursis (art. 41 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour pénale du Tribunal
cantonal du
canton du Jura, du 17 juin 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 6 février 2003, la Juge pénale du Tribunal de première
instance du canton du Jura a condamné B.________ à une peine ferme de
dix
mois d'emprisonnement pour abus de confiance (art. 138 CP) et
dissimulation
de biens successoraux (art. 202 de la loi cantonale d'impôt du 26 mai
1988,
RSJU 641.11).

Statuant sur appel le 17 juin 2003, la Cour pénale du Tribunal
cantonal
jurassien a confirmé ce jugement.

B.
En résumé, cette condamnation repose sur les faits suivants:
B.aC.________, âgée de 83 ans, est décédée le 23 octobre 1998. Trois
jours
après son décès, B.________ a retiré une somme de 59'772,65 francs,
sur
divers comptes bancaires que la défunte détenait auprès de la
succursale de
la banque X.________ à Porrentruy, au moyen de la procuration qu'elle
lui
avait octroyée le 6 mai 1997. Le 1er décembre 1998, lors de
l'établissement
du procès-verbal de scellés, à Porrentruy, il a omis d'indiquer à
l'instance
compétente l'existence du compte ouvert auprès de la banque X.________
appartenant à feu C.________ et sur lequel il bénéficiait d'une
procuration.

B.b Né en 1943, B.________ vit séparé de sa femme depuis plusieurs
années.
Victime d'un attentat à l'explosif qui l'a atteint profondément dans
sa
santé, il a été mis au bénéfice d'une rente AI. En octobre 2001, il a
subi un
pontage coronarien. Actuellement, il vit à Fribourg chez son amie
avec son
fils qui a onze ans. Sur le plan professionnel, il s'occupe de
placement de
personnel à titre indépendant, à raison de deux jours à deux jours et
demi
par semaine, ce qui lui procure un revenu net de 1'000 francs par
mois. Il
lui arrive également de jouer le rôle d'intermédiaire dans des
affaires
immobilières. Selon les renseignements fournis par l'Office des
poursuites,
il a fait l'objet de nombreuses poursuites ces dernières années.
Dernièrement, il a cependant racheté une quinzaine d'actes de défaut
de
biens. Il ne jouit pas d'une très bonne réputation au Jura.

B.c B.________ a été condamné à plusieurs reprises. Par jugement du
23 août
1983, il a été condamné à une peine de 16 mois d'emprisonnement avec
sursis
pour obtentions frauduleuses d'une constatation fausse, infraction à
la LCR,
gestion déloyale et infractions à la loi fédérale sur les explosifs.
Le 25
avril 1984, il a été condamné pour escroquerie à une peine de deux
mois
d'emprisonnement avec sursis. Les 17/21 novembre 1986, il a été
frappé d'une
peine de 36 mois d'emprisonnement pour vols en bande et par métier,
dommages
à la propriété, tentatives de vol en bande et par métier et
escroqueries. Par
jugement du 21 novembre 1986, le Tribunal correctionnel du district de
Delémont a révoqué les sursis accordés les 23 août 1983 et 25 avril
1984. Par
jugement du 3 juillet 1996, B.________ a été condamné à une amende de
200 fr.
pour infraction à l'art. 97 ch. 1 LCR.

C.
B.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation de l'art. 41 ch. 1 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué. En outre, il sollicite l'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait
définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et
273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits
retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF).
Celles-ci, qui
doivent être interprétées à la lumière de leur motivation,
circonscrivent les
points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP. Il
reproche, pour l'essentiel, à l'autorité cantonale de ne pas avoir
tenu
compte de sa nouvelle situation familiale et professionnelle.

2.1 Selon l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP, le sursis à l'exécution d'une
peine
privative de liberté peut être octroyé si la durée de la peine
n'excède pas
dix-huit mois et si les antécédents et le caractère du condamné font
prévoir
que cette mesure le détournera de commettre d'autres crimes ou
délits. Selon
l'al. 2, le sursis ne peut pas être accordé lorsque le condamné a
subi, à
raison d'un crime ou d'un délit intentionnel, plus de trois mois de
réclusion
ou d'emprisonnement dans les cinq ans qui ont précédé la commission de
l'infraction.

En l'espèce, le recourant a été condamné à dix mois d'emprisonnement
et n'a
pas exécuté dans les cinq ans précédent la commission des présentes
infractions de peine privative de liberté de plus de trois mois. Les
conditions objectives du sursis sont donc réunies. La seule question
litigieuse est donc de savoir si la condition dite subjective est
réalisée,
c'est-à-dire si l'on peut prévoir, en fonction des antécédents et du
caractère du condamné, que cette mesure sera de nature à le détourner
de
commettre d'autres crimes ou délits. Il s'agit en d'autres termes de
faire un
pronostic quant au comportement futur du condamné.

2.2 La peine est conditionnellement remise lorsqu'on peut espérer que
cette
mesure aura une meilleure influence sur l'amendement du coupable que
l'exécution de la condamnation (art. 41 ch. 1 al. 1 CP; ATF 105 IV 291
consid. 2a p. 292; 98 IV 159 consid. 1 p. 160; 91 IV 57 p. 60). Le
juge
posera son pronostic, quant aux chances d'amendement et, partant,
quant à
l'efficacité du sursis, sur la base des éléments propres à éclairer
l'ensemble du caractère du délinquant. Il tiendra compte de sa
conduite
antérieure, de la nature des mobiles qui l'ont déterminé à agir, des
particularités de l'infraction elle-même, de la réputation et de la
situation
personnelle du prévenu au moment du jugement, et notamment de son état
d'esprit, ainsi que des connaissances personnelles de l'accusé que lui
procurent les débats (ATF 118 IV 97 consid. 2b p. 100 s.).
2.3 Une précédente condamnation, dans un passé récent, pour une
infraction de
même nature, constituera un élément défavorable important. Elle
n'exclura
certes pas automatiquement le sursis (ATF 118 IV 97 consid. 1a p. 99).
Celui-ci pourra être envisagé si l'auteur manifeste une véritable
prise de
conscience de ses fautes et un revirement complet de son comportement
rendant
improbable une nouvelle infraction. De vagues espoirs quant à la
conduite
future du délinquant ne suffisent cependant pas pour poser un
pronostic
favorable (ATF 115 IV 81 consid. 2a p. 82).

2.4 La présomption d'innocence implique le droit, pour l'accusé, de
se taire
ou de fournir uniquement des preuves à sa décharge (art. 32 al. 1
Cst.; 6 ch.
2 CEDH; art. 14 ch. 3 let. g du Pacte international relatif aux
droits civils
et politiques, RS 0.103.2). Le silence ou les dénégations de l'accusé
peuvent
cependant être le signe d'une absence de repentir et faire obstacle à
l'octroi du sursis. Le fait que l'accusé refuse de répondre ou nie
l'acte ne
permet toutefois pas de conclure dans tous les cas qu'il n'en voit
pas le
caractère répréhensible et ne le regrette pas. Un tel comportement
peut en
effet avoir divers motifs. Le délinquant peut nier par honte, par
peur du
châtiment, par crainte de perdre sa place ou par égard pour ses
proches et
offrir plus de garanties quant à son comportement futur que celui qui
avoue
ouvertement l'infraction qu'il a commise, mais qui ne la considère
pas comme
répréhensible ou qui se montre indifférent aux conséquences de son
acte (ATF
101 IV 257 consid. 2a p. 258 s.). Il en va différemment lorsque
l'accusé ne
se borne pas à nier dans son intérêt ou dans celui de tiers, mais
s'efforce
consciemment d'induire en erreur les autorités pénales, rejette la
faute sur
autrui ou tente de mauvaise foi de charger les témoins ou la victime,
voire
de les faire passer pour des menteurs. Celui qui use de tels moyens
pour se
soustraire à une condamnation ou en atténuer la rigueur manifeste par
là un
manque particulier de scrupules. Dans la règle, cette attitude ne
permet pas
d'espérer qu'une peine avec sursis suffira de détourner l'accusé
durablement
de la délinquance (ATF 101 IV 257 consid. 2a p. 259).

Des conclusions valables sur le caractère du condamné et sur le
pronostic
quant à son comportement futur ne doivent dès lors pas se déduire
seulement
des simples dénégations de l'accusé, mais des motifs qui l'ont poussé
à nier.
Le juge doit rechercher si les dénégations du prévenu reposent sur un
défaut
de prise de conscience du caractère répréhensible de l'acte ou sur un
autre
motif. En outre, il doit examiner les résultats ainsi obtenus à la
lumière de
l'ensemble du comportement de l'accusé. Ce n'est qu'ensuite qu'il
peut dire
si celui-ci a manifesté par ses dénégations un défaut de repentir qui
justifie un pronostic défavorable (ATF 101 IV 257 consid. 2a p. 259;
voir
aussi arrêt non publié du 12 mars 2003 du Tribunal fédéral,
6S.477/2002).

2.5 Lorsque le dommage n'est pas établi judiciairement ou par accord
avec le
lésé avant la condamnation pénale (art. 41 ch. 1 in fine CP),
l'absence de
réparation ne représente pas un obstacle à l'octroi du sursis (cf.
ATF 105 IV
234, consid. 2a p. 235 s.; 79 IV 105; 77 IV 140; 70 IV 104).
Toutefois, selon
la jurisprudence, l'attitude du condamné, soit sa mauvaise volonté à
réparer
un préjudice d'emblée certain, l'indifférence ou l'insouciance dont
il fait
preuve pour les conséquences de son acte, peuvent dénoter un défaut de
caractère et influer sur le pronostic du juge relatif au comportement
futur
du condamné (ATF 79 IV 105; 77 IV 140; 70 IV 104).

2.6 Pour effectuer le pronostic, le juge de répression dispose d'un
large
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral n'annulera la décision
rendue -
en considérant le droit comme violé - que si celle-ci repose sur des
considérations étrangères à la disposition applicable, si elle ne
prend pas
en compte les critères découlant de celle-ci ou si le juge s'est
montré à ce
point sévère ou clément que l'on doive parler d'un abus du pouvoir
d'appréciation (ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198). En particulier, il
n'est
pas admissible d'attribuer de l'importance à certains facteurs
négatifs et
d'en négliger d'autres plus positifs (ATF 123 IV 107 consid. 4a p.
112).

3.
En l'espèce, l'autorité cantonale a estimé que l'octroi du sursis,
même
assorti d'un long délai d'épreuve, ne suffirait pas à détourner
durablement
le recourant de la délinquance. Elle justifie sa décision
essentiellement
pour les raisons suivantes. Premièrement, le recourant a fait preuve
d'un
manque particulier de scrupules lors de la commission des actes
punissables
dont il a été reconnu coupable. Elle relève en outre qu'il s'est
efforcé tout
au long de l'enquête d'induire les autorités pénales en erreur,
n'hésitant
pas à recourir au mensonge pour tenter de se disculper; elle a
constaté en
fait, de manière à lier le Tribunal fédéral (cf. art. 277bis et 273
al. 1
let. b PPF), qu'il n'avait pas nié par honte ou par peur du
châtiment, mais
que ses dénégations démontraient un manque particulier de scrupules.
Enfin,
selon l'autorité cantonale, le recourant a montré la plus totale
indifférence
pour les conséquences de ses actes, ne faisant aucun effort pour
dédommager
la partie lésée.

L'ensemble de ces éléments justifient un pronostic défavorable et,
partant,
le refus du sursis. Pour renverser un tel pronostic, il aurait fallu
des
renseignements généraux particulièrement positifs. Ses nouvelles
situations
familiale et professionnelle ne sauraient manifestement suffire. Dès
lors que
ces éléments ressortent déjà du résumé des faits de l'arrêt,
l'autorité
cantonale n'avait pas à développer une motivation particulière dans
la partie
de l'arrêt qui traite du sursis. En conclusion, au vu des
circonstances et
compte tenu du large pouvoir laissé à l'autorité cantonale, l'on ne
saurait
admettre que celle-ci a violé le droit fédéral. Le pourvoi doit donc
être
rejeté.

4.
Le recourant, qui succombe, doit être condamné aux frais (art. 278
al. 1
PPF). Vu le sort de la cause, la requête d'effet suspensif est
devenue sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général du canton du Jura et à la Cour pénale du Tribunal
cantonal
jurassien.

Lausanne, le 15 octobre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.296/2003
Date de la décision : 15/10/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-15;6s.296.2003 ?
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