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14/10/2003 | SUISSE | N°4C.185/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 octobre 2003, 4C.185/2003


{T 0/2}
4C.185/2003 /ech

Arrêt du 14 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Soli Pardo, avocat, case
postale
147, 1211 Genève 12,

contre

X.________ AG,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jacques Berta, avocat, rue
Versonnex 7, case postale 6174,
1211 Genève 6.

contrat de bail; demande de réduction de loyer,

recours en réforme con

tre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 12 mai 2003.

Faits:

A.
Par ...

{T 0/2}
4C.185/2003 /ech

Arrêt du 14 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Soli Pardo, avocat, case
postale
147, 1211 Genève 12,

contre

X.________ AG,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jacques Berta, avocat, rue
Versonnex 7, case postale 6174,
1211 Genève 6.

contrat de bail; demande de réduction de loyer,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 12 mai 2003.

Faits:

A.
Par contrat des 28 décembre 1989/1er janvier 1990, A.________ a pris
à bail
auprès de la société Y.________ SA des locaux commerciaux sis au
rez-de-chaussée d'un bâtiment à Genève, d'une surface d'environ 105
m2,
exploités comme bar à café, salon de thé. Pendant la période
litigieuse, du
1er juillet 2000 au 30 juin 2001, le loyer annuel était de 45'220 fr.,
augmenté des charges à raison de 3'600 fr.

Le 1er janvier 2000, X.________ AG est devenue propriétaire de
l'immeuble en
question et s'est substituée à Y.________ SA comme bailleresse, étant
précisé
que le bail, de durée déterminée, vient à échéance le 31 décembre
2004.

Le 29 juin 2000, la propriétaire a informé le locataire que des
travaux de
rénovation allaient être effectués dans le bâtiment, du 10 juillet
2000 au 31
décembre 2000. Ils ont cependant duré jusqu'au 30 juin 2001, en
raison de
l'installation d'un sas privatif pour l'accès au tea-room, séparé de
l'entrée
principale antérieure, opération non prévue à l'origine, et
d'aménagements
requis par un autre locataire.

En l'absence d'accord sur une diminution du loyer, les parties ont
convenu
d'en suspendre le paiement pendant la durée des travaux. Ces derniers
ont
entraîné d'importants inconvénients et nuisances pour le locataire,
qui a
produit un constat d'huissier judiciaire, établi le 19 juin 2001,
comportant
un descriptif et cinq photographies, ainsi que deux jeux de quarante
photographies en couleurs, développées respectivement les 10 mai et
27 juin
2001, sans qu'il soit possible de déterminer la date à laquelle elles
ont été
prises.

La perte de gain alléguée ressortait d'une lettre de l'avocat du
locataire à
la bailleresse, du 4 juillet 2001, faisant état d'une baisse de
chiffre
d'affaires de 109'366 fr., et d'une baisse de bénéfice de 95'534
fr.50.

B.
Par requête du 17 octobre 2001, la bailleresse a agi en paiement du
loyer dû
pendant les travaux. Le 8 novembre 2001, le locataire a déposé une
action en
réduction du loyer pendant ces derniers, et en dommages-intérêts pour
gain
manqué. Suite à l'échec des tentatives de conciliation, les deux
causes ont
été introduites devant le Tribunal des baux et loyers, qui a procédé
à leur
jonction avant de rendre son jugement le 3 octobre 2002. Il a accordé
au
locataire une réduction de loyer de 25% sur la période de 12 mois,
mais l'a
débouté de toutes ses conclusions tendant à l'octroi de dommages et
intérêts,
vu l'absence de preuves relatives à une faute de la bailleresse et à
l'existence d'un déficit net.

Le locataire a appelé en temps utile de ce jugement devant la Chambre
d'appel
en matière de baux et loyers de la Cour de justice de Genève. Cette
juridiction a confirmé le jugement entrepris. Elle a retenu que le
tribunal
avait eu raison de procéder à une estimation moyenne, sans se
focaliser sur
les épisodes aigus et "certainement ... brefs", l'un d'eux ayant fait
l'objet
du constat d'huissier et se référant à la démolition du trottoir
devant
l'entrée du tea-room et sur sa terrasse. L'entrave à la jouissance de
la
chose louée avait été fixée de manière "large" par le tribunal, qui
avait
réduit le loyer en équité, de 25%. Enfin, les dommages-intérêts
réclamés par
le locataire n'étaient pas dus, faute de preuve du dommage et de sa
quotité.
Seule la production d'une suite de bilans signés, voire de copies de
déclarations fiscales signées (pour les impôts directs ou la TVA)
pouvait
renseigner sur la variation du chiffre d'affaires et du bénéfice net
d'exploitation, pendant la période litigieuse. Comme les faits n'ont
pas été
allégués de manière suffisamment claire par les parties, la Chambre
d'appel
n'avait pas à les instruire d'office. Son arrêt, du 12 mai 2003, a été
notifié le 16 mai.

C.
Parallèlement à un recours de droit public, que le Tribunal fédéral a
rejeté
par arrêt séparé de ce jour, le locataire dépose un recours en
réforme. Il
demande au Tribunal fédéral de lui octroyer une réduction de loyer de
60% du
1er juillet 2000 au 30 juin 2001, pour un montant total de 27'132
fr., ainsi
qu'une somme de 95'534 fr.50 avec intérêts à 5% à partir du 1er
juillet 2001
à titre de dommages et intérêts.

Le locataire se plaint d'une violation de l'art. 8 CC, en ce que la
cour
cantonale n'aurait pas administré les preuves qu'il avait
régulièrement
offertes quant aux nuisances subies, notamment en ne permettant pas la
citation de certains témoins susceptibles d'en établir l'intensité.
Si tel
avait été le cas, la réduction de loyer de 60%, sollicitée, aurait été
accordée. Concernant l'action en dommages-intérêts, le recourant voit
aussi
une violation de l'art. 8 CC, lorsque les précédents juges ont retenu
que la
bailleresse a pris toutes les mesures nécessaires à réduire au
maximum les
désagréments liés aux travaux de rénovation, ce qui était contesté et
ce qui
aurait dû être prouvé par des enquêtes. Sur ce point, il invoque
aussi la
violation de l'art. 101 al. 1 CO, les travaux effectués par le nouveau
locataire de l'arcade et de l'étage voisins étant imputables à la
bailleresse, dont le nouveau locataire était en quelque sorte
l'auxiliaire.
Enfin, la cour cantonale aurait violé l'art. 274d al. 3 CO en
admettant que
le dommage et sa quotité n'étaient pas prouvés, sans inviter le
locataire à
produire les bilans ou déclarations fiscales signés, considérés par
elle
comme probants.

L'intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt
entrepris, avec suite de frais et dépens. La Chambre d'appel se
réfère aux
considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Sauf exceptions qui n'entrent pas en considération en l'espèce, la
recevabilité du recours en réforme suppose une valeur litigieuse de
8'000 fr.
au moins; sont déterminantes à cet égard les conclusions encore
contestées
devant la dernière instance cantonale (art. 46 OJ). L'art. 47 al. 1 OJ
dispose notamment que les divers chefs de conclusions formés par le
demandeur
sont additionnés, même lorsqu'ils portent sur des objets distincts,
pourvu
qu'ils ne s'excluent pas. En l'occurrence, la valeur litigieuse
légale est
largement atteinte, dès lors que le locataire demandait, dans ses
dernières
conclusions prises devant la Chambre d'appel, la condamnation de la
bailleresse à lui payer des dommages et intérêts à concurrence de 95'
534
fr.50. Il n'est dès lors pas nécessaire de vérifier si les
conclusions en
réduction du loyer dépassaient le montant de 8'000 fr., condition de
toute
manière réalisée en l'espèce, puisque la différence entre la réduction
sollicitée et celle admise par la bailleresse s'élève au 35% du loyer
annuel,
soit 15'827 fr.

Le recours en réforme est en conséquence recevable.

2.
Concernant l'action en réduction de loyer, le locataire se plaint
d'une
violation de l'art. 8 CC, qu'il associe à l'art. 274d al. 3 CO. Il
reproche à
la cour cantonale de ne pas lui avoir permis d'apporter la preuve des
faits
pertinents qu'il alléguait, ce qui impliquait aussi la violation de
l'art.
274d al. 3 CO.

2.1 Aux termes de l'art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les
faits et
apprécie librement les preuves; pour leur part, les parties sont
tenues de
lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du
litige. Le
principe d'instruction ainsi posé n'est pas une maxime officielle
absolue,
mais une maxime inquisitoire sociale. C'est dire que le juge ne doit
pas
instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa
position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer
de leur
devoir de collaboration et de production des pièces; il n'est tenu de
s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes
uniquement
lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point.
L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux
parties de
mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime
inquisitoire
prévue par le droit du bail ne permet pas d'étendre à bien plaire
l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves
possibles
(ATF 125 III 231 consid. 4a p. 238; arrêt 4C.199/2000 du 21 décembre
2000,
consid. 2a, reproduit in: SJ 2001 I p. 278; arrêt 4C.458/1995 du 23
avril
1996, consid. 2a, traduit in CdB 1996, p. 112). Au surplus, la maxime
inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la
preuve
(arrêt 4P.297/2001 du 26 mars 2002, consid. 2a; David Lachat, Le bail
à
loyer, Lausanne 1997, p. 99, note de pied 61).

Sur ce point, l'art. 8 CC dispose que chaque partie doit, si la loi ne
prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en
déduire son
droit. Cette règle s'applique à toute prétention fondée sur le droit
fédéral
(ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522; 125 III 78 consid. 3b p. 79). Elle
répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223)
et
détermine ainsi la partie qui doit assumer les conséquences d'une
absence de
preuve (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b;
125 III 78
consid. 3b p. 79). L'art. 8 CC confère le droit à la preuve (ATF 114
II 289
consid. 2a p. 290/291; 122 III 219 consid. 3c p. 223) et à la
contre-preuve
(ATF 115 II 305; 120 II 393 consid. 4b p. 397). L'art. 8 CC ne dicte
pas au
juge comment il doit former sa conviction (ATF 127 III 519 consid. 2a
p. 522;
122 III 219 consid. 3c p. 223); ainsi, lorsque l'appréciation des
preuves le
convainc qu'une allégation de fait a été établie ou réfutée, la
répartition
du fardeau de la preuve devient sans objet (ATF 114 II 289 consid. 2a
p. 291;
119 III 103 consid. 1; 118 II 142 consid. 3a p. 147). L'art. 8 CC ne
saurait
être invoqué pour faire corriger l'appréciation des preuves, qui
ressortit au
juge du fait (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291; 119 II 114 consid. 4c
p.
117).

2.2 Dans le cas particulier, il ressort de l'arrêt rendu ce jour par
le
Tribunal de céans sur le recours de droit public que la cour
cantonale a
apprécié sans arbitraire les faits, de sorte que la question de la
répartition du fardeau de la preuve est devenue sans objet, les faits
retenus
par la cour cantonale liant le Tribunal fédéral en instance de
réforme. De
plus, en l'absence de motifs à l'appui de ses conclusions en
réduction du
loyer, vraisemblablement fondées sur l'art. 259d CO, qui n'est cité à
aucune
occasion, la recevabilité du recours en réforme est très douteuse sur
ce
point (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Toutefois, comme le moyen de violation de l'art. 274d al. 3 CO doit
être
accueilli en ce qui concerne la violation de cette disposition dans
le cadre
de l'action en dommages-intérêts basée sur l'art. 259e CO,
expressément cité,
et que cette situation peut avoir une incidence éventuelle sur la
détermination du montant de la réduction du loyer, le grief, esquissé
en une
ligne à la page 12 du mémoire du recours en réforme, sera examiné
ci-dessous.

3.
3.1Selon l'art 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la
chose dans
un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée et de
l'entretenir
dans cet état. Si la chose louée est affectée d'un défaut qui entrave
ou
restreint l'usage pour lequel elle a été louée, le locataire peut
exiger une
réduction proportionnelle du loyer jusqu'à l'élimination du défaut
(cf. art.
259a al. 1 let. b et 259d CO). Faute de définition légale, la notion
de
défaut doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel
la
chose a été louée; elle suppose la comparaison entre l'état réel de
la chose
et l'état convenu (arrêt 4C.527/1996 du 29 mai 1997, consid. 3a,
reproduit
in: SJ 1997 p. 661; cf. également Lachat, op. cit., p. 141). Il y a
ainsi
défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur
avait
promise (Higi, Zürcher Kommentar, n. 27 et n. 29 ad art. 258 CO) ou
sur
laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à
l'état
approprié à l'usage convenu (Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd.,
2003, n.
1869 p. 271-272). S'il ne ressort pas avec précision du bail, l'usage
convenu
résultera de l'interprétation du contrat selon les règles habituelles
en la
matière (Lachat, op. cit., p. 141; Higi, op. cit., n. 20 ad art. 256
CO). Le
montant du loyer sera l'un des éléments à prendre en considération;
s'il paie
un loyer élevé, le locataire pourra en effet s'attendre à une
excellente
qualité de l'objet loué (Lachat, op. cit., p. 141; USPI, Commentaire
du bail
à loyer, n. 21 ad art. 256 CO, p. 94; Züst, Die Mängelrechte des
Mieters von
Wohn- und Geschäftsräumen, thèse St-Gall 1992, p. 98). Malgré la
formulation
de l'art. 259d CO, un défaut n'est pas nécessairement provisoire; il
peut
être définitif et justifier une réduction de loyer permanente,

jusqu'à la fin
du contrat (Züst, op. cit., p. 186).

Conformément à l'art. 259d CO, la réduction de loyer doit être
proportionnelle au défaut. En principe, il convient de procéder selon
la
méthode dite relative ou proportionnelle, telle qu'elle est pratiquée
dans le
contrat de vente: la valeur objective de la chose avec défaut est
rapportée à
sa valeur objective sans défaut, le loyer étant ensuite réduit dans
la même
proportion (arrêt du 29 mai 1997 déjà cité, consid. 4a; USPI, op.
cit., n. 15
ad art. 259d CO, p. 234-235; Tercier, op. cit., n. 1906, p. 276;
contra:
Lachat, op. cit., p. 169; Higi, op. cit., n. 12 ad art. 259d CO;
Züst, op.
cit., p. 187-191, qui entendent comparer l'usage actuel de la chose
louée
affectée du défaut et l'usage des locaux tel que prévu par le
contrat).
Quelle que soit la méthode choisie, le calcul proportionnel n'est pas
toujours aisé, notamment lorsque, comme en l'espèce, l'exécution de
travaux
dans l'immeuble s'étend sur plusieurs mois de sorte que l'intensité
des
nuisances varie selon les jours (cf. Lachat, op. cit., p. 169). Il
est alors
admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience
générale de
la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit
fédéral
(arrêt du 29 mai 1997 déjà cité, consid. 4a; pour des exemples de
réduction
de loyer, cf. Lachat, op. cit., p. 169-170; Züst, op. cit., p. 194 ss;
Corboz, Les défauts de la chose louée, in: SJ 1979 p. 145-146).

3.2 En l'espèce, suivant en cela le Tribunal des baux, la Chambre
d'appel a
également procédé à une appréciation en équité, pour tenir compte de
la durée
du chantier qui s'est déroulé sur une année, au cours de laquelle les
périodes de nuisances modérées, sans grande incidence sur la
fréquentation de
l'établissement public, ont pu alterner avec des épisodes plus aigus,
mais
aussi brefs, à l'occasion desquels la fréquentation du bar à café
était
gravement entravée, voire même impossible.

Se référant à l'état de fait établi par le tribunal, la cour
cantonale a
relevé que la plupart des travaux étaient conduits dans les étages,
et que
toutes les opérations n'étaient pas génératrices de bruit, ce qui
ressort
également de l'examen du dossier et de l'absence de plainte
spécifique,
pendant la première phase des travaux, s'étendant de juillet 2000 à
mars
2001. Il a également été retenu que ce bar à café se trouvait dans
une rue
étroite et peu lumineuse du centre-ville, dans un environnement
bruyant en
raison de l'intensité du trafic des véhicules cherchant une place de
parc, au
coeur d'un des quartiers les plus fréquentés de Genève. Ces
constatations,
jointes au fait que la Chambre d'appel n'a pas apprécié
arbitrairement, ni le
constat d'huissier se référant aux travaux effectués sur le
revêtement du
trottoir, comportant le sciage de fers à béton, soit une intervention
massive, très gênante mais brève, ni les jeux de photographies,
développées
respectivement les 10 mai et 27 juin 2001, démontrent que la fixation
du taux
de réduction du loyer à 25%, sur toute la durée du chantier, y
compris les
longues périodes où l'activité se déroulait à distance des locaux
loués, a
été arrêtée dans le respect de l'art. 259d CO, et de la casuistique
relative
à cette disposition (Higi, op. cit., n. 16 et 17 ad art. 259d CO;
Lachat, op.
cit., p. 169/170 et les références, déjà mentionnés).

En conséquence, le recours en réforme doit être écarté sur ce point.

4.
4.1Le locataire se plaint enfin de la violation des art. 8 CC et 274d
al. 3
CO, dans le cadre de l'action en dommages-intérêts intentée contre la
bailleresse sur la base de l'art. 259e CO. Concernant les rapports
entre les
deux premières dispositions légales, et plus spécialement
l'application de
l'art. 274d al. 3 CO, il convient de se référer à la jurisprudence
mentionnée
ci-dessus au consid. 2.1. Il sied toutefois de rappeler que le juge
ne doit
pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à
expliquer sa
position, et que la maxime inquisitoire sociale ne permet pas
d'étendre à
bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les
preuves
possibles (arrêt 4C.199/2000 du 21 décembre 2000, consid. 2a,
reproduit in:
SJ 2001 I p. 278/279), étant relevé que des exigences plus sévères
quant au
devoir de collaboration des parties peuvent être attendues de celles
qui sont
représentées par un avocat, comme dans le cas présent.

4.2 En l'espèce, le locataire, auquel incombait la charge de la
preuve de
toutes les conditions de l'action en dommages et intérêts, à
l'exclusion de
la faute qui est présumée (Higi, op. cit., n. 20 ad art. 259e CO, p.
487/488), a produit un tableau comparatif établi par une société
fiduciaire,
dans le but de démontrer que tant le chiffre d'affaires que le
bénéfice
avaient baissé pendant les travaux litigieux. Or, ce tableau
comparatif, qui
peut être assimilé à une expertise privée, même s'il ne revêt pas de
force
probante particulière, ainsi que l'a constaté le Tribunal de céans
dans son
arrêt de ce jour sur le recours de droit public connexe, manifeste la
volonté
du locataire d'expliquer sa position, et de tenter de démontrer qu'il
a subi
un dommage du fait de l'exécution des travaux de rénovation.
Insuffisante à
prouver la réalisation d'un tel préjudice, la production de ce tableau
comparatif constitue par contre un motif objectif pour les précédents
juges
de s'interroger sur le caractère exhaustif de l'offre de preuve du
locataire,
et sur la nécessité d'amener celui-ci à la compléter par l'apport de
pièces
probantes, susceptibles d'établir les faits quant à la survenance du
dommage.

Dans une telle situation, la Chambre d'appel ne pouvait pas se borner
à
reprocher au locataire de n'avoir pas produit "une suite de bilans
signés,
voire de copies de déclarations fiscales signées (pour les impôts
directs ou
la TVA)", et à en tirer la conclusion de l'échec de la preuve,
conduisant au
rejet de l'action en raison de l'absence d'un dommage. Au contraire,
la cour
cantonale devait prendre l'initiative d'inviter le locataire à
présenter ces
pièces précisément décrites, conformément au but de la maxime
inquisitoriale
sociale, qui est de protéger la partie réputée faible et d'assurer
l'égalité
entre parties, ainsi que d'accélérer la procédure (arrêt 4C.50/2000
du 17
juillet 2000, consid. 4a).

En n'accomplissant pas ces actes d'instruction limités, qui
distinguent la
maxime inquisitoriale sociale de la maxime des débats, la Chambre
d'appel a
violé l'art. 274d al. 3 CO, alors que le locataire avait manifesté son
intention d'expliquer sa position et de tenter d'établir l'existence
du
dommage consécutif aux travaux de rénovation. Qu'il l'ait fait au
moyen d'une
pièce, équivalant à une expertise privée, que la cour cantonale a
jugé, à bon
droit, impropre à rapporter la preuve requise, est sans importance à
ce stade
de la procédure. Dans les circonstances particulières à celle-ci, la
Chambre
d'appel devait inviter l'intéressé à produire les pièces qu'elle
estimait
nécessaires, et ne pas rejeter l'action au seul motif que le dommage
n'était
pas prouvé, comme si elle appliquait strictement la maxime des débats
dans
une procédure civile ordinaire.

Le cas est totalement différent de ceux visés dans la jurisprudence,
constatant que la maxime inquisitoire prévue par le droit du bail ne
va pas
jusqu'à obliger le juge à interpeller une bailleresse, assistée d'une
régie
immobilière et/ou d'un avocat, à fournir un nombre suffisant
d'exemples
répondant aux exigences de la loi et de la jurisprudence, pour
l'examen des
loyers comparatifs, au sens de l'art. 269a let. a CO (arrêt
4C.199/2000
précité, consid. 2b et les références; arrêt 4C.50/2000 précité,
consid. 4b,
p. 9). Dans ces cas, les parties, et notamment le bailleur,
connaissent à
l'avance les réquisits légaux et jurisprudentiels, de sorte qu'elles
n'ont
qu'à les suivre pour présenter au juge les exemples de comparaison
nécessaires à l'application de l'art. 269a let. a CO. Cette situation
diffère
fondamentalement de la preuve du dommage, consistant en une perte
commerciale, consécutive à la conduite d'un chantier de rénovation,
et qui
peut être apportée par toute sorte de mesures probatoires, au sujet
desquelles le juge doit orienter le plaideur, dès lors que la
procédure est
régie par la maxime inquisitoriale sociale et que ce dernier est le
locataire, comme en l'espèce.

Il s'ensuit que le recours en réforme doit être partiellement admis
en ce
sens que les considérants 4 et 5 de l'arrêt cantonal du 12 mai 2003
sont
annulés, et la procédure renvoyée à la Chambre d'appel pour nouvelle
instruction et nouvelle décision sur la demande en dommages-intérêts
introduite sur la base de l'art. 259e CO. Pour le surplus, l'arrêt
cantonal
est confirmé.

5.
La bailleresse obtient gain de cause sur l'action en réduction du
loyer, et
le locataire, partiellement, sur l'action en dommages-intérêts, dont
l'issue
demeure réservée. En conséquence, l'émolument judiciaire de 5'000 fr.
sera
mis à raison des 3/4 à la charge du locataire, et de 1/4 à celle de la
bailleresse. Celui-là versera à celle-ci une indemnité réduite de
3'000 fr.,
à titre de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est partiellement admis.

2.
L'arrêt attaqué est partiellement annulé dans le sens des
considérants; il
est confirmé pour le surplus.

3.
La cause est retournée à la cour cantonale pour instruction et
nouvelle
décision sur la demande en dommages-intérêts fondée sur l'art. 259e
CO.

4.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis pour les trois quarts à
la
charge du recourant et pour un quart à la charge de l'intimée.

5.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 3'000 fr. à titre
de dépens
réduits.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 14 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.185/2003
Date de la décision : 14/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-14;4c.185.2003 ?
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