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13/10/2003 | SUISSE | N°1P.427/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 octobre 2003, 1P.427/2003


{T 0/2}
1P.427/2003/svc

Arrêt du 13 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Parmelin.

D. ________,
recourant, représenté par Me Armin Sahli, avocat,
rue de Romont 35, case postale 826, 1701 Fribourg,

contre

Juge de police de l'arrondissement de la Gruyère,
Le Château, place du Tilleul 1, case postale 364,
1630 Bulle 1,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zae

hringen 1, 1700 Fribourg,
Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton
de Fribourg, case postale 56, 1702 Fribourg,
...

{T 0/2}
1P.427/2003/svc

Arrêt du 13 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Parmelin.

D. ________,
recourant, représenté par Me Armin Sahli, avocat,
rue de Romont 35, case postale 826, 1701 Fribourg,

contre

Juge de police de l'arrondissement de la Gruyère,
Le Château, place du Tilleul 1, case postale 364,
1630 Bulle 1,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton
de Fribourg, case postale 56, 1702 Fribourg,
Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton
de Fribourg, case postale 56, 1702 Fribourg.

procédure pénale; recevabilité d'un appel,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du
Tribunal
cantonal du canton de Fribourg du
30 juin 2003.

Faits:

A.
Par ordonnance pénale du 25 avril 2002, le Juge d'instruction du
canton de
Fribourg a reconnu D.________ coupable de violation grave des règles
de la
circulation routière en relation avec un excès de vitesse commis le 17
juillet 2001, à 15h30, sur l'autoroute A12, à Vuadens, et l'a
condamné à une
amende de 1'000 fr. L'intéressé ayant formé opposition contre cette
décision
le 22 mai 2002, le dossier a été transmis au Juge de police de
l'arrondissement de la Gruyère (ci-après: le Juge de police de la
Gruyère).
Une première audience fixée au 19 décembre 2002 a été annulée, à la
suite du
renvoi en jugement de D.________ devant le Juge de police de la
Gruyère pour
une autre infraction à la loi fédérale sur la circulation routière
commise le
18 février 2002 sur l'autoroute A1, à Mülligen. Par mandat du 10
décembre
2002, le Juge de police de la Gruyère a cité D.________ à comparaître
à une
nouvelle audience le 8 mai 2003, à 14h00, à Bulle.
Le 26 mars 2003, le conseil de D.________ a informé le Juge de police
de la
Gruyère que son client serait absent à l'étranger à partir du 4 avril
2003 et
a sollicité le renvoi de l'audience entre le 15 et le 31 octobre 2003
ou
après son retour définitif en Suisse, le 4 novembre 2004. Le 7 avril
2003, il
a complété sa demande en précisant que son client devait assurer une
mission
d'une année en Afrique pour le compte des Nations Unies, à partir du
mois de
mai 2003. Le début de cette mission ayant été reporté de six mois,
D.________
a alors décidé d'entreprendre un voyage à moto prévu de longue date
avec un
ami, à destination de la Mongolie; il a attendu d'avoir réuni les
visas
nécessaires à ce périple avant de solliciter le renvoi des débats.
Par décision du 9 avril 2003, le Juge de police de la Gruyère a
refusé de
renvoyer l'audience fixée le 8 mai 2003 après avoir considéré que
D.________
n'avait pas à programmer un voyage d'agrément alors qu'il savait
avoir été
cité à comparaître à cette date par mandat du 10 décembre 2002. La
Chambre
pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: la
Chambre
pénale) a déclaré irrecevable le recours formé contre cette décision
au terme
d'un arrêt rendu le 2 mai 2003. Elle a considéré que cette voie de
droit
n'était pas ouverte, en tant qu'elle portait sur une décision prise
au cours
de la procédure de jugement, et que D.________ pouvait interjeter
appel
contre le prononcé du Juge de police de la Gruyère si ce dernier
devait tenir
l'absence de l'intéressé à son audience pour injustifiée et constater
que
l'opposition à l'ordonnance pénale du 25 avril 2002 était réputée
avoir été
retirée, conformément à l'art. 191 al. 2 du Code de procédure pénale
fribourgeois (CPP frib.). Par surabondance, elle a relevé que le
recours
était de toute manière mal fondé et qu'il aurait dû être rejeté.
Le 7 mai 2003, D.________ a sollicité à nouveau sans succès le report
de
l'audience et la dispense de comparution personnelle en faisant valoir
l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'organiser son retour
en Suisse
pour assister aux débats.
Statuant le 8 mai 2003, le Juge de police de la Gruyère a constaté que
D.________ n'avait pas comparu ce jour de manière injustifiée et que
son
opposition du 22 mai 2002 était réputée retirée. Il l'a en outre
reconnu
coupable d'infraction à la loi fédérale sur la circulation routière en
relation avec la seconde infraction pour laquelle D.________ avait été
renvoyé en jugement et l'a condamné par défaut à une amende de 900 fr.
Par arrêt du 30 juin 2003, la Cour d'appel pénal du canton de Fribourg
(ci-après: la Cour d'appel pénal ou la cour cantonale) a déclaré
irrecevable
l'appel interjeté par D.________ contre cette décision; elle a
considéré que
cette voie de droit n'était pas ouverte contre une ordonnance pénale
rendue
par le juge d'instruction et entrée en force à la suite d'un retrait
d'opposition intervenu de plein droit à la suite de l'absence
injustifiée du
condamné à l'audience du juge de police.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, D.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, ainsi que l'arrêt de la Chambre
pénale
du 2 mai 2003 et le jugement du Juge de police de la Gruyère du 8 mai
2003;
il conclut également au renvoi de la cause à la Cour d'appel pénal
pour
nouvelle décision au sens des considérants.
La Chambre pénale se réfère à son arrêt et conclut à l'irrecevabilité
du
recours en tant qu'il est dirigé contre celui-ci. La Cour d'appel
pénal, le
Juge de police de la Gruyère et le Ministère public du canton de
Fribourg ont
renoncé à déposer des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Seul le recours de droit public est ouvert pour se plaindre d'une
interprétation arbitraire du droit cantonal ou pour invoquer la
violation
directe de droits constitutionnels, tels que le droit à la protection
de la
bonne foi, le droit d'être entendu ou encore le droit de faire
examiner un
jugement pénal par une juridiction supérieure, découlant des art. 9,
29 al. 1
et 32 al. 3 Cst. (art. 84 al. 1 let. a OJ; ATF 127 IV 215 consid. 2d
p. 218).
Le recourant est personnellement et directement touché par l'arrêt de
la Cour
d'appel pénal du 30 juin 2003 qui déclare irrecevable l'appel
interjeté
contre le jugement du Juge de police de la Gruyère du 8 mai 2003 dans
la
mesure où il permet l'entrée en force de l'ordonnance pénale du 25
avril 2002
le condamnant à une amende de 1'000 fr. pour violation grave des
règles de la
circulation routière; il a qualité pour agir selon l'art. 88 OJ. Vu
la nature
cassatoire du recours de droit public, la conclusion tendant au
renvoi de la
cause à la Cour d'appel pénal pour nouvelle décision est irrecevable
(ATF 129
I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176). Le recourant
a
également conclu à l'annulation de l'arrêt de la Chambre pénale du 2
mai 2003
et du jugement du Juge de police de la Gruyère du 8 mai 2003; la
recevabilité
du recours sur ce point est douteuse dès lors que le délai de trente
jours
fixé à l'art. 89 al. 1 OJ pour recourir contre ces décisions est
largement
échu et que D.________ n'a pas demandé formellement la restitution du
délai
de recours (cf. ATF 109 Ia 248 consid. 1 p. 250; arrêt 2P.9/1996 du 3
décembre 1996 consid. 2c reproduit à la RDAT 1997 I n° 18 p. 49). Vu
l'issue
du recours, cette question peut demeurer indécise.

2.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir déclaré irrecevable
le
recours en appel formé contre le jugement du Juge de police de la
Gruyère du
8 mai 2003 au terme d'une interprétation arbitraire du droit cantonal
de
procédure. Il se plaint également d'une violation des règles de la
bonne foi,
de son droit d'être entendu et de son droit de faire examiner un
jugement
pénal par une juridiction supérieure.

2.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du
droit
cantonal sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 128 II 311
consid. 2.1
p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la solution retenue
que si
celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation
effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation
d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la
cour
cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au
sens et
au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera
confirmée,
même si une autre solution paraît également concevable, voire même
préférable
(ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). En outre,
l'annulation de
la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire
dans son
résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178).

2.2 Selon l'art. 188 al. 1 CPP frib., le condamné et le Ministère
public
peuvent faire opposition écrite à l'ordonnance pénale auprès du juge
d'instruction, dans les trente jours dès sa notification. Selon
l'art. 189
al. 1 CPP frib., le juge d'instruction renvoie directement la cause
au juge
de répression compétent, soit au juge de police lorsqu'il s'agit
d'affaires
qui, comme en l'espèce, paraissent devoir entraîner une amende (art.
15 CPP
frib.). L'art. 191 CPP frib. prévoit que l'opposition peut être
retirée
jusqu'à la clôture de l'administration des preuves aux débats de
première
instance (al. 1). L'opposition du condamné est réputée retirée
lorsque, de
manière injustifiée, celui-ci ne comparaît pas à l'audience. Cette
conséquence doit être mentionnée dans la citation (al. 2). A teneur
de l'art.
192 CPP frib., l'ordonnance pénale acquiert l'effet d'un jugement
passé en
force, si aucune opposition n'a été formée dans le délai utile ou si
toute
opposition a été retirée.
Suivant l'art. 202 al. 1 CPP frib., le recours à la Chambre pénale est
notamment recevable contre toute décision du juge de police, pour
autant
qu'aucune autre voie de droit ne soit ouverte et que la loi ne
déclare pas la
décision définitive; en revanche, ne peuvent pas faire l'objet d'un
recours
les décisions prises au cours de la procédure de jugement, sauf si
elles
concernent des mesures de contrainte ou sont dirigées contre des
tiers (art.
202 al. 2 let. b CPP frib.). A teneur de l'art. 211 CPP frib.,
l'appel est en
particulier recevable contre les jugements et les décisions
postérieures au
jugement rendus par le juge de police (al. 1). Il peut être limité à
certaines parties du jugement, pour autant qu'elles puissent être
jugées de
façon indépendante (al. 2).

2.3 En l'espèce, la Cour d'appel pénal a déclaré l'appel de D.________
irrecevable au motif que cette voie de droit n'était pas ouverte
contre une
ordonnance pénale du juge d'instruction entrée en force à la suite
d'un
retrait d'opposition intervenu de plein droit à la suite de l'absence
injustifiée du condamné à l'audience. Ce faisant, elle perd de vue que
l'appel était dirigé contre le jugement du Juge de police de la
Gruyère du 8
mai 2003, dans la mesure où celui-ci tenait l'absence de D.________ à
l'audience pour injustifiée, avec les conséquences qui en résultaient
sur
l'ordonnance pénale du 25 avril 2002, en vertu de l'art. 191 al. 2
CPP frib.
Le recourant ne contestait en revanche nullement cette dernière
décision. La
cour cantonale a donc apprécié de manière erronée l'objet du recours.
Cela ne
signifie pas encore que l'arrêt attaqué soit arbitraire dans son
résultat,
condition nécessaire pour conduire à son annulation (cf. ATF 129 I 173
consid. 3 p. 178). Tel serait le cas si le recours en appel devait
être
ouvert à l'encontre de la décision du juge de police constatant
l'absence
injustifiée du condamné aux débats et, partant, le retrait de
l'opposition
frappant l'ordonnance pénale du juge d'instruction.
Le droit cantonal de procédure ouvre deux voies de droit distinctes
pour
contester les décisions ou les jugements du juge de police, soit la
voie
ordinaire de l'appel, régie par les art. 211 ss CPP frib., et celle
subsidiaire du recours à la Chambre pénale, prévue aux art. 202 ss
CPP frib.
(RFJ 1999 p. 286). Seuls les jugements au sens technique, à savoir des
décisions mettant fin à la cause, sont susceptibles d'appel, à
l'exclusion
des décisions incidentes prises en cours de procédure de jugement
(Gilbert
Kolly, L'appel en procédure pénale fribourgeoise, RFJ 1998 p. 279;
Damien
Piller/Claude Pochon, Commentaire du Code de procédure pénale du
canton de
Fribourg, Fribourg 1998, n. 211.2, p. 324). La décision par laquelle
le juge
de police constate que l'opposition à une ordonnance pénale est
censée avoir
été retirée ensuite de l'absence injustifiée de son auteur à
l'audience met
fin à sa saisine et à l'action pénale; en ce sens, il répond à la
notion de
jugement, au sens de l'art. 211 al. 1 CPP frib., attaquable par la
voie de
l'appel. Cette solution correspond à celle développée sous l'ancien
code de
procédure cantonal, qui assimilait la décision relative à la
recevabilité de
l'opposition à une ordonnance pénale à un jugement pénal susceptible
de faire
l'objet d'un recours en cassation, en raison notamment de la faculté
de libre
appréciation laissée au juge de police quant aux faits (cf. Extraits
1988, p.
51). La Cour d'appel pénal semble d'ailleurs avoir également suivi ce
point
de vue puisqu'elle est entrée en matière au moins à une reprise sur un
recours en appel formé contre une décision du Juge de police de la
Sarine
prenant acte du retrait de l'opposition à une ordonnance pénale à la
suite de
l'absence injustifiée
du condamné à l'audience (cf. l'arrêt rendu le 2
septembre 1999 par la Cour d'appel pénal, ayant donné lieu à l'arrêt
du
Tribunal fédéral 1P.590/1999 du 7 décembre 1999). Un changement de
jurisprudence doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, dont
on
cherche en vain l'existence en l'occurrence (sur les conditions
posées à un
changement de pratique, voir ATF 127 II 289 consid. 3a p. 292; 126 I
122
consid. 5 p. 129; 125 I 458 consid. 4a p. 471; 125 II 152 consid.
4c/aa p.
162; 125 III 312 consid. 7 p. 321).

2.4 L'arrêt attaqué est donc également arbitraire dans son résultat
et doit
être annulé pour les motifs qui précèdent, sans qu'il y ait lieu
d'examiner
les autres griefs invoqués par le recourant.

3.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est
recevable. Le canton de Fribourg, qui succombe, est dispensé des frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ); il versera en revanche une indemnité
de
dépens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un
avocat (art.
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au recourant à titre de
dépens, à la
charge du canton de Fribourg.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
de police de l'arrondissement de la Gruyère, au Ministère public du
canton de
Fribourg, ainsi qu'à la Chambre pénale et à la Cour d'appel pénal du
Tribunal
cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 13 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.427/2003
Date de la décision : 13/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-13;1p.427.2003 ?
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