La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2003 | SUISSE | N°1P.328/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 octobre 2003, 1P.328/2003


{T 0/2}
1P.328/2003/col

Arrêt du 10 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Bruno Charrière, avocat, rue de Vevey
26, 1630
Bulle,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Nicolas Charrière, avocat, case postale
492, 1701
Fribourg,
Juge d'instruction du canton de Fribourg,
case postale 156, place No

tre-Dame 4, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Tribunal cantonal d...

{T 0/2}
1P.328/2003/col

Arrêt du 10 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Bruno Charrière, avocat, rue de Vevey
26, 1630
Bulle,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Nicolas Charrière, avocat, case postale
492, 1701
Fribourg,
Juge d'instruction du canton de Fribourg,
case postale 156, place Notre-Dame 4, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Tribunal cantonal du canton de Fribourg,
Chambre pénale, case postale 56, 1702 Fribourg.

séquestre pénal en vue de l'exécution d'une créance compensatrice;
détermination du minimum vital,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale du
Tribunal
cantonal du canton de Fribourg
du 3 avril 2003.

Faits:

A.
B. ________ fait l'objet d'une procédure pénale ouverte contre lui le
18
février 2002 pour escroquerie, éventuellement abus de confiance, et
faux dans
les titres au préjudice de l'Etat de Fribourg. Dans le cadre de cette
procédure, il a reconnu avoir utilisé à des fins privées un montant
d'un peu
plus d'un million de francs prélevés sur différents postes du budget
de
l'Etat de Fribourg. Il occupait alors la fonction de Chef du Service
de
l'enseignement préscolaire et primaire de langue française auprès de
la
Direction de l'instruction publique et des affaires culturelles du
canton de
Fribourg.
Par décision du 24 février 2003, le Juge d'instruction du canton de
Fribourg
a ordonné le séquestre de la pension mensuelle d'invalidité de 6'217
fr. que
la Caisse de prévoyance du personnel de l'Etat de Fribourg a octroyée
à
B.________ le 15 janvier 2003. Ce dernier a recouru contre cette
décision
auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg
(ci-après: la Chambre pénale ou la cour cantonale) en concluant à ce
que le
montant du séquestre soit limité à 711 fr., compte tenu de son
minimum vital
et des contributions d'entretien dues à son épouse, A.________, et à
ses deux
enfants, C.________ et D.________, nés le 5 novembre 1982,
respectivement le
17 janvier 1985. Il a produit une lettre de la Caisse de prévoyance du
personnel de l'Etat de Fribourg du 24 février 2003 l'informant que le
montant
de sa pension mensuelle d'invalidité s'élevait finalement à 6'161 fr.
Il a
également produit une ordonnance rendue le 10 mars 2003 par le
Président du
Tribunal civil de l'arrondissement de la Glâne, par laquelle ce
dernier
ratifiait la convention de mesures provisionnelles passée entre époux
les 27
et 28 février 2003, fixant à 3'500 fr. les pensions alimentaires dues
mensuellement par B.________ à son épouse et à leurs deux enfants. Ces
derniers sont intervenus spontanément à la procédure en concluant à
ce que le
séquestre ne porte pas sur le montant des contributions d'entretien
qui leur
ont été allouées sur le plan civil.
Par arrêt du 3 avril 2003, la Chambre pénale a partiellement admis le
recours
de B.________ contre cette décision qu'elle a modifiée en ce sens que
la
pension mensuelle d'invalidité de 6'161 fr. accordée par la Caisse de
prévoyance du personnel de l'Etat est séquestrée, sous réserve d'un
montant
de 4'500 fr. correspondant au minimum vital de l'intéressé. Elle a
considéré
que l'allocation d'une pension réduite de 500 fr. était suffisante,
au regard
des revenus de l'épouse, pour couvrir le minimum vital élargi de cette
dernière, fixé à 4'000 fr., compte tenu d'un loyer admissible de
1'000 fr.,
après déduction de la part des enfants.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt qu'elle tient pour arbitraire en
tant
qu'il fixe à 4'500 fr. le montant du minimum vital de son mari. Elle
reproche
à la Chambre pénale d'avoir omis de prendre en considération certaines
charges et d'avoir retenu des charges inférieures à celles qui ont été
clairement établies dans le calcul de son minimum d'existence élargi.
Elle
voit en outre une violation de son droit d'être entendue dans
l'absence de
toute motivation quant au loyer admissible retenu pour déterminer son
minimum
vital élargi. Elle requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre pénale et le Juge d'instruction du canton de Fribourg ont
renoncé
à déposer des observations. Le Ministère public du canton de Fribourg
conclut
au rejet du recours. B.________ propose de l'admettre, au bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188; 129 II 225
consid. 1 p.
227 et la jurisprudence citée).

1.1 Le séquestre pénal ordonné par le Juge d'instruction du canton de
Fribourg en application de l'art. 122 al. 1 du Code de procédure
pénale
fribourgeois (CPP frib.) est une mesure conservatoire provisoire
fondée sur
le droit cantonal de procédure, destinée à garantir le recouvrement
d'une
créance compensatoire que le juge du fond pourrait être amené à
ordonner en
vertu de l'art. 59 ch. 2 al. 1 CP. Il ne s'agit donc pas d'une
confiscation
définitive au sens des art. 58 et 59 CP, dont la violation devrait
être
invoquée par la voie du pourvoi en nullité (art. 269 PPF; ATF 108 IV
154).
Seul le recours de droit public est ouvert en l'occurrence.

1.2 La vocation pour agir par la voie du recours de droit public se
détermine
exclusivement selon l'art. 88 OJ; il importe peu à cet égard que la
qualité
de partie ait été reconnue à la recourante en procédure cantonale. En
vertu
de cette disposition, la qualité pour recourir appartient notamment
aux
particuliers lésés par des décisions qui les concernent
personnellement. Le
recours de droit public n'est ainsi ouvert qu'à celui qui est atteint
par
l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement
protégés; en
revanche, le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général, ou
visant à
préserver de simples intérêts de fait, est irrecevable (ATF 126 I 43
consid.
1a p. 44, 81 consid. 3b p. 85; 125 et les arrêts cités).
En l'absence de séquestre, la recourante aurait pu prétendre à
recevoir de
son mari une somme de 1'500 fr. à titre de contribution d'entretien,
conformément à la convention passée entre époux les 27 et 28 février
2003 et
ratifiée par le juge civil. Dans ces conditions, elle est directement
et
personnellement touchée par le séquestre en tant qu'il la prive d'une
partie
de cette pension au terme d'un calcul qu'elle tient pour arbitraire
(cf. ATF
116 III 75 consid. 2a p. 77, qui reconnaît à l'époux du débiteur la
qualité
pour recourir contre une décision de saisie portant atteinte au
minimum vital
de la famille). Par ailleurs, la décision attaquée est de nature à
lui causer
un préjudice irréparable, puisque, durant la période de validité du
séquestre, A.________ serait privée d'une partie des revenus qu'elle
estime
nécessaires à assurer son entretien et qui ne seraient pas
saisissables en
vertu des règles de la loi fédérale sur les poursuites et faillites
(cf. ATF
128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100; 89 I 185
consid. 4 p.
187). Le recours est donc recevable sous l'angle de l'art. 87 al. 2
OJ,
nonobstant le caractère incident du séquestre pénal litigieux.

1.3 Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le recourant doit
avoir
un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée,
respectivement à l'examen des griefs soulevés (ATF 127 III 41 consid.
2b p.
42 et les arrêts cités). L'intérêt au recours doit encore exister au
moment
où statue le Tribunal fédéral. Inspirée du souci de l'économie de la
procédure, cette exigence vise à garantir que celui-ci se prononce
sur des
questions concrètes et non pas simplement théoriques; aussi l'intérêt
actuel
requis fera-t-il défaut, en général, lorsque la décision attaquée a
été
exécutée ou est devenue sans objet (ATF 125 I 394 consid. 4a p. 397;
125 II
86 consid. 5b p. 97). Le Tribunal fédéral renonce toutefois à
l'exigence d'un
intérêt actuel lorsqu'elle fait obstacle au contrôle de la
constitutionnalité
d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des
circonstances
semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets
limités dans
le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de la cour suprême
(ATF 127
I 164 consid. 1a p. 166 et les arrêts cités).
Il ressort du dossier cantonal qu'en date du 7 août 2003, A.________
et
B.________ ont vendu la villa familiale que la recourante occupait
avec ses
deux enfants majeurs depuis la séparation du couple. Cette
circonstance
nouvelle est de nature à influencer le calcul du minimum vital de
l'épouse et
notamment du loyer admissible après déduction de la part des enfants,
dans la
mesure où celle-ci est libérée des charges hypothécaires relatives à
cet
immeuble. Quoi qu'il en soit, la recourante conserve un intérêt
pratique
suffisant à faire constater que le montant séquestré jusqu'à la vente
de la
villa était trop élevé et entamait son minimum vital élargi.

1.4 L'allégation de faits nouveaux n'est pas admissible dans un
recours de
droit public soumis à l'exigence de l'épuisement des instances
cantonales
(ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26; 114 Ia 204 consid. 1a; 113 Ia 225
consid.
1b/bb p. 229 et les arrêts cités). Les pièces nouvelles censées
établir la
charge hypothécaire grevant la villa dont A.________ était
copropriétaire
avec son mari jusqu'au 7 août 2003 ne peuvent dès lors être prises en
considération, dans la mesure où elles n'ont pas pour but d'établir
son
indigence.

1.5 Sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matière sur le
recours qui
répond aux autres conditions de recevabilité des art. 84 ss OJ.

2.
Les art. 59 ch. 2 al. 3 1ère phrase CP et 122 al. 1 CPP frib.
prévoient que
l'autorité d'instruction pourra placer sous séquestre, en vue de
l'exécution
d'une créance compensatrice, des éléments du patrimoine de la personne
concernée. Ces dispositions constituent la base légale pour une mesure
provisoire de confiscation, dont les effets sont maintenus, une fois
le
jugement en force, jusqu'à son remplacement par une mesure du droit
des
poursuites (cf. Niklaus Schmid, Kommentar Einziehung, organisiertes
Verbrechen und Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, § 2 ad art. 59 CP
n. 172
et 174). Le séquestre ne peut toutefois être prononcé au cours de
l'instruction, à titre de mesure provisionnelle, qu'en présence
d'indices
établissant que les biens pourront être confisqués ou faire l'objet
d'une
créance compensatrice (arrêt 1P.473/1990 du 24 septembre 1990,
consid. 4
reproduit au Rep 1992 p. 212 et les références citées).
La recourante ne conteste pas que cette condition est réalisée. Elle
s'en
prend uniquement à la mesure du séquestre qu'elle tient pour trop
étendue en
tant qu'elle porte sur des biens insaisissables en vertu de la loi
fédérale
sur la poursuite pour dettes et la faillite. Elle ne remet pas en
cause la
méthode de calcul adoptée par la Chambre pénale, mais la
détermination de ses
charges dans le cadre de la fixation de son minimum vital élargi. Elle
dénonce sur ce point une violation de son droit d'être entendue liée
à la
motivation insuffisante de l'arrêt attaqué et la protection contre
l'arbitraire déduite de l'art. 9 Cst.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al.
2 Cst.,
implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa
décision. La
motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité
mentionne, au
moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a
fondé sa
décision, de manière à ce que l'intéressé puisse les comprendre et
exercer
son droit de recours à bon escient et que l'autorité de recours
puisse en
apprécier le bien-fondé (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102). Une
motivation que
l'on peut comprendre par déduction est toutefois considérée comme
suffisante
(cf. ATF 114 Ia 233 consid. 2d p. 242).

2.2 En l'occurrence, la Chambre pénale a retenu un loyer admissible
de 1'000
fr., après déduction de la part des enfants, dans les charges de
l'épouse,
sans autre explication, alors que la recourante concluait à la prise
en
considération d'un montant de 1'800 fr., tenant compte des charges
hypothécaires grevant la maison. Ce faisant, elle a considéré que le
loyer
consenti pour le logement était trop élevé, conformément aux lignes
directrices pour le calcul du minimum d'existence en matière de
poursuite
selon l'art. 93 LP du 24 novembre 2000, établies par la Conférence des
préposés aux offices des poursuites et des faillites de Suisse, et à
la
jurisprudence du Tribunal fédéral, qui commandent de s'écarter du
montant du
loyer lorsque le débiteur utilise un logement trop cher uniquement
pour son
confort personnel; au surplus, la recourante pouvait reconstituer le
montant
du loyer retenu en recourant aux tabelles édictées par l'Office de la
jeunesse du canton de Zurich pour déterminer la part des enfants au
loyer.
Dans la mesure où la cour cantonale avait indiqué avoir établi le
minimum
vital élargi de la recourante selon les principes applicables à
l'art. 93 LP,
celle-ci était en mesure de comprendre la manière dont le loyer
admissible
avait été fixé, ce qui suffit pour
respecter les exigences de
motivation
déduites de l'art. 29 al. 1 Cst.

2.3 La recourante ne conteste pas le revenu net de 3'500 fr. retenu
par la
Chambre pénale; elle s'en prend en revanche aux frais de logement
pris en
compte pour calculer son minimum vital élargi et à l'absence de toute
déduction à titre de contribution à l'entretien de ses deux enfants
majeurs.

2.3.1 Selon l'art. 59 ch. 2 al. 2 CP, le juge peut renoncer
totalement ou
partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle
ne serait
pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de
l'intéressé. Une réduction ou une suppression de la créance
compensatrice
n'est cependant admissible que dans la mesure où l'on peut réellement
penser
que celle-ci mettra concrètement en danger la situation sociale de la
personne concernée, sans que des facilités de paiement permettent d'y
remédier (ATF 119 IV 17 consid. 2a p. 21). Savoir s'il y a lieu de
faire
usage de cette faculté suppose une appréciation globale de la
situation
financière de l'intéressé, tenant compte de ses possibilités de gain
et de
ses obligations d'entretien envers les membres de sa famille (ATF 122
IV 299
consid. 3b p. 302; 119 IV 17 consid. 2a p. 21; cf. RFJ 1992 p. 266);
en
effet, il serait contraire aux principes qui inspirent le droit pénal
et à la
ratio legis de l'art. 59 CP qu'une créance compensatrice de l'Etat
empêche
l'auteur de l'infraction de satisfaire à ses obligations financières
envers
ses proches. Aussi, le juge peut renoncer à la confiscation opérée
par la
voie de la créance compensatrice de tout ou partie des gains illicites
lorsque cette mesure porte une atteinte trop importante aux
obligations de
famille du délinquant (ATF 106 IV 336 consid. 3b/bb p. 337).
Au vu de cette jurisprudence, c'est à juste titre que la Chambre
pénale a
pris en considération les contributions dues par B.________ pour
l'entretien
de son épouse et de ses deux enfants majeurs dans la détermination du
montant
de la pension à séquestrer, étant précisé qu'elle n'est pas liée par
la
convention passée entre les époux sur le plan civil (ATF 116 III 75
consid.
2b in fine p. 79).

2.3.2 En l'occurrence, la recourante reproche à la cour cantonale de
ne pas
avoir pris en considération, dans les frais de logement, les charges
hypothécaires effectives grevant la villa qu'elle occupait avec ses
deux
enfants majeurs depuis sa séparation, pour retenir un loyer
admissible de
1'000 fr., après déduction de la part des enfants. Selon les
directives de la
Conférence des préposés aux poursuites et faillites pour le calcul du
minimum
d'existence, le loyer effectif est pris en compte sans les charges
courantes
qui sont comprises dans le montant de base mensuel. Lorsque, comme en
l'espèce, le débiteur est propriétaire de son propre logement, il y a
en
principe lieu d'ajouter au minimum vital le montant des charges
immobilières
courantes, soit les intérêts hypothécaires, les impôts et autres
charges
publiques, ainsi que les frais d'entretien de la propriété, à
l'exclusion de
l'amortissement de la dette hypothécaire (ATF 114 III 12 consid. 2a
p. 14).
Cependant, les dépenses effectives de logement ne sont prises en
considération en totalité que si elles correspondent à la situation de
famille du poursuivi, à sa situation économique et à l'estimation
locale
usuelle. Le débiteur peut ainsi être tenu, dans l'intérêt des
créanciers, de
réduire son train de vie; s'il vit dans un logement qui ne correspond
pas à
ses moyens financiers, l'office peut réduire son loyer à une mesure
normale,
en lui laissant toutefois un délai convenable pour adapter ses frais
de
logement (ATF 128 III 337 consid. 3b; 119 III 70 consid. 3c p. 73;
116 III 15
consid. 2d p. 18). En cas de propriété du logement, il faut procéder
par
analogie lorsque le poursuivi encourt en qualité de propriétaire
d'une maison
une charge déraisonnable d'intérêts hypothécaires (ATF 119 III 70
consid. 3c
p. 73; 116 III 15 consid. 2d p. 21). Un délai de six mois a été
reconnu comme
adéquat (ATF 116 III 15 consid. 2d p. 21).
Les prestations pour l'entretien des enfants intègrent une
participation aux
frais de logement, de sorte qu'en cas de séparation, le loyer imputé
au
parent avec lequel les enfants vivent doit être diminué dans cette
mesure.
L'étendue de la réduction qu'il convient d'opérer à ce titre doit être
déterminée dans chaque cas par le juge, au vu du nombre d'enfants et
du
montant du loyer. Le juge peut aussi se référer à la part attribuée au
logement dans les "Recommandations pour la fixation des contributions
d'entretien des enfants" éditées par l'Office de la jeunesse du
canton de
Zurich (Paul-Henri Steinauer, La fixation de la contribution
d'entretien due
aux enfants et au conjoint en cas de vie séparée, RFJ 1992 p. 13). Ces
tabelles concernent certes avant tout les enfants mineurs (Philippe
Meier/Martin Stettler, Les effets de la filiation (art. 270 à 327
CC), 2ème
éd., Fribourg 2002, p. 267). Elles peuvent cependant donner une
indication
utile en l'espèce puisque le cadet est âgé d'un peu plus de dix-huit
ans.
Selon ces tabelles, la part du loyer comprise dans l'entretien de deux
enfants de dix-huit ans représente en moyenne, par enfant, 20%
environ de la
contribution d'entretien globale (cf. arrêt 5C.6/2003 du 4 avril 2003
consid.
4; arrêt 5C.119/1991 du 3 mars 1992 consid. 3b reproduit à la SJ 1992
p. 381;
Jacques Curty, A propos des "Recommandations" pour la fixation des
contributions d'entretien des enfants éditées par l'Office de la
jeunesse du
canton de Zurich, Recherche d'une méthode de calcul, in JdT 1985 I
322 ss;
Cyril Hegnauer, Berner Kommentar, n. 37 ad art. 285, p. 347). Une
pondération
ou une correction de certains facteurs peuvent s'imposer pour tenir
compte du
fait que le loyer du logement d'un époux est particulièrement bas ou,
au
contraire, très élevé (cf. arrêt 5C.278/2000 du 4 avril 2001, consid.
4c
reproduit à la RJB 2002 p. 40 où le Tribunal fédéral a admis une
contribution
de 600 fr. d'un enfant de 17 ans et demi pour un loyer de 2'300 fr.).
En l'occurrence, si l'on ajoute au montant de 1'000 fr. retenu dans
l'arrêt
attaqué la part de C.________ et de D.________ aux frais de logement,
qui
correspond à 20% par enfant, le loyer théorique serait de 1'400 fr. La
question de savoir si un tel loyer est conforme aux conditions
usuelles du
marché locatif de la région pour un ménage de trois adultes peut
rester
indécise, car la cour cantonale ne pouvait de toute manière pas
exiger de la
recourante qu'elle vende la villa familiale ou la mette en location
pour
prendre un logement adapté à sa situation financière immédiatement,
mais
seulement après l'octroi d'un délai raisonnable. Dans l'intervalle, la
Chambre pénale devait tenir compte des charges immobilières
effectives dans
l'évaluation des frais de logement de la recourante. Sur ce point, le
recours
est fondé, ce qui conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

2.3.3 A.________ reproche également à la cour cantonale d'avoir omis
de
prendre en considération sa part aux coûts d'entretien de ses deux
enfants
majeurs dans la détermination de son minimum vital élargi, part
qu'elle
estime à 400 fr. par enfant, selon les tabelles zurichoises précitées.
En cas de séparation, chaque parent doit en principe participer à
l'entretien
des enfants majeurs en fonction de sa capacité contributive. Le
conjoint dont
la capacité financière est supérieure peut cependant être tenu,
suivant les
circonstances, de subvenir à l'entier du besoin en argent si l'autre
conjoint
remplit son obligation à l'égard des enfants essentiellement en
nature, en
leur offrant le gîte et le couvert (ATF 120 II 285 consid. 3a/cc p.
290; voir
également Vincent Henriod, L'obligation d'entretien à l'égard des
enfants
majeurs, thèse Lausanne 1999, p. 151). Le recours ne pourrait donc
être admis
sur ce point que dans la mesure où les contributions versées par
l'intimé à
ses enfants devaient se révéler insuffisantes à couvrir entièrement
les
dépenses nécessaires à leur entretien, de sorte que la recourante
devrait se
charger du surplus (cf. arrêt 5C.160/1998 du 15 décembre 1998,
consid. 3b).
Or, l'état de fait de l'arrêt attaqué ne permet pas de répondre à
cette
question. La cour cantonale s'est en effet bornée à constater que les
contributions d'entretien de 1'000 fr. chacune que l'intimé s'est
engagé à
verser à ses enfants sur le plan civil n'étaient pas excessives au
regard du
coût d'entretien théorique d'un enfant de dix-huit ans évoqué dans les
tabelles zurichoises, sans examiner si ces montants étaient
suffisants pour
couvrir les besoins financiers des enfants qu'elle a d'ailleurs omis
de
déterminer. Sur ce point également, l'arrêt attaqué est lacunaire et
doit
être annulé.

3.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est
recevable. Vu l'issue du recours, les demandes d'assistance judiciaire
présentées par la recourante et l'intimé sont sans objet. Le canton de
Fribourg, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires (art. 156
al. 2
OJ). Il versera en revanche une indemnité de dépens à la recourante
et à
l'intimé, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat
(art.
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 1'800 fr. est allouée à la recourante à la charge du
canton
de Fribourg.

4.
Une indemnité de 1'600 fr. est allouée à l'intimé à la charge du
canton de
Fribourg.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
ainsi
qu'au Juge d'instruction, au Ministère public et à la Chambre pénale
du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 10 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.328/2003
Date de la décision : 10/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-10;1p.328.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award