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09/10/2003 | SUISSE | N°U.157/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 octobre 2003, U.157/02


{T 7}
U 157/02

Arrêt du 9 octobre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffier: M.
Berthoud

R.________, recourante, représentée par Me Jean-Claude Morisod,
avocat, rue
de la Banque 4, 1701 Fribourg,

contre

Mobilière Suisse Société d'assurances, Bundesgasse 35, 3001 Berne,
intimée,
représentée par Me Pierre-Henri Gapany, avocat, rue de Lausanne
38-40, 1701
Fribourg,

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances

sociales,
Givisiez

(Jugement du 4 avril 2002)

Faits:

A.
A.a R.________, née en 1949, a travaillé en qual...

{T 7}
U 157/02

Arrêt du 9 octobre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffier: M.
Berthoud

R.________, recourante, représentée par Me Jean-Claude Morisod,
avocat, rue
de la Banque 4, 1701 Fribourg,

contre

Mobilière Suisse Société d'assurances, Bundesgasse 35, 3001 Berne,
intimée,
représentée par Me Pierre-Henri Gapany, avocat, rue de Lausanne
38-40, 1701
Fribourg,

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 4 avril 2002)

Faits:

A.
A.a R.________, née en 1949, a travaillé en qualité de
secrétaire-comptable
au service de X.________ SA. A ce titre, elle était assurée contre le
risque
d'accidents professionnels et non professionnels par la Mobilière
Suisse,
société d'assurances (la Mobilière).

Le 11 novembre 1996, l'assurée a été renversée par une voiture alors
qu'elle
traversait un passage pour piétons. Elle a été hospitalisée à la
Clinique
Z.________, où plusieurs fractures du pied gauche ont été constatées,
ainsi
qu'une luxation de la mâchoire et une fracture de la 26e dent. La
Mobilière a
pris le cas en charge.

Au début de l'année 1997, R.________ a signalé l'apparition de
lombalgies,
puis, en août 1997, de problèmes à l'épaule droite et au dos. En
outre, à
partir du 5 janvier 1998, elle a suivi un traitement psychiatrique,
en raison
d'un état anxio-dépressif. L'assurée a été entièrement incapable de
travailler depuis l'accident jusqu'au 10 mars 1997, jour auquel elle
a repris
le travail à 50 %, puis à plein temps dès le 14 avril 1997. Une année
plus
tard, le 14 avril 1998, elle a cessé toute activité professionnelle.

Les 13 janvier et 16 mars 1998, le docteur A.________ a prescrit une
cure
thermale à Y.________. Invité à préciser les motifs de cette
ordonnance, ce
médecin a fait savoir à la Mobilière que ces soins étaient indiqués
pour
traiter la pathologie post-traumatique de l'épaule droite et la
réactivation
d'un syndrome vertébral lombaire et cervical, dans le cadre d'un état
anxio-dépressif réactionnel pour lequel un éloignement du domicile et
du lieu
de travail était nécessaire.

A.b Par décision du 27 mai 1998, la Mobilière a refusé d'allouer ses
prestations (frais de traitement et indemnités journalières) pour les
problèmes de l'épaule droite et du rachis, ainsi que pour les
affections
psychiques. Contre cette décision, la Mobilière a été saisie de quatre
oppositions émanant de l'assurée, de son employeur, de la Visana,
assureur-maladie, ainsi que de la Swica, assureur perte de gain selon
la LCA.

Par décision du 18 mai 2000, la Mobilière a rejeté les trois premières
oppositions et déclaré celle de la Swica irrecevable.

B.
R.________, X.________ SA et Visana ont déféré cette décision sur
opposition
au Tribunal administratif du canton de Fribourg, l'assurée concluant
de son
côté au versement d'une rente d'invalidité de 100 % et toutes autres
prestations légales, ainsi que d'une indemnité pour atteinte à
l'intégrité.

Par jugement du 4 avril 2002, la juridiction cantonale a rejeté les
recours,
après avoir joint les causes.

C.
R.________ interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement
dont elle demande l'annulation, avec suite de dépens. Elle conclut au
versement, par la Mobilière, d'une rente d'invalidité de 100 % et
toutes
autres prestations légales, ainsi qu'au renvoi de la cause à cet
assureur, le
cas échéant au Tribunal administratif, afin de mettre en oeuvre une
expertise
destinée à déterminer le taux de son atteinte à l'intégrité.

L'intimée conclut au rejet du recours.

En sa qualité d'intéressée, Visana propose l'admission du recours
dans le
sens des conclusions de l'assurée, avec suite de frais et dépens. De
leur
côté, X.________ SA et l'Office fédéral des assurances sociales ont
renoncé à
se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Est litigieux, à titre principal, le droit de la recourante à une
rente
d'invalidité en raison des douleurs dorso-lombaires, scapulaires et
psychiques apparues à la suite de l'accident du 11 novembre 1996.

Pour trancher cette question, il faut préalablement déterminer s'il
existe un
lien de causalité entre l'accident du 11 novembre 1996 et les
problèmes à
l'épaule droite et au dos d'une part, ainsi que les troubles
psychiques
d'autre part, condition préliminaire à la prise en charge, par
l'intimée, des
prestations auxquelles la recourante estime avoir droit (cf. art. 6
al. 1
LAA).

2.
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à la
solution du litige. Il suffit de renvoyer au jugement attaqué,
singulièrement
à son consid. 3a (pp. 7-12) où les notions jurisprudentielles de la
causalité
naturelle et adéquate sont rappelées.

3.
3.1Parmi les médecins qui se sont exprimés sur la relation de
causalité
naturelle entre l'accident du 11 novembre 1996 et les problèmes à
l'épaule et
au dos, le docteur B.________ a attribué une origine dégénérative à
ces
troubles de santé (rapports des 5 mars et 12 mai 1998). Ses confrères
qui se
sont exprimés dans cette affaire ont en revanche tous attesté que ces
affections avaient été causées par l'accident (rapports des docteurs
C.________, des 21 avril 1997 et 28 avril 1998, D.________, du 16
septembre
1997, et A.________, des 13 et 26 janvier 1998).

3.2 Afin d'élucider les divergences de vues qui demeuraient sur
l'existence
du lien de causalité naturelle, l'intimée a confié, en procédure
d'opposition, un mandat d'expertise au Centre W.________.

Les experts ont déposé leur rapport le 23 février 1999, puis un
rapport
complémentaire le 3 janvier 2000. Ces deux documents remplissent tous
les
réquisits jurisprudentiels (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160
consid.
1c et les références). En effet, les points litigieux ont fait
l'objet d'une
étude circonstanciée, les rapports se fondent sur des examens
complets, ils
prennent en considération les plaintes de la recourante, ils ont été
établis
en pleine connaissance de l'anamnèse, la description du contexte
médical et
l'appréciation de la situation médicale sont claires et finalement les
conclusions des experts sont dûment motivées. Ils ont donc pleine
valeur
probante.

3.3 Dans leur rapport du 23 février 1999, les docteurs E.________,
F.________, G.________ et H.________ ont diagnostiqué une ancienne
fracture
du cuboïde et des trois cunéiformes à gauche, d'anciennes dysfonctions
vertébrales multiples post-traumatiques et lombosciatalgies droites
sur
syndrome algo-dysfonctionnel lombaire et sacro-iliaque, une ancienne
contusion épaule droite (possible) et tendinite du sus-épineux droit,
une
subluxation récidivante de l'ATM gauche, des céphalées, troubles de la
mémoire et de la concentration correspondant à un discret syndrome
post-commotionnel, ainsi qu'un état de stress post-traumatique.

Les experts ont admis que les troubles du rachis lombaire ainsi que
les
troubles posturaux rachidiens de la recourante étaient en relation de
causalité naturelle avec l'accident survenu le 11 novembre 1996 (p.
22 du
rapport), de même que l'état de stress post-traumatique (p. 25); en
revanche,
un tel lien de causalité n'était que possible en qui concernait les
problèmes
à l'épaule droite (p. 22). Sous la plume du docteur G.________ (cf.
rapport
du 3 janvier 2000), les experts ont maintenu leur point de vue, après
que
l'intimée leur eut encore soumis un rapport médical de l'Hôpital
V.________.

Selon les experts, la capacité de travail de la recourante n'est pas
entravée
par ses affections somatiques, l'intéressée ayant recouvré
entièrement sa
capacité de travail un an après l'accident. En revanche, l'incapacité
est
totale et de durée indéterminée d'un point de vue psychique, en
raison de
l'état de stress post-traumatique. Les experts ont ajouté que la
symptomatologie somatique peut être amplifiée par les troubles
psychiques
(rapport, p. 25). Quant aux céphalées et aux troubles de la mémoire
et de la
concentration, ils ne sont pas constitutifs d'incapacité de travail
(p. 22).

4.
De concert avec l'intimée, le Tribunal administratif a admis que les
problèmes à l'épaule et au rachis devaient plutôt être attribués à des
affections dégénératives préexistantes, s'inscrivant dans un contexte
d'état
de stress post-traumatique chronique. Considérant qu'en présence d'un
traumatisme simple, le statu quo sine est normalement rétabli après
une
période de six mois au plus, les premiers juges en ont déduit que le
statu
quo sine avait été rétabli en mai 1997 au plus tard, voire en avril
1997, si
bien que l'intimée n'était, pour ce motif, pas tenue à allouer ses
prestations (cf. consid. 3b/bb p. 18 du jugement attaqué).

A ce stade, il est superflu d'examiner plus avant la pertinence de ce
raisonnement. En effet, les experts ont clairement attesté que la
recourante
ne présentait aucune diminution de sa capacité de travail en raison
d'affections somatiques. Il s'ensuit que la recourante ne subit pas
de perte
de gain de ce chef et ne saurait donc être indemnisée à ce titre,
comme elle
le requiert.

5.
L'accident dont la recourante a été victime le 11 novembre 1996 entre
dans la
catégorie des accidents de gravité moyenne. Dès lors, la question du
lien de
causalité adéquate entre cet événement et l'incapacité de travail en
raison
d'un état de stress post-traumatique doit être examinée à la lumière
des
différents critères que la jurisprudence a posés en cas d'affections
psychiques (cf. ATF 115 V 409 consid. 5c/aa) et que les premiers
juges ont
énumérés exhaustivement (consid. 3a/bb p. 11 du jugement attaqué).

Il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation du Tribunal
administratif du
cas d'espèce à l'aune de ces différents critères. Singulièrement, en
ce qui
concerne le premier (les circonstances concomitantes particulièrement
dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de
l'accident),
il ne ressort pas du dossier constitué à l'époque où l'accident
s'était
produit que cet événement avait présenté le caractère si dramatique ou
impressionnant que la recourante y voit aujourd'hui; en effet, peu
d'éléments
concrets ont été consignés et on ne connaît, notamment, ni la vitesse
du
véhicule ni la violence du choc subi. Quant au dernier critère (le
degré et
la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques), il a
eu une
certaine importance, car la convalescence a duré cinq mois;
toutefois, la
recourante a ensuite repris le travail à plein temps durant une année
entière, de sorte que l'écoulement de ce laps de temps laisse peu de
place
pour reconnaître un caractère adéquat au rapport de causalité entre
l'accident et l'incapacité de travail découlant de l'état de stress
post-traumatique.

A l'examen global, l'accident du 11 novembre 1996 ne peut être
reconnu comme
la cause adéquate des troubles psychiques de la recourante, de sorte
que
l'intimée ne répond pas de la perte de gain que la recourante subit
de ce
chef.

6.
En résumé, les affections somatiques de la recourante consécutives à
l'accident du 11 novembre 1996 n'engendrent aucune diminution de la
capacité
de travail. Quant aux affections psychiques, elles ne sont pas en
relation de
causalité adéquate avec cet événement. C'est dès lors à juste titre
que
l'intimée a refusé d'allouer une rente d'invalidité.

A cet égard, il faut préciser que l'assureur-accident n'est pas lié
par
l'évaluation de l'invalidité à laquelle l'assurance-invalidité a
procédé de
son côté (à propos de la coordination du degré de l'invalidité entre
ces deux
assurances sociales, voir ATF 126 V 288). En effet, le taux
d'invalidité de
100 % que l'AI se propose de retenir trouve sa justification
uniquement dans
des affections d'ordre psychique consécutives à l'accident du 11
novembre
1996 (cf. rapport du docteur I.________ du 23 novembre 1998; rapport
d'expertise pluridisciplinaire du 23 février 1999, p. 27), dont - on
vient de
le voir - l'intimée ne répond pas.

7.
La recourante a conclu également à l'octroi de «toutes autres
prestations
légales». Selon les conclusions des experts, les troubles
dorso-lombaires
sont encore en relation de causalité naturelle avec l'accident du 11
novembre
1996. Si la prise en charge de la cure thermale (cf. prescriptions du
docteur
A.________, des 13 janvier et 16 mars 1998), à l'origine de toute la
procédure, n'apparaît pas avoir été motivée par les suites de
l'accident dont
l'intimée doit répondre, il n'en demeure pas moins que la recourante
peut
prétendre à d'autres prestations médicales au titre de l'affection
dorso-lombaire. En l'état, à défaut de conclusions concrètes et au
regard du
dossier, il n'y a pas lieu de se prononcer sur ce point.

8.
La recourante conclut au versement d'une indemnité pour atteinte à
l'intégrité pour les suites de l'accident survenu le 11 novembre 1996.

L'intimée n'a toutefois pas rendu de décision portant sur ce point,
qui n'est
donc pas litigieux. Il sied dès lors de considérer les conclusions de
la
recourante comme une demande d'indemnité au sens des art. 24 ss LAA
et de
transmettre le dossier à l'intimée comme objet de sa compétence (art.
43 al.
1 LPGA).

9.
Invitée à se déterminer, Visana a conclu à l'admission du recours.
Visana
bénéficie assurément d'un intérêt
juridique propre; elle disposait
d'ailleurs
des mêmes voies de droit que l'assurée (art. 129 al. 1 OLAA, en
vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002). Vu les conclusions condamnatoires qu'elle
a
prises en procédure fédérale contre l'intimée, il se justifie de la
considérer, non comme une simple «intéressée» au sens de l'art. 110
al. 1 OJ
- à la charge de laquelle des frais de justice ne peuvent être
imposés - mais
comme une partie à part entière.

Dans cette mesure, des frais de justice doivent donc, comme s'il
s'agissait
d'un litige entre assureurs, être mis à la charge de Visana (ATF 127
V 106,
110 consid. 6a et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le dossier est transmis à l'intimée.

3.
Les frais de justice, d'un montant de 1'500 fr., sont mis à la charge
de la
Caisse-maladie Visana.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse-maladie
Visana, à
X.________ SA, au Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour
des
assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.157/02
Date de la décision : 09/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-09;u.157.02 ?
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