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09/10/2003 | SUISSE | N°6S.327/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 octobre 2003, 6S.327/2003


{T 0/2}
6S.327/2003/sch

Arrêt du 9 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Pierre-Yves Brandt, avocat, Petit-Chêne 18,
1003
Lausanne.

Crime impossible de meurtre,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 14 avril 2003.r>
Faits:

A.
Par jugement du 23 septembre 2002, le Tribunal criminel de
l'arrondissement
de La Côte a notamment condamné...

{T 0/2}
6S.327/2003/sch

Arrêt du 9 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Pierre-Yves Brandt, avocat, Petit-Chêne 18,
1003
Lausanne.

Crime impossible de meurtre,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 14 avril 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 23 septembre 2002, le Tribunal criminel de
l'arrondissement
de La Côte a notamment condamné X.________, pour crime impossible de
meurtre
et infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers en Suisse, à la peine de sept ans de réclusion, moins sept
cent
cinquante-six jours de détention préventive, et a ordonné son
expulsion du
territoire suisse pour une durée de quinze ans.
Statuant le 14 avril 2003 sur recours du Ministère public, du
condamné et de
la partie civile, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois a
confirmé ce jugement.

B.
En résumé, les faits à la base de cette condamnation sont les
suivants:
A l'époque des faits, X.________, né le 4 décembre 1960, ressortissant
français, et A.________, née le 22 juillet 1965, faisaient ménage
commun
depuis deux ans et demi. A.________ avait signifié à son ami la
rupture de
leurs relations, mais ils vivaient encore ensemble.

Dans la nuit du 5 au 6 août 1999, X.________ a suivi son amie jusqu'au
manège. Il est resté à l'extérieur du box, alors que celle-ci est
allée voir
son cheval. Elle s'est dirigée vers l'animal pour examiner les
tendons. Elle
a alors reçu un violent coup de sabot, qui l'a projetée contre le mur
du fond
du box. Alors que A.________ était étendue sur le sol, blessée
mortellement,
et gémissait très doucement, X.________ a pris la décision subite de
l'achever. Il a appuyé sur le cou, le nez et la bouche de la victime
pendant
trente secondes ou une minute.
Les différentes expertises, qui ont été ordonnées en cours d'enquête
pour
déterminer la cause exacte de la mort de A.________, n'ont pas pu
établir une
autre cause de la mort que les coups donnés par le cheval. Le rapport
complémentaire de l'Institut universitaire de médecine légale (IUML)
du 14
juillet 2000 affirme ainsi: "(...) nous n'avons pas trouvé de lésion
évoquant
une strangulation". Il n'a pas non plus été possible de déterminer si
la
victime était déjà morte ou agonisait au moment de l'intervention de
X.________.

C.
Le Ministère public vaudois se pourvoit en nullité. Invoquant une
fausse
application de l'art. 23 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait
définitivement arrêté par la cour cantonale (cf. art. 277bis et 273
al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits
retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF).
Celles-ci, qui
doivent être interprétées à la lumière de leur motivation,
circonscrivent les
points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
L'intimé a été reconnu coupable de crime impossible de meurtre (art.
23 et
111 CP), ce que conteste le recourant.

2.1 Selon l'art. 23 CP, le juge pourra atténuer librement la peine à
l'égard
de celui qui a tenté de commettre un crime ou un délit par un moyen
ou contre
un objet de nature telle que la perpétration de cette infraction était
absolument impossible. En cas de délit impossible, l'auteur a donc la
volonté
d'accomplir une infraction et en commence l'exécution, mais la
réalisation de
celle-ci est absolument impossible en raison des moyens qu'il utilise
ou de
l'objet qu'il vise. Par exemple, l'auteur tire avec une cartouche à
blanc ou
sur une personne qu'il croit en vie, mais qui est déjà morte. Pour
que le
délit impossible soit retenu, l'impossibilité doit être absolue,
c'est-à-dire
que la perpétration de l'infraction en question doit se révéler
impossible
d'emblée et non pas seulement dans les circonstances particulières du
cas;
les cas d'impossibilité relatives sont punis selon les art. 21 et 22
CP (ATF
94 IV 1 consid. 2a p. 3).

2.2 Selon le recourant, le délit impossible ne peut pas être retenu en
l'espèce, dès lors que l'intervention de l'intimé a eu pour effet
d'accélérer
une issue fatale inéluctable en raccourcissant l'agonie de la
victime; à ses
yeux, l'intimé devrait dès lors être condamné pour délit consommé de
meurtre.
Par cette argumentation, le recourant s'éloigne cependant de l'état
de fait
retenu par l'arrêt attaqué. En effet, n'ayant pas pu déterminer si la
victime
était agonisante ou déjà morte au moment où l'intimé a agi, l'autorité
cantonale a retenu, conformément au principe in dubio pro reo, la
seconde
hypothèse, plus favorable à l'accusé, à savoir la mort antérieure de
la
victime.
Sur cette base, c'est à juste titre que l'autorité cantonale a
appliqué
l'art. 23 CP sur le délit impossible. Selon l'état de fait, qui lie
la Cour
de céans, l'intimé a en effet agi dans le dessein avoué de supprimer
sa
victime, qu'il croyait vivante, et avait la conviction que son geste
- une
pression de la main à la fois sur le cou, le nez et la bouche de la
victime
pendant trente secondes ou une minute - était susceptible d'atteindre
ce but.
L'élément subjectif du crime de meurtre était donc réalisé. Sa
consommation a
été néanmoins rendue impossible en raison de la nature de l'objet,
puisque la
victime était déjà morte. Les conditions de l'art. 23 CP sont en
conséquence
manifestement réalisées. Dans la mesure où ils sont recevables, les
griefs du
recourant doivent donc être écartés.

2.3 Afin de renforcer sa décision, la Cour de cassation cantonale a
déclaré
que le délit impossible devait être également retenu si la victime
était
encore vivante au moment de l'intervention de l'intimé. En effet,
selon elle,
ce n'est pas le moment clinique de la mort qui est déterminant pour
savoir si
l'on est en présence d'un crime impossible ou d'un crime réalisé,
mais plutôt
le fait qu'au moment des agissements de l'auteur, la victime était
d'ores et
déjà si gravement atteinte par une cause autre que ces agissements
qu'elle
était vouée à une mort certaine; or, l'étouffement ne pouvait en
l'espèce
entraîner la mort de la victime, dès lors que la victime était déjà
vouée à
la mort à la suite des ruades du cheval. Le recourant critique ce
raisonnement. Pour lui, seul le crime consommé de meurtre peut être
retenu
dans un tel cas.
Il est clair que si l'auteur achève une personne en train d'agoniser,
il
devra être condamné pour délit consommé de meurtre. Sur ce point, le
recourant a donc raison. Celui qui blesse mortellement une personne
cause la
mort de la victime même si cette dernière était cancéreuse au dernier
degré
(Graven, L'infraction pénale punissable, 2e éd., Berne 1995, p. 91).
En
l'espèce, l'arrêt cantonal a cependant nié tout lien de causalité
entre le
comportement de l'intimé et le décès de la victime, retenant comme
seule
cause de la mort les ruades du cheval. Or, en l'absence de lien de
causalité
entre le comportement de l'auteur et le décès de la victime, il ne
saurait y
avoir un crime consommé de meurtre. Seule une tentative au sens des
art. 21 à
23 CP peut entrer en ligne de compte; le résultat, à savoir le décès
de la
victime, s'est certes produit, mais pour des causes (ruades du
cheval) non
imputables au comportement de l'auteur (voir pour un cas de figure
semblable
Trechsel, Schweizerisches Strafgeseztbuch, Kurzkommentar, 2e éd.,
Zurich
1997, n. 3 ad art. 22, p. 86).

Contrairement à ce qu'affirme la Cour de cassation cantonale, on ne
saurait
retenir l'art. 23 CP dans une telle hypothèse. Le moyen utilisé, à
savoir
l'étouffement, n'est pas en soi impropre à entraîner la mort d'une
personne;
par ailleurs, l'objet n'est pas non plus impossible, dès lors qu'il
est tout
à fait possible de tuer une personne agonisante. Dans la mesure où
l'auteur a
étouffé la victime pendant trente secondes ou une minute et que l'on
peut
considérer qu'il a ainsi mené jusqu'au bout son activité coupable, il
faudrait appliquer l'art. 22 CP (délit manqué) - plutôt que l'art. 21
CP
(tentative inachevée) -, ce qui permettrait une atténuation simple
de la
peine (art. 65 CP). Le raisonnement de la Cour de cassation cantonale
est
donc inexact. Cela n'influe cependant pas sur la solution du litige,
puisque
- on le rappelle - il a été admis que la victime était morte lors de
l'intervention de l'intimé et qu'il convenait donc de retenir le crime
impossible de meurtre.

3.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans la mesure
où il est
recevable. Conformément à l'art. 278 al. 2 PPF, il ne sera pas perçu
de
frais. Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimé, qui n'a
pas été
amené à se déterminer sur le pourvoi (art. 278 al. 3 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal
cantonal
vaudois, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 9 octobre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.327/2003
Date de la décision : 09/10/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-09;6s.327.2003 ?
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