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08/10/2003 | SUISSE | N°1P.342/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2003, 1P.342/2003


{T 0/2}
1P.342/2003 /col

Arrêt du 8 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Thélin.

C. ________,
recourant, représenté par Me Pierre-Henri Dubois, avocat, Faubourg du
Lac 13,
case postale 2171,
2000 Neuchâtel,

contre

Winterthur Assurances, rue de Monruz 2,
2002 Neuchâtel 2,
intimée, représentée par Me Benoît Ribaux, avocat, Prome

nade-Noire 6,
2001
Neuchâtel 1,
Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, case
postale 2672,
2001 Ne...

{T 0/2}
1P.342/2003 /col

Arrêt du 8 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Thélin.

C. ________,
recourant, représenté par Me Pierre-Henri Dubois, avocat, Faubourg du
Lac 13,
case postale 2171,
2000 Neuchâtel,

contre

Winterthur Assurances, rue de Monruz 2,
2002 Neuchâtel 2,
intimée, représentée par Me Benoît Ribaux, avocat, Promenade-Noire 6,
2001
Neuchâtel 1,
Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, case
postale 2672,
2001 Neuchâtel 1,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel,
rue du
Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

condamnation pénale; appréciation des preuves

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale
du 29
avril 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 24 janvier 2003, le Tribunal correctionnel du
district de
Neuchâtel a reconnu C.________ coupable d'avoir faussement déclaré le
vol
d'un véhicule Ferrari 348 TS qui lui appartenait, alors qu'il l'avait
dissimulé dans un garage, afin d'obtenir les prestations de
l'assurance
couvrant ce risque. Une tentative d'escroquerie - l'assurance
refusait le
paiement - et l'induction de la justice en erreur avaient ainsi été
commises.
L'accusé contestait ces infractions. Il affirmait que sa déclaration
de vol
correspondait à la réalité, qu'il n'avait rien su du véhicule après sa
disparition et qu'il était étranger à la location, effectuée sous une
identité apparemment fictive, du local où on l'avait retrouvé.
Le tribunal a aussi reconnu C.________ coupable de s'être présenté
comme
juriste, bien qu'il n'eût pas de formation correspondante, à une
cliente de
l'entreprise de conseils divers qu'il exploitait. Il avait ainsi agi
en
violation de l'art. 3 let. d de la loi fédérale sur la concurrence
déloyale
(LCD). Cette infraction était elle aussi contestée, l'accusé
affirmant s'être
présenté comme "conseiller juridique".
Le Tribunal correctionnel a condamné l'accusé à douze mois
d'emprisonnement
sans sursis; il a en outre révoqué le sursis à l'exécution de deux
peines
d'emprisonnement infligées lors de condamnations antérieures.

B.
Sans succès, C.________ a déféré le jugement à la Cour de cassation
pénale du
Tribunal cantonal neuchâtelois, qui a rejeté son recours le 29 avril
2003.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, C.________ requiert
le
Tribunal fédéral d'annuler ce dernier prononcé. Il persiste à
contester toute
culpabilité et tient la constatation des faits pour arbitraire et
contraire à
la présomption d'innocence.
Invités à répondre, le Ministère public cantonal et la société
d'assurance
concernée, partie civile dans le procès pénal, proposent le rejet du
recours;
le Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations.

D.
Au sujet du véhicule Ferrari 348 TS, les éléments de fait suivants
sont
incontestés et ressortent du dossier:
D'après la déclaration de vol, le véhicule a disparu à Zurich le 28
mars
1996, alors qu'il se trouvait en stationnement sur la voie publique,
la clef
de contact retirée, les portières verrouillées, et sous la protection
d'un
antivol électronique Bosch agissant sur les pompes à essence et
l'allumage.
A la suite de cette déclaration, l'assurance s'est fait remettre
toutes les
clefs que son client disait posséder. Elle a notamment reçu trois
clefs
ordinaires qu'elle a soumises à une expertise. Le rapport reçu par
elle
indique qu'il s'agissait de toutes les clefs fournies au propriétaire
lors du
plus récent remplacement des serrures et qu'elles ne présentaient
aucune
trace de copie. En particulier, on n'y trouvait pas les marques de
l'étau et
du pointeur utilisés lors d'une reproduction.
L'assurance a aussi reçu trois clefs magnétiques de l'antivol
électronique,
soit une clef maîtresse rouge et deux clefs normales noires. La clef
maîtresse permet de créer des clefs normales supplémentaires à partir
de
clefs vierges, en accomplissant une procédure spécifique sur le
lecteur de
l'antivol.
Fortuitement, la police bernoise a retrouvé l'engin à Moutier, le 6
mai 1999,
où il était rangé dans un petit garage attenant à un bâtiment
locatif. Les
portières, le contact et l'antivol de la colonne de direction ne
présentaient
aucune trace d'effraction, hormis une rayure à l'un des boutons de
porte; le
circuit d'allumage était intact et l'antivol électronique fonctionnait
normalement. Deux fois au moins, la concierge du bâtiment avait vu
l'engin en
circulation, aux mains d'une conductrice que les enquêteurs n'ont pas
pu
identifier.
Quelques mois avant la déclaration de vol, le garage avait été pris en
location par une personne qui traitait exclusivement par téléphone et
par
courrier, et demandait la plus grande discrétion. Elle s'est révélée
introuvable par la suite. Elle a signé et renvoyé à la gérance un
exemplaire
du bail, document sur lequel le service d'identification judiciaire a
trouvé
une empreinte du pouce gauche de C.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne un
exposé des
faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des
principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi consiste la
violation. En tant qu'il se plaint d'arbitraire, le recourant ne peut
donc
pas se contenter de critiques générales ou imprécises, ni se borner à
reprendre les arguments déjà développés en instance cantonale, ainsi
que l'on
peut le faire devant une juridiction d'appel habilitée à revoir
librement la
cause tant en fait qu'en droit. Au contraire, il incombe au recourant
de
préciser de façon détaillée en quoi la juridiction ou l'autorité
intimée
s'est gravement trompée, et est parvenue à une décision manifestement
erronée
ou injuste; une argumentation qui ne satisfait pas à cette exigence
est
irrecevable (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495, 117 Ia 10 consid. 4b p.
11/12,
110 Ia 1 consid. 2a p. 3).

2.
La présomption d'innocence garantie par les art. 6 par. 2 CEDH et 32
al. 1
Cst. n'offre pas de protection plus étendue que celle contre
l'arbitraire
conférée par l'art. 9 Cst. Elle n'est invoquée avec succès que si le
recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte
d'arbitraire de
l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux
et
irréductibles sur la culpabilité du prévenu (ATF 127 I 38 consid. 2
p. 40,
124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b
p. 40).

3.
Le véhicule Ferrari 348 TS a été vu en circulation après le dépôt des
clefs
exigé par l'assurance. Si le verdict de culpabilité correspond à la
vérité,
C.________ devait avoir conservé secrètement au moins une clef
ordinaire de
ce véhicule et une clef magnétique de l'antivol électronique, et
possédé une
clef du garage, pour pouvoir les remettre à la conductrice observée
par le
témoin. A l'appui du recours de droit public, C.________ fait valoir
qu'il
n'existe aucune preuve de sa possession de l'une ou l'autre de ces
clefs, ni
donc de toutes les trois, dans le laps de temps en cause.

3.1 En ce qui concerne la clef ordinaire des portières et du contact,
les
experts consultés par l'assurance ont envisagé seulement un mode de
reproduction mécanique des exemplaires soumis à leur examen. Sans
équivoque,
leur compte-rendu exclut toute copie de ce genre. Cependant, dans un
rapport
daté du 9 février 2000, les enquêteurs ont expliqué de façon
détaillée qu'il
est possible de se procurer des clefs supplémentaires de véhicules
Ferrari
sans reproduction des clefs d'origine, en indiquant seulement un
numéro reçu
avec celles-ci. C.________ avait reçu le numéro S0571. Ces clefs sont
disponibles auprès de diverses maisons établies en Italie, sans qu'il
soit
nécessaire de s'adresser au constructeur Ferrari. Par ailleurs, selon
des
indications que les enquêteurs ont obtenues auprès d'entreprises
spécialisées, il existe aussi un procédé de reproduction de clefs par
faisceau laser, sans contact d'un pointeur sur l'exemplaire à copier.
Au
regard de cette situation, le compte-rendu des experts n'exclut
aucunement
l'existence d'une quatrième clef du véhicule présentement concerné.
Interrogé le 10 janvier 2000 par les enquêteurs, l'exploitant de la
maison
qui a installé l'antivol électronique de ce véhicule a aussi fourni
des
explications. Il a déclaré que des clefs magnétiques vierges peuvent
être
achetées sans difficulté auprès du fournisseur Bosch, et que le mode
d'emploi
de la clef maîtresse permettant de programmer ces clefs vierges est
fourni au
client sur simple demande. Lors de son audition du 7 mars suivant,
C.________
n'a pas contesté avoir reçu ce mode d'emploi par l'intermédiaire de
l'agent
Ferrari, après qu'il avait insisté pour l'obtenir; il a seulement
déclaré ne
pas s'en souvenir. Ainsi, il est permis de supposer qu'il a créé
lui-même une
clef magnétique supplémentaire.
Le locataire du garage dissimulait sa réelle identité. Il a indiqué
deux
adresses, à Zurich et Yverdon, et demandé l'envoi des clefs par la
poste.
L'enquête n'a pas permis de déterminer comment il a agi pour recevoir
divers
envois, en particulier celui des clefs, sans disposer d'une boîte aux
lettres
au lieu de destination. Il est toutefois constant qu'il a reçu le
bail,
également par la poste, puisqu'il en a renvoyé un exemplaire; il lui
était
donc aussi possible de recevoir les clefs. Par ailleurs, rien
n'exclut que ce
locataire fût C.________.

3.2 Ces hypothèses relatives aux clefs ne constituent certes pas des
preuves
à l'appui de l'accusation; il en ressort seulement que les obscurités
ou
incertitudes mises en évidence par le recourant, à leur sujet, ne
suffisent
pas à susciter un doute sérieux quant à sa culpabilité. Celle-ci est
établie
surtout par l'empreinte digitale trouvée sur le bail du garage, qui
permet de
lui imputer la possession de ce local et du véhicule qui s'y
trouvait. On a
envisagé que le recourant ait apposé cette empreinte lorsque les
enquêteurs
lui ont présenté le bail et les autres documents remis par la
gérance. Le
Juge d'instruction a entendu ces agents en qualité de témoins, le 22
juin
2001, à propos de cette éventualité; ils ont déclaré que le document
original, reçu de la police bernoise le 21 juillet 1999, a été
transmis sans
délai au service d'identification judiciaire qui l'a ensuite
conservé; ils
ont eux-mêmes usé de copies lors des interrogatoires du prévenu. Ils
ont
aussi expliqué pourquoi, dans un de leurs premiers rapports, ils ont
indiqué
que le document ne présentait aucune trace exploitable. Dans ces
conditions,
l'empreinte constitue une preuve concluante et indiscutable.
Par ailleurs, un indice pertinent de culpabilité consiste dans
l'absence de
toute effraction ou intervention sur le contact et les antivols du
véhicule,
alors qu'en raison de la configuration de l'emplacement où celui-ci a
prétendument disparu, selon des constatations de l'assurance que le
recourant
n'a pas sérieusement mises en doute, il était impossible au voleur
supposé
d'emmener l'engin autrement qu'en le conduisant. On peut ainsi
valablement
retenir que la déclaration de vol était mensongère.

3.3 Le verdict relatif à la tentative d'escroquerie et à l'induction
de la
justice en erreur échappe ainsi aux griefs que le recourant prétend
tirer des
art. 9 et 32 al. 1 Cst. Sur ce chef de la contestation, le recours de
droit
public se révèle mal fondé et doit être rejeté.

4.
Le recourant conteste s'être présenté en qualité de juriste à la
cliente qui
le consultait. Il se borne cependant à opposer sa propre version des
faits à
celle retenue par le Tribunal correctionnel sur la base des
déclarations de
la plaignante; il réclame le bénéfice du doute mais s'abstient de
préciser
pourquoi ces déclarations devraient être tenues pour sujettes à
caution.
Cette argumentation inconsistante ne répond pas aux exigences
précitées de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ. En tant que le recourant soutient que l'on
peut
légitimement se présenter comme juriste même sans être titulaire d'une
licence en droit, il dénonce une application prétendument incorrecte
de
l'art. 3 let. d LCD. Cet argument pouvait être soumis au Tribunal
fédéral par
la voie du pourvoi en nullité pour violation du droit fédéral (art.
268 ch. 1
PPF); il est donc irrecevable par celle du recours de droit public
(art. 84
al. 2 OJ).

5.
A titre de partie qui succombe, le recourant doit acquitter
l'émolument
judiciaire et les dépens à allouer à l'intimée qui obtient gain de
cause
(art. 156 et 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 3'000 fr.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 1'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Ministère public et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 8 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.342/2003
Date de la décision : 08/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-08;1p.342.2003 ?
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