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07/10/2003 | SUISSE | N°4C.153/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 octobre 2003, 4C.153/2003


{T 0/2}
4C.153/2003 /ech

Arrêt du 7 octobre 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jean
de Saugy, avocat, boulevard des Philosophes 9,
1205 Genève,

contre

Y.________ Ltd STI,
demanderesse et intimée, représentée par Me Nicolas Junod, avocat, rue
Charles-Bonnet 4, case postale 399, 1211 Genève 12.

reconnaissance d'un jugement étranger; LDIP
> (recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
genevoise du 11 avril 2003).

Faits:...

{T 0/2}
4C.153/2003 /ech

Arrêt du 7 octobre 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jean
de Saugy, avocat, boulevard des Philosophes 9,
1205 Genève,

contre

Y.________ Ltd STI,
demanderesse et intimée, représentée par Me Nicolas Junod, avocat, rue
Charles-Bonnet 4, case postale 399, 1211 Genève 12.

reconnaissance d'un jugement étranger; LDIP

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
genevoise du 11 avril 2003).

Faits:

A.
Le 1er janvier 1996, X.________ S.A. (ci-après: X.________), une
société
suisse, et Y.________ Ltd STI (ci-après Y.________), dont le siège
est à
Ankara, ont conclu un contrat de distribution. Selon cet accord,
X.________
concédait à Y.________ le droit exclusif de vendre en Turquie neuf
médicaments. Cette dernière devait acquérir chaque année une quantité
minimale de ces médicaments auprès de X.________. Y.________
supportait les
frais nécessaires à leur distribution, sa rémunération consistant
dans le
bénéfice qu'elle pouvait obtenir par leur revente; elle devait en
outre
s'efforcer d'augmenter les ventes en utilisant du matériel
publicitaire
fourni par X.________ et obtenir de l'autorité compétente les droits
d'enregistrement nécessaires. Les parties ont opté pour l'application
du
droit suisse et ont prévu une clause d'élection de for en faveur des
tribunaux ordinaires genevois.

Conclu pour une année, ce contrat était renouvelable d'année en
année, sauf
avis de résiliation donné au moins trois mois avant l'échéance. Il
pouvait
aussi être résilié de manière anticipée en cas de demande de faillite
ou de
violation de l'une ou l'autre de ses clauses, si la partie
défaillante n'y
avait pas remédié dans un délai de 30 jours. Après expiration du
contrat,
Y.________ ne pouvait prétendre à aucun dommage, indemnité ou
compensation du
fait de l'échéance.

Par courrier du 19 septembre 1997, X.________ a signifié à Y.________
la
résiliation du contrat de distribution au 31 décembre 1997, en
l'invitant à
lui restituer les droits d'enregistrement relatifs aux médicaments
objets de
l'accord et les demandes d'enregistrement pendantes, afin que les
autorités
sanitaires turques puissent assurer le transfert des droits
d'enregistrement
en faveur de sa nouvelle filiale turque.

Comme Y.________ a contesté avoir reçu cette résiliation, X.________
lui a
notifié une seconde résiliation avec effet immédiat, le 16 décembre
1997, en
invoquant le non-paiement de factures exigibles qui n'avaient pas été
acquittées dans un délai de 30 jours.

Le 22 décembre 1997, Y.________ et X.________ ont conclu un accord
selon
lequel Y.________ acceptait l'extinction du contrat de distribution
au 31
décembre 1997, s'engageait à transférer à X.________ les droits
d'enregistrement, ainsi que les demandes d'enregistrement en cours, à
lui
restituer son matériel publicitaire et à lui verser 149'600 USD. Elle
renonçait également à lui réclamer le paiement de divers montants et,
enfin,
elle reconnaissait devoir à X.________ 1'292'585 USD 68 et
316'852'010 LIT.
Celle-ci renonçait pour sa part au paiement de ces deux derniers
montants,
s'engageait à livrer gratuitement différents médicaments à Y.________
pendant
le premier trimestre 1998 et à annuler un séquestre obtenu à Genève
le 10
décembre 1997. Cet accord, soumis au droit suisse et à la juridiction
des
tribunaux genevois, n'a été que partiellement exécuté.

Le 23 décembre 1997, X.________ a fait notifier à Y.________ deux
poursuites
par voie de faillite portant sur 1'433'156 USD et 298'433'156 LIT,
montants
correspondant aux factures antérieures au 31 décembre 1997.
Y.________ a fait
opposition, en soutenant être créancière de X.________ en vertu de la
convention du 22 décembre 1997.

Le 14 janvier 1998, X.________ a requis du Tribunal de commerce
d'Ankara le
prononcé de la mainlevée des oppositions et le prononcé de la
faillite de
Y.________.

Y. ________ a, pour sa part, formé devant le juge turc une demande
reconventionnelle en paiement d'indemnités punitives.

Le 18 février 1998, X.________, faisant référence aux articles 29 à
31 CO, a
déclaré à Y.________ qu'elle invalidait la convention du 22 décembre
1997
avec effet rétroactif. Elle a réclamé le paiement des factures en
souffrance
et de celles relatives aux livraisons de médicaments effectuées en
janvier
1998.

Par jugement du 16 avril 1998, le Tribunal de commerce d'Ankara a
rejeté les
demandes de X.________. Considérant que le comportement de cette
dernière
était abusif, elle l'a condamnée à verser à Y.________ 40 % des sommes
réclamées. Pour déterminer si X.________ était titulaire des créances
qu'elle
faisait valoir par voie de poursuites, le tribunal a examiné la
portée de la
convention du 22 décembre 1997 et il a considéré qu'aucun élément ne
permettait d'en déduire que cet accord n'était pas valable.

A la suite d'un arrêt de la Cour de cassation d'Ankara du 24
septembre 1998
rendu sur recours de X.________, le Tribunal de commerce a confirmé,
le 25
mars 1999, son jugement du 16 avril 1998 s'agissant des demandes de
mise en
faillite et de mainlevée d'opposition formées par X.________ et a
rejeté la
demande reconventionnelle de Y.________ en paiement d'indemnités
punitives.
Ce jugement, non frappé de recours, est devenu définitif le 7
septembre 1999,
selon apostille de l'autorité compétente figurant sur la décision.

B.
Le 24 novembre 1999, Y.________ a déposé une demande en justice
auprès du
Tribunal de première instance de Genève, concluant au paiement par
X.________
de 2'219'593 fr. 20 avec intérêt. Selon Y.________, ce montant
correspondait
au manque à gagner subi en raison du refus de X.________ de lui
livrer des
médicaments gratuitement, conformément aux termes de la convention du
22
décembre 1997.

X. ________ a conclu au déboutement de Y.________ et, à titre
reconventionnel, elle lui a réclamé 1'422'156 USD et 298'631'975 LIT
avec
intérêt, montants qui avaient fait l'objet des poursuites du 23
décembre
1997, ainsi que 789'842 USD correspondant au manque à gagner de sa
filiale
turque en raison du refus de Y.________ de lui transférer les licences
d'exploitation. Par la suite, X.________ a encore réclamé, à titre
additionnel, 752'661 fr. avec intérêt en remboursement des
médicaments livrés
à Y.________ en janvier 1998.

En réponse à la demande reconventionnelle, Y.________ a soulevé
d'entrée de
cause une exception de chose jugée, en faisant valoir que les deux
premiers
montants réclamés faisaient déjà l'objet du jugement du 25 mars 1999
rendu
par le Tribunal de commerce d'Ankara.

Par jugement sur incident du 17 janvier 2002, le Tribunal de première
instance a admis l'exception de chose jugée en raison du jugement
rendu entre
les parties par le Tribunal de commerce d'Ankara et a déclaré
irrecevables
les conclusions tant reconventionnelles qu'additionnelles formées par
X.________.

Le 11 avril 2003, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise a
admis
très partiellement l'appel interjeté par X.________, dans la mesure
où elle a
déclaré recevables les conclusions additionnelles prises par cette
dernière à
l'encontre de Y.________. Elle a confirmé le jugement du 17 janvier
2002 pour
le surplus et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour
instruction et décision sur le fond.

C.
Contre l'arrêt du 11 avril 2003, X.________ (la défenderesse)
interjette un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de
frais et
dépens, à la réforme de l'arrêt attaqué en tant qu'il a confirmé le
jugement
du Tribunal de première instance et à l'admission de ses conclusions
prises
sur le plan cantonal tendant au déboutement de Y.________ de toutes
ses
conclusions sur incident de force de chose jugée. A titre
subsidiaire, elle
propose le renvoi du dossier à l'instance cantonale pour déterminer
les
circonstances exactes dans lesquelles la procédure devant le Tribunal
de
commerce d'Ankara s'est déroulée, en particulier si, et dans quelle
mesure,
l'appelante a pu faire entendre des témoins.

Y. ________ (la demanderesse) conclut à l'irrecevabilité du recours en
réforme, subsidiairement à son rejet dans la mesure de sa
recevabilité.

Statuant le 7 octobre 2003, la Cour de céans a rejeté le recours de
droit
public déposé parallèlement par X.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La décision attaquée confirme d'une part le jugement préjudiciel
de
première instance s'agissant de l'irrecevabilité des conclusions
reconventionnelles formées par la défenderesse en raison de
l'existence du
jugement rendu en Turquie le 25 mars 1999. D'autre part, elle admet la
recevabilité des conclusions additionnelles également prises par cette
partie, en renvoyant la cause à l'autorité inférieure pour
instruction et
décision sur le fond.

La jurisprudence considère qu'une décision qui rejette à titre
préjudiciel
une demande pour cause de litispendance est une décision finale (ATF
96 I 449
consid. 1). Par analogie, il en va de même si le rejet résulte de
l'admission
d'une exception de chose jugée, car celle-ci a pour résultat qu'il ne
sera
pas entré en matière sur la demande (cf. ATF 121 III 474 consid. 2 p.
477).
L'arrêt attaqué doit par conséquent être qualifié de décision
partielle, dès
lors qu'il a pour résultat de statuer définitivement sur une partie
des
prétentions en cause (ATF 129 III 25 consid. 1.1), en l'occurrence
sur la
demande reconventionnelle (cf. ATF 116 II 80 consid. 2b).

1.2 En vertu de l'art. 48 OJ, le recours en réforme n'est recevable
en règle
générale que contre les décisions finales. Les décisions partielles
ne sont
pas considérées comme des décisions finales au sens de cette
disposition, ni
d'ailleurs comme des décisions préjudicielles ou incidentes visées
aux art.
49 s. OJ (cf. ATF 127 I 92 consid. 1b p. 94; 124 III 406 consid. 1a).
Le
recours immédiat contre de telles sentences est soumis à un régime
particulier : une sentence partielle peut faire l'objet d'un recours
en
réforme au Tribunal fédéral sans attendre la décision finale, si son
objet
aurait pu donner lieu à un procès séparé et si la décision revêt un
caractère
préjudiciel pour les conclusions qui subsistent (ATF 129 III 25
consid. 1.1;
124 III 406 consid. 1a et les références citées). En l'occurrence,
une action
séparée en paiement portant sur les prétentions invoquées par la
recourante à
titre reconventionnel était concevable et la question soulevée est de
nature
à influencer la décision sur les autres prétentions invoquées, en
particulier
par la demanderesse, dès lors qu'elle implique de statuer sur la
validité de
la convention du 22 décembre 1997 sur laquelle cette dernière fonde
son
action.

Rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art.
48 al.
1 OJ) sur une contestation civile (cf. ATF 129 III 415 consid. 2.1,
301
consid. 1.2.2 et les références citées) dont la valeur litigieuse
dépasse
largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), la décision entreprise
peut
ainsi faire l'objet d'un recours en réforme.

Au surplus, le présent recours ayant été déposé en temps utile (art.
54 al. 1
OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), par la partie qui a été
déboutée de ses conclusions reconventionnelles, il convient d'entrer
en
matière.

La demanderesse ne peut donc être suivie, lorsque, dans sa réponse,
présentée
en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. b et 59
OJ), elle
conclut à titre principal à l'irrecevabilité du recours en réforme.

2.
La défenderesse reproche en premier lieu à la cour cantonale d'avoir
violé
l'art. 25 LDIP (RS 291) en admettant l'exception d'autorité de chose
jugée
soulevée par la demanderesse en raison de la décision rendue par les
autorités judiciaires d'Ankara le 25 mars 1999. En se fondant sur le
droit
turc, elle affirme en substance que la procédure qui s'était déroulée
à
Ankara avait un caractère sommaire et qu'elle n'empêchait nullement
l'introduction d'une action au fond auprès des tribunaux ordinaires
portant
sur le même objet.

2.1 Le principe de l'autorité de chose jugée interdit au juge de
connaître
d'une cause qui a déjà été définitivement tranchée; ce mécanisme, qui
exclut
définitivement la compétence du second juge saisi, vaut également sur
le plan
international, à condition que le jugement étranger puisse être
reconnu en
Suisse (ATF 127 III 279 consid. 2b p. 283; 114 II 183 consid. 2b p.
186).

En l'absence de convention internationale entre la Suisse et la
Turquie en la
matière, les conditions de la reconnaissance des décisions rendues à
Ankara
sont régies par les art. 25 ss LDIP. L'art 25 LDIP pose trois
exigences pour
qu'une décision étrangère puisse être reconnue en Suisse, à savoir la
compétence internationale du juge d'origine, le fait que la décision
étrangère n'est plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle est
définitive et l'absence de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP
(cf.
Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3e éd.
Bâle 2001,
art. 25 LDIP no 7 ss). La décision étrangère doit, par définition,
être
également revêtue
de la force de chose jugée matérielle, c'est-à-dire
qu'elle
doit déployer un effet contraignant pour les procédures futures (cf.
ATF 121
III 474 consid. 2; 119 II 89 consid. 2a p. 90).

2.2 Le grief de la défenderesse ne porte en réalité pas sur l'art. 25
LDIP,
mais concerne avant tout l'absence de force de chose jugée matérielle
des
décisions turques, puisqu'elle affirme que les questions tranchées par
celles-ci en procédure sommaire pourraient être revues dans le cadre
d'un
procès ordinaire au fond.

Cette affirmation va à l'encontre des constatations figurant dans
l'arrêt
attaqué. En effet, les juges cantonaux ont examiné, sous l'angle du
droit
turc, la nature de la procédure de levée de l'opposition en
application de
laquelle le jugement du 25 mars 1999 a été rendu et ils ont considéré,
suivant la doctrine majoritaire, qu'en ce qui concernait le fondement
de la
créance en poursuite, les parties pouvaient recourir aux mêmes
arguments et
moyens de preuve que dans une procédure ordinaire. Le jugement rendu
dans une
telle procédure empêchait ainsi le créancier débouté d'agir
judiciairement
pour faire valoir la même créance contre le même débiteur. Il
apparaît ainsi
qu'en vertu du droit turc, la défenderesse n'avait plus la possibilité
d'invoquer en justice, dans le cadre d'une procédure ordinaire, les
droits
qui avaient fait l'objet de la procédure précitée.

Les critiques de la défenderesse à cet égard sont donc infondées. Au
demeurant, on peut même se demander si elles sont recevables, dès lors
qu'elles sont essentiellement dirigées contre l'interprétation du
droit turc
à laquelle s'est livrée la cour cantonale. Or, dans les contestations
qui,
comme en l'espèce, portent sur un droit de nature pécuniaire, il
n'est pas
possible, dans le cadre d'un recours en réforme, de s'en prendre à la
manière
dont la décision attaquée applique le droit étranger (art. 43a al. 2
OJ a
contrario; ATF 129 III 295 consid. 2.2; 126 III 492 consid. 3a; 119
II 177
consid. 3e p. 182).

3.
Dans un deuxième grief, la défenderesse soutient qu'en admettant
l'autorité
de la chose jugée des décisions turques, la cour cantonale a violé
l'art. 27
al. 2 let. b LDIP, car elle n'a pas eu la possibilité de faire
entendre des
témoins dans le cadre de cette procédure.

3.1 L'art. 27 al. 2 LDIP a trait à l'ordre public suisse procédural
(Dutoit,
op. cit., art. 27 LDIP no 6; Bucher/Bonomi, Droit international
privé, Bâle
2001, p. 70 no 279). Selon la lettre b de cette disposition, la
reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée en Suisse
si une
partie établit que la décision a été rendue en violation de principes
fondamentaux ressortissant à la conception suisse du droit de
procédure,
notamment que ladite partie n'a pas eu la possibilité de faire valoir
ses
moyens. Il appartient à la partie qui s'oppose à la reconnaissance
d'alléguer
et d'établir que la procédure suivie à l'étranger a méconnu les
principes
fondamentaux respectés par l'ordre juridique suisse (ATF 118 II 188
consid.
3b p. 192; 116 II 625 consid. 4b p. 630). L'art. 27 al. 2 let. b LDIP
doit
être interprété de manière restrictive (cf. ATF 120 II 83 consid.
3a/cc p. 85
et les arrêts cités).

En ce qui concerne l'audition des témoins, l'ordre juridique suisse
permet au
juge de renoncer à entendre ceux-ci dans le cas où les faits à
prouver sont
dénués de pertinence ou si, en appréciant d'une manière non
arbitraire les
preuves déjà apportées, il parvient à la conclusion que les faits
pertinents
sont déjà établis et qu'un résultat même favorable au recourant de la
mesure
probatoire sollicitée ne pourrait plus modifier sa conviction (cf.
ATF 124 I
208 consid. 4a, V 90 consid. 5b p. 94; 122 II 464 consid. 4a).

3.2 En l'espèce, la défenderesse se contente d'affirmer qu'on lui a
refusé la
possibilité de faire entendre des témoins, mais elle n'allègue ni
n'établit
que les conditions permettant, sous l'angle de l'ordre juridique
suisse, aux
juges turcs de ne pas procéder à l'audition de témoins n'auraient pas
été
réalisées.

En outre, aucun élément figurant dans l'arrêt attaqué ne laisse
apparaître
que des principes fondamentaux de procédure reconnus dans l'ordre
juridique
suisse auraient été violés. La cour cantonale a elle-même refusé, sur
la base
d'une appréciation anticipée des preuves, une ouverture des enquêtes
concernant l'impossibilité invoquée par la défenderesse d'avoir pu
faire
entendre des témoins devant les tribunaux turcs. Dans la procédure sur
recours de droit public, la Cour de céans a considéré qu'un tel refus
n'était
ni arbitraire, ni contraire au droit d'être entendu. A l'appui de leur
argumentation, les juges cantonaux ont relevé qu'il ressortait
clairement des
jugements rendus en Turquie que les parties, représentées par des
avocats,
avaient comparu à la procédure, qu'elles avaient été en mesure de
faire
valoir leurs moyens de défense et obtenu les garanties de procédure
suffisantes, dont elles avaient fait usage, dès lors qu'elles avaient
recouru
auprès de la cour de cassation.

Dans un tel contexte, on ne saurait reprocher à la cour cantonale de
n'avoir
pas retenu de violation de l'ordre public procédural au sens de
l'art. 27 al.
2 let. b LDIP.

4.
En dernier lieu, la défenderesse fait grief à la cour cantonale
d'avoir
méconnu l'art. 8 CC en lui refusant de fournir la preuve du
non-respect de
ses droits fondamentaux de procédure devant les tribunaux turcs.

Une telle critique est d'emblée infondée dans la mesure où elle peut
être
considérée comme recevable. En effet, comme il l'a déjà été indiqué,
c'est à
la suite d'une appréciation anticipée des preuves que la cour
cantonale a
refusé de procéder aux enquêtes requises par la défenderesse. Or, il
n'y a
pas violation de l'art. 8 CC si une mesure probatoire est refusée
dans ces
circonstances (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 25; 127 III 520 consid.
2a). Ce
refus peut tout au plus être attaqué par la voie du recours de droit
public
fondé sur la violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., pour arbitraire
ou encore
pour violation du droit d'être entendu (ATF 114 II 289 consid. 2a p.
291; 109
II 26 consid. 3b p. 31), moyens dont a usé sans succès la
défenderesse.

Le recours doit par conséquent être rejeté.

5.
Les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui
succombe
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

3.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 6'000 fr.
à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
civile
de la Cour de justice genevoise.

Lausanne, le 7 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.153/2003
Date de la décision : 07/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-07;4c.153.2003 ?
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