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07/10/2003 | SUISSE | N°2P.200/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 octobre 2003, 2P.200/2003


{T 0/2}
2P.200/2003/sch

Arrêt du 7 octobre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Merkli et Berthoud, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

A. ________, recourant,
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat, avenue de Champel 24, case
postale
123, 1211 Genève 12,

contre

Département de justice, police et sécurité
du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 14,
case postale 3962, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Bla

nc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

art. 29 Cst. (suspension de la validité du certificat de capacité),

...

{T 0/2}
2P.200/2003/sch

Arrêt du 7 octobre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Merkli et Berthoud, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

A. ________, recourant,
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat, avenue de Champel 24, case
postale
123, 1211 Genève 12,

contre

Département de justice, police et sécurité
du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 14,
case postale 3962, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

art. 29 Cst. (suspension de la validité du certificat de capacité),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de
Genève du 10 juin 2003.

Faits:

A.
Par contrat de travail du 31 octobre 2001, A.________, titulaire du
certificat de capacité pour l'exploitation d'un établissement public,
a été
engagé par B.________, propriétaire du café-restaurant "X.________", à
Genève, en qualité de responsable de l'établissement. II a sollicité
le même
jour une autorisation d'exploitation, qui lui a été délivrée le 6
février
2002.

Entre le 3 octobre et le 14 novembre 2002, les inspecteurs du Service
cantonal des autorisations et patentes du canton de Genève (ci-après:
le
Service cantonal) ont procédé à quatorze contrôles dans
l'établissement en
question et n'y ont rencontré A.________ qu'à une seule reprise. Dans
le
cadre de cette enquête, ils ont entendu B.________ le 18 novembre
2002 et
A.________ le 2 décembre 2002. Par courrier du 2 décembre 2002,
A.________ a
requis du Service cantonal l'annulation avec effet immédiat de la
patente
d'exploitation du café-restaurant "X.________".

B.
Le 13 janvier 2003, le Département de justice, police et sécurité du
canton
de Genève (ci-après: le Département cantonal) a décidé de suspendre,
pour une
durée de douze mois, la validité du certificat de capacité de
A.________ et
de lui infliger une amende administrative de 4'000 fr. II lui a
reproché de
n'avoir pas exploité personnellement et effectivement le
café-restaurant
"X.________" et d'avoir servi de prête-nom à la propriétaire de
l'établissement.

Statuant sur le recours interjeté par A.________ contre la décision du
Département cantonal du 13 janvier 2003, le Tribunal administratif du
canton
de Genève l'a rejeté par arrêt du 10 juin 2003. II a confirmé les
griefs
formulés par l'autorité cantonale de première instance, après avoir
refusé
d'entendre un certain nombre de témoins dont l'audition avait été
requise.

C.
Agissant le 18 juillet 2003 par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'octroyer préalablement l'effet suspensif au recours, d'annuler
l'arrêt du
Tribunal administratif du 10 juin 2003 et de ren-

voyer la cause à cette autorité afin qu'elle statue dans le sens des
considérants. II invoque la violation du droit d'être entendu,
garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst.

Le Tribunal administratif persiste dans les termes et considérants de
son
arrêt et renonce à formuler des observations. Le Département cantonal
conclut
au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des
recours qui lui sont sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174, 185
consid.
1 p. 188; 129 II 225 consid. 1 p. 227 et les arrêts cités).

1.2 Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du
recours de
droit public et qui touche le recourant dans ses intérêts
juridiquement
protégés, le présent recours est en principe recevable au regard des
art. 84
ss OJ.

2.
Selon l'art. 5 al. 1 de la loi genevoise du 17 décembre 1987 sur la
restauration, le débit de boissons et l'hébergement; (ci-après:
LRDBH),
l'autorisation d'exploiter un établissement public est notamment
subordonnée
à la condition que le requérant soit titulaire du certificat de
capacité
attestant de son aptitude à gérer un établissement (lettre c) et
qu'il offre
toute garantie, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de
résidence
et de sa disponibilité, d'une exploitation personnelle et effective de
l'établissement (lettre e). D'après l'art. 12 LRDBH, il est interdit
au
titulaire d'un certificat de capacité de servir de prête-nom pour
l'exploitation d'un établissement. Conformément à l'art. 21 al. 1
LRDBH,
l'exploitant d'un café-restaurant doit gérer l'établissement de façon
personnelle et effective, ce qui suppose sa présence dans les locaux.
Indépendamment du nombre d'heures qu'il y consacre, l'exploitant doit
développer une véritable activité de tenancier, incluant de
nombreuses tâches
administratives et de direction. A teneur de l'art. 73 LRDBH, le
Département
cantonal peut prononcer la suspension, pour une durée de six à
vingt-quatre
mois, de la validité du certificat de capacité dont le
titulaire sert
de prête-nom pour

l'exploitation d'un établissement. Selon l'art. 74 al. 1 LRDBH, II
peut
cumulativement prononcer une amende administrative de 100 à 60'000
fr.

3.
Le recourant fait grief à l'autorité intimée d'avoir violé son droit
d'être
entendu en refusant d'entendre, en qualité de témoins, la
propriétaire du
café-restaurant "X.________", B.________, son mari et son fils. Ce
refus a
donc empêché l'audition contradictoire de B.________, par ailleurs
absente de
l'établissement en raison du cours de cafetier qu'elle suivait depuis
le 9
septembre 2002, circonstance excluant qu'elle ait pu fournir des
renseignements exacts sur l'intensité de la présence du recourant dans
l'établissement. Il n'a en outre pas permis de recueillir les
explications du
mari et du fils de l'intéressée, qui remplaçaient leur épouse et mère
pendant
ses heures de cours, pour déterminer avec exactitude le nombre
d'heures
réellement passées par le recourant dans l'établissement. Ainsi
l'existence
d'un cas de prête-nom ne pouvait pas avoir été établie à satisfaction.

3.1 La portée du droit d'être entendu et les modalités de sa mise en
application sont déterminées en premier lieu par les dispositions
cantonales
de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'application et
l'interprétation que sous l'angle restreint de l'arbitraire; dans
tous les
cas cependant, l'autorité cantonale doit respecter les garanties
minimales
déduites directement de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral
examine librement si elles ont été observées (ATF 127 III 193 consid.
3 p.
194; 125 1 257 consid. 3a et les arrêts cités). Le droit d'être
entendu est
une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation
doit
entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des
chances de
succès sur le fond (ATF 124 V 180 consid. 4a; 122 II 464 consid. 4a
et les
arrêts cités).

Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend
notamment
le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses
offres de
preuves pertinentes (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 III 576
consid. 2c p.
578). Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines
preuves
offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter
l'authenticité
n'est pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte
déjà de
constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la
conclusion que
ces preuves ne sont pas décisives pour la solution du litige, voire
qu'elles
ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire
ne viole
le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée
de la
pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi
procédé, est
entachée d'arbitraire (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417
consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211 et les arrêts cités,
241
consid. 2 p. 242; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 54
consid. 2b p.
56, 60 consid. 5a p. 70).

3.2
3.2.1Pour pouvoir gérer effectivement et personnellement un
café-restaurant,
son exploitant doit y consacrer le temps nécessaire et être présent
dans
l'établissement. L'enquête de prête-nom diligentée par le Service
cantonal a
révélé qu'à l'occasion des quatorze contrôles, effectués à
différentes heures
de la journée et de la soirée, le recourant n'était présent dans
l'établissement qu'à une seule reprise, soit le 9 octobre 2002. Cette
constatation, que nul témoignage n'aurait pu renverser, prouve que le
recourant, pendant la période considérée, se trouvait rarement dans
l'établissement. Lors d'un contrôle effectué le 24 septembre 2002 par
la
brigade des stupéfiants de la police judiciaire, seul le mari de la
propriétaire de l'établissement était présent au café-restaurant
"X.________". Entendue, celle-ci a expliqué qu'elle exploitait
l'établissement avec son mari et qu'en cas d'absence de sa part,
c'était lui
qui tenait le commerce. Au cours de son audition du 18 novembre 2002,
l'intéressée a expliqué que le recourant venait au café-restaurant en
moyenne
deux à trois fois par semaine, pour une durée approximative d'une
heure, et
qu'en outre, il y prenait généralement son repas de midi. Ces
explications
concordent avec celles fournies par le recourant lui-même. Lors de son
audition du 2 décembre 2002, il a déclaré qu'il était souvent dans
l'établissement entre 12 h. et 13 h., quelques fois le soir, pendant
quelques
heures. A l'évidence, les renseignements d'ordre général fournis par
B.________ ne concernaient pas seulement la période pendant laquelle
elle
suivait le cours de cafetier mais couvraient celle courant de
l'ouverture de
l'établissement à la date de son audition. L'objection du recourant
selon
laquelle B.________ ne pouvait pas se prononcer sur ses heures de
présence en
raison de ce cours est donc sans fondement. En outre, même pendant la
période
de cours, l'intéressée se chargeait de l'ouverture du café-restaurant
et se
trouvait sur place de 12 h. à 13 h. 50 environ et de 17 h. jusqu'à la
fermeture de l'établissement. Elle était donc en mesure d'apprécier
l'intensité de la présence du recourant.

D'autres constatations de fait permettent de corroborer les
déclarations de
B.________ et les conclusions du rapport d'enquête de prête-nom au
sujet de
la présence effective du recourant. C'est ainsi que le recourant ne
savait
pas qui était le serveur présent dans l'établissement le 9 octobre
2002, tout
comme ce serveur ignorait l'identité de l'exploitant autorisé. Lors
de son
audition du 2 décembre 2002, le recourant n'a pu indiquer ni le nom,
ni le
prénom du mari de la propriétaire de l'établissement. C.________
remplaçait
pourtant régulièrement sa femme pendant les absences de celle-ci. En
outre,
le recourant ignorait que le café-restaurant "X.________" avait fait
l'objet
de quatre rapports de renseignements pour fermeture tardive entre le
29 août
et le 22 octobre 2002.

Au vu de ces éléments (rapport d'enquête de prête-nom, déclarations
concordantes du recourant et de la propriétaire du café-restaurant,
ignorance
de la part du recourant de plusieurs circonstances liées à la marche
de
l'établissement), l'autorité intimée était fondée à considérer que les
constatations versées au dossier étaient suffisantes pour forger son
opinion
sur la présence effective du recourant, sans qu'il soit nécessaire
d'entendre
B.________, son mari et son fils. A cet égard, l'offre de preuve du
recourant
n'était pas pertinente.

3.2.2 La gestion effective et personnelle d'un établissement public
ne se
mesure pas seulement au nombre d'heures de présence, mais à
l'implication
concrète de l'exploitant dans sa direction. Le tenancier d'un
café-restaurant
doit notamment s'occuper personnellement de l'engagement des
collaborateurs,
de l'établissement des horaires de travail, de l'organisation des
remplacements, de la fixation des salaires, de l'achat des
marchandises, de
la détermination des prix et de la gestion financière (facturation,
caisse,
inventaire). Or dans le cas particulier, il est établi que seule
B.________
s'occupait de l'ensemble des tâches administratives et de gestion.
Comme elle
l'a expliqué, elle cumulait les fonctions de directrice, de
cuisinière et de
femme de ménage; elle était, pour reprendre son expression, "le
capitaine du
bateau" (cf. courrier de l'intéressée au Service cantonal du 21
décembre
2002). Et lorsqu'elle ne pouvait pas se charger de l'une ou l'autre
de ses
multiples tâches, c'est son mari, et non pas le recourant, qui
l'assumait. Au
demeurant, le recourant n'a jamais prétendu qu'il effectuait des
tâches de
gestion et de direction, sa participation se limitant à "donner
occasionnellement un coup de main" (audition du 2 décembre 2002). Au
cours de
l'inspection du 9 octobre 2002, il n'a d'ailleurs pas pu répondre à
l'invitation à présenter le livre du personnel et la patente pour la
vente au
comptoir des cigarettes; il ignorait où se trouvaient ces documents.

Le recourant n'avait aucune maîtrise effective de l'établissement et
il ne
pouvait pas ignorer qu'il contrevenait ainsi à l'autorisation
d'exploitation
qui lui avait été délivrée. Le chiffre 2 de ce document rappelle
expressément
que l'exploitant doit gérer l'établissement de façon personnelle et
effective
et que le prête-nom est strictement interdit. En outre, le recourant

avait
déjà été frappé, le 15 octobre 1999, d'une suspension de six mois de
la
validité de son certificat de capacité et d'une amende administrative
de
3'000 fr. pour avoir servi de prête-nom pour un autre café-restaurant.

En présence d'éléments aussi caractérisés de l'absence de maîtrise
effective
et personnelle de l'établissement, le Tribunal administratif était
fondé à
juger superflue l'audition de témoins destinée à démontrer que le
recourant
passait plus de temps dans l'établissement que ne l'avait déterminé le
Service cantonal. Le refus d'entendre des témoins était pleinement
justifié,
l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à
laquelle l'autorité intimée a procédé, n'étant entachée d'aucun
arbitraire.

Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu doit en
conséquence
être rejeté.

3.2.3 Pour le surplus, le recourant ne conteste pas - du moins pas de
manière
conforme aux exigences de motivation posées par l'art. 90 al. 1
lettre b OJ -
le résultat de la décision attaquée, soit les conclusions que le
Tribunal
administratif a justement tirées de l'état de fait qui, comme on
vient de le
voir, a été établi régulièrement, sans que le droit d'être entendu du
recourant ait été violé.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. L'arrêt au fond rend
sans
objet la demande d'effet suspensif. Succombant, le recourant doit
supporter
les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153 a OJ) et n'a pas
droit à
des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Département de justice, police et sécurité et au Tribunal
administratif de la
République et canton de Genève.

Lausanne, le 7 octobre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.200/2003
Date de la décision : 07/10/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-07;2p.200.2003 ?
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