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03/10/2003 | SUISSE | N°U.87/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 octobre 2003, U.87/03


{T 7}
U 87/03

Arrêt du 3 octobre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Gehring

La Bâloise Compagnie d'Assurances, Aeschengraben 21, 4051 Basel,
recourante,
représentée par Me Pierre-André Marmier, avocat, rue du Lion-d'Or 2,
1002
Lausanne,

contre

S.________, Givrins, intimé, représenté par Z.________

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 3 février 2003)

Faits:

A.


S. ________, né en 1943, travaille au service d'un établissement
bancaire. A
ce titre, il est assuré contre les accidents auprès d...

{T 7}
U 87/03

Arrêt du 3 octobre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Gehring

La Bâloise Compagnie d'Assurances, Aeschengraben 21, 4051 Basel,
recourante,
représentée par Me Pierre-André Marmier, avocat, rue du Lion-d'Or 2,
1002
Lausanne,

contre

S.________, Givrins, intimé, représenté par Z.________

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 3 février 2003)

Faits:

A.
S. ________, né en 1943, travaille au service d'un établissement
bancaire. A
ce titre, il est assuré contre les accidents auprès de la Bâloise,
Compagnie
d'Assurances (ci-après : Bâloise). Par déclaration d'accident datée
du 19
avril 2001, il a annoncé s'être cassé une dent après avoir mordu sur
un objet
dur, en mangeant une salade à son domicile, le 12 avril 2001. En
réponse à un
questionnaire complémentaire établi par la Bâloise, il a précisé que
ce plat
avait été composé de différents légumes et salades, que le dommage
n'avait
pas été causé par un aliment, qu'il s'agissait d'un objet dur, qu'il
n'avait
pas conservé ce dernier et qu'aucun témoin ne pouvait confirmer ces
déclarations.

Dans un avis du 19 avril 2001, le docteur A.________,
médecin-dentiste, a
indiqué que S.________ souffrait de contusions au niveau de trois
dents (22,
23, 24) et d'une fracture de racine de la canine supérieure gauche
(23). Par
courrier du 16 janvier 2002, il a précisé que la dent accidentée
était une
dent couronnée à tenon radiculaire solide et bien restaurée, laquelle
ne
présentait aucun affaiblissement préalable. Au vu de la fracture, il a
considéré que seul un élément étranger et «non constitutif de la
salade»
avait pu présenter une résistance suffisante pour causer un dommage de
l'importance de celui qui s'était produit.

Par décision datée du 14 mai 2001 confirmée sur opposition le 19 juin
suivant, la Bâloise a refusé la prise en charge des frais de
traitement
consécutifs, au motif que le dommage ne résultait pas d'un accident.

B.
Par jugement du 3 février 2003, le Tribunal des assurances du canton
de Vaud
a admis le recours formé par S.________ contre cette décision et
imputé les
frais de traitement litigieux à charge de la Bâloise.

C.
Cette dernière interjette recours de droit administratif contre ce
jugement
dont elle requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de la
décision litigieuse.

L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales en propose l'admission.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à des prestations de
l'assurance-accidents ensuite de lésions dentaires.

2.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA)
du 6
octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 19
juin 2001
(ATF 127 V 467 consid. 1; 121 V 366 consid. 1b).

3.
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et
involontaire,
portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui
compromet
la santé physique ou mentale (art. 2 al. 2 LAMal; art. 9 al. 1 OLAA;
ATF 122
V 232 consid. 1 et les références).

Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur
extérieur,
mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le
facteur
extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou
inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et
des
situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou
d'habituels (ATF 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que
les
références).

4.
En l'espèce, les premiers juges ont retenu que l'intimé avait été
victime
d'un accident en mordant sur un objet dur alors qu'il mangeait une
salade
mêlée à son domicile le 12 avril 2001, la présence d'un tel corps
dans un
plat de ce genre devant, à leur sens, être considérée comme une cause
extérieure extraordinaire. La recourante conteste le caractère
extraordinaire
du facteur extérieur, estimant que l'intimé n'a pas démontré au degré
de
vraisemblance prépondérante que l'objet dur sur lequel il avait mordu
constituait un corps étranger aux ingrédients susceptibles de figurer
dans la
composition d'une salade mêlée.

5.
Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est
régie par
le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la
cause
doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est
pas
absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de
collaborer à
l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier
l'obligation des
parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement
exigé
d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits
invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les
conséquences
de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références).

Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou
le juge
ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont
convaincus de
sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., Berne
1984, p.
136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 278 ch. 5). Dans
le
domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf
dispositions
contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de
manière
irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire
qui
présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc
pas
qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse
possible.
Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge
doit, le
cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF
126 V
360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi
n'existe-t-il
pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel
l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur
de
l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.
6.1En l'occurrence, l'intimé allègue avoir subi des lésions dentaires
après
avoir mordu sur un objet dur, en mangeant une salade mêlée. En
réponse au
questionnaire complémentaire établi par la recourante, il précise que
le plat
avait été composé de différents légumes et salades, que le dommage
n'a pas
été causé par un aliment et il répète, sans plus ample détail, qu'il
s'agissait d'un «objet dur», qu'il n'avait pas conservé ce dernier et
qu'aucun témoin ne pouvait confirmer ses affirmations. Pour autant,
cette
description des circonstances dans lesquelles l'intimé a subi des
lésions
dentaires ne démontre pas au degré de vraisemblance prépondérante
qu'il
aurait mordu sur un corps étranger aux ingrédients entrés dans la
composition
du plat en cause.

6.2 En effet, l'intimé n'indique pas quels légumes et salades ont été
utilisés, de sorte qu'il ne peut pas être exclu que des aliments
susceptibles
de contenir un noyau ou des éclats de coquilles, par exemple, aient
été
ajoutés dans le plat en question. Sur ce point, les déclarations de
l'intimé
ressortant de sa lettre du 15 juillet 2001 ne constituent pas une
énumération
exhaustive des ingrédients de la salade. Dans ce courrier, l'intimé
expose
qu'il est «... impossible que l'objet dur ait été un morceau de la
dent,
parce que la dent n'était pas cassée et la racine cassée restante
dans la
gencive n'avait été extraite qu'une semaine plus tard par le docteur
A.________. Je peux également vous assurer que l'objet dur n'était ni
une
feuille de salade, ni une rondelle de concombre, ni un morceau de
tomate, ni
une goutte d'huile ou de vinaigre.....». Le caractère caustique de ces
déclarations n'en font pas une description fiable susceptible d'étayer
l'hypothèse selon laquelle aucun aliment susceptible de contenir des
éléments
durs ne se serait trouvé dans la salade.

Par ailleurs, l'intimé n'a pas avalé l'objet dur sur lequel il a
mordu (cf.
son opposition du 9 juin 2001 à la décision du 14 mai 2001). Si,
comme il le
prétend dans cette opposition, il n'a pas conservé l'élément en cause
mais
que, sous l'effet de la panique, selon ses termes, il l'a jeté
immédiatement
après l'avoir mordu, sans même avoir pris le temps de l'examiner, on
voit mal
qu'il soit en mesure d'affirmer qu'il ne s'agissait pas d'un aliment
ou d'un
élément constitutif d'un aliment. A l'inverse, s'il est en mesure de
poser
une telle affirmation, c'est qu'il l'a examiné et devrait par
conséquent
pouvoir en donner une description plus détaillée que celle ressortant
du
dossier.

Au demeurant, il ne suffit pas d'affirmer avoir mordu sur un objet
dur et de
s'en être tenu à sa version initiale des faits au long de la
procédure pour
satisfaire au devoir de collaborer à l'instruction de la cause et
démontrer à
satisfaction de droit l'existence d'un facteur extérieur
extraordinaire
(arrêt M. du 27 juin 2002 [U 148/01]).

6.3 Compte tenu de l'imprécision des déclarations de l'intimé, il est
possible que le dommage se soit produit après qu'il eût mordu sur un
corps
étranger aux légumes et salades entrés dans la composition du plat.
Mais il
est tout aussi vraisemblable que l'élément en question en fît partie
intégrante. L'intimé n'a dès lors pas démontré au degré de
vraisemblance
prépondérante que l'objet dur sur lequel il avait mordu
constituait un
corps étranger aux ingrédients composant la salade en cause, soit un
facteur
extérieur extraordinaire. C'est donc à tort que les premiers juges
ont retenu
que l'intimé avait été victime d'un accident. Le recours se révèle par
conséquent bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud du 3 février 2003 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 3 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.87/03
Date de la décision : 03/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-03;u.87.03 ?
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