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01/10/2003 | SUISSE | N°4P.122/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 octobre 2003, 4P.122/2003


{T 0/2}
4P.122/2003 /ech

Arrêt du 1er octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Communauté des copropriétaires d'étages de la résidence X.________,
recourante, représentée par Me Robert Wuest, avocat, avenue
Général-Guisan
18, case postale 956,
3960 Sierre,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de
Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

Tribunal cantonal du

canton du Valais, Cour civile II, avenue
Mathieu-Schiner
1, 1950 Sion 2.

art. 9 Cst.; procédure civile; appréciation ...

{T 0/2}
4P.122/2003 /ech

Arrêt du 1er octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Communauté des copropriétaires d'étages de la résidence X.________,
recourante, représentée par Me Robert Wuest, avocat, avenue
Général-Guisan
18, case postale 956,
3960 Sierre,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de
Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, avenue
Mathieu-Schiner
1, 1950 Sion 2.

art. 9 Cst.; procédure civile; appréciation arbitraire des preuves

(recours de droit public contre le jugement de la Cour civile II du
Tribunal
cantonal valaisan du 15 avril 2003).

Faits:

A.
A. ________, née en 1941, a été engagée le 6 janvier 1991 comme
masseuse par
la société Hôtel Y.________ SA, à W.________. Elle travaillait à temps
partiel, essentiellement le week-end et parfois en semaine comme
remplaçante.
En outre, elle exerçait une activité de concierge et de gérante
d'immeuble.

Le 18 novembre 1995, vers 17h-17h30, A.________ est sortie de
l'immeuble
Y.________ par la porte du personnel, qui donne sur la place de parc
de
l'hôtel du même nom. Cette place était alors verglacée. En passant
devant les
fenêtres du bureau de l'hôtel, elle a glissé. Elle s'est rapidement
relevée
et a ressenti une gêne importante, une douleur vive au poignet droit
et une
douleur moindre au poignet gauche. Il n'y a pas eu de témoin de la
chute.
A.________ est directement rentrée chez elle, pensant qu'il
s'agissait d'une
simple foulure et que cela ne valait pas la peine de s'inquiéter,
puisqu'elle
allait prendre des vacances en décembre.

Le week-end suivant, A.________ a exécuté des massages. Elle a alors
ressenti
des douleurs et s'est soignée elle-même.

Au début du mois de décembre 1995, elle a consulté son médecin
traitant, qui
a estimé qu'il s'agissait d'une lésion du tendon. Le spécialiste
consulté le
7 décembre 1995 a diagnostiqué une entorse radiale MP du pouce droit
et des
épicondylalgies droites. Il a prescrit le port d'une attelle et un
arrêt de
travail du 7 au 31 décembre 1995. L'employeur de A.________ a annoncé
l'accident à son assureur LAA le 14 décembre 1995. Il a par la suite
licencié
cette employée pour fin avril 1996.

A. ________ a subi quatre interventions chirurgicales sur la main et
le pouce
droits, dont la dernière remonte au 4 février 2000. Elle a été jugée
médicalement incapable de travailler en tant que masseuse durant
plusieurs
mois entre 1996 et 2000.

B.
Le 7 avril 1972, la propriété par étages (ci-après PPE) résidence
X.________
a été constituée. La société Hôtel Y.________ SA a acquis des parts
représentant les 492/1000 de l'ensemble. Le solde des parts de PPE
appartient
à divers propriétaires privés. L'immeuble est ainsi composé d'une
partie
hôtel, d'une partie centre de cure et d'appartements.

Le 25 mai 1989, Hôtel Y.________ SA a remis à bail 50 de ses parts de
PPE à
la société Z.________ SA, pour les exploiter comme
hôtel-restaurant-bar-centre.

Depuis le 1er décembre 1989, la société Hôtel Y.________ SA
(successeur de la
société Z.________ SA) assure la conciergerie de l'immeuble. La
communauté
des copropriétaires de la résidence X.________ lui verse une
participation
mensuelle de 6'237 fr. pour ce service.

La place de parc sur laquelle A.________ a chuté appartient aux
parties
communes de cette PPE. Elle fait office de parking devant l'entrée de
l'hôtel.

C.
Le 17 mars 2000, A.________ a ouvert action contre la communauté des
copropriétaires d'étages de la résidence X.________ en concluant au
paiement
de 300'000 fr. au titre de perte de gain et de 20'000 fr. au titre de
réparation du tort moral, avec un intérêt à 5% l'an dès le 18
novembre 1995
sur ces deux montants.

Le 20 juillet 1998, la communauté des copropriétaires d'étages a
renoncé à
invoquer la prescription jusqu'au 31 décembre 1999.

Les parties ont convenu de limiter l'instruction, en vue d'un jugement
préjudiciel sur le fond, à la question de la légitimation passive et
au
principe de la responsabilité.

Par jugement du 15 avril 2003, la Cour civile II du Tribunal cantonal
valaisan a admis l'action préjudicielle et a jugé que la
responsabilité de la
communauté des copropriétaires d'étages de la résidence X.________
était
engagée en raison de l'accident dont avait été victime A.________ en
novembre
1995.

D.
La communauté des copropriétaires d'étages de la résidence X.________
forme
un recours de droit public au Tribunal fédéral contre ce jugement, en
concluant à son annulation. Elle a parallèlement interjeté un recours
en
réforme.

Invitée à déposer des observations, A.________ conclut au rejet du
recours
dans la mesure où il est recevable. La Cour civile se réfère, pour sa
part,
aux considérants de son jugement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert pour
violation
des droits constitutionnels des citoyens contre les décisions rendues
en
dernière instance cantonale (art. 84 al. 1 let. a et 86 al. 1 OJ). Il
n'est
toutefois recevable que si la prétendue violation ne peut être
soumise par
une action ou par un autre moyen de droit quelconque au Tribunal
fédéral ou à
une autre autorité fédérale (art. 84 al. 2 OJ). Lorsque la décision
attaquée
fait également l'objet d'un recours en réforme (art. 43 s. OJ) et que
ce
dernier est recevable, les griefs relatifs à l'application du droit
fédéral
sont irrecevables dans le cadre du recours de droit public.

1.2 La recourante, soit la communauté des copropriétaires d'étages,
peut, en
vertu de l'art. 712l al. 2 CC, actionner et être actionnée en
justice. Elle
est personnellement touchée par la décision attaquée, qui admet le
principe
de sa responsabilité de propriétaire d'ouvrage, et a un intérêt
personnel,
actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été
prise
en violation de ses droits constitutionnels. En conséquence, elle a
qualité
pour recourir (art. 88 OJ). Le recours a en outre été interjeté en
temps
utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 90
al. 1
OJ).

1.3 Les parties ont convenu en cours de procédure de limiter
l'instruction,
en vue d'un jugement préjudiciel sur le fond, au principe de la
responsabilité et de la légitimation passive. Le jugement attaqué
n'est donc
pas une décision finale, mais incidente.

Selon l'art. 87 al. 2 OJ, dans sa teneur en vigueur dès le 1er mars
2000, le
recours de droit public n'est recevable contre des décisions
préjudicielles
et incidentes autres que celles énoncées à l'alinéa 1er, que si ces
dernières
causent à l'intéressé un préjudice irréparable, par quoi la
jurisprudence
entend un dommage de nature juridique, qu'une décision finale même
favorable
au recourant ne serait pas apte à faire disparaître (ATF 127 I 92
consid. 1c
p. 94 et les références citées).
Cependant, lorsqu'une décision incidente fait simultanément l'objet
d'un
recours en réforme recevable selon l'art. 50 OJ, la jurisprudence a
renoncé à
l'exigence du dommage irréparable et a admis la recevabilité du
recours de
droit public (ATF 117 II 349 consid. 2; 108 Ia 203 consid. 1a et b).

En l'occurrence, il ressort de la procédure introduite parallèlement
par la
recourante devant le Tribunal fédéral que la voie du recours en
réforme
dirigé contre le jugement incident du 15 avril 2003 est ouverte en
application de l'art. 50 OJ (cf. arrêt du 1er octobre 2003 dans la
cause
4C.150/2003 opposant les parties consid. 1.1). Il en découle que,
conformément à la jurisprudence précitée, cette décision peut
également être
attaquée par la voie du recours de droit public, indépendamment de la
condition du dommage irréparable posée par l'art. 87 al. 2 OJ.

1.4 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1 et les
arrêts
cités).

Dans le cadre d'un recours de droit public pour arbitraire, le
Tribunal
fédéral doit se fonder sur les faits contenus dans la décision
attaquée et de
nouveaux allégués ne sont en principe pas admissibles, à moins que le
recourant ne démontre que l'autorité cantonale a retenu de manière
arbitraire
des constatations de fait inexactes ou incomplètes (ATF 118 Ia 20
consid.
5a).

2.
La recourante conteste tout d'abord avoir la légitimation passive
dans le
procès qui l'oppose à l'intimée. Elle ne nie pas être propriétaire de
l'immeuble en cause, mais estime qu'elle ne peut être tenue pour
responsable
au sens de l'art. 58 CO, puisqu'elle n'avait pas la maîtrise
effective de la
place de parc où s'est produit l'accident.

La légitimation active (ou qualité pour agir) et la légitimation
passive (ou
qualité pour défendre) sont des conditions de fond du droit exercé.
Elles
relèvent par conséquent du droit matériel fédéral (ATF 126 III 59
consid. 1a;
125 III 82 consid. 1a et l'arrêt cité).

Le recours en réforme étant en l'espèce ouvert, le grief relatif à la
légitimation passive est irrecevable dans le présent recours de droit
public
(cf. supra consid. 1.1).

3.
La recourante considère ensuite que la Cour civile a retenu des faits
partiellement inexacts et les a interprétés de manière choquante, en
violation de l'art. 9 Cst. Il s'agit notamment du lieu de la chute,
de sa
date, de la météo le jour de la chute, ainsi que des constatations
relatives
à l'entretien de la place de parc en général, et le jour de
l'accident en
particulier.

3.1 Le juge cantonal dispose d'un large pouvoir en matière
d'appréciation des
preuves; le Tribunal fédéral n'intervient que s'il a abusé ou s'il a
outrepassé celui-ci, versant ainsi dans l'arbitraire. Tel est le cas
si le
juge, sans raison sérieuse, omet de prendre en considération un
élément
important propre à modifier sa décision, s'il se fonde sur un moyen
manifestement inapte à apporter la preuve requise, s'il a, de manière
évidente, mal compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ou
encore si,
sur la base des éléments réunis, ses déductions sont insoutenables.
Le grief
tiré de l'appréciation arbitraire des preuves ne peut être pris en
considération que si son admission est de nature à modifier le sort du
litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une constatation de
fait
n'ayant aucune incidence sur l'application du droit (ATF 129 I 8
consid. 2.1;
127 I 38 consid. 2a).

3.2 S'agissant du lieu de la chute, la recourante affirme avoir
toujours
contesté que l'intimée ait glissé sur la place de parc située devant
les
fenêtres du bureau de l'hôtel. Elle rappelle qu'à une dizaine de
mètres de là
existe une route communale en pente et que rien au dossier ne
permettrait de
prouver que l'intimée a chuté sur la place de parc et non sur la
route. En
outre, il serait invraisemblable que personne n'ait remarqué cette
chute
depuis le bureau de l'hôtel. En tous les cas, les affirmations de
l'intimée
ne seraient pas crédibles, puisqu'elle a tardé à annoncer l'accident
et s'est
montrée confuse sur la date de cet événement.

La chute de l'intimée s'est déroulée sans témoin. Estimant les dires
de
celle-ci crédibles, la Cour civile a retenu sa description de
l'accident, à
savoir qu'elle avait glissé sur la place de parc devant l'entrée de
l'hôtel.
Le seul fait que l'intimée ait attendu d'avoir vu son médecin avant
d'annoncer son accident et qu'elle ait pu se tromper quant à la date
de
celui-ci, n'est pas de nature à rendre arbitraire l'appréciation de
ses
déclarations par l'autorité cantonale quant au lieu de la chute. Peu
importe
dès lors qu'il existe une route communale à proximité et que personne
n'ait
remarqué l'accident depuis le bureau de l'hôtel.

3.3 S'agissant de la date de l'accident, la recourante estime qu'il
était
arbitraire de retenir celle du samedi 18 novembre 1995. Après avoir
déclaré
qu'elle avait chuté le 18 novembre, l'intimée a affirmé, aux débats
préliminaires, que l'accident datait du 19 novembre et que les dates
antérieures figurant au dossier étaient fausses. Tous les témoins
ayant
indiqué la date du 18 novembre, la recourante en déduit que
l'accident a pu
se produire n'importe quand et que la date du 18 novembre n'est pas
établie.

Les contradictions de l'intimée n'ont pas échappé à la Cour civile.
En effet,
constatant que l'ensemble des rapports, déclarations et pièces
faisaient
référence à la date du 18 novembre, elle a écarté la date du 19
novembre
citée par l'intimée lors de son interrogatoire. On ne voit là rien
d'arbitraire.

3.4 En ce qui concerne la météo le jour de l'accident, soit le 18
novembre
1995, la Cour civile a retenu que la place de parc était verglacée
ou, plus
précisément, qu'elle était recouverte de résidus neigeux glacés et
que la
température était négative.

La recourante conteste cette appréciation en s'appuyant sur le
rapport de
MétéoSuisse (pièce 24 du dossier), qui indique des chutes de neige de
5 à 10
cm entre le 17 et le 18 novembre et une température supérieure à 0
degré. La
recourante en déduit qu'il ne pouvait y avoir de glace le 18 novembre,

d'autant plus que le personnel de l'hôtel avait déblayé la place.

Le relevé de MétéoSuisse pour les 17 et 18 novembre 1995 indique une
température moyenne de 0,1 degré C°, et précise que les
précipitations de 20
mm tombées entre le 17 à 7h et le 18 à 7h étaient d'abord de la
pluie, puis
en soirée de la pluie et de la neige mélangées, et enfin, dès le
matin du 18,
de la neige. A la fin de la matinée du 18 novembre, MétéoSuisse estime
qu'environ 5 à 10 cm de neige étaient tombés dans la région.

Au vu de la température moyenne de 0,1 degré C° indiquée dans le
relevé, de
l'évolution des précipitations de pluie en neige et des différentes
déclarations au dossier, il n'était pas arbitraire de retenir que la
température était négative le 18 novembre vers 17h-17h30, et que, par
conséquent, la place de parc était verglacée.

3.5 La recourante soutient que la Cour civile est tombée dans
l'arbitraire en
retenant que le service d'entretien n'avait répandu ni sel ni gravier
sur la
place le 18 novembre 1995. En effet, il découlerait des déclarations
de MM.
B.________, C.________, D.________, E.________, F.________,
G.________ et
H.________ que la place était régulièrement et soigneusement
entretenue par
le personnel de l'hôtel. Du sel et du gravier y étaient déposés s'il
y avait
du verglas, en fonction des nécessités, plusieurs fois par jour.

Pour retenir le fait litigieux, la Cour civile s'est fondée sur les
témoignages de I.________, qui est aussi tombée sur cette place le
même jour,
de J.________, qui a déclaré que la place était régulièrement
verglacée en
hiver et qui avait chuté au même endroit en novembre 1995, de
B.________, qui
a relevé que lorsqu'il y avait de la neige, la place était verglacée
le soir
à partir de 17h-18h, que des clients de l'hôtel avaient glissé et que
l'on ne
mettait pas systématiquement du sel le soir par temps de gel, du Dr
C.________, qui a indiqué que la place était parfois gelée en hiver
et qui
était tombé une fois en se blessant, et, enfin, de K.________, qui a
constaté
que la place n'était pas très bien nettoyée en hiver et qu'il y avait
de la
glace.

La cour cantonale n'a pas ignoré les témoignages de D.________,
l'ancien
responsable de l'entretien de l'hôtel, qui a admis que la place était
souvent
glacée et qu'il étendait du sel vers 19h, de F.________, chef
concierge, qui
a indiqué que son équipe répandait du sel lorsque la place était
gelée, et de
E.________, directeur administratif de l'hôtel, qui a déclaré que la
place
était entretenue dès l'arrivée de la neige et que le personnel y
mettait
souvent du sel.

Pour déterminer si le service d'entretien de l'hôtel avait répandu du
sel ou
du sable sur la place le jour de l'accident, la Cour civile a
apprécié les
témoignages des usagers d'une part, et des personnes chargées
d'entretenir la
place d'autre part. En retenant que l'entretien défectueux de la place
n'était pas exceptionnel, qu'une autre personne y avait glissé le 18
novembre
et que l'on pouvait en déduire que le service d'entretien n'avait pas
répandu
de sel ni de sable ce jour-là, la Cour civile n'a pas apprécié les
témoignages de manière arbitraire.

La recourante estime encore qu'il était arbitraire de retenir la
présence de
résidus neigeux glacés en fin d'après-midi du 18 novembre. Compte
tenu du
rapport de MétéoSuisse indiquant des chutes de neige fraîche ainsi
qu'une
température positive, et du déblaiement de la place à l'aide de la
fraiseuse
durant 1 heure le matin, il ne pouvait subsister de résidus neigeux
et donc
de glace vers 17h-17h30.
La cour cantonale a retenu la description de la place donnée par
l'intimée.
Selon celle-ci, la place était recouverte de résidus neigeux glacés.
On ne
voit pas d'arbitraire à retenir cette hypothèse compte tenu des
chutes de
neige survenues en début de journée, même s'il a été prouvé que la
place
avait été déblayée le matin même.

4.
La recourante se plaint ensuite d'une violation de l'art. 8 CC, dans
la
mesure où cette disposition interdit au juge de considérer comme
établi un
fait pertinent allégué par une partie alors que ce fait n'a pas reçu
le
moindre commencement de preuve. En l'espèce, l'intimée n'aurait pas
établi le
lieu, le jour de sa chute et le manque d'entretien de la place. La
cour
cantonale serait donc tombée dans l'arbitraire.

La recourante invoque l'art. 8 CC, mais se plaint en réalité de
l'appréciation des preuves, qui n'est pas régie par cette disposition
(cf.
ATF 127 III 248 consid. 3a et les arrêts cités). Or, on vient de voir
que la
cour cantonale n'est pas tombée dans l'arbitraire en retenant que
l'intimée
était tombée, le 18 novembre 1995, sur la place de parc située devant
les
fenêtres du bureau de l'hôtel, qui était recouverte de résidus neigeux
glacés. Au demeurant, l'application de l'art. 8 CC relève du droit
fédéral et
ne peut donc être examinée dans le cadre d'un recours de droit public
(cf.
supra, consid. 1.1). Le grief est par conséquent irrecevable.

5.
La recourante estime que la Cour civile a appliqué arbitrairement
l'art. 58
CO, en retenant à sa charge la responsabilité du propriétaire
d'ouvrage.
D'une part, l'intimée aurait dû faire preuve de plus de prudence en
traversant la place de parc, d'autre part, les mesures d'entretien de
la
place étaient largement suffisantes.

Là encore, l'application de l'art. 58 CO relève du droit fédéral et
ne peut
être discutée dans le cadre d'un recours de droit public. Il ne
suffit pas, à
cet égard, d'invoquer une violation de l'art. 9 Cst. pour transformer
une
question de droit fédéral en question de droit constitutionnel (cf.
supra,
consid. 1.1). Le grief est donc également irrecevable.

6.
Il en va de même lorsque la recourante soutient que la prescription a
commencé à courir en octobre 1996, puisqu'à cette date, l'atteinte à
la santé
de l'intimée consistant en une entorse radiale du pouce droit était
parfaitement connue. La prescription n'aurait pas été interrompue
avant la
déclaration de la recourante le 20 juillet 1998, par laquelle elle a
renoncé
à invoquer la prescription, pour autant qu'elle ne soit pas déjà
acquise. Or
tel était le cas en juillet 1998.

Déterminer si l'action fondée sur l'art. 58 CO était ou non prescrite
lors de
l'introduction de la demande en justice le 17 mars 2000 est une
question
d'application du droit fédéral. Elle ne peut par conséquent être
discutée
dans le cadre du présent recours de droit public (cf. supra consid.
1.1).

7.
La recourante conteste l'existence d'un lien de causalité naturelle
entre la
chute de l'intimée et la lésion à son poignet. En effet, l'intimée a
d'abord
souffert de lésions du pouce, entièrement soignées en octobre 1996.
Ce ne
serait qu'en avril 1998 qu'un syndrome douloureux chronique des
poignets est
évoqué par un médecin. Or, rien au dossier ne permettrait de
comprendre
pourquoi la lésion du pouce serait devenue une lésion du poignet. Il
était
donc arbitraire de retenir un lien de causalité naturelle entre la
chute et
la lésion du poignet.

7.1 Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en
constitue
l'une des conditions sine qua non. La constatation du rapport de
causalité
naturelle relève du fait (ATF 129 V 177 consid. 3.1; 128 III 22
consid. 2d p.
25), à moins que l'autorité cantonale ne méconnaisse le concept même
de la
causalité naturelle.

7.2 Selon l'état de fait retenu par la cour cantonale, les médecins
ont, dans
un premier temps diagnostiqué, en décembre 1995, une entorse du pouce
droit.
En septembre 1996, le Dr Perrig a relevé une souffrance locale du
nerf médian
au poignet. De même, l'expert mandaté en 1998 par l'assureur-accident
a
constaté un syndrome douloureux chronique évolutif de nature
indéterminée à
la face radiale des pouces et poignets, prédominant à droite. La
dernière
intervention sur le pouce droit date du 4 février 2000.

Aucune autre chute ou accident n'est mentionné dans le jugement
attaqué. La
recourante ne prétend d'ailleurs pas que les douleurs aux poignets
seraient
dues à un autre événement traumatique ni que l'intimée en aurait déjà
souffert avant le 18 novembre 1995.

La description de l'accident et de l'évolution médicale de l'intimée,
telle
que retenue par la cour cantonale, permet de considérer sans
arbitraire que
la chute du 18 novembre 1995 est une condition sine qua non des
lésions au
pouce droit et des douleurs aux poignets ressenties par l'intimée.

8.
La recourante soutient enfin que la surcharge pondérale de l'intimée
(qui
pesait 95 kg pour 1,65 m.) a interrompu le lien de causalité
naturelle entre
la chute et les lésions constatées. En effet, une personne de
constitution
moyenne n'aurait jamais subi une lésion au pouce ou aux poignets en
faisant
une glissade telle que celle alléguée.

8.1 Comme il l'a été rappelé ci-dessus, un comportement ou un fait
est la
cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions
sine qua
non. Cela signifie qu'un fait peut se trouver en relation de causalité
naturelle avec un résultat donné, alors même que d'autres
circonstances ont
également contribué à la survenance de ce résultat. Il suffit que le
fait
considéré soit l'une des conditions sans lesquelles le résultat ne
serait pas
survenu.

8.2 En l'espèce, il n'est pas exclu que le poids de l'intimée ait eu
une
incidence sur la gravité des lésions. Cela n'a toutefois pas été
constaté.
Quoi qu'il en soit, cet élément n'aurait pas eu pour effet
d'interrompre le
rapport de causalité naturelle constaté entre le mauvais entretien de
la
place de parc, la chute de l'intimée et les lésions corporelles
subies.

9.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure
de sa
recevabilité. Il appartiendra à la recourante, qui succombe,
d'assumer les
frais judiciaires et les dépens de la procédure fédérale (art. 156
al. 1 et
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
civile II
du Tribunal cantonal valaisan.

Lausanne, le 1er octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.122/2003
Date de la décision : 01/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-01;4p.122.2003 ?
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