La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2003 | SUISSE | N°1P.470/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 octobre 2003, 1P.470/2003


{T 0/2}
1P.470/2003/col

Arrêt du 1er octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

S. ________, actuellement détenu à la prison de la Croisée, 1350 Orbe,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Bloch,
avocat, case postale 246, 1001 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Président de la Cour de ca

ssation pénale du Tribunal cantonal du
canton de
Vaud, route du Signal 8,
1014 Lausanne.

procédure pénale; ...

{T 0/2}
1P.470/2003/col

Arrêt du 1er octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

S. ________, actuellement détenu à la prison de la Croisée, 1350 Orbe,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Bloch,
avocat, case postale 246, 1001 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Président de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de
Vaud, route du Signal 8,
1014 Lausanne.

procédure pénale; demande de restitution d'un délai de recours,

recours de droit public contre l'arrêt du Président de la Cour de
cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 juillet 2003.

Faits:

A.
Au terme d'un jugement rendu par défaut le 11 mai 1999, le Tribunal
correctionnel du district de Lausanne a reconnu S.________ coupable de
contravention à la loi fédérale sur les toxiques, de contravention à
la loi
vaudoise sur le commerce des armes, munitions et explosifs et sur le
port et
la détention d'armes, d'infraction à la loi fédérale sur les
stupéfiants, de
mise en danger de la vie d'autrui et de violence ou menaces contre les
autorités et les fonctionnaires. Il l'a condamné à la peine de
dix-huit mois
d'emprisonnement et a ordonné son expulsion du territoire suisse pour
une
durée de dix ans.

S. ________ a été arrêté le 10 mai 2003 à la frontière franco-suisse
et placé
en détention préventive à la Prison de la Croisée, à Orbe, comme
prévenu de
rupture de ban, d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers et d'infraction grave à la loi fédérale
sur les
stupéfiants. Le 15 mai 2003, il a présenté une demande de relief du
jugement
par défaut du 11 mai 1999, que le Président du Tribunal
d'arrondissement de
Lausanne a déclarée irrecevable pour cause de tardiveté au terme d'un
prononcé rendu le 19 mai 2003 et notifié en mains propres à
l'intéressé le 21
mai 2003.
Le 30 juin 2003, S.________ a déposé une demande de restitution du
délai
imparti pour recourir à l'encontre de ce prononcé, que le Président
de la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après: le
Président de la Cour de cassation pénale) a rejetée par arrêt du 24
juillet
2003. Ce magistrat a refusé de voir un empêchement valable d'agir en
temps
utile dans l'ignorance du requérant des règles de la procédure
pénale, dans
les contraintes de sa détention et dans sa mauvaise maîtrise du
français,
relevant au surplus que la demande de restitution de délai n'avait
pas été
déposée dans les cinq jours suivant la fin de l'empêchement,
conformément à
l'art. 139 al. 1 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.).

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, S.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause au
Président de
la Cour de cassation pénale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Il reproche à ce magistrat d'avoir fait preuve
d'arbitraire et
d'un formalisme excessif en rejetant sa requête de restitution de
délai. Il
requiert l'assistance judiciaire.
Le Président de la Cour de cassation pénale se réfère aux
considérants de son
arrêt. Le Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Seul le recours de droit public est ouvert pour invoquer la violation
directe
d'un droit constitutionnel, tel que l'interdiction de l'arbitraire et
du
formalisme excessif découlant des art. 9 et 29 al. 1 Cst. (art. 84
al. 1 let.
a OJ; ATF 127 IV 215 consid. 2d p. 218). Le recourant est
personnellement et
directement touché par l'arrêt attaqué qui rejette sa demande de
restitution
du délai de recours contre un prononcé déclarant irrecevable sa
demande de
relief d'un jugement pénal rendu par défaut le condamnant à dix-huit
mois
d'emprisonnement et à son expulsion du territoire suisse pour une
durée de
dix ans; il a qualité pour agir selon l'art. 88 OJ. Les conclusions
qui vont
au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué sont irrecevables,
dès
lors qu'aucune des exceptions à la nature cassatoire du recours de
droit
public ne sont réunies (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132, 173
consid.
1.5 p. 176); sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matière sur
le
recours qui répond aux conditions des art. 86 al. 1, 89 al. 1 et 90
al. 1
let. b OJ, dans la mesure où le recourant s'en prend aux deux
motivations
principales et subsidiaires sur lesquelles s'est fondée la cour
cantonale
pour rejeter sa demande (cf. ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10).

2.
Le recourant reproche au Président de la Cour de cassation pénale
d'avoir
fait preuve d'arbitraire et d'un formalisme excessif en écartant sa
demande
de restitution de délai sous prétexte qu'elle aurait été présentée
hors
délai. Il prétend avoir démontré en temps utile par ses actes qu'il
entendait
recourir contre ce prononcé, même s'il ne s'est pas expressément
manifesté en
ce sens.

2.1 Selon la jurisprudence, il y a formalisme excessif, constitutif
d'un déni
de justice formel prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la stricte
application
des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de
protection,
devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la
réalisation du
droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux
tribunaux.
L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement
imposée
au justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction qui lui
est
attachée. Le Tribunal fédéral examine librement si l'on se trouve en
présence
d'une telle situation (ATF 128 II 139 consid. 2a p. 142; 127 I 31
consid.
2a/bb p. 34; 125 I 166 consid. 3a p. 168 et les références citées). Il
n'examine cependant que sous l'angle restreint de l'arbitraire
l'interprétation et l'application du droit cantonal déterminant (ATF
113 Ia
84 consid. 1 p. 87; 108 Ia 289 consid. 1 p. 290).
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou
un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance
que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation
d'un droit
certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée
soient
insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans
son
résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182,
273
consid. 2.1 p. 275 et les arrêts cités).

2.2 A teneur de l'art. 138 CPP vaud., la restitution d'un délai peut
être
obtenue si le requérant prouve qu'il a été empêché, sans sa faute,
d'agir en
temps utile. Selon l'art. 139 al. 1 CPP vaud., elle doit être
demandée dans
les cinq jours dès celui où l'empêchement a cessé.
La restitution de délai est donc expressément subordonnée en droit
cantonal à
l'impossibilité d'agir sans sa faute du requérant ou de son
mandataire (cf.
la jurisprudence cantonale citée par Benoît Bovay/ Michel
Dupuis/Laurent
Moreillon/Christophe Piguet, Procédure pénale vaudoise, code annoté,
Lausanne
1995, ch. 1 ad art. 138, p. 110). Par empêchement non fautif, il faut
entendre non seulement l'impossibilité objective, comme la force
majeure,
mais aussi l'impossibilité subjective due à des circonstances
personnelles ou
à une erreur excusables (cf. ATF 96 II 262 consid. 1a p. 265;
Jean-François
Poudret/Suzette Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation
judiciaire, vol. I, Berne 1990, n. 2.3 ad art. 35).

2.3 En l'occurrence, le Président de la Cour de cassation pénale a
estimé
qu'à réception du prononcé d'irrecevabilité, le recourant aurait pu
sauvegarder ses droits dans le délai légal en demandant la traduction
de son
contenu, s'il ne comprenait pas la langue française, puis en déposant
la
déclaration de recours non motivée requise, et qu'il ne pouvait ainsi
se
prévaloir d'un empêchement valable d'agir en temps utile, l'intéressé
ayant
démontré auparavant sa capacité d'agir vite en déposant rapidement une
demande de relief après s'être vu remettre le jugement par défaut.
Cette
décision échappe au grief d'arbitraire.
Le prononcé d'irrecevabilité rendu le 19 mai 2003 par le Président du
Tribunal d'arrondissement de Lausanne a été notifié en mains propres
au
recourant le 21 mai 2003. Ce dernier ne prétend nullement n'avoir pas
compris
le contenu et la portée de cette décision, malgré sa connaissance
imparfaite
de la langue française. Il ressort d'ailleurs du dossier de la cause
ayant
abouti au jugement par défaut du 11 mai 1999 que S.________ maîtrise
suffisamment le français pour s'exprimer dans cette langue et la
comprendre
sans interprète. On doit en déduire que celui-ci savait qu'il
disposait d'un
délai de cinq jours pour adresser une déclaration écrite de recours,
non
motivée, au greffe du Tribunal d'arrondissement de Lausanne,
conformément à
l'indication des voie et délai de recours figurant au pied de cette
décision.
S.________ savait par ailleurs que son précédent avocat n'entendait
pas
assurer sa défense dans le cadre de la nouvelle procédure pénale
ouverte
contre lui et qu'il ne pouvait compter sur lui pour agir. S'il
n'était pas
capable de rédiger lui-même une déclaration de recours en français,
rien ne
l'empêchait de le faire dans sa langue maternelle. Il s'était
d'ailleurs
adressé par écrit en albanais au Juge d'instruction dans le cadre de
la
procédure ayant abouti au jugement par défaut du 11 mai 1999 et il
avait
présenté sa demande de relief dans cette langue. Une telle déclaration
n'aurait pas pu être écartée sous prétexte qu'elle n'était pas
rédigée en
français conformément à l'art. 2a CPP vaud. En effet, selon la
jurisprudence
du Tribunal fédéral, l'autorité judiciaire qui reçoit dans le délai
légal un
acte de recours rédigé dans une autre langue que la langue officielle
de
procédure doit, si elle n'entend pas se contenter de ce document ou le
traduire elle-même, impartir à son auteur un délai supplémentaire
pour en
produire la traduction, même si le droit cantonal de procédure ne le
prévoit
pas expressément (ATF 106 Ia 299 consid. 2b/cc p. 306).
L'introduction de
l'art. 2a CPP vaud. n'avait d'ailleurs pas d'autre sens (cf. Bulletin
du
Grand Conseil, séance du 12 juin 1995, p. 677). La méconnaissance de
la
langue française ne constituait donc pas un empêchement non fautif
d'agir
dans le délai.
Le recourant, il est vrai, n'est pas resté totalement inactif
puisqu'il a
cherché à prendre contact avec son conseil actuel le jour suivant la
notification du prononcé d'irrecevabilité. Il ressort toutefois du
formulaire
ad hoc qu'il a demandé à pouvoir téléphoner à Me Jean-Pierre Bloch le
29 mai
2003, à 10h00, soit après l'échéance du délai de cinq jours fixé à
l'art. 139
al. 1 CPP vaud., de sorte qu'une décision positive n'aurait de toute
manière
pas permis au conseil actuel du recourant d'agir en temps utile.
Dans ces circonstances, le Président de la Cour de cassation pénale
n'a pas
fait preuve d'arbitraire en considérant que le recourant n'avait pas
été
empêché sans sa faute d'agir dans le délai. On observera au surplus
qu'en
date du 26 mai 2000, S.________ s'est vu désigner une avocate
d'office auprès
de qui il aurait pu obtenir les indications nécessaires pour agir dans
l'hypothèse où il n'aurait pas compris la teneur du prononcé
d'irrecevabilité; s'il n'était alors plus possible de déposer une
déclaration
de recours dans le délai de cinq jours, il aurait à tout le moins pu
présenter une demande de restitution du délai de recours avant le 30
juin
2000. De ce point de vue, l'arrêt attaqué résiste au grief
d'arbitraire
également dans sa motivation alternative. Certes, les conséquences
qui en
résultent pour le recourant peuvent paraître sévères s'agissant d'un
détenu
non assisté, ne maîtrisant qu'imparfaitement la langue française, et
qui peut
effectivement s'être trouvé désemparé à réception du prononcé
d'irrecevabilité; toutefois, de jurisprudence constante, l'application
stricte des règles sur les délais de recours ne relève pas d'un
formalisme
excessif, mais se justifie dans l'intérêt d'un bon fonctionnement de
la
justice et de la sécurité du droit (cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3 p. 5).

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il
convient
de faire droit à la demande d'assistance judiciaire présentée par
S.________
et de statuer sans frais. Me Jean-Pierre Bloch est désigné comme
avocat
d'office du recourant pour la présente procédure et une indemnité lui
sera
versée à titre d'honoraires (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me
Jean-Pierre
Bloch est désigné comme mandataire d'office et une indemnité de 1'200
fr. lui
est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal
fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent
arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
ainsi
qu'au Procureur général et au Président de la Cour de cassation
pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 1er octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.470/2003
Date de la décision : 01/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-01;1p.470.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award