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30/09/2003 | SUISSE | N°1P.375/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 septembre 2003, 1P.375/2003


{T 0/2}
1P.375/2003 /ajp

Arrêt du 30 septembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

X. ________ et Y.________,
recourants, représentés par Me Jacques Evéquoz, avocat, Route de Sion
3, 3960
Sierre,

contre

A.________ et B.________,
intimés, représentés par Me Frédéric Delessert, avocat, rue de
Lausanne 6,
1950 Sion 2,
Commune de Sion, 1950 Sion,
Conseil d

'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Pala...

{T 0/2}
1P.375/2003 /ajp

Arrêt du 30 septembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

X. ________ et Y.________,
recourants, représentés par Me Jacques Evéquoz, avocat, Route de Sion
3, 3960
Sierre,

contre

A.________ et B.________,
intimés, représentés par Me Frédéric Delessert, avocat, rue de
Lausanne 6,
1950 Sion 2,
Commune de Sion, 1950 Sion,
Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, av. Mathieu-Schiner 1,
1950 Sion 2.

Autorisation de construire, art. 19 LAT,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
du
Valais, Cour de droit public,
du 12 mai 2003.

Faits:

A.
Le 23 novembre 2001, la commune de Sion a mis à l'enquête une demande
d'autorisation de construire concernant une maison d'habitation sur la
parcelle n° 10377 du cadastre communal, propriété des époux
A.________ et
B.________. Sise en zone d'habitat individuel de plaine d'équipement
différé,
la parcelle est desservie, à l'est, par le chemin du K.________ qui
rejoint
au nord la route de L.________. Ce projet a fait l'objet d'une
opposition de
X.________ et Y.________, propriétaires des parcelles voisines n°
10390,
15870 et 15867; ils invoquaient le défaut d'équipement et d'accès: le
chemin
du K.________, qui traverse la parcelle n° 10390, n'était au bénéfice
d'aucune servitude de passage. Le 31 janvier 2002, le Conseil
municipal a
rejeté l'opposition, considérant que leurs auteurs n'avaient pas
qualité pour
agir. En outre, le chemin du K.________ était déjà utilisé par de
nombreux
riverains. La Municipalité, qui en avait financé le goudronnage en
1974, en
assurait le déneigement et avait posé des panneaux de signalisation.
La route
pouvait donc être considérée comme d'usage commun. La Municipalité en
envisageait l'acquisition dans le cadre du plan de structuration de
la zone
d'E.________. L'usage incontesté de l'accès depuis plus de trente ans
emportait prescription acquisitive de la servitude, et les opposants
paraissaient de mauvaise foi.

B.
Par décision du 11 décembre 2002, le Conseil d'Etat du canton du
Valais a
annulé l'autorisation de construire. Le tronçon de route traversant le
secteur est du quartier d'E.________ apparaissait ouvert à l'usage
commun: la
route avait été goudronnée sur une largeur de 3,3 m et une longueur
de 245 m,
et l'entretien était assuré par la municipalité; elle était utilisée
par des
tiers (promeneurs). Selon l'art. 25 de la loi cantonale sur les
routes (LR),
l'accès devait encore être construit et aménagé conformément aux
nécessités
du trafic et d'une manière appropriée à son classement. Selon le plan
de
structuration, frappé d'opposition et considéré dès lors comme un plan
directeur, la desserte du secteur devait être redimensionnée. La
route ne
disposait d'aucun trottoir ni d'aucune place d'évitement et une
inspection
locale avait permis de constater que le revêtement n'était plus en
très bon
état. L'accès était dès lors insuffisant pour ce quartier, d'environ
10'000
m2, en cours d'aménagement.

C.
Par arrêt du 12 mai 2003, la Cour de droit public du Tribunal cantonal
valaisan a admis le recours formé par les époux A.________ et
B.________, et
rétabli l'autorisation de construire. Le secteur était dépourvu de
relief, et
les bas-côtés non goudronnés de la route pouvaient servir au
croisement,
voire au parcage. Cela garantissait un accès non problématique aux
piétons,
ainsi qu'aux véhicules des particuliers et des services officiels,
même une
fois la zone entièrement construite.

D.
X.________ et Y.________ forment un recours de droit public, avec
demande
d'effet suspensif, contre ce dernier arrêt dont ils requièrent
l'annulation.
Ils demandent aussi que la cour cantonale soit invitée à procéder à
une
inspection locale avant de statuer à nouveau.

Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. Les époux A.________
et
B.________ concluent au rejet du recours. La Ville de Sion conclut au
rejet
du recours dans la mesure où il est recevable.
Par ordonnance présidentielle du 15 juillet 2003, l'effet suspensif a
été
accordé.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du
recours
de droit public (ATF 129 I 173 consid. 1).

1.1 En dehors des cas mentionnés à l'art. 34 al. 1 LAT, et lorsque ne
sont
pas invoquées d'autres dispositions du droit fédéral (en particulier
du droit
relatif à la protection de l'environnement), le recours de droit
public est
seul ouvert contre une autorisation de construire (art. 34 al. 3
LAT). Les
recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être
entendus, de la
garantie de la propriété, ainsi que d'une application arbitraire de
l'art. 19
LAT. Il y a lieu de s'interroger sur la recevabilité de ces griefs au
regard
de l'art. 88 OJ.

1.2 Selon cette disposition, le recours de droit public n'est ouvert
qu'à
celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels
et
juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder l'intérêt
général
ou de simples intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 126 I
43
consid. 1a p. 44, 81 consid. 3b p. 85; 125 II 440 consid. 1c et les
arrêts
cités). Le propriétaire voisin ne peut ainsi recourir contre une
autorisation
de construire que lorsqu'il invoque des normes qui tendent, au moins
dans une
certaine mesure, à la protection de ses propres intérêts (ATF 127 I 44
consid. 2c p. 46). Il doit en outre être touché par les effets
prétendument
illicites de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 121
I 267
consid. 2 p. 268 et les arrêts cités). Il ne peut se prévaloir des
principes
généraux de la planification et des clauses d'esthétique (ATF 118 Ia
232
consid. 1b p. 235; 112 Ia 88 consid. 1b p. 90), qui tendent
exclusivement à
préserver l'intérêt public.

En l'occurrence, invoquant notamment les principes découlant de
l'art. 19
LAT, les recourants soutiennent que la parcelle voisine ne
disposerait pas
d'un accès suffisant. Ainsi soulevé, le grief ne paraît pas servir
l'intérêt
des voisins, mais ceux des bénéficiaires de l'autorisation de
construire, les
recourants ne se plaignant notamment pas des nuisances dont ils
auraient
eux-mêmes à pâtir en raison de l'accroissement du trafic sur le
chemin du
K.________. Toutefois, ce chemin traverse la parcelle des recourants,
et
ceux-ci sont légitimés à se plaindre d'une violation de leur droit de
propriété. En tant que parties à la procédure cantonale, les
recourants ont
aussi qualité pour se plaindre d'une violation de leur droit d'être
entendus.
Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2.
Dans un grief d'ordre formel, les recourants reprochent à la cour
cantonale
d'avoir refusé une inspection locale, pourtant requise deux fois, et
d'avoir
ainsi méconnu que la visibilité sur le chemin est limitée par les
constructions existantes et un virage à angle droit, ce qui pourrait
poser un
problème de sécurité pour les usagers de la route. Seul le Conseil
d'Etat
s'était rendu sur place, ce qui l'avait d'ailleurs amené à admettre le
recours.

2.1 Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu permet au
justiciable de participer à la procédure probatoire en exigeant
l'administration des preuves déterminantes (ATF 126 I 15 consid.
2a/aa p. 16
et les arrêts cités). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments
pertinents pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de
renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le
fait
dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important
pour la
solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations
versées
au dossier, et lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne
sont pas
décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient
l'amener à
modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être
entendu
des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen
de
preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée
d'arbitraire
(ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430;
124 I 208
consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les
arrêts
cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 60 consid. 5a p.
70).

2.2 La cour cantonale a expressément écarté la demande d'inspection
locale,
s'estimant suffisamment renseignée par les plans et photographies
figurant au
dossier, ainsi que par les constatations de fait du Conseil d'Etat non
contestées par les parties. L'admission du recours cantonal est
essentiellement motivée par le fait que les bas-côtés de la route
permettent
le croisement des véhicules: l'affirmation selon laquelle les
véhicules
pouvaient être parqués sur les côtés sans entraver le trafic, n'avait
pas été
contestée. Partant du point de vue que l'art. 19 LAT impose un accès
suffisant et non une desserte optimale (point de vue dont le
bien-fondé est
examiné ci-dessous), la cour cantonale a estimé que le point
essentiel était
la possibilité de croiser, fait au demeurant non contesté. Elle
pouvait par
conséquent - pour autant que ces points lui aient dûment été signalés
par les
recourants - faire abstraction des difficultés liées à la visibilité.
Il n'y
a pas, par conséquent, de violation du droit d'être entendu.

3.
Les recourants soutiennent que l'accès actuel par le chemin du
K.________
serait insuffisant. Utilisé pour sortir les récoltes, il ne suffirait
pas
pour desservir un secteur constructible de 10'000 m2. La municipalité
en
était consciente puisque le plan de restructuration prévoyait une
amélioration de cette desserte. Il appartenait à l'autorité d'assurer
un
accès suffisant à tout le secteur avant de l'ouvrir à la construction.

3.1 Les recourants n'invoquent aucune disposition du droit cantonal
qui
fixerait les exigences - notamment de sécurité - à respecter pour un
chemin
d'accès tel que celui du K.________. Ils invoquent l'art. 19 LAT,
selon
lequel "un terrain est réputé équipé lorsqu'il est desservi d'une
manière
adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès". Dans cette
matière, le
droit fédéral se borne à énoncer des principes, l'art. 19 al. 1 LAT
visant en
premier lieu à assurer l'accès aux bâtiments par les utilisateurs et
les
services d'urgence tels qu'ambulances, services du feu ou voirie
(Jomini,
Commentaire LAT, n° 2, 14, 18 et 19 ad art. 19 LAT). Les circonstances
locales sont déterminantes, et il n'est pas exclu que, dans certains
cas, un
accès autre que routier soit considéré comme suffisant. La voie
d'accès doit
être suffisante pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle
dessert
(Jomini, op. cit., n° 20 ad art. 19 LAT).

3.2 Comme le relèvent les recourants, le chemin actuel est déjà
utilisé par
des véhicules agricoles, afin de sortir les récoltes. En dépit d'un
revêtement usagé et d'une largeur limitée à 3,3 m, le chemin est
adapté à la
circulation des véhicules, et les bas-côtés peuvent servir au
croisement.
Cela suffit au regard des exigences de l'art. 19 LAT. Les recourants
n'apportent aucun élément permettant de douter qu'une fois le secteur
entièrement construit, selon les règles de l'habitat dispersé et un
coefficient d'occupation réduit, le chemin pourrait accueillir le
trafic
supplémentaire. La seule réserve des recourants concerne
l'empiétement sur
leur parcelle - question à examiner en relation avec le grief relatif
à la
garantie de la propriété -, ainsi que l'existence d'un virage et de
constructions pouvant gêner la visibilité. Sur ce dernier point, le
respect
des règles habituelles de circulation (notamment l'adaptation de la
vitesse
aux conditions de visibilité, cf. art. 32 al. 1 LCR et 4 OCR) devrait
permettre une sécurité suffisante aux usagers. Il n'y a donc pas
d'arbitraire
à retenir, comme l'a fait la cour cantonale, que la parcelle n° 10377
dispose
en fait d'un accès suffisant, au regard des exigences minimales
posées par
l'art. 19 LAT.

4.
Les recourants invoquent enfin la garantie de la propriété. En
admettant la
possibilité d'empiéter sur les bas-côtés, la cour cantonale
autoriserait une
expropriation, sans verser la pleine indemnité prévue à l'art. 26 al.
2 Cst.
L'argument n'est guère compréhensible, car on ignore si les recourants
entendent ainsi exiger une indemnité (ce qui n'est pas l'objet de la
présente
cause), ou s'ils contestent l'existence d'une base légale, d'un
intérêt
public ou le respect du principe de la proportionnalité; le recours ne
satisfait, sur aucun de ces points, aux exigences de motivation
découlant de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Au demeurant, comme l'a relevé la cour
cantonale,
l'existence d'un accès juridiquement garanti, en particulier le
caractère
public du chemin, n'était plus contesté, les propriétaires concernés
ayant
admis au moins tacitement son affectation à l'usage commun. Cet accord
couvrait l'utilisation normale de la route, laquelle nécessite déjà, à
l'heure actuelle, des croisements sur les bas-côtés. Dès lors, même
si la
fréquentation du chemin est légèrement accrue, son mode d'utilisation
restera
le même, et les
recourants ne sauraient se plaindre d'une atteinte
supplémentaire à leur droit de propriété.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être
rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Un émolument judiciaire est mis à
la
charge des recourants (art. 156 al. 1 OJ), de même que l'indemnité de
dépens
allouée aux intimés A.________ et B.________ (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de 2000 fr. est allouée aux intimés A.________ et
B.________ à
titre de dépens, à la charge solidaire des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la Commune de
Sion,
au Conseil d'Etat du canton du Valais et au Tribunal cantonal du
canton du
Valais, Cour de droit public.

Lausanne, le 30 septembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.375/2003
Date de la décision : 30/09/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-30;1p.375.2003 ?
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