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30/09/2003 | SUISSE | N°1P.370/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 septembre 2003, 1P.370/2003


{T 0/2}
1P.370/2003/svc

Arrêt du 30 septembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Pascal Junod, avocat, rue de la
Rôtisserie 6,
case postale, 1211 Genève 3,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Yaël Hayat, avocate,
avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève,
Procureur général du canton de Genève,
plac

e du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case...

{T 0/2}
1P.370/2003/svc

Arrêt du 30 septembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Pascal Junod, avocat, rue de la
Rôtisserie 6,
case postale, 1211 Genève 3,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Yaël Hayat, avocate,
avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,
1211 Genève 3.

procédure pénale; restitution du délai de recours,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du
canton de
Genève du 16 mai 2003.

Faits:

A.
Par arrêt du 4 octobre 2000, la Cour correctionnelle avec jury du
canton de
Genève (ci-après: la Cour correctionnelle) a acquitté, au bénéfice du
doute,
B.________ de la prévention d'actes d'ordre sexuel avec des enfants
commis
sur O.________. Elle l'a en revanche reconnu coupable de ce chef pour
des
actes de même nature perpétrés à l'encontre de P.________ et l'a
condamné à
vingt-deux jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.
L'arrêt
motivé a été notifié aux parties le 9 octobre 2000.
Par déclaration écrite du 10 octobre 2000, complétée par un mémoire
déposé
par son mandataire le 24 novembre 2000, la mère de O.________,
A.________,
s'est pourvue en cassation contre cet arrêt auprès de la Cour de
cassation du
canton de Genève (ci-après: la Cour de cassation ou la cour
cantonale) en
invoquant l'arbitraire dans l'appréciation des preuves.
Au terme d'un arrêt rendu le 12 octobre 2001, la Cour de cassation a
annulé
l'arrêt de la Cour correctionnelle du 4 octobre 2000 et renvoyé la
cause à
cette autorité pour nouvelle décision. Elle a considéré que le délai
de cinq
jours pour se pourvoir en cassation selon l'art. 343 al. 1 du Code de
procédure pénale genevois courait depuis la notification de l'arrêt
motivé,
et non pas depuis son prononcé en audience publique, et que la
déclaration de
pourvoi avait été formée en temps utile; sur le fond, elle a admis
que le
doute éprouvé par le jury quant à la culpabilité du prévenu,
s'agissant des
infractions prétendument commises sur la jeune O.________, n'était pas
justifié et que son verdict devait être annulé.
Statuant le 7 mars 2002, le Tribunal fédéral a admis, au sens des
considérants, le recours de droit public formé par B.________ contre
cet
arrêt qu'il a annulé. Il a considéré en substance que la Cour de
cassation
avait interprété de manière arbitraire le droit cantonal de procédure
en
considérant que les parties étaient autorisées à se pourvoir en
cassation
dans les cinq jours suivant la notification de l'arrêt motivé de la
Cour
correctionnelle et en admettant que la déclaration de pourvoi,
déposée par
A.________ six jours après la communication orale du verdict, était
intervenue en temps utile. Il a renvoyé la cause à la cour cantonale
pour
qu'elle examine si la recevabilité du pourvoi déposé un jour après
l'échéance
du délai devait néanmoins être admise pour des raisons tirées de la
bonne
foi, compte tenu de l'état de santé de la partie civile et de
l'ignorance des
voie et délai de recours dans laquelle elle prétendait s'être trouvée.
Statuant par arrêt du 16 mai 2003, après avoir complété
l'instruction, la
Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi interjeté par
A.________
contre l'arrêt de la Cour correctionnelle avec jury du 4 octobre
2000. Elle a
tenu pour établi que, contrairement à ce qu'elle soutenait, la jeune
femme
avait été informée par son conseil le soir même de l'audience de la
teneur du
verdict et du délai pour se pourvoir en cassation. Elle a considéré
que les
avis médicaux du Docteur R.________, médecin traitant de A.________,
et de la
Doctoresse S.________, pédiatre auprès de l'établissement hospitalier

A.________ avait séjourné à plusieurs reprises, devaient être
appréciés avec
retenue et n'étaient pas suffisants pour emporter sa conviction que
la partie
civile n'était pas en mesure de recourir dans le délai de cinq jours
ou de
faire appel à un homme de loi dans le même délai en raison de son
état de
santé psychique.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à la
Cour de
cassation pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle
reproche
à la cour cantonale de s'être écartée de manière arbitraire des
déclarations
de son précédent conseil et de ses médecins, qui démontreraient
clairement
qu'elle se trouvait dans un état psychique l'empêchant de se
déterminer sur
un éventuel recours durant les cinq jours qui ont suivi la
communication
orale du verdict de la Cour correctionnelle, et en refusant de
considérer
comme excusable le retard de vingt-quatre heures pris pour déposer la
déclaration de pourvoi.
La Cour de cassation se réfère à son arrêt. Le Procureur général du
canton de
Genève s'en rapporte à justice. B.________ conclut principalement à
l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Il requiert
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de
droit
public en raison des griefs soulevés et qui touche la recourante dans
ses
intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard
des art.
84 ss OJ. La conclusion tendant au renvoi de la cause à la Cour de
cassation
pour nouvelle décision dans le sens des considérants est
superfétatoire (cf.
ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p. 354).

2.
La Cour de cassation s'est en tout point conformée à l'arrêt de
renvoi du
Tribunal fédéral du 7 mars 2002 en examinant si le non-respect du
délai de
cinq jours fixé à l'art. 343 al. 1 CPP gen. pour se pourvoir en
cassation
contre l'arrêt de la Cour correctionnelle du 4 octobre 2000 était
excusable
et s'il se justifiait d'entrer en matière pour des raisons tirées des
règles
de la bonne foi et de l'interdiction du formalisme excessif. Elle a
répondu à
ces questions par la négative en se fondant sur une motivation que la
recourante tient pour arbitraire et contraire aux témoignages
recueillis dans
le cadre du complément d'instruction.

2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme
ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance
que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation
d'un droit
certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée
soient
insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans
son
résultat, ce qu'il appartient à la recourante d'établir (ATF 129 I 8
consid.
2.1 p. 9; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275 et les
arrêts
cités).

2.2 En l'absence de disposition expresse concernant la restitution de
délai
en procédure pénale genevoise, la Cour de cassation s'est inspirée de
la
jurisprudence rendue en application de l'art. 35 al. 1 OJ, qui
subordonne la
restitution d'un délai à l'impossibilité d'agir sans sa faute du
requérant ou
de son mandataire. La recourante ne conteste pas ce mode de faire. Par
empêchement non fautif, il faut entendre non seulement l'impossibilité
objective, comme la force majeure, mais aussi l'impossibilité
subjective due
à des circonstances personnelles ou à une erreur excusables (cf. ATF
96 II
262 consid. 1a p. 265; Jean-François Poudret/Suzette Sandoz-Monod,
Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I,
Berne 1990,
n. 2.3 et n. 2.7 ad art. 35). La maladie peut constituer un tel
empêchement à
la condition qu'elle n'ait pas permis à l'intéressé non seulement
d'agir
personnellement dans le délai, mais encore de charger un tiers
d'accomplir
les actes de procédure nécessaires, en l'empêchant de ressentir la
nécessité
d'une représentation (ATF 119 II 86 consid. 2a p. 87; 114 II 181
consid. 2 p.
182; 112 V 255 consid. 2a p. 256 et les références citées). Dès que
l'intéressé est objectivement et subjectivement en état d'agir
lui-même ou de
mandater un tiers pour agir à sa place, l'empêchement cesse d'être
fautif
(ATF 119 II 86 consid. 2a p. 87; arrêt 1P.319/1998 du 8 février 1999,
consid.
2a reproduit à la RDAT 2000 n° 8 p. 33). Une éventuelle restitution
du délai
de recours doit être appréciée au regard de l'argumentation présentée
par le
requérant (ATF 119 II 86 consid. 2b p. 88 et les références citées).

2.3 En l'occurrence, la recourante avait déjà quitté la salle
d'audience
lorsque le Président de la Cour correctionnelle a informé les parties
des
voies de droit à leur disposition pour contester le prononcé. Son
conseil lui
a cependant téléphoné le soir-même pour lui rappeler la teneur du
verdict et
lui signaler qu'elle disposait d'un délai de cinq jours pour se
pourvoir en
cassation, en insistant sur la brièveté du délai pour recourir, dans
la
mesure où il n'entendait plus intervenir dans cette affaire à
l'avenir.
A.________ savait ainsi devoir agir dans les cinq jours suivant
l'audience
pour sauvegarder ses droits, même si elle ignorait les modalités
exactes du
recours.
La Cour de cassation a estimé que la recourante disposait de la
capacité de
discernement nécessaire pour se déterminer sur un éventuel recours et
agir
dans le délai de cinq jours personnellement ou par l'intermédiaire
d'un
tiers, malgré les avis divergents des Docteurs R.________ et
S.________. Elle
a vu un indice en ce sens dans le fait que la jeune femme a été en
mesure
d'organiser l'anniversaire de sa fille, le 8 octobre 2000, puis de
prendre
contact avec un avocat et de déposer une déclaration de pourvoi le
surlendemain, malgré l'état de stupeur et de stress post-traumatique
dans
lequel elle se trouvait jusqu'au 11 octobre 2000, selon son médecin
traitant.
La cour cantonale a par ailleurs considéré que les avis médicaux
devaient
être appréciés avec prudence en tant qu'ils se fondaient sur des
constatations faites après l'échéance du délai de recours et qui ne
permettaient pas d'exclure que le trouble constaté chez la recourante
fût la
conséquence de l'échéance du délai de recours plutôt que du verdict
d'acquittement. Elle a relevé en outre que le Docteur R.________
n'avait pas
mentionné dans ses notes de consultation du 11 octobre 2000 que la
recourante
se trouvait dans un état psychologique tel qu'elle était incapable de
prendre
une décision quant à un éventuel recours, mais qu'il en a fait état
pour la
première fois dans son certificat médical du 21 novembre 2000, rédigé
à la
demande de la jeune femme. Cette dernière se borne à mettre en
évidence les
déclarations des médecins qui établiraient son incapacité de prendre
la
décision de recourir ou de charger un tiers d'agir à sa place en
temps utile,
sans chercher à établir en quoi les motifs retenus pour s'en écarter
seraient
insoutenables. Il est douteux que le recours réponde aux exigences de
motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 128 I 273 consid. 2.1 p.
275/276). Peu importe en définitive, car l'arrêt attaqué échappe au
grief
d'arbitraire.
Si les Docteurs R.________ et S.________ s'accordent à reconnaître
que la
recourante était dans l'incapacité de prendre seule une décision
quant à un
éventuel recours les jours qui ont suivi le verdict, ils n'ont en
revanche
jamais expressément admis ou même laissé entendre que son état de
santé
psychique ne lui permettait pas de ressentir la nécessité de
s'adresser à un
avocat ou à une tierce personne durant les cinq jours suivant le
prononcé de
l'arrêt de la Cour correctionnelle. La Cour de cassation pouvait de
manière
soutenable voir un élément en faveur de cette thèse dans le fait que
la
recourante a consulté un autre avocat, puis rédigé une déclaration de
recours
malgré l'état stuporeux et de stress post-traumatique dans lequel
elle se
trouvait, même si, selon son médecin traitant, il s'agissait d'un
simple
moment d'adéquation.
Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas fait preuve
d'arbitraire en
admettant que la recourante n'avait pas établi s'être trouvée dans un
état
psychique qui l'aurait empêchée de déposer une déclaration de pourvoi
en
temps utile ou de mandater un avocat pour ce faire.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais de la recourante
qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Cette dernière versera en outre une
indemnité
de dépens à l'intimé qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un
avocat
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à l'intimé à titre de dépens,
à la
charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
ainsi
qu'au Procureur
général et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 30 septembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.370/2003
Date de la décision : 30/09/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-30;1p.370.2003 ?
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