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29/09/2003 | SUISSE | N°2A.282/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2003, 2A.282/2003


2A.282/2003/ZIR/elo
{T 0/2}

Arrêt du 29 septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Müller, Merkli et
Berthoud, Juge suppléant.
Greffier: M. Zimmermann.

N. X.________, recourante,
représentée par Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s, rue du
Moutier 50,
1337 Vallorbe,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

obligation de séjourner dans un centre d'enregistrement pour
requérants
d'asile,

recour

s de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 22 mai 2003.

Faits:

A.
...

2A.282/2003/ZIR/elo
{T 0/2}

Arrêt du 29 septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Müller, Merkli et
Berthoud, Juge suppléant.
Greffier: M. Zimmermann.

N. X.________, recourante,
représentée par Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s, rue du
Moutier 50,
1337 Vallorbe,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

obligation de séjourner dans un centre d'enregistrement pour
requérants
d'asile,

recours de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 22 mai 2003.

Faits:

A.
N. B.________, ressortissante algérienne née le 3 mars 1972, est
entrée en
Suisse le 28 septembre 2002, munie d'un visa touristique. Le 7
janvier 2003,
elle a épousé T.X.________, ressortissant irakien réfugié en Suisse,
auprès
duquel elle réside à Berne.

En vue de déposer une demande d'asile, N.X.________ s'est adressée,
les 23 et
27 janvier 2003, au Centre d'enregistrement des requérants d'asile de
Vallorbe (ci-après: le Centre) pour obtenir l'autorisation de
demeurer au
domicile conjugal pendant la procédure d'enregistrement. Le 27
janvier 2003,
l'Office fédéral des réfugiés (ci-après: l'Office fédéral) a rejeté
cette
requête.

N. X.________ s'est présentée au Centre le 28 janvier 2003. Elle y
est restée
jusqu'au 5 février 2003 le matin. Compte tenu du fait qu'elle a pu
regagner
son domicile les 1er et 2 février 2003, elle y est demeurée au total
pendant
six jours et sept nuits. Le 4 février 2003, l'Office fédéral l'a
attribuée au
canton de Berne.

Le 30 janvier 2003, N.X.________ a recouru auprès du Département
fédéral de
justice et police contre la décision du 27 janvier 2003.

Le 22 mai 2003, le Département fédéral a rejeté le recours dans la
mesure où
il était recevable. Il a considéré, en bref, que l'assignation de la
recourante au Centre pendant la période considérée n'avait pas
entraîné une
restriction excessive de sa liberté personnelle.

B.
Agissant le 4 juin 2003 par la voie du recours de droit administratif,
N.X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 22
mai
2003. Elle invoque les art. 10 Cst., 28, 80 et 81 LAsi, ainsi que le
principe
de la proportionnalité. Elle requiert l'assistance judiciaire.

Le Département fédéral propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1
p. 174,
185 consid. 1 p. 188; 129 II 225 consid. 1 p. 227, et les arrêts
cités).

1.1 Selon les art. 97 et 98 let. b OJ, mis en relation avec l'art. 5
PA, la
voie du recours de droit administratif est ouverte contre les
décisions des
départements du Conseil fédéral, pour autant qu'aucune des exceptions
prévues
aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée
(ATF
128 II 156 consid. 1b p. 158; 124 II 383 consid. 1 p. 384). Le litige
porte
sur l'obligation de séjourner dans un centre pour l'enregistrement de
la
demande d'asile et la durée admissible de ce séjour. Or, le contrôle
de la
liberté de mouvement des requérants d'asile dans les centres
d'enregistrement
n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 100 al 1 let. b OJ
et la
Commission suisse de recours en matière d'asile n'est pas davantage
compétente pour en connaître (ATF 128 II 156 consid. 1b p. 158). La
décision
du Département fédéral est ainsi attaquable par la voie du recours de
droit
administratif (art. 105 al. 4 LAsi; ATF 128 II 156 consid. 1b p. 158),
empruntée en l'occurrence.

1.2 L'art. 103 let. a OJ reconnaît la qualité pour agir à quiconque
est
atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection
à ce
qu'elle soit annulée ou modifiée (sur cette notion, cf. ATF 127 V 1
consid.
1b p. 3; 125 V 339 consid. 4a p. 342; 124 II 409 consid. 1e/bb p.
417/418,
499 consid. 3b p. 504, et les arrêts cités). En l'espèce, la
recourante a été
touchée directement dans sa liberté et ses droits par l'obligation de
séjourner dans le Centre. Elle dispose partant d'un intérêt à faire
annuler
la décision qu'elle attaque.

1.3 L'intérêt au recours doit être actuel et pratique (ATF 128 II 34
consid.
1b p. 36; 123 II 285 consid. 4 p. 286; 121 IV 345 consid. 1b p.
348/349, et
les arrêts cités). Il n'est fait exception à ce principe que lorsque
la
question litigieuse peut se poser à nouveau en tout temps et dans des
circonstances semblables ou qu'il existe un intérêt public important
de
résoudre la question de principe soulevée dans le recours (ATF 128 II
34
consid. 1b p. 36, 156 consid. 1c p. 159; 123 II 285 consid. 4c p.
287, et les
arrêts cités). La mesure que critique la recourante a cessé de
produire ses
effets le 5 février 2003. L'intérêt actuel fait ainsi défaut. Il
convient
cependant de tenir compte de ce que le séjour des requérants d'asile
dans les
centres d'enregistrement est généralement de courte durée. Le grief y
relatif
ne pourrait jamais être soumis au juge, s'il devait toujours être
actuel. Le
recours soulève de surcroît une question de principe que l'intérêt
public
commande de trancher. Il se justifie ainsi de déroger à la règle et
d'entrer
en matière.

2.
La recourante soutient que la décision attaquée heurterait l'art. 28
LAsi.

2.1 Aux termes de l'art. 26 LAsi, la Confédération crée des centres
d'enregistrement dont elle confie la gestion à l'Office fédéral (al.
1). Ces
centres servent à recueillir les données personnelles des requérants
(notamment les empreintes digitales et la photographie) et à les
interroger
sur les motifs qui les ont fait quitter leur pays, ainsi que sur
l'itinéraire
emprunté (al. 2). A teneur de l'art. 28 LAsi, l'Office fédéral peut
assigner
au requérant un lieu de séjour (al. 1) ou un logement, voire
l'héberger dans
un logement collectif (al. 2). Le requérant doit se tenir à la
disposition
des autorités pendant son séjour au centre d'enregistrement (art. 16
de
l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure, du 11 août 1999 -
OA 1;
RS 142.311), qu'il ne peut quitter qu'à des jours et heures précises,
après
avoir reçu une autorisation à cette fin (art. 8 de l'ordonnance
relative à
l'exploitation des centres d'enregistrement, du 14 mars 2001 - OCenr;
RS
142.311.23).

La recourante soutient que l'assignation dans un centre
d'enregistrement ne
serait pas obligatoire dans tous les cas - en particulier, pas dans
le sien.
Elle expose que l'art. 28 al. 1 LAsi est une norme potestative qui
confère à
l'Office fédéral la faculté, mais non l'obligation, d'assigner le
requérant
dans un centre d'enregistrement. Elle se prévaut en outre de l'arrêt
R.,
selon lequel les requérants sont obligés de résider dans les centres
d'enregistrement, en l'absence d'autres possibilités d'hébergement
(ATF 128
II 156 consid. 2a p. 160 in medio). Or, contrairement à la plupart des
requérants, elle est domiciliée auprès de son mari, qui réside
régulièrement
en Suisse. Cela justifiait à ses yeux de la dispenser de l'obligation
de
demeurer dans le Centre.

2.2 Les centres d'enregistrement ne sont pas de simples bureaux auprès
desquels les requérants peuvent s'annoncer et participer à des
auditions,
mais des lieux où ils sont pris en charge et hébergés pour la durée
de la
procédure initiale, sans même qu'une assignation au sens de l'art. 28
LAsi ne
soit nécessaire (ATF 128 II 156 consid. 2a p. 160). Il s'agit de
vérifier
l'identité du requérant et de procéder à un premier examen de ses
motifs,
avant de l'attribuer à un canton qui le prendra en charge pour la
suite de la
procédure (art. 27 LAsi). En général, le requérant ne connaît pas la
Suisse;
il est souvent démuni et livré à lui-même. Cela commande de le
rattacher à
une organisation structurée; il doit supporter les restrictions à sa
liberté
qui en découlent (ATF 128 II 156 consid. 3b p. 163/164). Le cas de la
recourante est sans doute particulier, car elle vivait déjà en Suisse
auprès
de son mari avant la présentation de sa demande d'asile. Cela ne
change
toutefois rien au fait qu'elle devait se soumettre à des mesures
d'identification et d'investigation qui commandaient sa présence
continue
dans le Centre (cf. art. 16 OA 1). La recourante préconise que les
requérants
qui, comme elle, disposent d'un domicile, soient dispensés de cette
obligation. Cette solution va à l'encontre du système légal. Elle
serait en
outre la source de complications, car elle imposerait à l'autorité de
vérifier que le domicile allégué est bien celui du requérant et de
s'assurer
que celui-ci restera effectivement à sa disposition.

Le grief doit être rejeté.

3.
La recourante se plaint de la durée de son séjour au Centre, qu'elle
tient
pour disproportionnée.

3.1 L'assignation dans un centre d'enregistrement entraîne une
restriction à
la liberté de mouvement garantie par l'art. 10 al. 2 Cst., ainsi que,
pour ce
qui concerne la recourante, une limitation de la vie familiale
garantie par
les art. 14 Cst. et 8 CEDH. Ces droits, invocables à l'appui du
recours de
droit administratif (ATF 126 V 252 consid. 1a p. 254; 125 II 1
consid. 2a p.
5, 508 consid. 3a p. 509, et les arrêts cités), ne peuvent être
restreints
que dans la mesure nécessaire pour atteindre le but visé (art. 36 al.
3
Cst.).
3.2 La durée du séjour dans les centres d'enregistrement n'est pas
fixée dans
la loi, car elle dépend des circonstances. Le législateur a envisagé
des
délais de traitement assez courts, de l'ordre de quelques jours,
voire de
quelques semaines au plus (cf. ATF 128 II 156 consid. 2c p. 161/162,
et les
références citées).

3.3 La recourante s'est présentée au Centre le 28 janvier 2003.
Identifiée,
puis entendue sur sa situation personnelle, le 31 janvier 2003, elle
a été
attribuée au canton de Berne le 4 février 2003. Elle a quitté le
Centre le
lendemain. Elle y a ainsi séjourné six jours et sept nuits, compte
tenu d'un
congé accordé pour les 1er et 2 février 2003. Cette durée est en
l'espèce
excessive. Le cas de la recourante ne présentait aucune difficulté
particulière. Les formalités accomplies auraient pu l'être en
l'espace d'une
journée, voire de deux jours au maximum, si l'on tient compte des
impératifs
d'organisation de l'administration. Si des investigations ou
vérifications
complémentaires à son audition du 31 janvier 2003 s'imposaient, les
responsables du Centre pouvaient l'atteindre sans difficulté à son
domicile
bernois ou s'adresser au mandataire présent sur place. Ils devaient
aussi
tenir compte de la particularité du cas de la recourante, femme mariée
résidant auprès de son époux, lui-même réfugié, fait qui pouvait
laisser à
penser que le principe de l'octroi de l'asile était déjà acquis au
regard de
l'art. 51 al. 1 LAsi. Pour le surplus, le Département fédéral ne fait
valoir
aucun motif, lié à la conduite de la procédure, qui aurait justifié
de garder
la recourante dans le Centre après le 31 janvier 2003. Au-delà de
cette date,
son assignation n'était plus compatible avec le principe de la
proportionnalité.

4.
Le recours doit être admis sur ce point, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner de surcroît les moyens tirés des art. 80 et 81 LAsi. Il
est statué
sans frais (art. 156 al. 2 OJ) et la recourante a droit à des dépens
(art.
159 al. 1 OJ). La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis partiellement et la décision attaquée annulée.

2.
Il est statué sans frais. Le Département fédéral versera à la
recourante une
indemnité de 800 fr. à titre de dépens.

3.
La demande d'assistance judiciaire est devenue sans objet.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au représentant de la
recourante et
au Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 29 septembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.282/2003
Date de la décision : 29/09/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-29;2a.282.2003 ?
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