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29/09/2003 | SUISSE | N°1P.430/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2003, 1P.430/2003


{T 0/2}
1P.430/2003 /col

Arrêt du 29 septembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Zimmermann.

S. ________,
recourant, représenté par Me K.________,
contre

H.________,
intimée, représentée par Me Olivier Couchepin, avocat, place Centrale
9, case
postale 244, 1920 Martigny,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Trib

unal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 et 32 Cst., art. 6 ...

{T 0/2}
1P.430/2003 /col

Arrêt du 29 septembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Zimmermann.

S. ________,
recourant, représenté par Me K.________,
contre

H.________,
intimée, représentée par Me Olivier Couchepin, avocat, place Centrale
9, case
postale 244, 1920 Martigny,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 et 32 Cst., art. 6 CEDH (condamnation aux frais de justice en
cas de
non-lieu),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 30 juin 2003.

Faits:

A.
H. ________ a été engagée par S.________ en qualité de secrétaire. Le
31 mai
1999, le contrat de travail a été résilié. Malgré cela, H.________ a
continué
d'effectuer des travaux de secrétariat et de comptabilité pour
S.________. En
avril et en mai 2000, elle a présenté une note pour ses honoraires.
Le 30 juin 2000, S.________ a critiqué la qualité du travail fourni,
en
expliquant avoir dû engager des frais pour réparer les erreurs
commises. Il
s'est refusé à payer le montant réclamé. Le 27 novembre 2000,
H.________ a
fait notifier à S.________ un commandement de payer.
Le 8 décembre 2000, l'avocat K.________, mandaté par S.________, a
écrit au
mandataire de H.________ en réservant une action en dommages-intérêts
à
raison de ses "agissements malhonnêtes".
S'estimant diffamée par ces propos, H.________ a déposé plainte
pénale contre
S.________ et K.________.
Dans le cadre du procès civil les opposant, H.________ et S.________
ont, le
8 novembre 2002, conclu une transaction qui a mis fin au litige, y
compris le
retrait de la plainte pénale.
Le 22 janvier 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne a
prononcé un non-lieu (ch. I du dispositif) et mis les frais à la
charge de
K.________, S.________ et H.________, à raison d'un montant de 320
fr. chacun
(ch. II du dispositif).
Contre cette décision, S.________ et K.________ ont recouru auprès du
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Le 30 juin 2003, celui-ci a admis le recours en tant qu'il était
formé par
K.________ et l'a rejeté en tant qu'il était formé par S.________. Il
a
réformé le ch. II du dispositif de la décision du 22 janvier 2003, en
mettant
les frais de la procédure pénale à la charge de S.________, de
H.________ et
de l'Etat, pour un montant de 320 fr. chacun. En bref, le Tribunal
d'accusation a mis K.________ au bénéfice de l'art. 32 CP. S.________
avait
porté atteinte à l'honneur de H.________, "d'une manière contraire au
droit
civil". Cela justifiait que les frais de la cause soient mis en
partie à sa
charge.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, S.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du 30 juin 2003 et de renvoyer
la
cause au Tribunal d'accusation pour nouvelle décision au sens des
considérants. Il invoque les art. 9 et 32 Cst., ainsi que l'art. 159
CPP/VD.
Le Tribunal d'accusation se réfère à sa décision. Le Ministère public
et
H.________ s'en remettent à justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public
n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129
consid.
1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176, et les arrêts cités). La
conclusion
tendant au renvoi de la cause pour nouvelle décision au sens des
considérations est partant irrecevable.

2.
Garantie par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, la présomption
d'innocence interdit de prendre une décision défavorable au prévenu
libéré en
laissant entendre que celui-ci est probablement coupable de
l'infraction qui
lui est reprochée. Pour que les frais puissent être mis à la charge du
prévenu libéré, il ne suffit pas qu'il se soit comporté dans la
procédure de
manière contraire à l'éthique. Il faut encore qu'il ait clairement
violé une
norme de comportement, écrite ou non écrite, résultant de l'ordre
juridique
suisse pris dans son ensemble - dans le sens d'une application par
analogie
des principes qui découlent de l'art. 41 CO - et qu'il ait ainsi
occasionné
la procédure pénale ou qu'il en ait entravé le cours; le comportement
fautif
doit être déterminant et se trouver en relation de causalité avec les
frais
imputés (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; 116 Ia 162). Le juge doit
se
référer aux principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF
116 Ia
162 consid. 2c p. 168) et fonder son prononcé sur des faits
incontestés ou
déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a in fine p. 374). Le
Tribunal fédéral examine avec une cognition pleine s'il ressort de
l'arrêt,
de manière directe ou indirecte, que le prévenu libéré est condamné
aux frais
parce qu'il est coupable; il examine pour le surplus sous l'angle
restreint
de l'arbitraire l'appréciation de l'autorité cantonale selon laquelle
le
comportement du prévenu libéré serait répréhensible du point de vue
civil ou
que ce comportement aurait provoqué la procédure pénale ou en aurait
entravé
le cours (ATF 116 Ia 162 consid. 2f p. 175).

3.
Le Tribunal d'accusation a retenu que S.________ a fourni à
K.________ les
éléments qui ont fait naître chez celui-ci des soupçons quant à la
probité de
H.________. Selon le Tribunal d'accusation, ces allégations étaient
de nature
à porter atteinte à la considération de H.________, en la faisant
apparaître
comme une personne malhonnête, partant méprisable, aux yeux de
K.________.
Ces motifs reposent sur une pure conjecture - le contenu des éléments
communiqués par le recourant à son défenseur - , et non sur des faits
incontestés et établis, comme l'exige la jurisprudence qui vient
d'être
rappelée. En outre, selon la décision attaquée, le recourant aurait
porté
atteinte à la considération de H.________ en la désignant comme une
personne
malhonnête et méprisable. Or, ces deux appréciations se rapportent à
des
éléments constitutifs objectifs de la diffamation au sens de l'art.
173 CP
(cf. Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne,
2002, n.
2 à 7 ad art. 173 CP; ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 28/29; 92 IV 92
consid. 4
p. 98). La décision attaquée reflète ainsi le présupposé que le
recourant a
diffamé H.________ auprès de K.________, lequel s'est simplement fait
l'écho
du fait répréhensible. Cela revient à tenir le recourant pour
coupable de
l'infraction, malgré le prononcé du non-lieu. La mise à charge d'une
partie
des frais de la procédure est inconciliable avec la présomption
d'innocence.

4.
Le recours doit être admis pour ce seul motif, sans qu'il soit
nécessaire
d'examiner de surcroît si le comportement attribué au recourant
portait
atteinte aux droits de la personnalité de H.________, au sens du
droit civil.
La décision attaquée doit être annulée. Il est statué sans frais
(art. 156
OJ). L'Etat de Vaud versera au recourant une indemnité pour ses
dépens (art.
159 OJ). Il n'y a pas lieu de mettre des dépens à la charge de
l'intimée
H.________, qui s'en est rapportée à justice.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure de sa recevabilité et la décision
attaquée annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'Etat de Vaud versera au recourant une indemnité de 2000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton
de Vaud.

Lausanne, le 29 septembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.430/2003
Date de la décision : 29/09/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-29;1p.430.2003 ?
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