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26/11/2002 | SUISSE | N°6S.383/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 novembre 2002, 6S.383/2002


{T 0/2}
6S.383/2002 /gnd

Arrêt du 26 novembre 2002
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schubarth, président de la Cour, Schneider, Kolly,
greffière Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Christian Dénériaz, avocat, rue Centrale
5, case
postale 3149, 1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne.

Crimes ou délits commis à l'étranger par un Suisse (art. 6 CP);
internement
(art. 42 CP

)

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 22 mars 2002.

Faits:...

{T 0/2}
6S.383/2002 /gnd

Arrêt du 26 novembre 2002
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schubarth, président de la Cour, Schneider, Kolly,
greffière Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Christian Dénériaz, avocat, rue Centrale
5, case
postale 3149, 1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne.

Crimes ou délits commis à l'étranger par un Suisse (art. 6 CP);
internement
(art. 42 CP)

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 22 mars 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 11 octobre 2001, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a libéré X.________ du chef d'accusation
de
pornographie et l'a condamné, pour actes d'ordre sexuel avec des
enfants
(art. 187 ch. 1 CP) et actes d'ordre sexuel commis sur une personne
incapable
de discernement ou de résistance (art. 191 CP), à la peine de 3 ans
et 4 mois
de réclusion, complémentaire à une autre, de 38 mois de réclusion,
prononcée
le 10 février 2000 par le Tribunal du cercle de Berne-Laupen, et
remplacé
l'exécution de cette peine par un internement au sens de l'art. 42 CP.

B.
Ce jugement retient, en résumé, ce qui suit.

B.a Né en 1960, X.________ a été condamné à quatre reprises entre le 8
juillet 1980 et le 18 mai 1989 pour de nombreux crimes ou délits
intentionnels, en raison desquels il a été privé de liberté pour une
durée
totale de 11 ans et 5 mois d'emprisonnement ou de réclusion.

Le 11 février 1994, environ deux mois après avoir bénéficié d'une
libération
conditionnelle avec délai d'épreuve de quatre ans, il est parti pour
la
Thaïlande, où il a séjourné jusqu'au début mai 1994. Dans ce pays, il
s'est
fixé à Pattaya, où il a fait la connaissance d'une famille
thaïlandaise,
composée du père, A. Y.________, de la mère, B.Y.________, et de
leurs trois
enfants, C.Y.________, née en 1987, D.Y.________, né en 1989, et
E.Y.________, née en 1991. Il s'est lié avec cette famille et s'est
installé
avec elle dans une maison qu'il avait louée à Pattaya, jusqu'à son
départ, au
début mai 1994, en raison de l'expiration de son visa. De retour en
Suisse,
il a fait venir la famille Y.________ à fin novembre 1994, lui payant
le
voyage et l'hébergeant dans son appartement de Lausanne puis dans un
chalet
qu'il avait loué à Leysin. Après avoir envisagé de partir pour le
Canada, il
a finalement décidé, à fin juin 1995, de retourner en Thaïlande avec
la
famille Y.________. Dans ce pays, il a fait l'acquisition d'une
pizzeria à
Pattaya et s'est installé dans le même immeuble avec la famille
Y.________.

Le 25 avril 1997, X.________ a été arrêté en Thaïlande sous
l'accusation
d'actes de pédophilie sur l'enfant C.Y.________ et de résidence
illégale dans
le pays. Interrogée par la police, C.Y.________ a déclaré avoir eu des
relations sexuelles suivies avec X.________. Entendue le 4 novembre
1997 dans
le cadre de la procédure judiciaire qui a suivi, C.Y.________ a
toutefois
déclaré sous serment que toutes les déclarations faites à la police
lors de
l'enquête n'étaient pas conformes à la vérité et que X.________
n'avait
jamais eu de gestes inconvenants à son égard. Se fondant notamment
sur ces
nouvelles déclarations, le Tribunal de la province de Chonburi a
rendu, le 18
mai 1998, un jugement d'acquittement, libérant X.________ de
l'accusation de
viol et d'actes d'ordre sexuel commis sur C.Y.________ ainsi que de
l'accusation d'entrée et de résidence illégales en Thaïlande.

Nonobstant cet acquitttement, X.________ est resté détenu en
Thaïlande, car
il faisait l'objet d'une demande d'extradition émanant des autorités
judiciaires bernoises, qui le recherchaient pour diverses
infractions. Cette
procédure d'extradition n'a toutefois pas été menée à terme, car, le
5 juin
1998, les autorités thaïlandaises d'émigration ont refoulé X.________
vers la
Suisse. A son arrivée, ce dernier a été placé en détention préventive
dans le
cadre de la procédure ouverte à son encontre par les autorités
bernoises, à
l'issue de laquelle il a été condamné, le 10 février 2000, par le
Tribunal du
cercle de Berne-Laupen, à une peine de 38 mois de réclusion pour
utilisation
sans droit de valeurs patrimoniales, escroquerie par métier, faux
dans les
titres et infractions à la LStup.

B.b A la suite d'une information anonyme, parvenue en octobre 1996 à
la
police cantonale zürichoise et dénonçant X.________ comme ayant une
activité
de pédophilie, des investigations ont été menées par la police
vaudoise.
Celles-ci ont notamment permis de saisir un lot de pièces, comportant
en
particulier des lettres manuscrites que X.________ avait adressées à
son
père, des photographies ainsi que des négatifs de films représentant
une
enfant asiatique, nue, dans des positions obscènes, le sexe bien en
évidence.
Entendu, après son refoulement vers la Suisse, par la police vaudoise
et par
un juge d'instruction, X.________ a constamment nié être pédophile.

En janvier 1999, le juge d'instruction a adressé une commission
rogatoire aux
autorités thaïlandaises, demandant qu'un policier vaudois puisse se
rendre
sur place pour participer à l'audition de diverses personnes et, en
particulier, des membres de la famille Y.________. Cette commission
rogatoire
a été exécutée du 26 avril au 12 mai 1999, avec la collaboration de
la police
thaïlandaise et d'une interprète. Il a ainsi pu être procédé à
l'audition de
A.Y.________, B.Y.________, C.Y.________, D.Y.________, F.________,
G.________ et H.________. A cette occasion, C.Y.________, F.________
et
H.________ ont affirmé que X.________ leur avait fait subir des actes
d'ordre
sexuel ou des relations sexuelles.

Au retour de Thaïlande, les enquêteurs ont voulu confronter
X.________ aux
déclarations des enfants. Celui-ci a toutefois énergiquement refusé
d'être
réentendu par la police et le juge d'instruction. Il a par ailleurs
formellement refusé d'être soumis à une expertise psychiatrique,
estimant que
celle qui avait été réalisée dans le cadre de la procédure bernoise
était
suffisante, et a recouru contre la décision par laquelle le juge
d'instruction avait néanmoins ordonné une nouvelle expertise, qui,
malgré le
rejet du recours, n'a pu être effectuée, l'intéressé refusant tout
entretien
avec l'expert.

B.c Par ordonnance du 30 juin 2000, X.________ a été renvoyé en
jugement sous
les accusations suivantes:

1) avoir, en 1994, à Pattaya, en Thaïlande, commis à plusieurs
reprises des
attouchements à caractère sexuel sur F.________, alors âgée de 10 ans;

2) avoir, en 1994, à Pattaya, en Thaïlande, entretenu des relations
sexuelles
à raison d'une fois par semaine durant plusieurs mois avec
H..________, alors
âgée de 12 ans, l'emmenant dans des hôtels de la ville et remettant
l'argent
versé en contrepartie à la tante de la fillette;

3) avoir, entre novembre 1994 et juin 1995, à Lausanne et à Leysin,
commis
des actes d'ordre sexuel sur C.Y.________, née en janvier 1987, lui
demandant
de lui faire des fellations et de le masturber avec ses mains et
caressant la
poitrine et le sexe de la fillette à plusieurs reprises;

4) avoir, entre novembre 1994 et juin 1995, à Lausanne et Leysin, fait
visionner à C.Y.________ des films pornographiques;

5) avoir, à une date indéterminée, en Thaïlande, pris des photos à
caractère
pornographique de C.Y.________, qui était étendue sur le lit, nue et
les
jambes écartées.

B.d Aux débats, comme durant l'enquête, X.________ a constamment nié
les
faits qui lui étaient reprochés et avoir des tendances pédophiles.

S'agissant des faits décrits sous chiffres 1, 2 et 3 de l'ordonnance
de
renvoi, le tribunal, se fondant sur un faisceau d'indices
concordants, a
acquis la conviction qu'ils étaient établis; il a constaté que ces
faits
n'avaient fait l'objet ni d'une procédure ni d'un jugement définitif
en
Thaïlande, le jugement d'acquittement du Tribunal de Chonburi ne
portant que
sur des actes que l'accusé était soupçonné d'avoir commis sur
C.Y.________ en
Thaïlande, et a estimé que pour ces faits l'accusé, qui n'avait pas
fait
l'objet d'une extradition formelle mais d'un refoulement, pouvait être
poursuivi en Suisse; il a considéré que les faits ainsi retenus
étaient
constitutifs d'actes d'ordre sexuel avec des enfants au sens de
l'art. 187
ch. 1 CP ainsi que, dans le cas du chiffre 3, d'actes d'ordre sexuel
commis
sur une personne incapable de discernement ou de résistance au sens
de l'art.
191 CP, en raison du jeune âge de la victime, qui était âgée de 7 ans
à
l'époque des faits retenus. Le tribunal a en revanche acquitté
l'accusé du
chef d'accusation de pornographie, au bénéfice du doute en ce qui
concerne
les faits décrits sous chiffre 4 de l'ordonnance de renvoi et,
s'agissant de
ceux décrits sous chiffre 5, parce qu'il a notamment considéré que le
jugement d'acquittement du Tribunal de Chonburi du 18 mai 1998 y
faisait
obstacle en vertu du principe ne bis in idem.

Après avoir exposé les motifs qui le conduisait à fixer une peine
complémentaire de 3 ans et 4 mois de réclusion, le tribunal s'est
prononcé
sur une réquisition du Ministère public tendant à l'internement de
l'accusé
en application de l'art. 42 CP. A cet égard, il a observé que le
refus de
l'accusé de se soumettre à une nouvelle expertise psychiatrique, qui
aurait
été ciblée sur son problème de pédophilie, empêchait de déterminer si
un
internement au sens de l'art. 43 CP ne serait pas préférable et que,
dès
lors, seul un internement au sens de l'art. 42 CP, dont les conditions
étaient par ailleurs réalisées, entrait en considération. En
conséquence, il
a remplacé l'exécution de la peine privative de liberté par le
prononcé de
cette mesure.

C.
Par arrêt du 22 mars 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
vaudois a écarté le recours en nullité et en réforme interjeté par
X.________
contre ce jugement, qu'elle a confirmé.

D.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation des art. 6 et 42 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué.
Il sollicite par ailleurs l'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour
violation du
droit fédéral (art. 269 PPF) et qui n'est notamment pas ouvert pour se
plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en
découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83; 123 IV 184 consid. 1a p.
186; 118
IV 309 consid. 2b p. 317), la Cour de cassation contrôle
l'application de ce
droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par
l'autorité
cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement
juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la
décision
attaquée, qui lient la Cour de cassation et dont le recourant est
irrecevable
à s'écarter (ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83 et
les arrêts
cités).

2.
Le recourant invoque une violation de l'art. 6 CP. Allèguant que le
jugement
d'acquittement du Tribunal de Chonburi du 18 mai 1998, comme cela
ressortirait des traductions versées au dossier, portait non
seulement sur
les actes qu'il était soupçonné d'avoir commis sur C.Y.________ en
Thaïlande
mais aussi sur ceux qu'il lui est reproché d'avoir commis sur elle en
Suisse,
il soutient que c'est en violation du principe "ne bis in idem" qu'il
a été
condamné à raison des faits décrits sous ch. 3 de l'ordonnance de
renvoi. Il
fait également valoir que, n'ayant pas été extradé à la Suisse pour
les faits
retenus à son encontre, sa condamnation à raison de ces faits viole
l'art. 6
ch. 1 CP.

2.1 De jurisprudence constante, le principe "ne bis in idem"
appartient au
droit matériel fédéral (ATF 125 II 402 consid. 1b p. 404; 118 IV 269
consid.
2; 116 IV 262 consid. 3a p. 364 et les arrêts cités), de sorte que sa
violation peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1
PPF). En
matière pénale, ce principe, qui est un corollaire de l'autorité de
chose
jugée, interdit qu'une personne soit poursuivie pénalement deux fois
pour les
mêmes faits. ll suppose qu'il y ait identité de l'objet de la
procédure, de
la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b p.
466; 120
IV 10 consid. 2b p. 12 s.; 118 IV 269 consid. 2 p. 271).

L'arrêt attaqué constate que, même s'il a acquitté le recourant en
optant
pour la version qui était la plus favorable à ce dernier, selon
laquelle il
n'avait rien fait à l'enfant C.Y.________, le jugement thaïlandais
n'a porté
que sur les faits qui s'étaient produits en Thaïlande; il le déduit
des
traductions figurant au dossier, en relevant qu'elles sont
suffisamment
claires à ce sujet. Sur la base de cette constatation, il ne viole
pas le
droit fédéral en tant qu'il nie une violation du principe "ne bis in
idem".
Le recourant ne le prétend d'ailleurs pas. Sa critique se réduit à
affirmer
que les traductions versées au dossier démontreraient au contraire
que les
actes qui lui sont imputés sont couverts par le jugement thaïlandais,
donc à
rediscuter l'appréciation des preuves dont a été déduit le fait
retenu, ce
qu'il n'est toutefois pas recevable à faire dans un pourvoi en
nullité (cf.
supra, consid. 1). Le
grief ainsi formulé, qui a d'ailleurs été
soulevé par
le recourant dans le recours de droit public qu'il a déposé
parallèlement au
présent pourvoi, est par conséquent irrecevable.

2.2 L'art. 6 ch. 1 CP règle l'application de la loi pénale suisse aux
crimes
et délits commis par un Suisse à l'étranger et n'entre donc en
considération
en l'espèce que pour les faits qu'il est reproché au recourant
d'avoir commis
en Thaïlande, soit ceux décrits sous ch. 1 et 2 de l'ordonnance de
renvoi. Il
prévoit que la loi pénale suisse est applicable à tout Suisse qui
aura commis
à l'étranger un crime ou un délit pouvant d'après le droit suisse
donner lieu
à extradition, si l'acte est réprimé aussi dans l'Etat où il a été
commis et
si l'auteur se trouve en Suisse ou s'il est extradé à la
Confédération à
raison de son infraction, la loi étrangère étant toutefois applicable
si elle
est plus favorable à l'inculpé.

Que les actes d'ordre sexuel qu'il est reproché au recourant d'avoir
commis
en Thaïlande sur les enfants F.________ et H.________ puissent
d'après le
droit suisse donner lieu à extradition n'est pas douteux; la question
doit en
effet être tranchée d'après la loi fédérale sur l'entraide
internationale en
matière pénale du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1), indépendamment de
l'existence d'une convention d'extradition entre la Suisse et l'Etat
étranger
concerné (cf. Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Partie
générale I,
2ème éd., Berne 1996, § 5 n° 13; Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd.,
Zurich
1997, art. 6 CP n° 3); or, même supposée l'absence de réciprocité,
l'entraide
pourrait être accordée pour les actes ici en cause en application de
l'art. 8
al. 2 let. a EIMP, étant au reste rappelé que, sous l'angle de l'art.
6 CP,
il n'est pas nécessaire que l'Etat où l'infraction a été commise ait
requis
la Suisse de poursuivre l'auteur (ATF 119 IV 113 consid. 1e p. 113;
76 IV 209
consid. 1 p. 210 s.). Il n'est pas non plus douteux que les actes
délictueux
en cause sont aussi réprimés dans l'Etat où ils ont été commis,
puisque pour
des actes similaires qu'il était soupçonné d'avoir commis sur l'enfant
C.Y.________ en Thaïlande, le recourant a fait l'objet d'une précédure
judiciaire dans ce pays, laquelle a abouti au jugement du Tribunal de
Chonburi. Enfin, le recourant insiste vainement sur le fait qu'il n'a
pas été
extradé à la Suisse à raison des infractions en cause, puisque l'autre
alternative prévue par la loi, à savoir que l'auteur se trouve en
Suisse,
est, elle, réalisée. Pour le surplus, il n'est pas établi, et le
recourant ne
l'a d'ailleurs jamais allégué, que la loi thaïlandaise, parce que plus
favorable, lui eût été applicable. On ne discerne donc pas de
violation de
l'art. 6 ch. 1 CP.

En réalité, le recourant invoque essentiellement le principe de
spécialité,
faisant valoir que ce principe s'oppose à ce qu'il soit condamné en
Suisse
pour des actes autres que ceux qui avaient motivé sa détention
extraditionnelle en Thaïlande, soit ceux qui ont fait l'objet du
jugement
rendu le 10 février 2000 par le Tribunal du cercle de Berne-Laupen.
Il ne
pourrait toutefois se prévaloir du principe invoqué que pour autant
qu'il ait
été extradé à la Suisse. Or, il est établi que si, après son
acquittement par
le Tribunal de Chonburi, le recourant est d'abord resté détenu en
Thaïlande
parce qu'il faisait l'objet d'une demande d'extradition de la part des
autorités judiciaires bernoises, il n'a en définitive pas été extradé
à la
Suisse, mais refoulé de Thaïlande. Le grief ainsi formulé est donc
privé de
fondement.

3.
Le recourant se plaint de l'internement, selon l'art. 42 CP, prononcé
à son
encontre. Il fait valoir, en substance, que le prononcé de cette
mesure est
excessivement sévère dans le cas d'espèce au vu des éléments à
prendre en
considération.

3.1 L'internement selon l'art. 42 CP suppose notamment que le
délinquant ait
déjà commis de nombreux crimes ou délits intentionnels et qu'il ait
ainsi été
privé de liberté, soit par des peines de réclusion ou
d'emprisonnement soit
par une mesure d'éducation au travail ou encore par un internement
comme
délinquant d'habitude, pour une durée globale d'au moins deux ans; il
faut en
outre que, dans les cinq ans qui suivent sa libération définitive, il
ait
commis un nouveau crime ou délit intentionnel qui dénote son penchant
à la
délinquance (cf. art. 42 ch. 1 al. 1 CP). S'agissant de cette dernière
condition, la jurisprudence, récemment confirmée dans un arrêt non
publié du
1er mars 2002 (6S.52/2002, consid. 2b), a admis qu'elle est aussi
réalisée en
cas de nouvelles infractions commises pendant le délai d'épreuve
assortissant
une libération conditionnelle (ATF 104 IV 60 consid. 4b p. 61/62 et
les
arrêts cités).

Le but premier de l'internement est d'assurer la sécurité publique
contre les
délinquants d'habitude, insensibles aux autres sanctions pénales;
cette
mesure vise donc d'abord à protéger le public contre des délinquants
incorrigibles et socialement dangereux en empêchant la commission de
nouvelles infractions, et non à la resocialisation du délinquant,
même si
celle-ci ne doit pas être négligée (ATF 118 IV 10 consid. 3a p. 12;
105 IV 82
consid. 2b p. 85 s.).

L'internement, notamment en raison de sa durée indéterminée,
constitue une
grave atteinte à la liberté; il s'agit du moyen ultime du système de
répression pénale; il y a donc lieu de faire preuve de retenue dans
l'application de l'art. 42 CP et de renoncer à l'internement, au
profit de
l'exécution de la peine, lorsque cette dernière paraît présenter des
chances
égales sur le plan de la prévention (ATF 118 IV 10 consid. 3a p. 12
et les
arrêts cités). Il convient en outre de respecter le principe de la
proportionnalité, en relation avec l'infraction en cause et celles
dont on
peut redouter la commission (ATF 118 IV 213 consid. 2c p. 215 ss);
l'internement s'impose d'autant moins que les infractions commises ne
sont
pas d'une gravité particulière et que les infractions à craindre
paraissent
de peu d'importance (ATF 118 IV 213 consid. 2c/cc p. 217); même
lorsque
l'infraction à sanctionner est de gravité moyenne, on peut renoncer à
l'internement s'il apparaît disproportionné (ATF 118 IV 213 consid.
2c/aa p.
216).

Le juge qui envisage de prononcer un internement n'est tenu de faire
examiner
l'état mental du délinquant que si cela est nécessaire (cf. art. 42
ch. 1 al.
2 CP). En l'absence d'expertise antérieure utilisable, il ne pourra
renoncer
qu'exceptionnellement à une expertise, qui doit en principe être
ordonnée; en
revanche, lorsque le délinquant a été expertisé au cours d'une
précédente
procédure et que l'expertise établie à cette occasion reste
pertinente, une
nouvelle expertise est superflue (ATF 118 IV 105 consid. 1e p. 107).
L'expertise, qui doit porter sur l'état mental du délinquant (cf.
art. 42 ch.
1 al. 2 CP), a notamment pour but d'éviter que l'art. 42 CP ne soit
appliqué
à des délinquants mentalement anormaux pour lesquels une des mesures
de
l'art. 43 CP serait appropriée (cf. ATF 118 IV 105 consid. 1e p.
107/108; 86
IV 201 consid. 5b p. 204).

Lorsque les conditions de l'internement sont réunies à la fois selon
l'art.
42 et selon l'art. 43 CP, c'est cette dernière disposition qui prime,
dès
lors que, tant en raison de sa durée que des modalités de son
exécution, un
internement fondé sur l'art. 43 CP constitue une mesure moins
incisive, qui
doit donc prévaloir en vertu du principe de la subsidiarité (ATF 125
IV 118
consid. 5e p. 122 ss).

3.2 Entre le 8 juillet 1980 et et le 18 mai 1989, le recourant a été
condamné
à quatre reprises, pour de nombreux crimes ou délits intentionnels, à
des
peines d'emprisonnement ou de réclusion totalisant 11 ans et 5 mois de
privation de liberté; le 10 février 2000, il a été condamné derechef,
pour
utilisation sans droit de valeurs patrimoniales, escroquerie par
métier, faux
dans les titres et infractions à la LStup, à une peine de 38 mois de
réclusion. Si l'on additionne ces différentes peines en y ajoutant
celle qui
a été prononcée dans la présente procédure, on parvient à un total de
17 ans
et 11 mois de peines privatives de liberté en l'espace d'une douzaine
d'années, sanctionnant aussi bien des infractions à la LStup que de
nombreuses infractions contre le patrimoine et des atteintes graves à
l'intégrité sexuelle. Par ailleurs, les infractions sanctionnées par
la
condamnation du 10 février 2000 et les atteintes à l'intégrité
sexuelle dont
doit répondre le recourant ont été commises pendant le délai
d'épreuve d'une
libération conditionnelle accordée le 19 décembre 1993. Au vu de ces
éléments, un comportement de délinquant d'habitude est indéniable.

L'arrêt attaqué constate l'existence d'un risque élevé de récidive,
compte
tenu de l'absence de prise de conscience de ses fautes par le
recourant, qui,
après avoir abusé de jeunes enfants thaïlandais a tenté de justifier
son
comportement en le présentant comme normal pour l'Asie et a encore
manifesté
sa volonté de retourner en Thaïlande dès sa libération. Cette
constatation
relève du fait; dans la mesure où le recourant entreprend de la
contester en
critiquant l'appréciation qui a été faite de ses déclarations ou en se
prévalant d'un passage isolé de l'expertise ordonnée dans la procédure
bernoise, sa critique est irrecevable dans un pourvoi en nullité (cf.
supra,
consid. 1).

Les infractions dont doit répondre le recourant sont
incontestablement graves
et aussi bien certaines de ses déclarations que son attitude générale
durant
la procédure dénotent qu'il n'a nullement pris conscience de la
gravité de
ses actes. Les nombreuses peines infligées antérieurement ne l'ont au
demeurant pas dissuadé de la récidive. Dans ces conditions, on est
fondé à
craindre qu'il en vienne à commettre de nouvelles infractions graves
et,
partant. à conclure à l'existence d'un danger pour la sécurité
publique, que
d'autres sanctions pénales sont manifestement insuffisantes à
prévenir.

Le penchant du recourant à la délinquance, son état d'esprit et
l'inefficacité des nombreuses peines déjà infligées ne permettent plus
d'attendre de l'exécution d'une nouvelle peine un effet préventif
suffisant.
Un internement pouvait dès lors être envisagé sans violation du
principe de
la proportionnalité.

Les conditions d'un internement selon l'art. 42 CP sont donc réunies.

3.3 Le recourant a constamment nié toute déviance sexuelle et refusé
de se
soumettre à une nouvelle expertise, qui, ciblée sur son problème de
pédophilie, eût pu permettre de déterminer si les infractions à
l'intégrité
sexuelle qui lui sont reprochées sont éventuellement à mettre en
rapport avec
son état mental; il a même recouru contre la décision du juge
d'instruction
d'ordonner néanmoins une nouvelle expertise, qu'il a encore rendue
impossible
après le rejet de ce recours en refusant tout entretien avec
l'expert. Que,
comme il l'allègue, il aurait requis l'expert commis dans l'affaire
bernoise
d'approfondir ses tendances pédophiles et que celui-ci lui aurait
répondu
qu'il lui était impossible de le faire n'est pas établi en fait et, au
demeurant, expliquerait d'autant moins son refus de se soumettre à une
nouvelle expertise. Force est donc de constater que, par la seule
faute du
recourant, la question de savoir si les conditions d'un internement
selon
l'art. 43 CP seraient réalisées n'a pu être élucidée, de sorte qu'il
n'était
pas possible de déterminer si cette mesure, moins incisive, doit
prévaloir.
Il est dès lors évident que l'autorité cantonale ne saurait se voir
reprocher
de n'avoir pas opté pour un internement selon l'art. 43 CP. Le
recourant ne
lui en fait d'ailleurs pas grief.

3.4 Le prononcé d'un internement selon l'art. 42 CP ne viole donc pas
le
droit fédéral.

4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.

Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1000 francs est mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 26 novembre 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.383/2002
Date de la décision : 26/11/2002
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-26;6s.383.2002 ?
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