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22/11/2002 | SUISSE | N°C.37/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 novembre 2002, C.37/02


{T 7}
C 37/02

Arrêt du 22 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier: M.
Berthoud

R.________, recourante, représentée par les Syndicats Chrétiens
interprofessionnels, rue de la Porte-Neuve 20, 1951 Sion,

contre

Département des finances et de l'économie du canton du Valais,
Service de
l'industrie, du commerce et du travail, Assurance-chômage, avenue du
Midi 7,
1950 Sion, intimé

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion



(Jugement du 6 septembre 2001)

Faits:

A.
Le 27 août 1999, alors qu'elle était au chômage, R.________...

{T 7}
C 37/02

Arrêt du 22 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier: M.
Berthoud

R.________, recourante, représentée par les Syndicats Chrétiens
interprofessionnels, rue de la Porte-Neuve 20, 1951 Sion,

contre

Département des finances et de l'économie du canton du Valais,
Service de
l'industrie, du commerce et du travail, Assurance-chômage, avenue du
Midi 7,
1950 Sion, intimé

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

(Jugement du 6 septembre 2001)

Faits:

A.
Le 27 août 1999, alors qu'elle était au chômage, R.________ a fondé
avec son
époux A.________ la société à responsabilité limitée «X.________
Sàrl», dont
le siège est à B.________. Ils ont souscrit chacun une part sociale
de 10'000
fr. dans cette société, dont ils sont devenus associés-gérants en
disposant
tous deux de la signature individuelle. Par lettre du 3 septembre 1999
adressée à l'Office régional de placement de Sion, R.________ a
confirmé son
intention de prendre une activité indépendante dès le 14 septembre
1999, date
à laquelle elle a abandonné son statut de chômeuse.

Agissant au nom de la sàrl, A.________ a signifié à son épouse que
leur
commerce cesserait ses activités le 19 août 2000 (cf. lettre du 30
juillet
2000). R.________ s'est à nouveau annoncée à l'assurance-chômage le 5
septembre 2000, en indiquant qu'elle était disposée et capable de
travailler
à 50 % d'une activité à plein temps. A partir du 7 novembre 2000,
elle est
devenue simple associée de la sàrl, tout en conservant sa part
sociale et le
droit de signer individuellement (cf. extrait du registre du commerce
de Sion
du 20 novembre 2000). Par décision du 9 février 2001, le Service
cantonal
valaisan de l'industrie, du commerce et du travail a nié le droit de
R.________ à l'indemnité de chômage à partir du 1er septembre 2000,
au motif
qu'elle exerçait une fonction dirigeante dans l'entreprise.

B.
R.________ a recouru contre cette décision devant la Commission
cantonale
valaisanne de recours en matière de chômage, en concluant à ce que
son droit
à l'indemnité de chômage fût reconnu à partir du 1er septembre 2000. A
l'appui de ses conclusions, elle a allégué que la sàrl n'avait plus
d'activité, qu'elle n'était plus associée-gérante et que la société
n'avait
pas été liquidée en raison des coûts qu'une telle opération
engendrerait.

Par jugement du 6 septembre 2001, la juridiction cantonale a rejeté le
recours.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant
principalement
à ce que son droit à l'indemnité de chômage soit reconnu dès le 1er
septembre
2000, subsidiairement à ce qu'une suspension dudit droit pour faute
légère
soit prononcée.

Le service intimé conclut implicitement au rejet du recours. De son
côté, le
Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Il est constant que lorsque la recourante a déposé sa demande
d'indemnités de
chômage, son époux et elle-même étaient tous deux associés-gérants de
la
société «X.________ Sàrl», dont chacun détenait la moitié du capital
social
et disposait de la signature individuelle. La seule modification,
survenue le
7 novembre 2000, réside dans le fait que la recourante a renoncé à
son statut
d'associée-gérante, pour devenir simple associée (cf. extrait du
registre du
commerce de Sion du 20 novembre 2000).

2.
Le litige porte sur le droit de la recourante à l'indemnité de
chômage (art.
8 LACI) à partir du 1er septembre 2000. Il s'agit ainsi en premier
lieu
d'examiner si son statut d'associée dans la sàrl fait obstacle au
versement
de l'indemnité.

3.
D'après la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation
professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à
l'indemnité
de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une
entreprise, il
continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer
celles-ci de
manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on
détournerait par le
biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation
en
matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, en
particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition
légale,
n'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions
que
prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en
qualité
d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore
de
détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il a va de
même des
conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise.

Dans ce sens, il existe donc un étroit parallélisme entre le droit à
l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail et le droit à
l'indemnité de chômage. La situation est en revanche différente quand
le
salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de
l'employeur,
quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de
celle-ci; en
pareil cas, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la
loi. Il
en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le
salarié,
par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout
lien
avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en
principe
prétendre des indemnités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; SVR
2001
ALV n° 14 pp. 41-42 consid. 2a; DTA 2000 n° 14 p. 70 consid. 2).

4.
Conformément à l'art. 811 al. 1 CO, s'il n'en est pas disposé
autrement, les
associés dans la société à responsabilité limitée ont non seulement
le droit
mais également l'obligation de participer à la gestion de la société.
En
édictant cette disposition, le législateur est parti du principe que
les
personnes qui détiennent la société doivent également en assumer la
direction
(Watter, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht
II,
Bâle/Francfort-sur-le-Main 1994, rem. 2 ad art. 811 CO, p. 1377; von
Steiger,
Die Gesellschaft mit beschränkter Haftung, in: Zürcher Kommentar,
tome 5c,
Zurich 1965, rem. 1 ad art. 811 CO, p. 439). A ce titre, les associés,
respectivement les associés-gérants lorsqu'il en a été désigné,
occupent
collectivement une position comparable à celle du conseil
d'administration
d'une société anonyme (arrêt B. du 30 août 2001, C 71/01).

En sa qualité d'associée-gérante, la recourante disposait ainsi ex
lege du
pouvoir de fixer les décisions que cette société était amenée à
prendre comme
employeur ou, à tout le moins, de les influencer considérablement au
sens de
l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Rien n'a d'ailleurs changé à cet égard à
partir
du 7 novembre 2000, au moment où la recourante est devenue simple
associée,
car il n'est pas établi que ses pouvoirs de représentation ou de
gestion
auraient été modifiés à cette occasion (cf. art. 811 al. 1 et 2 CO;
Montavon,
SARL, Collection Droit et entreprise, ch. p. 165). Vis-à-vis des
tiers et de
l'assurance-chômage, la recourante apparaît ainsi toujours comme une
dirigeante de la sàrl, habilitée à la représenter (Watter, op. cit.,
rem. 8
ss ad art. 811 CO, p. 1378), d'autant plus qu'elle en est membre
fondatrice
(cf. art. 811 al. 3 CO; Montavon, op. cit., ch. 2 p. 166) et qu'elle a
toujours le pouvoir de signature individuelle.

Cette circonstance aurait dès lors déjà permis, à elle seule,
d'exclure le
droit de la recourante aux indemnités de chômage, à moins qu'elle
n'ait
définitivement quitté l'entreprise en raison de la fermeture de
celle-ci et
rompu tout lien avec la sàrl (cf. consid. 3 ci-dessus).

5.
A cet égard, la recourante estime que la cessation d'activité d'une
entreprise est comparable à la fermeture de celle-ci. Pareille
éventualité
serait réalisée en l'espèce, allègue-t-elle, car la société
«X.________ Sàrl»
n'a plus de locaux ni de personnel. La recourante estime en
conséquence
qu'elle n'a concrètement plus de pouvoir de décision dans cette
société ni
aucune possibilité de la développer.

Quant au maintien de l'inscription de cette sàrl au registre du
commerce, la
recourante le justifie derechef par les coûts liés à la procédure de
radiation (800 fr.), qu'elle prétend ne pas pouvoir assumer.

6.
Il convient de rappeler que la fin d'une sàrl nécessite en priorité de
procéder à sa dissolution, conformément aux art. 820 ss CO. Une fois
dissoute, la société subsiste jusqu'à sa radiation du registre du
commerce
avec un but restreint qui est précisément sa liquidation et sa
radiation
(Stäubli, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht,
Obligationenrecht II,
Bâle/Francfort-sur-le-Main 1994, pp. 1402 ss, ad art. 820 ss CO;
Montavon,
op. cit., p. 177 et p. 181). Par ailleurs, tout associé peut demander
au
juge, pour de justes motifs, l'autorisation de sortir de la société
ou la
dissolution de celle-ci (art. 822 al. 2 CO).

La recourante n'a cependant ni prouvé ni même rendu vraisemblable que
les
démarches des associés visant à dissoudre la sàrl, selon les modalités
prévues à l'art. 820 ch. 2 CO, se seraient, à ce stade déjà, heurtées
à un
obstacle insurmontable d'ordre financier. En outre, elle n'a pas non
plus
établi qu'elle aurait vainement tenté de sortir de la société, au
besoin en
saisissant le juge (cf. art. 822 al. 2 CO).

A défaut de dissolution, le but social initial de la sàrl perdure, en
l'occurrence l'exploitation d'un snack-traiteur et toutes activités
s'y
rapportant directement ou indirectement (cf. art. 3 des statuts de la
sàrl)
et non pas, comme la recourante semble le penser, l'exploitation du
snack-traiteur jadis sis à la rue C.________. Par ailleurs, en
omettant de
mettre la société en liquidation, la recourante a manifesté par actes
concluants sa volonté de maintenir l'entreprise en vie et de se
réserver la
possibilité d'en poursuivre ou d'en reprendre dès que possible
l'exploitation, dans le cadre du large but social fixé dans les
statuts (DTA
2001 n° 25 p. 220 consid. 3).

Il n'est dès lors pas établi au degré de la vraisemblance
prépondérante
qu'elle avait définitivement quitté l'entreprise en raison de la
fermeture de
celle-ci, ni qu'elle avait rompu tout lien avec la société (cf. ATF
123 V
238-239 consid. 7b/bb). Dans ces conditions, la recourante ne pouvait
prétendre des indemnités de chômage à partir du 1er septembre 2000.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse de chômage
des
organisations chrétiennes sociales du Valais, à la Commission
cantonale
valaisanne de recours en matière de chômage, à l'Office régional de
placement
de Sion et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 22 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.37/02
Date de la décision : 22/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-22;c.37.02 ?
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