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29/08/2002 | SUISSE | N°4P.285/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 août 2002, 4P.285/2001


{T 0/2}
4P.285/2001 /viz

Arrêt du 29 août 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffière Godat Zimmermann.

Fondation de l'Ecole X.________,
recourante, représentée par Me Teresa Giovannini, avocate, Lalive &
Associés,
rue de l'Athénée 6, case postale 393, 1211Genève 12,

contre

A.________,
représentée par Me François Bellanger, avocat, Bonnant Warluzel &
Associés,
rue de Saint-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12,

Caisse de chômage Y.________
intimées,
Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève, rue des
Chaudronniers 7,
case...

{T 0/2}
4P.285/2001 /viz

Arrêt du 29 août 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffière Godat Zimmermann.

Fondation de l'Ecole X.________,
recourante, représentée par Me Teresa Giovannini, avocate, Lalive &
Associés,
rue de l'Athénée 6, case postale 393, 1211Genève 12,

contre

A.________,
représentée par Me François Bellanger, avocat, Bonnant Warluzel &
Associés,
rue de Saint-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12,
Caisse de chômage Y.________
intimées,
Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève, rue des
Chaudronniers 7,
case postale 3688, 1211 Genève 3.

arbitraire; revision

(recours de droit public contre les arrêts de la Cour d'appel des
prud'hommes
du canton de Genève du 17 mars 1999 et du 8 octobre 2001)

Faits:

A.
En 1964, Fondation de l'Ecole X.________ (ci-après: la Fondation ou
l'Ecole)
a engagé A.________, née en 1941, en qualité de secrétaire. La
Fondation a
édicté un règlement concernant le personnel administratif. Selon
l'art. 7 ch.
5 de ce règlement, l'employé peut, après huit ans et sur sa demande,
être
titularisé dans sa fonction pour une durée indéterminée qui prend
fin, sous
réserve de l'application de l'art. 8, à l'âge limite fixé par la
Caisse de
prévoyance et de retraite de l'Ecole. L'art. 8 ch. 2 stipule que les
contrats
conclus conformément à l'art. 7 peuvent être résiliés pour les raisons
suivantes:

a) événement échappant au contrôle de l'Ecole et entraînant soit sa
fermeture
totale ou partielle, soit une réduction sensible du nombre des élèves;
b) suppression de l'emploi résultant d'une modification des
programmes;
c) inaptitude survenant au cours du contrat ou travail devenant
insuffisant;
d) révocation disciplinaire (des infractions répétées peuvent
constituer un
motif de révocation disciplinaire ainsi qu'une conduite contraire aux
dispositions préliminaires du règlement);
e) délits ou fautes graves ou justes motifs;
f) absence de plus de douze mois consécutifs sans l'accord préalable
du
conseil de direction.

La titularisation procure une garantie d'emploi, mais non un poste
déterminé;
un employé titularisé peut ainsi être muté à un autre poste.

A. ________ a toujours accompli son travail à l'entière satisfaction
de son
employeur. Par lettre du 2 février 1971, B.________, alors directeur
général,
a annoncé à sa collaboratrice qu'elle serait titularisée dans ses
fonctions
de secrétaire de la direction générale.

Le 1er septembre 1988, A.________ et la Fondation, représentée par son
directeur général C.________, ont signé un contrat de travail.
L'employée a
été engagée en qualité d'attachée de direction. Son salaire annuel
brut de
84'000 fr. hors échelle devait faire l'objet d'une nouvelle
négociation à la
fin de chaque année scolaire. Le contrat était conclu pour cinq ans,
soit
jusqu'à fin août 1993; à son expiration, il devait être renouvelé
pour une
durée indéterminée. Le règlement concernant le personnel
administratif en
faisait partie intégrante. En application d'un avenant en vigueur
depuis le
1er septembre 1990, le salaire brut de A.________ a été fixé à
108'420 fr.
pour l'année scolaire 1990-1991.
Les relations étaient tendues entre le conseil de fondation et la
direction
générale. En janvier 1991, C.________ a appris que son contrat ne
serait pas
renouvelé. Par ailleurs, certaines personnes souhaitaient le départ de
A.________, qui savait trop de choses et incarnait la continuité. Sur
instructions de D.________, président du conseil de fondation,
C.________ a,
par lettre du 27 mai 1991, résilié le contrat de A.________ pour le
31 août
1991. Il lui a indiqué qu'une indemnité pour longs rapports de
travail,
correspondant à huit mois de salaire, lui serait versée, ajoutant
qu'il
n'était pas opportun qu'elle continuât à occuper son poste. Le 14
juin 1991,
A.________ a accepté l'indemnité de départ de 73'333 fr. et réservé
ses
droits dans l'hypothèse où elle n'obtiendrait pas l'emploi qu'elle
avait en
vue pour septembre 1991. Le poste en question n'ayant pas été
opérationnel,
A.________ en a informé la Fondation le 24 juillet 1991 et l'a
invitée à
continuer de lui verser son salaire en septembre. Le 10 septembre
1991, la
Fondation a constaté que les accords relatifs à la fin du contrat au
31 août
1991 étaient remis en cause et a annoncé à A.________ qu'elle lui
verserait
son salaire jusqu'en août 1993 pour autant qu'elle n'exerçât aucune
activité
lucrative durant ce laps de temps; une indemnité pour longs rapports
de
travail serait également versée à A.________ en août 1993 ou au
moment de la
fin de ceux-ci si l'intéressée trouvait un emploi dans l'intervalle.
Dans un
courrier du 30 septembre 1991, A.________ constatait l'existence d'un
accord
sur une indemnité correspondant à huit mois de salaire et faisait
état de la
cessation des rapports contractuels en août 1993. Par la suite, les
parties
ont poursuivi leur échange de correspondance; celui-ci portait
notamment sur
l'augmentation de salaire réclamée par A.________, qui se référait à
la
hausse générale décidée par le conseil de fondation. Par lettre du 2
juillet
1993, l'avocat qui défendait alors les intérêts de A.________ a fait
savoir à
la Fondation que le contrat de travail était à tout le moins renouvelé
jusqu'au 31 août 1998; il a relevé que sa cliente avait été
titularisée par
décision du 2 février 1971 et qu'aucune résiliation n'était dès lors
possible
en dehors des exceptions prévues par l'art. 8 du règlement concernant
le
personnel administratif. La Fondation a campé sur ses positions.

A. ________ a été au chômage de septembre 1993 à avril 1995. Souffrant
ensuite d'une dépression, elle s'est retrouvée en incapacité de
travail
totale jusqu'à la fin 1998, puis partielle. Dès octobre 1999, elle a
cherché
en vain un emploi.

B.
B.aLe 2 octobre 1993, A.________ a ouvert action contre la Fondation
afin de
faire constater judiciairement qu'elle était au bénéfice d'un contrat
de
travail de durée indéterminée en tant que membre du personnel
administratif
titularisé et qu'aucune résiliation valable dudit contrat n'était
intervenue
à ce jour. Elle demandait qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle
persistait
à offrir ses services à la défenderesse. La demanderesse concluait,
en outre,
à la condamnation de la Fondation au paiement de 6'798 fr. avec
intérêts à 5%
dès le 1er mars 1993 à titre d'augmentation salariale du 1er
septembre 1992
au 31 août 1993, de 10'297 fr.15 avec intérêts à 5% dès le 30
septembre 1993
à titre de salaire pour le mois de septembre 1993 et d'un montant
complémentaire de 10'297 fr.15 par mois dès octobre 1993, avec
intérêts à 5%
dès le dernier jour du mois, et ce, jusqu'à la date du jugement.
Enfin, elle
concluait à ce qu'il soit dit qu'elle aurait droit au versement de son
salaire jusqu'à l'âge limite fixé par la Caisse de prévoyance et de
retraite
de la Fondation, sous réserve d'une résiliation selon l'art. 8 du
règlement
concernant le personnel administratif. La défenderesse s'est opposée
aux
prétentions de la demanderesse. Reconventionnellement, elle a conclu
à ce
qu'il soit constaté que l'employée avait décidé, en avril 1991, de
quitter
son emploi le 31 août 1991, qu'un accord des parties était intervenu
quant à
la résiliation des rapports de travail pour cette date et
qu'elle-même avait
continué à verser le salaire parce que la demanderesse s'était engagée
formellement à chercher un emploi. La défenderesse entendait
également faire
constater que la demanderesse n'avait pas respecté cet engagement et
obtenir
la condamnation de cette dernière au paiement de 192'025 fr. à titre
de
remboursement du salaire perçu sans droit du 1er septembre 1991 au 31
août
1993, l'indemnité de départ de 73'613 fr. 20 convenue en mai 1991
devant être
imputée sur ce montant. Elle invitait enfin le juge à constater que la
question de l'indexation du salaire à partir du 1er septembre 1991 ne
se
posait pas. Subsidiairement, la défenderesse concluait encore à ce
que soient
constatées la résiliation du contrat de travail par la Fondation, le
27 mai
1991, l'absence de reprise des relations de travail et la
non-reconduction du
contrat à son échéance du 31 août 1993, une prétention à une
reconduction
constituant un abus de droit.

La Caisse de chômage Y.________ est intervenue dans la procédure.

Par jugement du 12 avril 1994, le Tribunal des prud'hommes du canton
de
Genève a constaté que le contrat de travail avait été valablement
résilié le
27 mai 1991 pour le 31 août 1993, que les parties étaient libérées,
dès le
1er septembre 1993, de toutes obligations en paiement ou restitution
du
salaire en relation avec le contrat de travail du 1er septembre 1988
et que
la défenderesse était fondée à refuser l'indexation du salaire. En
conséquence, il a débouté les parties de toutes autres conclusions.

Statuant le 11 décembre 1995, sur appel principal de la demanderesse
et appel
incident de la défenderesse, la Chambre d'appel des prud'hommes du
canton de
Genève a rejeté, dans la mesure où elles étaient recevables, les
conclusions
prises devant elle et confirmé le jugement de première instance. La
cour
cantonale a considéré en particulier que A.________ devait supporter
les
conséquences de l'absence d'une preuve suffisante de sa
titularisation.
Par arrêt du 2 avril 1997, la cour de céans a rejeté, dans la mesure
où il
était recevable, le recours de droit public déposé par A.________
contre
l'arrêt de la Chambre d'appel. A la même date, l'employée a également
vu son
recours en réforme rejeté dans la mesure où il était recevable, le
Tribunal
fédéral confirmant l'arrêt attaqué.

B.b Par pli du 21 juillet 1997 reçu trois jours plus tard, C.________
a
adressé à A.________ la copie d'une lettre manuscrite qu'il avait
envoyée à
D.________ le 27 juin 1991 et qui contient le passage suivant:

«Tu sais que c'est à votre demande (toi et le comité exécutif) que
j'ai
licencié A.________ sous le prétexte de faire "place nette" pour le
prochain
D.G. [directeur général] et sous la pression des doyens anglophones,
soucieux
de se débarrasser de la "mémoire de l'école". Je lui ai dit que
c'était à
prendre ou à laisser et qu'elle ferait mieux d'accepter l'indemnité
proposée.
Néanmoins suite à une récente discussion avec elle je pressens que
cela ne va
pas aller tout seul et que des problèmes vont certainement surgir.
Je te rappelle qu'elle est l'une des rares personnes de
l'administration à
être titularisée, et qu'à ce titre nous lui devons un emploi jusqu'à
l'âge de
la retraite (!!) même si nous feignons toujours d'ignorer les statuts
et le
règlement du personnel qui sont pourtant bel et bien en vigueur.»

Se prévalant de deux pièces nouvelles, dont la lettre retranscrite
ci-dessus,
A.________ a présenté au Tribunal fédéral, le 16 septembre 1997, une
demande
de révision de l'arrêt rendu le 2 avril 1997 sur recours en réforme.
Sur le
rescisoire, ses conclusions étaient les suivantes:
- dire qu'elle a été titularisée par la Fondation le 1er septembre
1972;
- dire que la Fondation doit lui garantir un emploi jusqu'à l'âge
limite fixé
par la Caisse de prévoyance;
- dire que le contrat de travail du 1er septembre 1988 n'a pas été
valablement résilié et qu'il s'est renouvelé pour une durée
indéterminée;
- condamner la Fondation à lui payer le salaire correspondant à la
période du
1er septembre 1993 à la date du jugement, calculé sur la base du
salaire
annuel brut fixé 108'420 fr. par l'avenant au contrat du 1er
septembre 1990,
adapté à l'augmentation salariale de 4,5% accordée en septembre 1991,
allocation d'ancienneté y compris, soit 115'303 fr.80, ainsi qu'une
contribution à l'assurance-maladie et au fonds de prévoyance, avec
intérêts à
5% dès le 30 septembre 1993;
- dire et constater qu'elle aura droit au versement de son salaire de
la part
de la Fondation jusqu'à l'âge limite fixé par la Caisse de prévoyance
et de
retraite de la Fondation, sous réserve d'une résiliation selon l'art.
8 du
règlement concernant le personnel administratif.
Le 20 novembre 1997, la demande d'assistance judiciaire déposée par la
requérante a été rejetée, faute de chances de succès de la demande de
révision de l'arrêt du Tribunal fédéral. Par lettre de son conseil
datée du 8
janvier 1998, la requérante, qui a payé l'avance de frais par la
suite, a
demandé au Tribunal fédéral de transmettre son mémoire à l'autorité
cantonale
de dernière instance au cas où il déclarerait sa demande de révision
irrecevable. Par arrêt du 7 avril 1998, la cour de céans a
effectivement
déclaré la demande de révision irrecevable. Elle a considéré que la
révision
demandée par A.________ concernait le grief portant sur la validité
de la
résiliation du contrat de travail; or, ce moyen ayant été déclaré
irrecevable
à l'époque, l'arrêt du Tribunal fédéral du 2 avril 1997 ne s'était pas
substitué, sur ce point, à l'arrêt cantonal du 11 décembre 1995 et ne
pouvait, contrairement à ce dernier, être sujet à révision en raison
des
preuves nouvelles alléguées. Au surplus, le Tribunal fédéral a estimé
que,
dans ces conditions, rien ne s'opposait à donner une suite favorable
à la
requête tendant à la transmission de la demande de révision à
l'autorité
cantonale de dernière instance.
Par arrêt sur rescindant
du 17 mars 1999, la Chambre d'appel des
prud'hommes
du canton de Genève a reçu la demande en revision, rétracté les
dispositions
au fond de son arrêt du 11 décembre 1995 et ordonné un échange
d'écritures
sur rescisoire.

Le 30 juin 1999, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables le
recours de
droit public et le recours en réforme interjetés par la Fondation
contre
l'arrêt sur rescindant.

L'autorité cantonale, qui s'intitule désormais Cour d'appel des
prud'hommes,
a rendu son arrêt sur rescisoire le 8 octobre 2001. Dans le
dispositif de sa
décision, elle a:

- constaté que A.________ est au bénéfice d'un contrat de travail de
durée
indéterminée auprès de la Fondation, en tant que membre du personnel
administratif titularisé;
- donné acte à A.________ de ce qu'elle persiste à offrir ses
services à la
Fondation;
- condamné la Fondation à verser à A.________ la somme brute de
914'681 fr.10
avec intérêts à 5% dès le 31 juillet 1997 à titre de salaires pour la
période
écoulée de septembre 1993 à juin 2001 sous déduction de la somme
nette de
99'836 fr.20;
- condamné la Fondation à payer à la Caisse de chômage Y.________ la
somme
nette de 99'836 fr.20;
- constaté que A.________ a droit au versement de son salaire de la
part de
la Fondation jusqu'à l'âge limite fixé par la Caisse de prévoyance et
de
retraite de la Fondation, sous réserve d'une résiliation selon l'art.
8 du
règlement concernant le personnel administratif;
- invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions
sociales et
légales usuelles.

C.
La Fondation interjette un recours de droit public au Tribunal
fédéral. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt sur rescindant et de l'arrêt sur
rescisoire.
Parallèlement, la Fondation a déposé une demande en revision
cantonale, ainsi
qu'un recours en réforme au Tribunal fédéral. Par ordonnance du 7
mars 2002,
le Président de la cour de céans a suspendu les procédures fédérales
jusqu'à
droit connu sur la revision cantonale. Par arrêt du 30 avril 2002, la
Cour
d'appel des prud'hommes a débouté la Fondation de sa demande en
revision dans
la mesure où celle-ci était recevable. Cette décision n'a pas fait
l'objet
d'un recours.

A. ________ propose de déclarer le recours de droit public
irrecevable,
subsidiairement mal fondé.

La Caisse de chômage Y.________ n' a pas pris de conclusions.

Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux arrêts qu'elle a rendus.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les griefs soulevés par la recourante concernent tous l'arrêt sur
rescindant,
qui est une décision incidente (ATF 87 I 371 consid. 2). Conformément
à
l'art. 87 al. 3 OJ, le recours de droit public permet d'attaquer une
telle
décision avec la décision finale, soit, en l'occurrence, l'arrêt sur
rescisoire.

2.
La phase du rescindant constituant la condition préalable à la phase
du
rescisoire, il n'y a pas lieu de déroger en l'espèce à l'ordre de
priorité
prescrit par l'art. 57 al. 5 OJ. Le recours de droit public sera donc
traité
avant le recours en réforme.

3.
Invoquant l'art. 9 Cst. prohibant l'arbitraire, la recourante est
d'avis que
l'arrêt sur rescindant est manifestement insoutenable en tant qu'il
consacre
plusieurs violations graves de règles claires et strictes en matière
de
recevabilité du recours en revision.

Une décision est arbitraire si elle est manifestement insoutenable,
si elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou si
elle contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité
(ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70; 126 I 168
consid. 3b p.
170; 125 I 166 consid. 2a p. 168). Par ailleurs, il ne suffit pas que
la
motivation critiquée soit insoutenable; encore faut-il que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b p.
56; 126 I
168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a p.
15, 129
consid. 5b p. 134; 124 I 247 consid. 5 p. 250; 124 V 137 consid. 2b).
Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être confondus; une
violation
doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme
arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est
l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner
des
dispositions applicables; il doit uniquement examiner si
l'interprétation qui
a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire du seul fait
qu'une autre
solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 127
I 60
consid. 5a p. 70; 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 123 I 1 consid. 4a
p. 5;
122 III 130 consid. 2a; 121 I 113 consid. 3a).

4.
4.1Selon la recourante, la Chambre d'appel a violé de manière
flagrante
l'art. 163 de la loi de procédure civile genevoise (ci-après:
LPC/GE), qui
institue un délai de deux mois dès la découverte de la pièce nouvelle
pour se
pourvoir en revision. D'une part, elle ne pouvait entrer en matière
sur une
demande en revision d'une décision qu'elle n'avait pas rendue, car le
recours
en revision ne serait recevable que s'il est formé devant l'autorité
compétente. D'autre part, l'intimée aurait demandé la revision de
l'arrêt
cantonal pour la première fois le 5 juin 1998, soit bien plus de deux
mois
après avoir pris connaissance de la lettre de C.________ à
D.________; la
transmission du Tribunal fédéral demeurerait sans portée à cet égard.
Par
ailleurs, l'application par analogie de l'art. 448 LPC/GE serait
insoutenable
en l'occurrence. Il s'agirait là d'une règle spécifique aux
juridictions des
baux et loyers. Au surplus, cette disposition ne s'appliquerait qu'à
la
transmission d'un acte mal adressé, et non à la transformation d'un
recours
dirigé contre un arrêt fédéral en un recours formé contre un arrêt
cantonal.

4.2 La demande de révision du 16 septembre 1997 était dirigée contre
l'arrêt
du Tribunal fédéral; or, cette autorité est compétente pour se
prononcer sur
la révision de ses propres arrêts (cf. art. 136 ss OJ). En remettant
son
mémoire au Tribunal fédéral, l'intimée n'a donc pas commis une simple
erreur
d'adresse, comme cela aurait été le cas, par exemple, si elle avait
sollicité
expressément et exclusivement la révision de l'arrêt cantonal. La
cour de
céans a dès lors rendu un arrêt en bonne et due forme, dans lequel
elle a
refusé d'entrer en matière sur la demande; en effet, les nouvelles
pièces
invoquées avaient trait à la validité de la résiliation du contrat de
travail
et le grief en rapport avec cette question avait été déclaré
irrecevable dans
l'arrêt du 2 avril 1997 de sorte que, sur ce point, l'arrêt cantonal
était
demeuré en force. Sur requête, le Tribunal fédéral a transmis la
demande de
révision à la Chambre d'appel des prud'hommes.

Cette autorité devait alors examiner, sur la base du droit cantonal,
si elle
pouvait traiter le mémoire transmis comme une demande en revision de
son
propre arrêt; en d'autres termes, il lui appartenait de déterminer si
cet
acte pouvait être converti. La cour cantonale n'a pas procédé de cette
manière, mais elle est arrivée à la conclusion que le dépôt de la
demande de
révision au Tribunal fédéral avait emporté simultanément la saisine
de la
juridiction prud'homale. Ce faisant, elle a admis implicitement la
conversion
de cet acte en une demande en revision contre son arrêt du 11
décembre 1995.
Une telle interprétation est-elle arbitraire? Invoquant l'art. 163
LPC/GE, la
recourante soutient que cette dispo- sition exige le dépôt de la
demande en
revision devant l'autorité compétente. En réalité, c'est l'art. 166
al. 2
LPC/GE, non cité dans le recours, qui prévoit que la demande en
revision est
portée devant le tribunal qui a rendu le jugement. On ne voit
toutefois pas
en quoi l'interprétation retenue implicitement par la cour cantonale
violerait manifestement cette norme. En effet, c'est bien la Chambre
d'appel
qui se trouve finalement saisie, après transmission par le Tribunal
fédéral,
d'une demande en revision qui concernait en réalité l'arrêt cantonal.
Au surplus, s'il peut paraître audacieux de considérer que la demande
de
révision adressée au Tribunal fédéral s'en prenait également à la
décision
cantonale précédente, une telle conversion n'apparaît pas contraire à
un
principe juridique clair et ne contredit pas de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Le résultat auquel la Chambre
d'appel
est parvenue sur ce point n'est dès lors pas arbitraire.

4.3 En ce qui concerne le respect du délai pour se pourvoir en
revision, la
cour cantonale s'est fondée sur l'art. 448 LPC/GE, appliqué par
analogie.
Cette disposition se trouve dans le chapitre consacré à la procédure
applicable devant le Tribunal des baux et loyers; elle prévoit que les
requêtes et recours adressés à une autorité incompétente sont transmis
d'office à la juridiction compétente, l'acte étant alors réputé
déposé à la
date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

Aux termes de l'art. 32 al. 4 let. b OJ, un délai est considéré comme
observé
lorsqu'un mémoire qui devait être adressé à une autorité cantonale
l'est en
temps utile au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale;
l'acte est
alors transmis sans délai à l'autorité compétente (art. 32 al. 5 OJ).
Même si
la transmission de la demande en revision a eu lieu entre le Tribunal
fédéral
et une autorité cantonale, ces dispositions ne s'appliquent pas en
l'occurrence, en tous les cas pas directement. En effet, elles ne
concernent
que les mémoires destinés au Tribunal fédéral, comme par exemple le
recours
en réforme qui, conformément à l'art. 54 al. 1 OJ, doit être adressé à
l'autorité qui a statué (Poudret, COJ I, n. 5.5 ad art. 32). La
question de
savoir si une transmission opérée après l'expiration du délai de
recours
assure néanmoins la sauvegarde de celui-ci relève ainsi du droit
cantonal
(Poudret, op. cit., ibid.).

Il n'en demeure pas moins que l'art. 32 al. 4 OJ consacre un principe
général
valable pour tout l'ordre juridique, et qui s'impose en tout cas aux
procédures cantonales lorsque la législation ne contient aucune
disposition
contraire (ATF 118 Ia 241 consid. 3c p. 244; dans ce sens déjà,
Poudret, op.
cit., n. 5.8 ad art. 32). En pareille hypothèse, une autorité
cantonale
ferait preuve de formalisme excessif si elle déclarait irrecevable
l'acte
déposé auprès d'une autorité incompétente et transmis par cette
dernière
après l'expiration du délai (cf. ATF 128 IV 137 consid. 3b p. 144).
En l'espèce, aucune disposition de la LPC/GE ou de la loi genevoise
sur la
juridiction des prud'hommes du 21 juin 1990 en vigueur lors du
prononcé de
l'arrêt sur rescindant n'interdit expressément de considérer comme
intervenu
en temps utile le mémoire déposé dans les délais devant une autorité
incompétente et transmis ensuite à l'autorité compétente. Dans ces
conditions
et indépendamment de la référence à l'art. 448 LPC/GE, la Chambre
d'appel
pouvait sans arbitraire juger comme déterminante pour le respect du
délai la
date du 16 septembre 1997, jour d'envoi de la demande de révision au
Tribunal
fédéral.

5.
5.1En dernier lieu, la recourante reproche à la cour cantonale d'être
tombée
dans l'arbitraire en qualifiant de «pièce décisive» la lettre de
C.________
du 27 juin 1991. En effet, le contenu de ce document serait identique
aux
déclarations faites par le témoin C.________ lors de la procédure
devant le
Tribunal des prud'hommes, si bien que la lettre en question ne serait
absolument pas propre à modifier l'arrêt attaqué. De plus, dans son
arrêt du
11 décembre 1995, la Chambre d'appel aurait, en tout état de cause,
écarté le
témoignage C.________, car elle aurait tenu pour établi que l'intimée
avait
renoncé au privilège de la titularisation en signant un contrat de
durée
déterminée en 1988.

5.2 Selon l'art. 157 let. a LPC/GE, il y a lieu à revision d'un
jugement «si,
depuis sa prononciation, il a été recouvré des pièces décisives,
retenues par
une circonstance de force majeure ou par le fait de la partie qui a
obtenu le
jugement». Dans le cadre d'un examen limité à la causalité abstraite,
une
pièce sera qualifiée de décisive lorsqu'elle est de nature à modifier
le
jugement attaqué et à déterminer chez le juge une conviction
différente
(Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile
genevoise, tome II, n. 10 ad art. 157; Philippe Schweizer, Le recours
en
revision spécialement en procédure civile neuchâteloise, thèse
Neuchâtel
1985, p. 221).

L'arrêt de la Chambre d'appel du 11 décembre 1995 contient le passage
suivant
(consid. 2):

«Si lors de son audition du 18 octobre 1995, C.________ a déclaré
savoir que
A.________ était titularisée sur le vu des éléments de son dossier,
il a
expliqué qu'il y avait une lettre disant qu'elle était titularisée,
tout en
ajoutant être relativement formel dans cette affirmation. Une telle
nuance
apportée aux déclarations du témoin ne permet pas à la Chambre
d'appel de
considérer que le témoignage de C.________ aurait fourni la preuve de
la
titularisation de l'appelante.»
Alors que, dans sa déclaration, il avait émis une réserve à propos de
la
titularisation de A.________, C.________ se montre au contraire
catégorique à
ce sujet dans la lettre du 27 juin 1991, présentée comme pièce
nouvelle. Ce

document apporte dès lors un élément nouveau par rapport au témoignage
recueilli à l'époque, dont il ne constitue pas une simple répétition.
En ce qui concerne le caractère décisif de la lettre du 27 juin 1991,
il est
inexact de prétendre, à l'instar de la recourante, que la cour
cantonale,
dans son arrêt du 11 décembre 1995, aurait admis que l'intimée avait,
en tout
état de cause, renoncé au privilège de la titularisation en signant le
contrat à durée déterminée du 1er septembre 1988. S'il a bien été
tenu par le
Tribunal des prud'hommes dans son jugement du 12 avril 1994, ce
raisonnement
a été expressément écarté par la Chambre d'appel; en effet, cette
autorité a
constaté, au considérant 2 de son arrêt, que la conclusion de
contrats de
durée déterminée avec des employés titularisés permettait un
changement
d'affectation à la fin du contrat, sans remettre en cause la
titularisation.
Le moyen tiré de l'arbitraire se révèle, là aussi, mal fondé.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. La
recourante
prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et
versera à
l'intimée A.________ une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1
OJ). En
revanche, la Caisse de chômage Y.________ ne se verra allouer aucune
indemnité puisqu'elle n'a pas procédé devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 10'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la
recourante et
de l'intimée A.________, à l'intimée Caisse de chômage Y.________
ainsi qu'à
la Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 29 août 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.285/2001
Date de la décision : 29/08/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-29;4p.285.2001 ?
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