La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/08/2002 | SUISSE | N°4C.365/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 août 2002, 4C.365/2001


{T 0/2}
4C.365/2001 /viz

Arrêt du 29 août 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Nyffeler et Favre,
greffière Godat Zimmermann.

Fondation de l'Ecole X.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Teresa Giovannini,
avocate,
Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, case postale 393, 1211 Genève
12,

contre

A.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me François Bellanger,
avocat,
Bonnant Warluzel & Associé

s, rue de Saint-Victor 12, case postale
473, 1211
Genève 12,
Caisse de chômage Y.________
intervenante et intimée.

...

{T 0/2}
4C.365/2001 /viz

Arrêt du 29 août 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Nyffeler et Favre,
greffière Godat Zimmermann.

Fondation de l'Ecole X.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Teresa Giovannini,
avocate,
Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, case postale 393, 1211 Genève
12,

contre

A.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me François Bellanger,
avocat,
Bonnant Warluzel & Associés, rue de Saint-Victor 12, case postale
473, 1211
Genève 12,
Caisse de chômage Y.________
intervenante et intimée.

contrat de travail; revision

(recours en réforme contre les arrêts de la Cour d'appel des
prud'hommes du
canton de Genève du 17 mars 1999 et du 8 octobre 2001)

Faits:

A.
En 1964, Fondation de l'Ecole X.________ (ci-après: la Fondation ou
l'Ecole)
a engagé A.________, née en 1941, en qualité de secrétaire. La
Fondation a
édicté un règlement concernant le personnel administratif. Selon
l'art. 7 ch.
5 de ce règlement, l'employé peut, après huit ans et sur sa demande,
être
titularisé dans sa fonction pour une durée indéterminée qui prend
fin, sous
réserve de l'application de l'art. 8, à l'âge limite fixé par la
Caisse de
prévoyance et de retraite de l'Ecole. L'art. 8 ch. 2 stipule que les
contrats
conclus conformément à l'art. 7 peuvent être résiliés pour les raisons
suivantes:

a) événement échappant au contrôle de l'Ecole et entraînant soit sa
fermeture
totale ou partielle, soit une réduction sensible du nombre des élèves;
b) suppression de l'emploi résultant d'une modification des
programmes;
c) inaptitude survenant au cours du contrat ou travail devenant
insuffisant;
d) révocation disciplinaire (des infractions répétées peuvent
constituer un
motif de révocation disciplinaire ainsi qu'une conduite contraire aux
dispositions préliminaires du règlement);
e) délits ou fautes graves ou justes motifs;
f) absence de plus de douze mois consécutifs sans l'accord préalable
du
conseil de direction.

La titularisation procure une garantie d'emploi, mais non un poste
déterminé;
un employé titularisé peut ainsi être muté à un autre poste.

A. ________ a toujours accompli son travail à l'entière satisfaction
de son
employeur. Par lettre du 2 février 1971, B.________, alors directeur
général,
a annoncé à sa collaboratrice qu'elle serait titularisée dans ses
fonctions
de secrétaire de la direction générale.

Le 1er septembre 1988, A.________ et la Fondation, représentée par son
directeur général C.________, ont signé un contrat de travail.
L'employée a
été engagée en qualité d'attachée de direction. Son salaire annuel
brut de
84'000 fr. hors échelle devait faire l'objet d'une nouvelle
négociation à la
fin de chaque année scolaire. Le contrat était conclu pour cinq ans,
soit
jusqu'à fin août 1993; à son expiration, il devait être renouvelé
pour une
durée indéterminée. Le règlement concernant le personnel
administratif en
faisait partie intégrante. En application d'un avenant en vigueur
depuis le
1er septembre 1990, le salaire brut de A.________ a été fixé à
108'420 fr.
pour l'année scolaire 1990-1991.
Les relations étaient tendues entre le conseil de fondation et la
direction
générale. En janvier 1991, C.________ a appris que son contrat ne
serait pas
renouvelé. Par ailleurs, certaines personnes souhaitaient le départ de
A.________, qui savait trop de choses et incarnait la continuité. Sur
instructions de D.________, président du conseil de fondation,
C.________ a,
par lettre du 27 mai 1991, résilié le contrat de A.________ pour le
31 août
1991. Il lui a indiqué qu'une indemnité pour longs rapports de
travail,
correspondant à huit mois de salaire, lui serait versée, ajoutant
qu'il
n'était pas opportun qu'elle continuât à occuper son poste. Le 14
juin 1991,
A.________ a accepté l'indemnité de départ de 73'333 fr. et réservé
ses
droits dans l'hypothèse où elle n'obtiendrait pas l'emploi qu'elle
avait en
vue pour septembre 1991. Le poste en question n'ayant pas été
opérationnel,
A.________ en a informé la Fondation le 24 juillet 1991 et l'a
invitée à
continuer de lui verser son salaire en septembre. Le 10 septembre
1991, la
Fondation a constaté que les accords relatifs à la fin du contrat au
31 août
1991 étaient remis en cause et a annoncé à A.________ qu'elle lui
verserait
son salaire jusqu'en août 1993 pour autant qu'elle n'exerçât aucune
activité
lucrative durant ce laps de temps; une indemnité pour longs rapports
de
travail serait également versée à A.________ en août 1993 ou au
moment de la
fin de ceux-ci si l'intéressée trouvait un emploi dans l'intervalle.
Dans un
courrier du 30 septembre 1991, A.________ constatait l'existence d'un
accord
sur une indemnité correspondant à huit mois de salaire et faisait
état de la
cessation des rapports contractuels en août 1993. Par la suite, les
parties
ont poursuivi leur échange de correspondance; celui-ci portait
notamment sur
l'augmentation de salaire réclamée par A.________, qui se référait à
la
hausse générale décidée par le conseil de fondation. Par lettre du 2
juillet
1993, l'avocat qui défendait alors les intérêts de A.________ a fait
savoir à
la Fondation que le contrat de travail était à tout le moins renouvelé
jusqu'au 31 août 1998; il a relevé que sa cliente avait été
titularisée par
décision du 2 février 1971 et qu'aucune résiliation n'était dès lors
possible
en dehors des exceptions prévues par l'art. 8 du règlement concernant
le
personnel administratif. La Fondation a campé sur ses positions.

A. ________ a été au chômage de septembre 1993 à avril 1995. Souffrant
ensuite d'une dépression, elle s'est retrouvée en incapacité de
travail
totale jusqu'à la fin 1998, puis partielle. Dès octobre 1999, elle a
cherché
en vain un emploi.

B.
B.aLe 2 octobre 1993, A.________ a ouvert action contre la Fondation
afin de
faire constater judiciairement qu'elle était au bénéfice d'un contrat
de
travail de durée indéterminée en tant que membre du personnel
administratif
titularisé et qu'aucune résiliation valable dudit contrat n'était
intervenue
à ce jour. Elle demandait qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle
persistait
à offrir ses services à la défenderesse. La demanderesse concluait,
en outre,
à la condamnation de la Fondation au paiement de 6'798 fr. avec
intérêts à 5%
dès le 1er mars 1993 à titre d'augmentation salariale du 1er
septembre 1992
au 31 août 1993, de 10'297 fr.15 avec intérêts à 5% dès le 30
septembre 1993
à titre de salaire pour le mois de septembre 1993 et d'un montant
complémentaire de 10'297 fr.15 par mois dès octobre 1993, avec
intérêts à 5%
dès le dernier jour du mois, et ce, jusqu'à la date du jugement.
Enfin, elle
concluait à ce qu'il soit dit qu'elle aurait droit au versement de son
salaire jusqu'à l'âge limite fixé par la Caisse de prévoyance et de
retraite
de la Fondation, sous réserve d'une résiliation selon l'art. 8 du
règlement
concernant le personnel administratif. La défenderesse s'est opposée
aux
prétentions de la demanderesse. Reconventionnellement, elle a conclu
à ce
qu'il soit constaté que l'employée avait décidé, en avril 1991, de
quitter
son emploi le 31 août 1991, qu'un accord des parties était intervenu
quant à
la résiliation des rapports de travail pour cette date et
qu'elle-même avait
continué à verser le salaire parce que la demanderesse s'était engagée
formellement à chercher un emploi. La défenderesse entendait
également faire
constater que la demanderesse n'avait pas respecté cet engagement et
obtenir
la condamnation de cette dernière au paiement de 192'025 fr. à titre
de
remboursement du salaire perçu sans droit du 1er septembre 1991 au 31
août
1993, l'indemnité de départ de 73'613 fr. 20 convenue en mai 1991
devant être
imputée sur ce montant. Elle invitait enfin le juge à constater que la
question de l'indexation du salaire à partir du 1er septembre 1991 ne
se
posait pas. Subsidiairement, la défenderesse concluait encore à ce
que soient
constatées la résiliation du contrat de travail par la Fondation, le
27 mai
1991, l'absence de reprise des relations de travail et la
non-reconduction du
contrat à son échéance du 31 août 1993, une prétention à une
reconduction
constituant un abus de droit.

La Caisse de chômage Y.________ est intervenue dans la procédure.

Par jugement du 12 avril 1994, le Tribunal des prud'hommes du canton
de
Genève a constaté que le contrat de travail avait été valablement
résilié le
27 mai 1991 pour le 31 août 1993, que les parties étaient libérées,
dès le
1er septembre 1993, de toutes obligations en paiement ou restitution
du
salaire en relation avec le contrat de travail du 1er septembre 1988
et que
la défenderesse était fondée à refuser l'indexation du salaire. En
conséquence, il a débouté les parties de toutes autres conclusions.

Statuant le 11 décembre 1995, sur appel principal de la demanderesse
et appel
incident de la défenderesse, la Chambre d'appel des prud'hommes du
canton de
Genève a rejeté, dans la mesure où elles étaient recevables, les
conclusions
prises devant elle et confirmé le jugement de première instance. La
cour
cantonale a considéré en particulier que A.________ devait supporter
les
conséquences de l'absence d'une preuve suffisante de sa
titularisation.
Par arrêt du 2 avril 1997, la cour de céans a rejeté, dans la mesure
où il
était recevable, le recours de droit public déposé par A.________
contre
l'arrêt de la Chambre d'appel. A la même date, l'employée a également
vu son
recours en réforme rejeté dans la mesure où il était recevable, le
Tribunal
fédéral confirmant l'arrêt attaqué.

B.b Par pli du 21 juillet 1997 reçu trois jours plus tard, C.________
a
adressé à A.________ la copie d'une lettre manuscrite qu'il avait
envoyée à
D.________ le 27 juin 1991 et qui contient le passage suivant:

«Tu sais que c'est à votre demande (toi et le comité exécutif) que
j'ai
licencié A.________ sous le prétexte de faire "place nette" pour le
prochain
D.G. [directeur général] et sous la pression des doyens anglophones,
soucieux
de se débarrasser de la "mémoire de l'école". Je lui ai dit que
c'était à
prendre ou à laisser et qu'elle ferait mieux d'accepter l'indemnité
proposée.
Néanmoins suite à une récente discussion avec elle je pressens que
cela ne va
pas aller tout seul et que des problèmes vont certainement surgir.
Je te rappelle qu'elle est l'une des rares personnes de
l'administration à
être titularisée, et qu'à ce titre nous lui devons un emploi jusqu'à
l'âge de
la retraite (!!) même si nous feignons toujours d'ignorer les statuts
et le
règlement du personnel qui sont pourtant bel et bien en vigueur.»

Se prévalant de deux pièces nouvelles, dont la lettre retranscrite
ci-dessus,
A.________ a présenté au Tribunal fédéral, le 16 septembre 1997, une
demande
de révision de l'arrêt rendu le 2 avril 1997 sur recours en réforme.
Sur le
rescisoire, ses conclusions étaient les suivantes:

- dire qu'elle a été titularisée par la Fondation le 1er septembre
1972;
- dire que la Fondation doit lui garantir un emploi jusqu'à l'âge
limite fixé
par la Caisse de prévoyance;
- dire que le contrat de travail du 1er septembre 1988 n'a pas été
valablement résilié et qu'il s'est renouvelé pour une durée
indéterminée;
- condamner la Fondation à lui payer le salaire correspondant à la
période du
1er septembre 1993 à la date du jugement, calculé sur la base du
salaire
annuel brut fixé 108'420 fr. par l'avenant au contrat du 1er
septembre 1990,
adapté à l'augmentation salariale de 4,5% accordée en septembre 1991,
allocation d'ancienneté y compris, soit 115'303 fr.80, ainsi qu'une
contribution à l'assurance-maladie et au fonds de prévoyance, avec
intérêts à
5% dès le 30 septembre 1993;
- dire et constater qu'elle aura droit au versement de son salaire de
la part
de la Fondation jusqu'à l'âge limite fixé par la Caisse de prévoyance
et de
retraite de la Fondation, sous réserve d'une résiliation selon l'art.
8 du
règlement concernant le personnel administratif.

Le 20 novembre 1997, la demande d'assistance judiciaire déposée par la
requérante a été rejetée, faute de chances de succès de la demande de
révision de l'arrêt du Tribunal fédéral. Par lettre de son conseil
datée du 8
janvier 1998, la requérante, qui a payé l'avance de frais par la
suite, a
demandé au Tribunal fédéral de transmettre son mémoire à l'autorité
cantonale
de dernière instance au cas où il déclarerait sa demande de révision
irrecevable. Par arrêt du 7 avril 1998, la cour de céans a
effectivement
déclaré la demande de révision irrecevable. Elle a considéré que la
révision
demandée par A.________ concernait le grief portant sur la validité
de la
résiliation du contrat de travail; or, ce moyen ayant été déclaré
irrecevable
à l'époque, l'arrêt du Tribunal fédéral du 2 avril 1997 ne s'était pas
substitué, sur ce point, à l'arrêt cantonal du 11 décembre 1995 et ne
pouvait, contrairement à ce dernier, être sujet à révision en raison
des
preuves nouvelles alléguées. Au surplus, le Tribunal fédéral a estimé
que,
dans ces conditions, rien ne s'opposait à donner une suite favorable
à la
requête tendant à la transmission de la demande de révision à
l'autorité
cantonale de dernière instance.

Par arrêt sur rescindant du 17 mars
1999, la Chambre d'appel des
prud'hommes
du canton de Genève a reçu la demande en revision, rétracté les
dispositions
au fond de son arrêt du 11 décembre 1995 et ordonné un échange
d'écritures
sur rescisoire.

Le 30 juin 1999, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables le
recours de
droit public et le recours en réforme interjetés par la Fondation
contre
l'arrêt sur rescindant.

L'autorité cantonale, qui s'intitule désormais Cour d'appel des
prud'hommes,
a rendu son arrêt sur rescisoire le 8 octobre 2001. Dans le
dispositif de sa
décision, elle a:

- constaté que A.________ est au bénéfice d'un contrat de travail de
durée
indéterminée auprès de la Fondation, en tant que membre du personnel
administratif titularisé;
- donné acte à A.________ de ce qu'elle persiste à offrir ses
services à la
Fondation;
- condamné la Fondation à verser à A.________ la somme brute de
914'681 fr.10
avec intérêts à 5% dès le 31 juillet 1997 à titre de salaires pour la
période
écoulée de septembre 1993 à juin 2001 sous déduction de la somme
nette de
99'836 fr.20;
- condamné la Fondation à payer à la Caisse de chômage Y.________ la
somme
nette de 99'836 fr.20;
- constaté que A.________ a droit au versement de son salaire de la
part de
la Fondation jusqu'à l'âge limite fixé par la Caisse de prévoyance et
de
retraite de la Fondation, sous réserve d'une résiliation selon l'art.
8 du
règlement concernant le personnel administratif;
- invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions
sociales et
légales usuelles.

C.
La Fondation interjette un recours en réforme. Elle demande au
Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt sur rescindant et l'arrêt sur rescisoire,
puis de
statuer dans l'un des sens suivants. A titre principal, elle conclut à
l'irrecevabilité de la demande en revision formée par A.________ et à
la
confirmation de l'arrêt de la Chambre d'appel du 11 décembre 1995. Ses
conclusions subsidiaires tendent à faire constater:
- soit que les parties étaient liées par un contrat de travail de
durée
déterminée du 1er septembre 1988 au 31 août 1993, échéance à laquelle
il a
valablement pris fin;
- soit que les parties étaient liées par un contrat de travail de
durée
déterminée ayant duré plus de dix ans, qui a valablement pris fin le
31 août
1993 à la suite de la résiliation du 27 mai 1991;

- soit que les parties étaient liées par un contrat de travail de
durée
indéterminée, qui a valablement pris fin au 31 août 1993 par la
résiliation
intervenue le 27 mai 1991.

Parallèlement, la Fondation a déposé une demande en revision
cantonale, ainsi
qu'un recours de droit public au Tribunal fédéral. Par ordonnance du
7 mars
2002, le Président de la cour de céans a suspendu les procédures
fédérales
jusqu'à droit connu sur la revision cantonale. Par arrêt du 30 avril
2002, la
Cour d'appel des prud'hommes a débouté la Fondation de sa demande en
revision
dans la mesure où celle-ci était recevable. Cette décision n'a pas
fait
l'objet d'un recours.

A. ________ propose de déclarer le recours en réforme irrecevable,
subsidiairement mal fondé.

La Caisse de chômage Y.________ n' a pas pris de conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt sur rescindant est une décision incidente que la défenderesse
avait
déjà attaquée par un recours en réforme; le Tribunal fédéral avait
alors
refusé d'entrer en matière, car les conditions d'un recours immédiat
au sens
de l'art. 50 al. 1 OJ n'étaient pas réunies. Conformément à l'art. 48
al. 3
OJ, le recours dirigé contre la décision finale se rapporte aussi,
sauf
exceptions, aux décisions qui l'ont précédée. En principe donc, la
défenderesse peut critiquer l'arrêt sur rescindant dans le recours en
réforme
contre l'arrêt sur rescisoire.

Il n'en demeure pas moins que, dans l'arrêt sur rescindant, la cour
cantonale
devait juger si une ouverture à revision était donnée. Comme cette
question
est régie par le droit cantonal, le recours se révèle irrecevable
dans cette
mesure (ATF 93 II 433 consid. 2 p. 436; Philippe Schweizer, Le
recours en
revision spécialement en procédure civile neuchâteloise, thèse
Neuchâtel
1985, p. 309). Le cas d'espèce présente toutefois une particularité.
Dans la
phase du rescindant, la Chambre d'appel devait non seulement statuer
sur le
bien-fondé du recours en revision, mais également - et préalablement -
déterminer si elle pouvait se saisir de l'affaire à la suite de la
transmission du Tribunal fédéral; or, sur ce dernier point, il
n'apparaît pas
clairement d'emblée que seul le droit cantonal est applicable. Il
convient
dès lors d'examiner les griefs un par un.

2.
2.1Selon la défenderesse, l'arrêt sur rescindant serait contraire à
l'art.
343 CO. La cour cantonale ne pouvait se référer au formalisme atténué
instauré par cette disposition pour justifier l'entrée en matière sur
la
demande de revision, alors que la valeur litigieuse en cause dépasse
très
largement 30'000 fr.

2.2 La Chambre d'appel a examiné sur la base du droit cantonal si la
demande
de révision déposée initialement au Tribunal fédéral pouvait être
convertie
en un recours en revision cantonal; la cour de céans a eu l'occasion
de le
souligner dans l'arrêt sur le recours de droit public. Dans ce
contexte, la
cour cantonale a cité l'art. 343 CO, instituant une certaine
souplesse dans
la procédure des prud'hommes à l'instar de celle existant en matière
de bail,
pour étayer le parallèle qu'elle entendait tirer entre les deux types
de
procédures et justifier ainsi l'application par analogie de l'art.
448 de la
loi de procédure civile genevoise (ci-après: LPC/GE), qui concerne les
juridictions de baux et loyers. Que la Chambre d'appel ait usé de ce
moyen
d'interprétation à bon ou mauvais escient ne signifie pas pour autant
qu'elle
a appliqué le droit fédéral, dont la violation, à l'exclusion de
celle du
droit cantonal, peut être soulevée dans un recours en réforme (art.
43, art.
55 al. 1 let. c OJ). Le grief est dès lors irrecevable.

3.
3.1La défenderesse soutient également que l'arrêt sur rescindant
viole l'art.
32 al. 4 let. b OJ qui, contrairement à ce que la cour cantonale a
admis, ne
pouvait trouver application en l'espèce. A son sens, l'hypothèse
couverte par
cette disposition n'a rien à voir avec la transmission opérée dans le
cas
particulier, l'erreur de la demanderesse ne portant pas sur l'adresse
mais
bien sur la décision attaquée.

3.2 Le grief soulevé par la défenderesse revient à se plaindre de ce
que le
droit fédéral a été appliqué à tort, ce qui constitue en soi un moyen
recevable dans le recours en réforme (Bernard Corboz, Le recours en
réforme
au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II, p. 38; Poudret, COJ II, n. 1.6.2
ad art.
43). Cependant, la Chambre d'appel ne s'est pas fondée sur l'art. 32
al. 4
let. b OJ pour admettre que la demande en revision était intervenue
en temps
utile. En effet, cette disposition n'est citée nulle part dans
l'arrêt sur
rescindant. Seul l'art. 448 LPC/GE, qui prévoit effectivement la même
règle
que l'art. 32 al. 4 let. b OJ, est mentionné. Dans la mesure où la
Chambre
d'appel a appliqué le droit cantonal, le grief est irrecevable.

4.
4.1 Invoquant l'art. 8 CC, la défenderesse soutient que la cour
cantonale ne
pouvait tenir pour établie la rétention de la lettre du 27 juin 1991,
alors
qu'elle ne disposait d'aucune certitude sur ce point, par ailleurs
contesté
par la Fondation. Là aussi, l'arrêt sur rescindant serait contraire
au droit
fédéral.

4.2 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le
contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son
droit. Sous
réserve d'une règle spéciale, cette disposition répartit le fardeau
de la
preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223) pour toutes les prétentions
fondées sur le droit privé fédéral (ATF 124 III 134 consid. 2b/bb p.
143) et
détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les
conséquences
d'un échec de la preuve (ATF 125 III 78 consid. 3b p. 79).

En l'espèce, c'est dans le cadre de l'art. 157 let. a LPC/GE que la
Chambre
d'appel a examiné si la lettre de C.________ à D.________ avait été
retenue
par une circonstance de force majeure ou par le fait de la partie qui
a
obtenu le jugement. Les cas d'ouverture à revision dépendant du droit
cantonal, l'art. 8 CC ne s'applique pas à l'établissement des faits
et à la
répartition du fardeau de la preuve dans ce contexte-là. Par
conséquent, le
moyen tiré d'une violation de l'art. 8 CC est irrecevable.

5.
5.1Selon la défenderesse, l'arrêt sur rescindant méconnaîtrait en
outre le
principe de l'autorité de la chose jugée. Elle relève à cet égard que
le
courrier du 27 juin 1991 de C.________ n'apporte aucun élément
nouveau par
rapport au témoignage du directeur lors de la première procédure; à
ces deux
occasions, C.________ a déclaré que la demanderesse avait été
titularisée.

5.2 Par définition, la revision permet de remettre en cause un
jugement, et
donc l'autorité de la chose jugée (cf. ATF 127 III 496 consid. 3a p.
498;
Schweizer, op. cit., p. 96 ss). Comme déjà relevé, c'est le droit
cantonal
qui prescrit dans quels cas un jugement cantonal peut faire l'objet
d'une
revision. En droit genevois, la découverte d'une pièce décisive,
retenue
notamment par une circonstance de force majeure, constitue un cas
d'ouverture
à revision (art. 157 let. a LPC/GE). En l'espèce, la cour cantonale a
examiné
sur cette base si la lettre du 27 juin 1991 constituait une pièce
décisive. A
juste titre, la défenderesse a contesté le caractère décisif du
courrier en
cause dans le recours de droit public déposé parallèlement. Il n'y a
ainsi
pas place pour une quelconque violation du principe de l'autorité de
la chose
jugée. Le grief est irrecevable.

6.
6.1 Dans l'arrêt sur rescisoire, la Cour d'appel tient pour établie la
titularisation de la demanderesse. Elle relève qu'aucun des motifs de
résiliation prévus par l'art. 8 du règlement concernant le personnel
administratif n'était réalisé lors du congé signifié en 1991 et que
les
employés titularisés dont les contrats de durée déterminée arrivent à
échéance, récupèrent leurs fonctions antérieures. Dès lors, le
contrat du 1er
septembre 1988 a été renouvelé pour une durée indéterminée. Au
surplus, il
n'est pas contesté que la demanderesse n'a cessé d'informer la
défenderesse
qu'elle se tenait à disposition pour reprendre son emploi. La cour
cantonale
en déduit que la travailleuse est fondée à recevoir son salaire
jusqu'à l'âge
fixé par la Caisse de prévoyance de l'Ecole pour la retraite, sous
réserve
d'une résiliation conforme à l'art. 8 du règlement précité.

6.2 A suivre la défenderesse, l'arrêt sur rescisoire viole, de manière
générale, les art. 2 et 27 CC, ainsi que l'art. 20 CO. En admettant
que les
parties étaient liées par un «contrat à vie», la Cour d'appel aurait
méconnu
le principe posé par la jurisprudence, selon lequel un engagement de
nature
purement obligatoire ne saurait être conclu ni maintenu «pour
l'éternité». La
défenderesse soutient également que le contrat de travail a été
valablement
résilié au 31 août 1993, qu'il soit de durée déterminée ou
indéterminée.
D'une part, elle invoque l'art. 334 al. 3 CO, absolument impératif en
vertu
de l'art. 361 CO, qui octroie aux parties, après dix ans, un droit de
résiliation ordinaire du contrat de travail conclu pour plus de dix
ans.
D'autre part, la défenderesse se prévaut de l'art. 335 al. 1 CO,
également de
droit absolument impératif, qui garantit la liberté de résilier un
contrat de
travail de durée indéterminée, moyennant le respect du délai de congé
légal
ou contractuel.

7.
7.1Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral ne peut aller
au-delà
des conclusions des parties. En revanche, il n'est lié ni par les
motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par les considérants de la
décision
cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252/253;
126 III
59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

7.2 Dans son arrêt du 11 décembre 1995, la Chambre d'appel avait
interprété
la correspondance entre les parties de juin 1991 à juillet 1993. Dans
sa
lettre du 14 juin 1991, la demanderesse acceptait une indemnité pour
longs
rapports de travail de 73'333 fr.; elle constatait par ailleurs la
rupture du
contrat à durée déterminée la liant à la défenderesse jusqu'en août
1993 et
réservait tous ses droits à cet effet. Dans sa lettre du 30 septembre
1991,
la travailleuse faisait état de la cessation des rapports
contractuels en
août 1993. Après avoir mentionné l'art. 7 ch. 5 du règlement
concernant le
personnel administratif dans son courrier du 25 octobre 1991, le
conseil de
la demanderesse précisait, dans une lettre du 16 décembre 1991, que sa
mandante ne prétendait pas à la fois à un contrat de durée déterminée
et à
une titularisation. Il n'a ensuite plus été question de titularisation
jusqu'à la lettre du 2 juillet 1993 du conseil de la demanderesse. La
Chambre
d'appel était parvenue à la conclusion que, dans ces circonstances, la
défenderesse pouvait admettre raisonnablement que la demanderesse
avait
accepté le principe du congé.

Cette interprétation n'a jamais fait l'objet d'une critique de la
part de la
travailleuse. Dans l'arrêt du 2 avril 1997, le Tribunal fédéral a

jugé que le
recours en réforme de la demanderesse était irrecevable dans la
mesure où il
ne s'en prenait pas aux considérants de la décision du 11 décembre
1995
relatifs à un accord de principe au sujet de la résiliation du
contrat; la
cour de céans soulignait que la travailleuse ne remettait pas en
cause son
acceptation de la fin des rapports contractuels pour le 31 août 1993
et les
conséquences liées à cet état de fait.

La Cour d'appel revient sur ce point dans l'arrêt sur rescisoire.
Elle estime
que l'interprétation donnée alors du comportement de la demanderesse
ne peut
être maintenue dès lors que, contrairement aux faits constatés dans la
première procédure, le statut d'employée titularisée de la
travailleuse est à
présent établi. Selon la cour cantonale, il ne saurait donc être
retenu que
la demanderesse a accepté son congé.

A cet égard, on ne discerne pas en quoi la preuve de la
titularisation de la
travailleuse devrait modifier l'interprétation de son comportement
après la
résiliation du 27 mai 1991. En 1988, la demanderesse avait signé un
contrat
de cinq ans comme attachée de direction. La Cour d'appel constate
elle-même
que les contrats de durée déterminée conclus avec des employés
titularisés
permettaient des changements d'affectation sans remettre en cause une
titularisation, les employés dont les contrats venaient à échéance
récupérant
leurs fonctions antérieures. Or, même titularisée, la demanderesse
pouvait
parfaitement refuser d'être réintégrée dans sa fonction antérieure à
l'issue
du contrat à durée déterminée et accepter ainsi que les rapports de
travail
se terminent le 31 août 1993. Sa titularisation n'empêchait pas la
travailleuse de donner son accord à la fin des rapports de travail
pour
l'échéance du contrat à durée déterminée. Au surplus, une erreur
essentielle
est exclue et n'a du reste jamais été invoquée par la demanderesse.
En effet,
celle-ci n'ignorait pas sa titularisation et ses effets puisque la
lettre de
son conseil du 25 octobre 1991 cite l'art. 7 ch. 5 du règlement
concernant le
personnel administratif. Par conséquent, la travailleuse a accepté en
connaissance de cause une résiliation avec effet à fin août 1993.

Une titularisation antérieure ne pouvant influer sur l'appréciation de
l'attitude de la demanderesse après le congé notifié le 27 mai 1991,
c'est à
tort que la cour cantonale a admis l'interdépendance de ces deux
éléments. Il
s'ensuit que les rapports de travail entre les parties ont bel et
bien pris
fin valablement le 31 août 1993.
Sur le vu de ce qui précède, la demanderesse ne disposait d'aucune
préten-
tion en paiement de son salaire au-delà de cette date. De même, la
caisse de
chômage, qui intervenait pour les prestations versées à l'intéressée
du 1er
septembre 1993 au 18 avril 1995, n'avait aucun droit au remboursement
de la
part de la défenderesse. En admettant le contraire dans son arrêt sur
demande
de revision, la Cour d'appel a violé le droit fédéral. Le recours
doit être
admis. Après annulation de l'arrêt sur rescisoire, la demanderesse
sera
déboutée de ses conclusions en paiement du salaire et de ses autres
conclusions en rapport avec la poursuite des rapports de travail
après le 31
août 1993; les conclusions en remboursement de l'intervenante seront
également rejetées.

8.
La demanderesse, qui succombe, supportera les frais judiciaires et
versera à
la défenderesse une indemnité à titre de dépens (art. 156 al. 1 et
159 al. 1
OJ). Il n'y a pas lieu de mettre une partie de ces montants à la
charge de
l'intervenante, car celle-ci n'a pas participé à la procédure devant
le
Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt sur
rescindant.

2.
Le recours est admis en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt sur
rescisoire
et l'arrêt sur rescisoire est annulé; la demanderesse et
l'intervenante sont
déboutées de toutes leurs conclusions.

3.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

4.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 10'000 fr.
à titre
de dépens.

5.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur
les
frais et dépens de la procédure cantonale.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la
demanderesse
et de la défenderesse, à l'intervenante ainsi qu'à la Cour d'appel des
prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 29 août 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.365/2001
Date de la décision : 29/08/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-29;4c.365.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award