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28/08/2002 | SUISSE | N°P.85/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 août 2002, P.85/01


{T 7}
P 85/01

Arrêt du 28 août 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Berthoud

1. A.________, (époux),

2. B.________, (épouse),

recourants, tous deux représentés par Me Maurice Favre, avocat, avenue
Léopold-Robert 66, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital
28,
2001 Neuchâtel 1, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 15 novembre 2001)

Faits :

A.
A. ________ est rentier de l'AVS et séjourne dans un home. Le 11
juillet
20...

{T 7}
P 85/01

Arrêt du 28 août 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Berthoud

1. A.________, (époux),

2. B.________, (épouse),

recourants, tous deux représentés par Me Maurice Favre, avocat, avenue
Léopold-Robert 66, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital
28,
2001 Neuchâtel 1, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 15 novembre 2001)

Faits :

A.
A. ________ est rentier de l'AVS et séjourne dans un home. Le 11
juillet
2001, il a requis le versement d'une prestation complémentaire à
l'AVS.

Lors du calcul de cette prestation, la Caisse cantonale neuchâteloise
de
compensation (la caisse) a tenu compte d'une donation de 100 000 fr.
que son
épouse B.________ avait consentie à son fils C.________ en 2000. Dans
une
première décision rendue le 3 août 2001, la caisse a nié le droit de
B.________ à une prestation complémentaire, au motif d'un excédent de
revenu
de 3630 fr. Dans une seconde décision du même jour, la caisse a
arrêté à 1802
fr. par mois (soit 21 616 fr. par an) le montant de la prestation
complémentaire revenant à A.________ à partir du 1er juin 2001.

B.
A.________ et B.________ ont déféré conjointement ces deux décisions
au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, en concluant au
versement
d'une prestation complémentaire mensuelle de 2276 fr. (soit
annuellement 27
315 fr.) en faveur du premier nommé. A l'appui de leurs conclusions,
ils ont
fait valoir que la caisse n'aurait pas dû prendre en compte l'abandon
de
fortune de 100 000 fr. et le revenu des intérêts de cet abandon (1400
fr. par
an) dans le calcul de la prestation complémentaire, dès lors qu'ils
n'ont pas
d'enfant commun, que la donation provenait des biens propres de
l'épouse et
que cette dernière n'avait pas la qualité d'ayant droit au sens de la
loi.

Par jugement du 15 novembre 2001, la juridiction cantonale a rejeté le
recours.

C.
A.________ et B.________ interjettent recours de droit administratif
contre
ce jugement dont ils demandent l'annulation, avec suite de dépens, en
concluant derechef au versement, par l'intimée, d'une prestation
complémentaire mensuelle de 2276 fr. (ou annuellement 27 315 fr.) en
faveur
de A.________.

L'intimée conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le montant de la prestation complémentaire à l'AVS
revenant à A.________, singulièrement sur la prise en compte de la
donation
de 100 000 fr. à laquelle B.________ a consenti en faveur de son fils
C.________, ainsi que du revenu des intérêts de cet abandon de
fortune (1400
fr. par an), dans le calcul de la prestation.

En revanche, la question du droit de B.________ à une prestation
complémentaire n'est plus litigieuse en procédure fédérale.

2.
2.1Selon l'art. 3c al. 1 let. g LPC, dans sa teneur en vigueur dès le
1er
janvier 1998 (RO 1997 p. 2956), les revenus déterminants comprennent
les
ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi.

D'après l'art. 3a al. 5 LPC, pour les couples dont l'un des conjoints
ou les
deux vivent dans un home ou dans un hôpital, la prestation
complémentaire
annuelle est calculée séparément pour chacun des conjoints. A cet
égard, les
revenus déterminants et la fortune sont partagés par moitié entre
chacun des
conjoints (...). La jurisprudence a précisé que cette règle s'applique
indépendamment du régime matrimonial que les conjoints ont adopté; en
d'autres termes, il importe peu de savoir de quelle masse de biens
provenait
le bien qui a fait l'objet d'un dessaisissement (arrêt D. du 24 mai
2002, P
82/01).

Pour le surplus, les premiers juges ont exposé correctement les
dispositions
légales applicables à la solution du litige, de sorte qu'il suffit de
renvoyer à leurs considérants.

2.2 Les recourants soutiennent à cet égard que B.________ n'a pas la
qualité
d'ayant droit au sens de l'art. 3c al. 1 let. g LPC, car le litige ne
porte
pas sur le droit de la prénommée à une prestation complémentaire, mais
uniquement sur celui de son époux à une telle prestation. Ils
estiment que la
loi distingue l'éventualité envisagée par l'art. 3c al. 1 let. g LPC
de celle
qui est prévue à l'art. 3a al. 5 LPC, car la notion d'ayant droit n'a
pas été
retenue dans la seconde disposition. A leurs yeux, les époux y sont
considérés comme une entité juridique, ce qui se justifie sur le plan
de
l'équité, au regard notamment des règles relatives à la dette
alimentaire
(art. 328 CC).

La règle qui figure aujourd'hui à l'art. 3c al. 1 let. g LPC se
trouvait
jadis à l'ancien art. 3 al. 1 let. f LPC, de contenu identique et en
vigueur
jusqu'au 31 décembre 1997. Dans un arrêt rendu en 1991 (ATF 117 V
287), le
Tribunal fédéral des assurances a précisé ce qu'il faut entendre par
«ayant
droit» au sens de l'ancien art. 3 al. 1 let. f LPC, en ces termes (pp.
290-291 consid. 3b) :

Le problème se pose toutefois de savoir si le revenu hypothétique du
conjoint
peut être pris en compte dans la fixation du revenu déterminant en
vertu de
l'art. 3 al. 1 let. f LPC. La version française de cette disposition
paraît
l'exclure, car elle ne vise que les ressources et parts de fortune
dont
l'ayant droit s'est dessaisi. Le texte italien s'exprime dans le même
sens
("le entrate e le parti di sostanza a cui l'assicurato ha
rinunciato"). En
revanche, le texte allemand use d'une formule plus large, puisqu'il
fait
uniquement référence à l'objet du dessaisissement ("Einkünfte und
Vermögenswerte, auf die verzichtet worden ist").

Les textes légaux sont d'égale valeur dans les trois langues
officielles.
Lorsqu'ils présentent entre eux des divergences, il convient de
déterminer
celui qui, d'après les méthodes usuelles d'interprétation, rend le
plus
exactement le sens de la règle et peut être considéré comme juste
(ATF 115 V
448 consid. 1a; 114 IV 177; Grisel, Traité de droit administratif, p.
126).
En l'occurrence, le texte allemand, qui peut être rendu en français
par "les
revenus et parts de fortune auxquels on a renoncé", correspond le
mieux à la
systématique et au but de la loi. En effet, le revenu déterminant des
époux
doit être additionné (art. 3 al. 5 LPC). Pour savoir ce qui entre
dans le
revenu déterminant, il faut se reporter à l'énumération figurant à
l'art. 3
al. 1 LPC et donc, aussi, à la lettre f de cette même disposition. Il
s'ensuit, logiquement, que les ressources et parts de fortune dont le
conjoint de l'ayant droit (ou de l'assuré) se dessaisit constituent
aussi un
tel revenu, qui doit être pris en considération. Au demeurant, le but
des
prestations complémentaires est d'assurer un revenu minimum aux
bénéficiaires
de rentes de l'AVS ou de l'AI et qui se trouvent dans le besoin
(message
concernant un projet de loi fédérale sur les prestations
complémentaires à
l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 21 septembre
1964, FF
1964 II 709, 714; RCC 1989 p. 606 consid. 2a). Or, la situation
économique du
conjoint peut influer sensiblement sur les conditions de vie de
l'ayant droit
(raison pour laquelle l'art. 3 al. 5 LPC prévoit d'additionner le
revenu
déterminant des époux). De toute évidence, il serait contraire au but
de la
loi de faire abstraction des ressources auxquelles ce même conjoint
renonce,
sans obligation juridique et sans contre-prestation adéquate, voire
dans la
seule intention d'éluder la loi sur les prestations complémentaires
(...).
2.3 Malgré les arguments des recourants, la Cour de céans ne voit
aucune
raison de revenir sur cette jurisprudence et de donner une nouvelle
portée à
l'art. 3c al. 1 let. g LPC.

Il s'ensuit que la part de fortune à laquelle B.________ a renoncé en
faveur
de son fils, ainsi que les revenus des intérêts de cet abandon,
doivent être
pris en compte, par moitié (cf. consid. 2.1 ci-dessus), dans le
calcul de la
prestation complémentaire revenant à son époux.

3.
Pour le surplus, les autres éléments du calcul de la prestation
complémentaire de A.________ ne sont pas contestés et n'apparaissent
au
demeurant pas critiquables. La décision litigieuse du 3 août 2001 qui
le
concerne apparaît dès lors conforme au droit fédéral. Le recours est
mal
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 août 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.85/01
Date de la décision : 28/08/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-28;p.85.01 ?
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