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26/08/2002 | SUISSE | N°5P.200/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 août 2002, 5P.200/2002


{T 0/2}
5P.200/2002 /frs

Arrêt du 26 août 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Escher, Hohl,
greffière Jordan.

V. ________ (époux),
recourant, représenté par Me Jacques Micheli, avocat, place Pépinet
4, case
postale 3309, 1002 Lausanne,

contre

Dame V.________ (épouse),
intimée, représentée par Me Malek Buffat Reymond, avocate, av.
d'Ouchy 14,
case postale 155, 1000 Lausanne 13,
Tribunal civil d'arrondissement de La Côte,
Rte de St-Cergue 38, 1

260 Nyon.

art. 9 Cst. (mesures provisionnelles dans le procès en modification du
jugement de divorce),

recours de dr...

{T 0/2}
5P.200/2002 /frs

Arrêt du 26 août 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Escher, Hohl,
greffière Jordan.

V. ________ (époux),
recourant, représenté par Me Jacques Micheli, avocat, place Pépinet
4, case
postale 3309, 1002 Lausanne,

contre

Dame V.________ (épouse),
intimée, représentée par Me Malek Buffat Reymond, avocate, av.
d'Ouchy 14,
case postale 155, 1000 Lausanne 13,
Tribunal civil d'arrondissement de La Côte,
Rte de St-Cergue 38, 1260 Nyon.

art. 9 Cst. (mesures provisionnelles dans le procès en modification du
jugement de divorce),

recours de droit public contre le jugement du Tribunal civil
d'arrondissement
de La Côte du 22 avril 2002.

Faits:

A.
V. ________, né en 1954, et dame V.________, née en 1959, tous deux de
nationalité allemande, se sont mariés le 29 mai 1992 en Allemagne.
Ils ont eu
deux enfants, J.________, née le 19 septembre 1992, et C.________,
née le 6
janvier 1994.

B.
En septembre 1997, dame V.________ a quitté le domicile conjugal en
Allemagne; elle s'est installée à Morges avec ses deux filles. Dès le
mois
d'octobre suivant, elle a entrepris des démarches en vue d'une
séparation
légale.

Par ordonnance provisionnelle du 27 janvier 1998, la Justice de Paix
du
cercle de Morges a suspendu provisoirement le droit de visite du père
et
ordonné une expertise pédopsychiatrique, qui a été rendue le 27 mars
1998.
Cette procédure a été initiée à la suite de problèmes rencontrés par
les
enfants (asthme, cauchemars et soupçons de coups de la part du
père).

C.
Le 14 avril 1998, l'Amtsgericht de Munich (Allemagne) a prononcé le
divorce
des époux V.________ et ratifié la convention sur les effets
accessoires
signée par les parties, laquelle accordait notamment l'autorité
parentale et
la garde des filles à la mère, sous réserve d'un large droit de
visite en
faveur du père.

D.
A la fin du mois de juin 1998, dame V.________ a déposé une plainte
pénale
contre son ex-époux pour actes d'ordre sexuel avec des enfants et
lésions
corporelles.

A la même époque, soit le 26 juin, elle a requis que le droit de
visite soit
suspendu avec effet immédiat, jusqu'à droit connu sur l'enquête
pénale,
subsidiairement, que l'exercice de ce droit ait lieu, pendant cette
période,
dans les locaux de l'association Point Rencontre. A la suite d'un
arrêt de la
Chambre des tutelles annulant l'ordonnance prise dans ce cadre, la
cause a
été transmise au Président du Tribunal du district de Morges comme
objet de
sa compétence.

E.
Le 5 novembre 1998, dame V.________ a ouvert une action en complément,
subsidiairement, en modification du jugement de divorce allemand,
laquelle
porte sur le droit de visite du père. Statuant par jugement incident
le 22
septembre 1999 sur requête de la mère, le Président du Tribunal du
district
de Morges a suspendu cette procédure jusqu'à ce qu'un jugement pénal
définitif soit rendu. Cette décision a été confirmée par la Chambre
des
recours du Tribunal cantonal vaudois le 29 décembre 1999.

Parallèlement, dame V.________ a formé une requête de mesures
pré-provisionnelles d'extrême urgence et une requête complémentaire à
celle
du 26 juin 1998, tendant à la suspension, avec effet immédiat, du
droit de
visite du père jusqu'à droit connu sur l'enquête pénale. Le même
jour, soit
le 5 novembre 1998, le Président du Tribunal a abondé en ce sens. Le
15
décembre suivant, sur nouvelle requête de la mère, il a assorti son
ordonnance de la commination des peines prévues à l'art. 292 CP.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 1er mars 1999, le
Président du
Tribunal a désigné un curateur aux enfants (art. 308 al. 1 et 2 CC)
aux fins
de tenter de restaurer un droit de visite. Il a par ailleurs révoqué
les
ordonnances d'extrême urgence des 5 novembre et 15 décembre 1998 et
invité le
père à respecter les injonctions du curateur sous peine de sanctions
pénales.

Le 4 octobre 1999, le Président du Tribunal du district de Morges a
corrigé
son ordonnance du 1er mars 1999, en ce sens qu'il a suspendu
l'exercice du
droit de visite du père jusqu'à nouvel examen ensuite de la
conclusion de
l'affaire pénale. Par ordonnance préprovisionnelle du 27 septembre
2000, la
suspension des relations personnelles a été assortie de la
commination des
peines prévues à l'art. 292 CP.

Le 22 avril 2002, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a
rejeté
l'appel interjeté par V.________ contre l'ordonnance du 4 octobre
1999.

F.
Dans le cadre de la procédure pénale, le Juge d'instruction de
l'arrondissement de La Côte a rendu une ordonnance de non-lieu le 23
novembre
1999, laquelle a été annulée, le 17 février 2000, sur recours de dame
V.________ et du Ministère public. La cause a ainsi été renvoyée au
juge
d'instruction pour complément d'enquête et nouvelle décision.

G.
V.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral,
concluant à
l'annulation de l'arrêt du 22 avril 2002, sous suite de frais et
dépens, et
au renvoi de la cause pour nouveau jugement.

Dame V.________ et l'autorité cantonale n'ont pas été invitées à
répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué n'indique pas les dispositions du droit fédéral
appliquées. Il ressort toutefois de ses considérants qu'il s'agit de
mesures
provisoires réglant le droit de visite sur les enfants, prises dans
le cadre
d'un procès - introduit le 5 novembre 1998 - en modification d'un
jugement de
divorce allemand rendu le 14 avril précédent. Qu'elles aient été
rendues en
application de l'ancien (art. 145 et 153 aCC; ATF 118 II 228 consid.
3b p.
228) ou du nouveau droit du divorce entré en vigueur le 1er janvier
2000
(art. 134 al. 2 et 137 CC; Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen
Scheidungsrecht, n. 6 ad art. 137 CC; Karl Spühler, Neues
Scheidungsverfahren, p. 29, ch. 1 et p. 86, ch. 4; Karl Spühler, op.
cit.,
Supplement, p. 32, ch. 2), de telles décisions peuvent faire l'objet
d'un
recours de droit public (cf. ATF 100 Ia 12 consid. 1b p. 14; arrêts
5P.226/2001 du 9 août 2001 et 5P.349/2001 du 6 novembre 2001, consid.
2). Le
recours a de plus été formé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ).

1.2 En vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est
recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance
cantonale. Cela suppose que le grief soulevé devant le Tribunal
fédéral ne
puisse pas être soumis à une autorité cantonale par la voie d'un
recours
ordinaire ou extraordinaire (ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258 et
l'arrêt cité;
110 Ia 71 et les références).

Dans le canton de Vaud, l'arrêt sur appel en matière de mesures
provisionnelles peut faire l'objet d'un recours en nullité pour tous
les
motifs prévus par l'art. 444 al. 1 CPC vaud., et, en particulier, pour
violation des règles essentielles de procédure (ch. 3), soit pour
déni de
justice formel et pour appréciation arbitraire des preuves (ATF 126 I
257;
JdT 2001 III p. 128). Interjeté, non pour ces motifs, mais pour
arbitraire
dans l'application du droit civil fédéral, le présent recours est donc
recevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ.

2.
Dans un recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst.), le
Tribunal
fédéral s'en tient aux faits constatés par l'autorité cantonale, à
moins que
le recourant ne démontre que ces constatations sont arbitrairement
fausses ou
incomplètes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Les compléments ou
précisions
que le recourant entend apporter au déroulement des faits sont donc
irrecevables, en l'absence de moyens motivés conformément aux
exigences de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Il en va notamment ainsi lorsque le
recourant se
réfère à l'ordonnance pénale rendue postérieurement au jugement
attaqué, aux
mesures d'instruction qui ont suivi ou, encore, au contexte dans
lequel
l'intimée a porté ses premières accusations pour abus sexuels.

3.
3.1 Les juges intimés ont notamment relevé que, si le recourant a
admis avoir
effectué des massages sur ses filles, il refuse de reconnaître les
conséquences qu'ils ont pu avoir sur ces dernières, les considérant
comme
tout à fait naturels. Or, de l'avis des experts, il est indispensable
à
l'établissement d'une relation de confiance père-enfants que le
recourant
reconnaisse ces faits ou, à tout le moins, la souffrance de ses
filles,
celles-ci devant sentir que leur crédibilité n'est pas remise en
cause.
Compte tenu de cette "non-reconnaissance", il ne paraît pas possible
d'envisager un droit de visite sous surveillance au Point Rencontre,
cette
structure ne pouvant protéger les fillettes contre leur père, lequel
pourrait
tenter de les discréditer ou de les culpabiliser. Pour les mêmes
motifs, des
contacts téléphoniques ne sont pas recommandés. L'autorité cantonale
a, pour
le surplus, renvoyé les parties aux motifs retenus par le premier
juge,
lequel, se référant notamment aux avis de deux praticiens et de la
curatrice,
avait jugé que tout contact physique avec le père était actuellement
contraire à l'intérêt des enfants et qu'un contact verbal n'était pas
recommandé, dans la mesure où le père pourrait être tenté de
"brouiller les
cartes" par des discours visant à sa réhabilitation et culpabilisant
les
enfants (ordonnance du 4 octobre 1999, p. 5). Elle a par ailleurs
estimé que
le grave conflit conjugal - dont la répercussion sur les fillettes est
attestée par les thérapeutes et les experts - s'oppose également à un
droit
de visite. A cet égard, seule une démarche de médiation ou de
thérapie des
deux parents - sans les enfants dans un premier temps - pourrait
préparer le
terrain pour une reprise des relations personnelles. Sur le vu de ce
qui
précède, le Tribunal d'arrondissement a rejeté l'appel et confirmé
l'ordonnance de mesures provisionnelles du 4 octobre 1999.

3.2 Le recourant prétend qu'une telle décision est arbitraire pour
deux
motifs.

3.2.1 Il reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir subordonné le
droit de
visite à la reconnaissance d'abus sexuels qu'il conteste (recours p.
7). On a
toutefois de la peine à le suivre sur ce point. En effet, après avoir
annoncé
ce moyen, le recourant soutient, de façon appellatoire, qu' "à juste
titre la
décision attaquée ne subordonne pas la reprise des relations
personnelles à
un jugement pénal ou à une reconnaissance de prétendus abus, mais à
une
normalisation des relations entre les parents" (recours p. 14, 3e
par.). On
pourrait certes comprendre que le recourant entend ainsi faire grief
aux
juges intimés d'avoir lié un nouvel examen du droit de visite à
l'issue de la
procédure pénale. Dans un chapitre intitulé "conclusion", il ajoute
en effet
que, dans ces circonstances, le tribunal n'aurait pas "dû confirmer
purement
et simplement l'ordonnance de mesures provisionnelles du 4 octobre
1999". Une
telle critique ne répond toutefois pas aux réquisits de l'art. 90 al.
1 let.
b OJ. Au regard de cette disposition, il ne suffit en effet pas
d'aligner une
suite d'affirmations péremptoires et confuses, voire contradictoires.
Saisi
d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
moyens
invoqués de manière claire et détaillée (ATF 127 I 38 consid. 3c p.
43; 127
III 279 consid. 1c p. 282; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71
consid. 1c
p. 76, 492 consid. 1b p. 495); une argumentation qui comporte des
griefs
appellatoires, confus ou contradictoires ne répond pas à ces
exigences (ATF
117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12; Claude Rouiller, La protection de
l'individu
contre l'arbitraire de l'Etat, in RDS 1987, vol. II, p. 384 let. a).

3.2.2 Le recourant affirme ensuite que le Tribunal d'arrondissement a
subordonné, de façon insoutenable, le droit de visite à une
normalisation des
relations entre les parents. Cette critique tombe à faux. En ajoutant
que
seule une démarche de médiation ou de thérapie des deux parents -
sans les
enfants dans un premier temps - pourrait préparer le terrain pour une
reprise
des relations personnelles, les juges intimés se sont bornés à
indiquer aux
parties un début de solution. Ils ont d'ailleurs expressément relevé
qu'il ne
leur appartenait pas d'imposer une telle démarche, laquelle ne pouvait
dépendre que de la volonté propre des deux parties. Cette invitation
découlait logiquement du fait qu'ils venaient de considérer - sur la
base des
avis des spécialistes - que, dans l'immédiat, il était dans l'intérêt
des
fillettes non seulement d'éviter tout contact - physique ou oral -
avec leur
père, mais aussi de ne pas être impliquées plus avant dans le grave
conflit
conjugal. L'autorité cantonale a en effet considéré que l'intérêt des
fillettes postule que les parties s'efforcent de résoudre leur
conflit et de
rétablir un dialogue et que le ressenti des fillettes en rapport avec
les
faits qu'elles ont décrits (notamment les massages), et qui ont été
admis par
le recourant, soit pris en considération, et que leur père ne les
culpabilise
pas, conditions qui, vu l'attitude de ce dernier, ne peuvent être
garanties
ni par le Point Rencontre ni même lors de contacts téléphoniques. Or,
le
recourant laisse intactes ces considérations fondées sur le bien des
enfants
(art. 90 al. 1 let. b OJ). Loin de démontrer, par une argumentation
précise,
que les règles et principes applicables en matière de
droit de visite
ont été
arbitrairement violés, son acte de recours s'épuise en effet en une
suite de
considérations générales sur l'importance que le droit et les
psychologues
accordent aux relations personnelles entre l'enfant et le parent non
gardien
et sur les principes applicables lorsque ce dernier est accusé d'abus
sexuels
(ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43; 127 III 279 consid. 1c p. 282; 126
III 534
consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid.1b p. 495).

4.
Vu ce qui précède, le recours est irrecevable. Le recourant, qui
succombe,
doit être condamné aux frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il
n'y a
pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à
répondre
(art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
à Me
Dominique Hahn, curatrice des enfants, et au Tribunal civil
d'arrondissement
de La Côte.

Lausanne, le 26 août 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.200/2002
Date de la décision : 26/08/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-26;5p.200.2002 ?
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