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26/08/2002 | SUISSE | N°1A.71/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 août 2002, 1A.71/2002


{T 0/2}
1A.71/2002/sch

Arrêt du 26 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Christian Grobet, rue des Maraîchers 10,
case
postale 148, 1211 Genève 8,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Reynald P. Bruttin, avocat, rue du
Mont-de-Sion 8,
1206 Genève,
Département de l'intérieur, de l'agriculture,

de l'environnement et de
l'énergie du canton de Genève,
case postale 3918, 1211 Genève 3,
Département de l'aménagement, de l'équi...

{T 0/2}
1A.71/2002/sch

Arrêt du 26 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Christian Grobet, rue des Maraîchers 10,
case
postale 148, 1211 Genève 8,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Reynald P. Bruttin, avocat, rue du
Mont-de-Sion 8,
1206 Genève,
Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de
l'énergie du canton de Genève,
case postale 3918, 1211 Genève 3,
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la
République
et Canton de Genève,
rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

constatation de la nature forestière d'une parcelle

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève du 19 février 2002.

Faits:

A.
Le 8 mai 1998, Y.________ a requis l'autorisation d'abattre une série
d'arbres sur les parcelles n° 1884, 5343, 5344, 7347, 7348 et 7957 du
cadastre de la commune de Z.________, afin d'y permettre la
construction d'un
lotissement de dix villas. Le 9 avril 1999, Le Département genevois de
l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement (ci-après: le
département
de l'intérieur) a autorisé l'abattage, à condition de replanter des
arbres de
haute tige pour 80'000 fr. au moins. Le plan d'abattage définitif
prévoit
l'abattage de cinq saules, un saule pleureur, un tilleul, deux
sapins, quatre
peupliers, un cerisier, deux pommiers, trois bouleaux, trois pins et
six
érables. Un chêne centenaire, d'un diamètre d'un mètre, dont
l'abattage était
prévu à l'origine, était conservé, ce qui impliquait la renonciation
à une
villa et le déplacement de canalisations, ainsi que des mesures de
protection
durant les travaux.

B.
X.________, propriétaire de la parcelle 6223 jouxtant les parcelles
7347 et
7348, à l'ouest du lotissement, a recouru contre cette autorisation
auprès de
la Commission cantonale de recours en matière de constructions
(ci-après: la
commission). Les arbres dont l'abattage était projeté, sur les
parcelles
7347, 7348, 5343 et 7957 (soit la zone entourant le grand chêne),
formaient,
avec une futaie importante de buissons, taillis et haies, un bois
d'environ
2000 m2 et constituaient une forêt au sens du droit fédéral.

Une inspection locale a eu lieu le 12 octobre 1999, au cours de
laquelle il a
été constaté qu'une certaine quantité de végétation avait été enlevée
peu de
jours auparavant, et disposée en deux tas, contenant des ronces et des
arbustes. X.________ s'en est plaint, soutenant que cet arrachage
avait pour
but de supprimer le caractère forestier du peuplement boisé
recouvrant les
terrains.

Par décision du 23 novembre 1999, la commission a rejeté le recours.
Le
périmètre concerné se trouvait dans un environnement relativement
urbanisé.
Il laissait l'impression d'arbres isolés sur une petite surface, et
l'arrachage effectué peu avant la vision locale ne pouvait avoir
modifié les
lieux de manière déterminante. Le 15 octobre 1999, le Service
cantonal des
forêts avait nié le caractère forestier des lieux, en relevant qu'il
s'agissait de 10 arbres dans un périmètre de 560 m2, que les arbustes
s'étaient installés en absence d'entretien et n'avaient à l'évidence
pas
quinze ans. Selon la commission, on se trouvait en présence de
quelques
grands arbres entourés d'une végétation spontanée, sans caractère
forestier.

C.
Par arrêt du 19 février 2002, le Tribunal administratif genevois a
confirmé
cette décision. Par décision du 25 septembre 2001, l'expert
A.________,
ingénieur forestier (ci-après: l'expert), avait été chargé de se
prononcer
sur la nature de la végétation existante, ainsi que sur celle qui
avait été
enlevée au mois d'octobre 1999. Dans son rapport, du 9 janvier 2002,
l'expert
distingue huit unités de végétation distinctes dont aucune ne
constituait,
pour elle-même, de la forêt. Les groupes n° 5 (formé du grand chêne,
d'un
second chêne et d'un érable champêtre, avec un groupe de noisetiers
et de
houx ainsi que des broussailles adventices de moins de quinze ans) et
n° 7
(un chêne entouré de quatre arbres d'agrément, avec un sous-bois de
moins de
quinze ans), séparés par un roncier qui avait fait l'objet de
l'arrachage
d'octobre 1999 (groupe n° 6), soit un regroupement de neuf arbres
d'une
surface de 525 m2 et d'une largeur de 12 à 15 m, ne formaient pas une
unité;
ils n'avaient de toute façon ni de caractéristiques, ni de fonctions
forestières. Le Tribunal administratif a suivi ce point de vue. Il a
considéré qu'il n'était pas utile d'entendre des témoins afin de
déterminer
l'âge des végétaux enlevés en octobre 1999: ceux-ci n'avaient de
toute façon
pas de caractéristique forestière. Les frais de la procédure, y
compris
16'648 fr. d'expertise, ont été mis à la charge de X.________.

D.
Ce dernier forme un recours de droit administratif, en prenant les
conclusions principales suivantes: constater que le peuplement boisé
situé
sur les parcelles concernées par le projet de construction constitue
une
forêt; annuler l'autorisation d'abattage; constater que le projet de
construction ne respecte pas les distances à la forêt; annuler
l'autorisation
de construire. Préalablement, le recourant demande une inspection des
lieux,
l'ouverture d'enquêtes afin d'établir l'importance et la nature du
peuplement
avant le déboisement, et l'interpellation de l'expert afin que
celui-ci
indique s'il a consulté le service des forêts, et qu'il justifie sa
note
d'honoraires.

Le Tribunal administratif persiste dans les termes et conclusions de
son
arrêt. Le Département de l'intérieur et le Département genevois de
l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL) concluent au
rejet du
recours, de même que l'intimé Y.________. L'Office fédéral de
l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a fourni une prise
de
position détaillée, fondée sur des observations faites le 30 mai 2002
sur le
terrain. Le recourant a répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La recevabilité du recours de droit administratif est examinée
d'office et
librement (ATF 128 II 56 consid. 1 p. 58).

1.1 L'arrêt attaqué, qui confirme une autorisation d'abattage en niant
l'existence d'une forêt, est fondé sur la loi fédérale sur les forêts
(LFo,
RS 921.0). Le recours de droit administratif est ouvert contre une
telle
décision, rendue en dernière instance cantonale (art. 97-98a OJ, 64
LFo). En
revanche, l'annulation de l'autorisation de construire, également
requise par
le recourant, est fondée sur les prescriptions cantonales relatives à
la
distance à la forêt et à l'alignement des constructions. Ces
questions ne
relèvent pas du recours de droit administratif, mais du recours de
droit
public, et le recourant n'aurait apparemment pas qualité pour agir
sur ce
point (art. 88 OJ). La conclusion est par conséquent irrecevable.

1.2 Selon l'art. 103 let. a OJ, la qualité pour recourir appartient à
quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne
de
protection à son annulation ou à sa modification. Le recourant doit
faire
valoir un intérêt de droit ou de fait, c'est-à-dire être touché plus
que
quiconque par la décision attaquée. Tel est le cas en l'espèce: la
forêt
dont le recourant allègue l'existence ne borde pas directement sa
propriété;
elle en est séparée par les parcelles n° 7347 et 7348. Il n'en
demeure pas
moins que le boisement en question, en particulier autour du grand
chêne, a
certainement un impact, en tout cas visuel sur le bien-fonds du
recourant,
éloigné de quelques dizaines de mètres. Cela suffit pour reconnaître
sa
qualité pour agir, d'autant que le recourant entend, en se prévalant
de
l'existence d'une forêt, s'opposer également à la construction d'un
complexe
de villas dont l'impact sera, lui aussi, indéniable.

1.3 Le recours de droit administratif peut être formé pour violation
du droit
fédéral, y compris l'abus et l'excès du pouvoir d'appréciation (art.
104 let.
a OJ). L'arrêt cantonal ayant été rendu par une autorité judiciaire,
le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés, sauf s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils ont été établis au
mépris de
règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). En
l'occurrence, outre
son argumentation sur le fond, le recourant soutient que la cour
cantonale
devait procéder à des enquêtes afin de déterminer l'âge du sous-bois
qui
avait fait l'objet de l'arrachage au mois d'octobre 1999.
L'estimation faite
sur ce point par le Service cantonal des forêts, et reprise par
l'expert,
serait manifestement erronée, et il y aurait lieu d'entendre les
voisins,
ainsi que l'auteur d'un relevé effectué à la demande du recourant. Le
recourant se plaint à ce sujet d'un déni de justice et d'arbitraire.
On peut
toutefois aussi comprendre le grief dans le sens d'une constatation
manifestement inexacte des faits, au mépris d'une règle essentielle de
procédure que constitue le droit d'être entendu du recourant. Ce
grief formel
doit être examiné en premier lieu.

2.
Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu permet au
justiciable
de participer à la procédure probatoire en exigeant l'administration
des
preuves déterminantes (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts
cités).
Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider
de
l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à
l'administration de
certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent
rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas,
lorsque
les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier, et
lorsque le
juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la
solution
du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion.
Ce refus
d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si
l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à
laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 125
I 127
consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208
consid. 4a p.
211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les arrêts cités;
sur la
notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70).

2.1 Le Tribunal administratif a renoncé à l'administration des preuves
proposées par le recourant, pour plusieurs raisons. Il n'y avait pas
besoin
de déterminer l'âge des plantes arrachées car les parcelles boisées ne
répondaient de toute façon pas aux caractéristiques qualitatives de
la forêt.
Par ailleurs, en dépit de la difficulté d'estimer l'âge d'un
sous-bois qui
n'existe plus, l'expert avait examiné les déchets qui n'avaient pas
été
évacués et avait constaté la présence de ronces, de branches
d'arbres, de
brins d'érables champêtres et de frênes qui ne constituaient pas
encore un
peuplement en automne 1999. L'expert avait aussi tenu compte des
constatations faites par la commission lors de son inspection locale.
Le
dossier de la commission contenait déjà des témoignages de voisins
selon
lesquels le sous-bois qui entourait le grand chêne datait de plus de
quinze
ans. En définitive, les éléments ressortant de l'expertise étaient
suffisants
pour dénier au peuplement en cause tout caractère forestier.

2.2 Selon le recourant, l'expert aurait ignoré qu'en tenant compte de
la
végétation arrachée, les trois groupes d'arbres intéressants
formaient un
tout, soit une surface de 2000 m2 environ, ce que les auditions
requises par
le recourant avaient précisément pour but de démontrer. L'expert
aurait par
ailleurs fait preuve de partialité en considérant que l'arrachage du
mois
d'octobre 1999 était légitime. Le recourant reproche au Tribunal
administratif d'avoir renoncé à une inspection locale, et invite le
Tribunal
fédéral à y procéder.

2.3 La question de l'âge de la végétation arrachée a fait l'objet de
plusieurs estimations. Lors de son inspection locale, la commission a
pu
constater la présence d'un tas de végétation de 8 m de diamètre et de
3 à 4 m
de haut, constitué d'essences que l'on retrouve en forêt (noisetiers,
branches de tilleuls, d'ormes, de prunelliers et ronces). Un second
tas,
nettement plus petit, se trouvait à l'angle de la parcelle 7957. Dans
son
rapport du 15 octobre 1999, le Service des forêts, de la protection
de la
nature et du paysage relève qu'une entreprise avait été mandatée pour
débroussailler la strate arbustive et les ronces. Cette végétation
spontanée
s'était installée en l'absence d'entretien de la parcelle "depuis
quelques
années"; "de toute évidence elle n'avait pas 15 ans". L'expert commis
par le
Tribunal administratif s'est, pour sa part, rendu plusieurs fois sur
place.
Il a constaté que la forêt avait commencé à s'installer, il y a moins
de
quinze ans, sous la forme de brins d'érables champêtres et de frênes,
qui
avaient réussi à percer à travers les ronces; ils avaient été
éliminés en
octobre 1999 "alors qu'ils ne formaient pas encore un peuplement". Ces
constatations ont été faites sur la base des restes de végétation
résultant
de l'arrachage. Le recourant ne prétend pas qu'une partie des végétaux

arrachés aurait été emportée. La nature et l'âge de cette végétation
pouvaient donc être déterminés sur la base des restes encore visibles.

Le recourant met en doute l'impartialité du service des forêts, lequel
nierait systématiquement l'existence de forêts à l'intérieur des
zones à
bâtir. Cette affirmation, d'ailleurs contestée par le service
intéressé,
apparaît purement gratuite. Elle ne saurait mettre en doute les
compétences
de l'ingénieur forestier, s'agissant de définir l'âge d'une
plantation. Par
ailleurs, si l'expert semble s'être fondé sur les constatations du
service
cantonal, il s'est trouvé à même, après plusieurs visites des lieux,
d'en
vérifier l'exactitude. Le recourant désire savoir si l'expert a
consulté le
service des forêts. Cela n'est toutefois pas déterminant car même si
l'expert
avait eu un contact avec l'autorité - ce que sa mission n'interdit
pas -, on
ne saurait en déduire un quelconque parti pris en défaveur du
recourant. Dans
sa réponse, le service des forêts indique n'avoir eu aucun contact
avec
l'expert; manifestement, ce dernier a simplement pris connaissance du
rapport
et du protocole qui figurent au dossier. Il n'y a pas lieu de
l'interpeller à
ce sujet. Enfin, lorsque l'expert affirme que les propriétaires
étaient "en
droit" d'effectuer l'arrachage litigieux, il exprime simplement -
dans une
formulation certes discutable - que la végétation en question n'avait
pas de
caractère forestier. Cela ne saurait sérieusement remettre en cause
son
impartialité.

2.4 Le recourant perd de vue, en définitive, que l'âge du sous-bois
arraché
n'a pas été considéré comme un élément déterminant. Dans son
protocole de
reconnaissance de nature forestière, le service des forêts note que
les
peuplements considérés n'offrent que peu d'intérêt (note 1 sur 3) des
points
de vue de la structure paysagère, de la nature et du paysage, de la
protection, de la récréation et de la reproduction. L'expert aboutit
à la
même conclusion en retenant que si le sous-bois pouvait, malgré un âge
inférieur à quinze ans, permettre un regroupement de différents
groupes
d'arbres correspondant aux critères quantitatifs, les critères
qualitatifs
n'étaient de toute façon pas respectés. Cette appréciation, dont le
bien
fondé est confirmé ci-dessous (consid. 5), permettait au Tribunal
administratif de se dispenser d'examiner plus avant la question de
l'âge du
sous-bois. Les témoignages invoqués par le recourant, dont certains
figurent
d'ailleurs déjà au dossier de la commission, n'étaient dès lors en
rien
pertinents. Il en va de même de l'inspection locale demandée par le
recourant. Une telle inspection a déjà été effectuée par la
commission, puis
par le Tribunal administratif; le recourant prétend que la cour
cantonale y
aurait renoncé, mais cette affirmation est manifestement contraire
aux pièces
du dossier: une délégation du Tribunal administratif s'est rendue sur
les
lieux le 18 janvier 2001, en présence des parties (le recourant étant
assisté
de son avocat), et des services concernés. Le recourant ne soutient
pas, cela
étant, que la commission et la cour cantonale auraient négligé de
faire des
constatations importantes. Les lieux ont encore été visités par les
experts
et le recourant n'indique pas non plus quelles constatations
déterminantes
pourrait encore faire le Tribunal fédéral en se rendant sur place. Le
grief
doit par conséquent être écarté, de même que la demande d'ouverture
d'enquêtes et d'inspection locale.

3.
Sur le fond, le recourant reprend pour l'essentiel les griefs soumis
à la
cour cantonale. Selon lui, le boisement en cause s'étendrait sur plus
de 2000
m2, serait formé de 25 arbres de grande futaie ayant plus de 20 ans
d'âge,
dont un chêne centenaire, et aurait des lisières d'une trentaine de
mètres au
moins, ce qui correspondrait aux critères quantitatifs définis par le
droit
genevois d'exécution. Le défrichement exécuté le 9 octobre 1999
aurait eu
pour but de détruire le caractère forestier des lieux, qui s'est
développé
faute d'entretien. Il y aurait donc lieu, pour déterminer la nature du
boisement, de considérer l'état de la végétation avant ce défrichage.
L'expert avait nié la fonction économique, protectrice et sociale des
lieux,
mais tel était le cas dans la majorité des peuplements boisés de
faible
surface que la LFo tend également à protéger. La fonction de
protection du
milieu naturel devait être prise en considération.

3.1 La LFo, qui a pour but général la protection des forêts,
notamment la
conservation de l'aire forestière (art. 1er et 3 LFo), définit la
notion de
forêt à son art. 2. On entend par forêt toutes les surfaces couvertes
d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions
forestières,
sans égard à leur origine, à leur mode d'exploitation ou aux mentions
figurant au registre foncier. L'art. 2 al. 2 LFo indique ce qui doit
être
assimilé aux forêts, alors que l'al. 3 exclut de cette notion
notamment les
groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, allées, jardins,
parcs et
espaces verts. Dans le cadre de la législation d'exécution qui leur
est
attribuée (art. 50 LFo et 66 OFo), les cantons peuvent, dans les
limites
fixées par le Conseil fédéral, préciser la largeur, la surface et
l'âge
minimaux que doit avoir un peuplement sur une surface conquise par la
forêt
ainsi que la largeur et la surface minimales que doit avoir un
peuplement
pour être considéré comme forêt (art. 2 al. 4 LFo). Le cadre précité
a été
fixé à l'art. 1 al. 1 OFo de la façon suivante: surface comprenant une
lisière appropriée: de 200 à 800 m2; largeur comprenant une lisière
appropriée: 10 à 12 m; âge du peuplement sur une surface conquise par
la
forêt: 10 à 20 ans. Si le peuplement en question exerce une fonction
sociale
ou protectrice particulièrement importante, les critères cantonaux ne
sont
pas applicables (art. 1 al. 2 OFo et 2 al. 4 LFo). L'art. 2 al. 1 de
la loi
genevoise sur les forêts, du 20 mai 1999 (LFo/GE), a fixé les critères
qualitatifs de la manière suivante: âge d'au moins quinze ans,
surface d'au
moins 500 m2 et largeur minimale de 12 m.

3.2 Les critères quantitatifs que les cantons peuvent fixer, dans les
limites
de l'art. 1 al. 1 OFo, servent à clarifier la notion qualitative de
forêt
posée par le droit fédéral. Sauf circonstances particulières, la
nature
forestière doit être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont
satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils
minimaux. On ne
peut toutefois nier la qualité de forêt du simple fait que ces seuils
ne sont
pas atteints. Les critères quantitatifs doivent concrétiser la notion
qualitative de forêt, et non la vider de son sens (ATF 125 II 440
consid. 3
p. 447).

4.
Le recourant insiste sur la nécessité de tenir compte de l'état
existant
avant l'arrachage du mois d'octobre 1999. Ainsi considéré, le
peuplement
s'étendrait sur une surface de 2000 m2 environ - selon un relevé
effectué en
1999 et produit en procédure -, et comprendrait, outre 25 arbres de
grande
futaie, un sous bois existant depuis 20 ans au moins, avec des
lisières
importantes d'une trentaine de mètres au moins.

4.1 Contrairement à ce que soutient le recourant, l'expert a tenu
compte de
la végétation arrachée, et en a analysé la nature. Avec raison
d'ailleurs,
car l'existence d'une forêt peut être admise, malgré l'absence de
boisement,
lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation
(ATF 124 II
85 consid. 4d p. 92). L'expert produit, en annexes à son rapport,
deux plans
au 1/500ème. Le premier constitue un état des lieux, mentionnant
l'ensemble
de la végétation existante et précisant l'étendue de la surface
nettoyée en
1999. Le second est intitulé "plan des natures répertoriées", et
comporte
huit groupes distincts. Les groupes 1 (pelouse de jardin délimitée
par 3
haies de thuya et comprenant 6 arbres d'agrément, d'une surface de
720 m2,
sur la parcelle 7957, dont les arbres situés au nord forment une
entité avec
ceux du groupe 3), 2 (pré clôturé sur les parcelles 7347 et 7348,
d'une
surface de 1136 m2, sur lequel se trouve le tas provenant de
l'arrachage), 3
(groupe d'arbres d'agrément - de nature indigène et exotique - de 175
m2 en
bordure du chemin de C.________, à l'issue du chemin piétonnier, sur
les
parcelles 5343 et 7348, clairement distinct du groupe 4) et 8 (villa
et
jardin fortement arborisé à l'abandon, d'une surface de 2250 m2, sur
les
parcelles 5344 et 1884, au sud du périmètre) constituent des jardins
ou des
prés; leur caractère forestier est clairement exclu en vertu de
l'art. 2 al.
3 LFo. Dans ses déterminations, l'OFEFP relève que certains arbres
pourraient
être regroupés d'une autre manière, sans pour autant aboutir à des
conclusions différentes quant à la nature des groupes mentionnés
ci-dessus.

4.2 A propos des groupes 4 à 7, qui forment la partie centrale du
périmètre,
l'expert et l'OFEFP en proposent une analyse quelque peu différente.
Le
secteur 4 longe le chemin piétonnier; il est constitué de végétation
adventice clôturée. Le secteur 5 est un groupe de trois arbres, soit
le grand
chêne, un autre chêne et un érable champêtre fortement penché, avec
une
troche de noisetier et de houx et des broussailles adventices de
moins de
quinze ans. Il est bordé par le chemin piétonnier précité, ainsi que
par un
passage en bordure du secteur 6. Ce dernier est une partie du jardin
abandonné (secteur 8). Il est constitué d'une bande de terrain sans
arbre qui
a fait l'objet du nettoyage de 1999, dont les restes sont entassés
sous les
arbres du secteur 7. Selon les constatations de l'OFEFP, le secteur 6
se
distingue actuellement clairement des secteurs 5 et 7 qui
l'entourent, mais
comportait probablement un sous-étage de végétation important. Il n'y
a pas,
en revanche, de restes de végétation ligneuse importante (d'un
diamètre au
sol de plus de 5 cm) telles que souches de buissons ou pousses
d'arbres de
plusieurs années. Enfin, le secteur 7 est un groupe d'arbres
d'agrément
d'essences indigènes (chêne d'alignement, frêne) ou introduites
(peuplier,
pin noir, pin sylvestre, bouleau), bordé au nord par le chemin
piétonnier et
au sud par une clôture - d'où dépasse un autre chêne, avec en outre un
sous-bois de moins de quinze ans. Ce secteur est rattaché au jardin
abandonné
(secteur 8).

4.3 Le recourant ne saurait contester qu'aucun de ces groupes, pris
isolément, n'atteint 500 m2 de surface. Il soutient en revanche que
les trois
groupes d'arbres (soit, vraisemblablement les groupes 3, 5 et 7)
devraient
être considérés comme un tout homogène. Cette opinion ne peut être
suivie.
Comme cela est relevé ci-dessus, ces trois groupes sont de nature
totalement
distincte. Le groupe 3, et en particulier les deux charmes marquant
l'entrée
par le chemin piétonnier, est à considérer comme jardin et n'a pas
perdu ses
caractéristiques, car il est, à dire d'expert, régulièrement
entretenu. Ces
arbres ne sont d'ailleurs pas visés par l'autorisation d'abattage. Le
secteur
5 est, quant à lui, marqué par la présence du grand chêne; on y
trouve un
second chêne, un érable champêtre, ainsi que des bouquets de
noisetiers et de
houx. Quant au secteur 7, il est formé de plusieurs arbres isolés
qui, selon
les avis concordants de l'expert et de l'OFEFP, constituent
d'avantage un
jardin arborisé, rattaché au secteur 8, qu'un peuplement forestier.

Par conséquent, si l'expert a refusé de considérer que les secteurs 5
et 7
forment un tout, ce n'est pas tant, comme le suppose le recourant, en
raison
de l'existence de la bande de terre inculte séparant les secteurs
(soit le
secteur n° 6, objet du nettoyage), mais bien plutôt en raison de la
différence de nature entre les deux peuplements formés, l'un d'arbres
de
haie, l'autre d'arbres d'agrément plantés autour d'un chêne de bocage.
L'OFEFP partage ces conclusions en relevant également que les deux
objets
sont à considérer de manière distincte, non seulement en raison du
nettoyage
effectué entre les objets, mais aussi en raison de la composition des
essences et de l'origine différente des massifs. Dès lors, peu
importe la
nature de la végétation enlevée en octobre 1999, puisqu'aucun lien
n'est
possible entre les deux peuplements.

4.4 Pour sa part, l'OFEFP estime que le secteur 5 pourrait faire
l'objet
d'une appréciation d'ensemble avec les buissons indigènes de
cornouillers et
de noisetiers faisant partie du secteur 4, en considérant qu'une
lisière
serait apparue au nord et que l'objet ainsi désigné, d'une surface de
360 m2,
aurait une

certaine fonction de conservation de la nature en tant qu'habitat
pour les
espèces de petite taille. Compte tenu de cette extension, la surface
de 500
m2 définie par le droit genevois n'est de toute façon pas atteinte.

4.5 En définitive, les positions conjuguées de l'expert et de l'OFEFP,
rendent impossible une réunion des secteurs 4 à 7, prônée
implicitement par
le recourant lorsqu'il prétend que la surface déterminante serait de
2000 m2.
Contrairement à ce que soutient le recourant, ce morcellement n'est
pas dû au
nettoyage effectué par le propriétaire, mais à l'hétérogénéité des
peuplements. Le rattachement voulu par le recourant apparaît ainsi
artificiel; il ne correspond pas à une réalité botanique, et les
surfaces non
boisées séparant les groupes d'arbres n'ont aucune raison d'être
traitées

comme de la forêt en application de l'art. 2 al. 2 let. b LFo. Les
peuplements en cause ne satisfont pas, dès lors, aux critères
quantitatifs.

5.
Selon les art. 2 al. 4 in fine LFo et 1 al. 2 OFo, il peut être fait
abstraction des critères de surface, d'âge ou de largeur pour les
peuplements
dont la fonction sociale ou protectrice est particulièrement
importante. Le
recourant relève que la LFo tend à protéger des peuplements boisés
très
modestes. Or, de tels peuplements ne peuvent évidemment pas
satisfaire aux
critères qualitatifs que sont les fonctions économique, protectrice et
sociale. Le critère de la protection du milieu naturel devrait alors
prévaloir, sans quoi la loi serait vidée de sa substance.

5.1 La thèse du recourant se heurte au système clair de la loi. En
effet, le
législateur n'a pas voulu assouplir les critères qualitatifs pour les
peuplements de peu de surface, mais au contraire les renforcer en
exigeant
une fonction protectrice ou sociale "particulièrement importante". Le
but de
la loi n'est donc pas de protéger ces peuplements pour eux-mêmes
(c'est ce
que semble soutenir le recourant en invoquant le "critère de la
protection du
milieu naturel"), mais seulement en fonction de leur rôle social ou de
protection particulier. Or, on ne saurait nier, en l'espèce, que les
boisements en cause n'exercent aucune fonction forestière
"particulièrement
importante".

5.2 Tout en contestant qu'on puisse les considérer comme un tout
cohérent,
l'expert s'est interrogé sur les fonctions forestières que pouvaient
remplir
les groupes 5, 6 et 7. La fonction économique est nulle, ainsi que la
fonction protectrice contre l'érosion ou les inondations; il n'existe
pas de
source à proximité. Le recourant relève l'existence d'une margelle de
puits,
et l'OFEFP suppose, en raison d'une très légère dépression sur la
parcelle
5344 en direction de la parcelle 7341, qu'un nant devait s'écouler,
mais
qu'il paraissait à sec depuis plusieurs années, ce que confirme le
rapport
produit par le recourant lui-même. L'assèchement du point d'eau et la
disposition des peuplements ne justifient pas

la protection accordée aux cordons boisés le long d'un cours d'eau
(art. 2
al. 2 let. c LFo/GE). L'expert a considéré par ailleurs que la
fonction
sociale des peuplements était négligeable.

5.3 Un peuplement remplit une fonction sociale lorsqu'en raison de sa
structure, de sa nature et de sa configuration, il offre à l'homme
une zone
de délassement. Tel est aussi le cas lorsqu'il structure le paysage ou
lorsqu'il offre une protection contre les influences nuisibles telles
que le
bruit ou les immissions (ATF 124 II 85 consid. 3d/aa p. 88). L'expert
relève
à ce sujet qu'hormis le soulagement des chiens et le dépôt de déchets
sauvages, l'aménagement des parcelles ne se prête pas au délassement.
Les
lieux étant fortement clôturés, d'hypothétiques échanges de faune sont
impossibles avec l'arborisation voisine. La fonction optique ou
esthétique
fait également partie des fonctions sociales de la forêt (même
arrêt). En
l'occurrence, si le peuplement constitué par le groupe 5 marque
fortement les
lieux, c'est uniquement en raison de la présence du gros chêne
centenaire. Le
recourant soutient que celui-ci ne pourra être conservé. Il feint de
méconnaître que sa conservation a été ordonnée, que le projet a été
modifié
dans ce sens - les conduites ont été déplacées -, et qu'une protection
particulière sera aménagée durant le chantier, ce qui ressort
clairement du
dossier.

5.4 Comme cela est relevé ci-dessus, l'OFEFP accorde pour sa part une
importance prépondérante à l'ensemble formé par les objets 4 et 5. Il
ne leur
accorde pas pour autant une importance qualitative particulière. A
part un
certain rôle de conservation de la nature en tant qu'habitat pour les
espèces
de petite taille (oiseaux, insectes, éventuellement petits
mammifères), et un
rôle esthétique dû à la présence du gros chêne, cet ensemble, lui
aussi
étroitement clôturé, ne possède pas de fonction sociale ou protectrice
particulière, exigée par l'art. 2 al. 4 LFo.

5.5 C'est par conséquent à juste titre que les instances successives
ont
dénié aux secteurs en cause le caractère d'une forêt. Le recours doit
être
rejeté sur ce point.

6.
Le recourant soutient enfin que les frais d'expertise, par 16'648 fr.,
seraient totalement injustifiés. L'expert devrait être invité à
justifier ses
heures de travail et à indiquer son tarif horaire.

Le recourant ne conteste pas le principe de la mise à sa charge des
frais
d'expertise. A l'instar des frais de constatation de la nature
forestière
(cf. ATF 122 II 274 consid. 6 p. 285), les frais d'expertise peuvent
être mis
à la charge de l'opposant - respectivement du recourant - qui
succombe,
conformément aux règles générales sur la répartition des frais de la
procédure cantonale. Le grief soulevé à ce propos relève donc du
recours de
droit public, et non du recours de droit administratif. Cela étant,
si le
recourant avait pris la peine de consulter le dossier cantonal, il y
aurait
trouvé, en tête de l'expertise, la note d'honoraires de l'expert qui
indique
dans le détail chaque activité, avec sa durée et le tarif horaire
appliqué.
Le recourant était ainsi en mesure de contester, le cas échéant, le
montant
de cette note, et il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se livrer
d'office à une modération des honoraires de l'expert.

7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté, dans la mesure où il est recevable. Un émolument judiciaire
est mis à
la charge du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ), de même
qu'une
indemnité de dépens allouée à l'intimé Y.________ (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à l'intimé
Y.________, à la
charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Département
de
l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie du
canton
de Genève, au Département de l'aménagement, de l'équipement et du
logement de
la République et Canton de Genève et au Tribunal administratif du
canton de
Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et
du
paysage.

Lausanne, le 26 août 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.71/2002
Date de la décision : 26/08/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-26;1a.71.2002 ?
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