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20/08/2002 | SUISSE | N°1A.115/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 août 2002, 1A.115/2002


{T 0/2}
1A.115/2002/sch

Arrêt du 20 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et
vice-président du Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alec Reymond, avocat,
Keppeler & Associés, 15, rue Ferdinand-Hodler, case
postale 360, 1211 Genève 17,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Devaud, case postale
3344,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Gen

ève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale...

{T 0/2}
1A.115/2002/sch

Arrêt du 20 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et
vice-président du Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alec Reymond, avocat,
Keppeler & Associés, 15, rue Ferdinand-Hodler, case
postale 360, 1211 Genève 17,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Devaud, case postale
3344,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la France -
B
122240

recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation
du canton de Genève du 10 avril 2002

Faits:

A.
Le 10 août 2000, les Juges d'instruction auprès du Tribunal de Grande
instance de Paris Philippe Courroye et Isabelle Prevost-Desprez ont
adressé
aux autorités suisses une commission rogatoire pour les besoins d'une
information pénale ouverte contre A.________, avocat fiscaliste à
Paris, des
chefs de blanchiment aggravé, de faux et usage de faux, d'abus de
confiance
et de recel aggravé.
Selon les faits exposés dans la demande, A.________ est soupçonné de
blanchiment aggravé et de faux dans les titres en relation avec
l'acquisition
en octobre 1998 par B.________ d'un appartement sis au n° 15 de la rue
Margueritte, à Paris, à une société de droit panaméen X.________,
dont il est
l'ayant droit économique; cet appartement aurait été cédé à un prix
inférieur
à sa valeur réelle et aurait donné lieu à un dessous-de-table, selon
le
témoignage de l'associé du prévenu. L'implication de B.________ dans
un
circuit de blanchiment permettrait également de penser que le
versement
occulte constituant la différence de prix se serait opéré avec le
produit des
infractions qui lui sont reprochées; par ailleurs, l'examen des
ressources de
l'acquéreur, au chômage depuis 1999, démontrerait que celui-ci
n'avait pas pu
financer le prix de vente officiel de 3'500'000 francs français, ni
les
travaux effectués dans cet appartement à hauteur de 800'000 francs
français.
Enfin, B.________ aurait tenté de justifier une partie du financement
par un
prêt de 1'500'000 francs français que lui aurait consenti son frère,
le
justificatif de prêt, rédigé à l'initiative de A.________ et à son
cabinet,
pouvant constituer un faux. Aux dires du prévenu, le produit de la
vente
aurait été versé sur un compte ouvert en son nom auprès de la banque
U.________, à Genève. La demande d'entraide tendait en conséquence à
l'identification des comptes détenus ou contrôlés par la société
X.________,
par A.________ ou par toute autre société dont ce dernier serait
l'ayant
droit auprès de cette banque et de tout autre établissement bancaire,
à la
remise de la documentation relative à ces comptes et, le cas échéant,
à
l'audition des personnes qui les gèrent. A la demande était joint le
texte
des dispositions applicables du droit pénal français.
Le 19 septembre 2000, les Juges d'instruction Philippe Courroye et
Isabelle
Prevost-Desprez ont adressé aux autorités suisses une nouvelle
commission
rogatoire pour les besoins d'une information pénale ouverte contre
B.________, C.________, D.________ et E.________ des chefs de
blanchiment
aggravé commis en bande organisée et de façon habituelle, de recel,
d'abus de
biens sociaux et d'exercice illégal de la profession de banquier.
B.________
était soupçonné d'avoir participé à un important trafic d'argent
liquide dans
lequel étaient impliqués les autres personnes visées dans la demande
d'entraide. Il convenait en conséquence de vérifier si ces dernières
étaient
titulaires de comptes ou de coffres dans un établissement bancaire
suisse
ouvert en leur nom ou au nom d'une société dont elles seraient les
ayants
droit économiques, de transmettre tout élément relatif au
fonctionnement du
ou des comptes concernés, de procéder au blocage des avoirs et à la
saisie
des coffres et d'exploiter, le cas échéant, tous renseignements
susceptibles
de suivre le cheminement des fonds prélevés sur ces comptes.

B.
Par ordonnance de saisie et de perquisition du 26 septembre 2000, le
Juge
d'instruction genevois en charge du dossier (ci-après: le Juge
d'instruction)
a adressé aux établissements bancaires du canton une circulaire les
invitant
à produire toute relation bancaire concernant l'une ou l'autre des
personnes
visées par les demandes d'entraide des 10 août et 19 septembre 2000.
En exécution de cette ordonnance, la banque U.________ a remis le 17
octobre
2000 au Juge d'instruction la documentation relative au compte n°
11111
ouvert auprès d'elle le 7 décembre 1998 par A.________ et procédé au
blocage
de ce compte; la banque V.________, à Genève, en a fait de même
s'agissant de
la documentation bancaire relative aux comptes nos 12222 et 13333 que
l'intéressé détenait auprès d'elle; le 9 novembre 2000, banque
W.________, à
Genève, a transmis la documentation relative au compte n° 14444
ouvert par
A.________ le 5 mai 1983 et clôturé le 3 juillet 1995 ainsi que celle
relative au compte ouvert par la société X.________ le 21 septembre
1998 et
clôturé le 2 mars 2000.
Le 17 décembre 2001, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance
d'admissibilité et de clôture partielle de la procédure d'entraide au
terme
de laquelle il décidait de transmettre à l'autorité requérante
l'intégralité
de la documentation bancaire relative aux comptes précités. Il a
estimé que
la description de l'état de fait exposé était suffisante pour
déterminer la
nature juridique de l'infraction et permettre d'examiner si la
condition de
la double incrimination était réalisée, s'il ne s'agissait pas de
délits pour
lesquels l'entraide était exclue et si, au regard des mesures
requises et des
infractions poursuivies, le principe de la proportionnalité était
respecté.
Il a également admis que la condition de la double incrimination était
réalisée, les faits reprochés à A.________ pouvant de prime abord être
constitutifs, en droit pénal suisse, de blanchiment d'argent, de
gestion
déloyale et de recel. Il a enfin considéré qu'il se justifiait de
transmettre
l'intégralité de la documentation bancaire saisie au regard de leur
utilité
potentielle pour les besoins de la procédure pénale ouverte en
France, avant
de rappeler le principe de spécialité.
Le 17 janvier 2002, A.________ a recouru contre cette décision auprès
de la
Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre
d'accusation
ou la cour cantonale); il concluait à l'irrecevabilité des commissions
rogatoires, en raison de leur état de fait lacunaire et de l'attitude
abusive
des magistrats requérants, et au refus de l'entraide vu la
non-réalisation de
la condition de la double incrimination; à titre subsidiaire, il
demandait
que l'entraide soit limitée à la transmission des documents
d'ouverture de
compte et des pièces justificatives afférentes aux opérations de
débit et de
crédit révélant des relations avec les autres personnes visées par les
commissions rogatoires, en rapport avec la vente de l'appartement de
la rue
Margueritte, ce dans la période comprise entre le 1er octobre 1998 et
le 5
juillet 2000, date de son interpellation.
Par ordonnance du 10 avril 2002, la Chambre d'accusation a déclaré le
recours
irrecevable en tant qu'il concernait la société X.________. Elle l'a
rejeté
pour le surplus avec la précision que, des documents saisis
concernant les
comptes dont A.________ est titulaire auprès de la banque W.________,
de la
banque U.________ et de la banque V.________, seuls pourront être
transmis
aux autorités françaises ceux relatifs aux ouvertures de comptes
ainsi qu'aux
relevés des opérations effectuées à partir du 1er novembre 1997. Elle
a
considéré que la commission rogatoire du 10 août 2000 ne contenait
aucune
irrégularité propre à la faire apparaître comme constitutive d'un
abus de
droit ou d'une recherche indéterminée de moyens de preuve, s'agissant
du
blanchiment d'argent; en particulier, elle a refusé de voir un
élément propre
à entraîner l'irrecevabilité de la demande dans l'absence d'un état
de fait
concernant l'abus de confiance et le recel. Elle a par ailleurs admis
que les
agissements de A.________ pouvaient tomber, en droit suisse, sous le
coup de
l'art. 305bis CP dans la mesure où il n'était pas exclu qu'une partie
du
montant de la vente de l'appartement de la rue Margueritte à
B.________, par
le biais de la société X.________, provienne d'une infraction pénale.
Elle a
enfin limité, en application du principe de la proportionnalité, la
transmission des pièces relatives aux comptes bancaires personnels de
A.________ ayant trait à la vente de l'appartement de la rue
Margueritte à
B.________ en octobre 1998, soit aux documents d'ouverture et aux
relevés
desdits comptes à partir du mois de novembre 1997, pour permettre à
l'autorité requérante de vérifier si, comme le prétendait A.________,
les
fonds ayant permis à B.________ d'acquérir l'appartement litigieux
provenaient exclusivement de la vente d'un autre appartement dont
celui-ci
était propriétaire rue Léon Jost, à Paris, intervenue le 20 novembre
1997.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision ainsi que l'ordonnance
d'entrée en
matière et de clôture partielle rendue par le Juge d'instruction le 17
décembre 2001, de constater l'irrecevabilité des commissions
rogatoires
adressées aux autorités suisses les 10 août et 19 septembre 2000 et
de dire
que l'entraide requise par les autorités françaises ne sera pas
accordée et
qu'aucun document ne sera remis à l'Etat requérant. A titre
subsidiaire, il
demande que la transmission de la documentation saisie soit
strictement
limitée aux documents d'ouverture des comptes et aux pièces
justificatives
concernant la vente par la société X.________ à B.________ d'un
appartement
sis au n° 15 de la rue Margueritte, à Paris, et aux justificatifs
concernant
des opérations de débit et de crédit révélant des relations avec
B.________
dans la période comprise entre le 1er octobre 1998 et le 5 juillet
2000. Il
dénonce le caractère lacunaire et abusif des commissions rogatoires
des 10
août et 19 septembre 2000, qui aurait dû amener la Chambre
d'accusation à les
déclarer irrecevables ou à refuser l'entraide. Il prétend que la
condition de
la double incrimination ne serait pas réalisée et reproche à la cour
cantonale d'avoir violé les principes de la proportionnalité et de la
subsidiarité en décidant de transmettre les documents d'ouverture de
comptes
et les relevés bancaires à partir du 1er novembre 1997.

La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le
Juge
d'instruction et l'Office fédéral de la justice concluent au rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 66 consid.
1 p.
67).

1.1 L'entraide entre la République française et la Confédération est
régie
par la Convention européenne d'entraide judiciaire (CEEJ; RS 0.351.1)
et
l'Accord complémentaire à cette convention, conclu entre ces deux
Etats le 28
octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000 (RS 0.351.934.92).
Peuvent
aussi trouver à s'appliquer les normes régissant la coopération
internationale contenues dans la Convention relative au blanchiment,
au
dépistage, à la saisie et à la confiscation du produit du crime,
conclue à
Strasbourg le 8 novembre 1990 et entrée en vigueur le 11 septembre
1993 pour
la Suisse et le 1er février 1997 pour la France (CBl; RS 0.311.53).
Les
dispositions de ces instruments internationaux l'emportent sur le
droit
autonome qui régit la matière, soit la loi fédérale du 20 mars 1981
sur
l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son
ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent toutefois
applicables aux questions non réglées, explicitement ou
implicitement, par le
droit conventionnel, et lorsque cette loi est plus favorable à
l'entraide que
la Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2
p. 142;
120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib
269
consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Est réservée l'exigence du
respect
des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
de la Chambre d'accusation confirmant la transmission de la
documentation
bancaire à l'Etat requérant et la saisie de comptes bancaires (cf.
art. 25
al. 1 EIMP).

1.3 Au regard de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art.
9a let.
a OEIMP, le recourant a qualité pour agir contre la décision
confirmant la
transmission de la documentation relative aux comptes dont il est le
titulaire (ATF 127 II 198 consid 2d p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa
p. 260;
125 II 356 consid. 3b/bb p. 362 et les arrêts cités).

1.4 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP et 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c
p. 375;
118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56 et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour

accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269
consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés,
sans
être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble
des
dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p.
136/137;
119 Ib 56 consid. 1d p. 59). L'autorité suisse saisie d'une requête
d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité
des faits
évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils
sont
présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut
s'écarter
des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, de
lacunes ou de
contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495
consid.
5e/aa p. 501; 125 II 250 consid. 5b p. 257; 122 II 134 consid. 7b p.
137, 367
consid. 2c p. 371; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64
consid. 5c p.
88 et les arrêts cités). Lorsque, comme en l'espèce, la décision
attaquée
émane d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les
faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles
de la
procédure (art. 105 al. 2 OJ; ATF 123 II 134 consid. 1e p. 137; 113
Ib 257
consid. 3d p. 266; 112 Ib 576 consid. 3 p. 585).

2.
Le recourant se plaint en premier lieu du caractère lacunaire et
abusif des
commissions rogatoires, qui aurait dû amener la Chambre d'accusation
à les
déclarer irrecevables ou à refuser l'entraide. Il dénonce, à cet
égard, une
violation des art. 14 CEEJ, 28 EIMP et 2 CC.

2.1 La demande d'entraide doit indiquer: l'organe dont elle émane et
le cas
échéant, l'autorité pénale compétente (art. 14 al. 1 let. a CEEJ et
28 al. 2
let. a EIMP); son objet et ses motifs (art. 14 al. 1 let. b CEEJ et
28 al. 2
let. b EIMP); la qualification juridique des faits (art. 14 al. 2
CEEJ et 28
al. 2 let. c EIMP); la désignation aussi précise et complète que
possible de
la personne poursuivie (art. 14 al. 1 let. c CEEJ et 28 al. 2 let. d
EIMP).
Les indications fournies à ce titre doivent simplement suffire pour
vérifier
que la demande n'est pas d'emblée inadmissible (ATF 116 Ib 96 consid.
3a p.
101; 115 Ib 68 consid. 3b/aa p. 77). Lorsque la demande tend, comme en
l'espèce, à la remise de documents bancaires, l'Etat requérant ne
peut se
borner à communiquer une liste des personnes recherchées et des
sommes qui
auraient été détournées; il lui faut joindre à la demande des éléments
permettant de déterminer, de manière minimale, que les comptes en
question
auraient été utilisés dans le déroulement des opérations délictueuses
poursuivies dans l'Etat requérant (arrêt 1A.211/1992 du 29 juin 1993).

2.2 En l'occurrence, la demande d'entraide satisfait à ces exigences.
Il
ressort clairement de la commission rogatoire du 10 août 2000 que
A.________
est soupçonné de blanchiment aggravé et de faux dans les titres en
relation
avec l'acquisition en octobre 1998 par B.________ d'un appartement
sis au n°
15 de la rue Margueritte, à Paris, à une société de droit panaméen
X.________, dont il est l'ayant droit économique; cet appartement
aurait été
cédé à un prix inférieur à sa valeur réelle et aurait donné lieu,
selon le
témoignage de l'associé du recourant, à un dessous-de-table
susceptible de
provenir du trafic d'argent liquide dans lequel B.________ serait
impliqué;
par ailleurs, l'examen des ressources de l'acquéreur, sans emploi
depuis
1999, démontrerait que celui-ci n'avait pas pu financer le prix de
vente
officiel de 3'500'000 francs français, ni les travaux effectués dans
cet
appartement à hauteur de 800'000 francs français. B.________ aurait
tenté de
justifier une partie du financement par un prêt de 1'500'000 francs
français
que lui aurait consenti son frère, la déclaration de prêt, rédigée à
l'initiative de A.________ et à son cabinet, pouvant constituer un
faux. Les
magistrats requérants mentionnent ensuite les dispositions pénales
sous le
coup desquelles tomberaient les agissements du recourant. Ils
exposent enfin
succinctement dans la commission rogatoire du 19 septembre 2000, les
griefs
adressés à B.________ en relation avec les accusations de blanchiment
portées
contre lui. Ces indications suffisent pour permettre à l'autorité
requise de
comprendre les soupçons de blanchiment et de faux dans les titres qui
pèsent
sur le recourant et de vérifier que la demande d'entraide visant les
comptes
dont ce dernier est titulaire auprès de différents établissements
bancaires
en Suisse n'est pas d'emblée inadmissible. Il importe peu que les
commissions
rogatoires ne contiennent aucun exposé des faits en relation avec les
infractions d'abus de confiance et de recel aggravé pour lesquelles
A.________ est également mis en examen en France, car il suffit que
l'entraide puisse être accordée pour l'une des infractions
poursuivies à
l'étranger.
Le recourant tient la mention suivant laquelle B.________ était sans
emploi
en 1999 pour dénuée de toute pertinence, s'agissant d'apprécier
l'origine
licite des fonds ayant servi à financer l'achat de l'appartement de
la rue
Margueritte en octobre 1998. Il perd cependant de vue que les
magistrats
requérants n'ont pas fondé leurs doutes sur la manière dont
B.________ a
financé cette opération sur ce seul élément, mais sur un examen
global des
ressources de l'intéressé, de sorte que la demande d'entraide
n'aurait pu
être refusée pour ce seul motif. Le recourant ne conteste d'ailleurs
pas que
B.________ a procédé à des travaux de rénovation à hauteur de 800'000
francs
français; or, cette somme n'a pas pu être financée par le prix de
vente de
l'appartement de la rue Léon Jost, à Paris, que B.________ prétend
avoir
utilisé pour acquérir l'appartement de la rue Margueritte. Les
magistrats
requérants pouvaient donc à juste titre voir dans le fait que
celui-ci était
au chômage en 1999 un élément propre à renforcer les doutes qu'ils
concevaient sur la licéité des moyens utilisés pour financer cette
opération.

Le recourant prétend également que les magistrats requérants auraient
omis
intentionnellement de signaler des faits révélés par l'enquête qui
démontreraient l'inexactitude des accusations portées contre lui et
qui,
s'ils avaient été exposés dans les commissions rogatoires, auraient
dû amener
les autorités suisses à refuser l'entraide. Il se réfère à cet égard à
différentes pièces de la procédure pénale conduite en France qui
démontreraient, selon lui, l'origine licite des fonds utilisés pour
acquérir
l'appartement de la rue Margueritte et l'absence de toute implication
de
B.________ dans un quelconque trafic de stupéfiants. Sous couvert de
lacunes
dans l'état de fait ou d'une attitude abusive des magistrats
requérants,
A.________ conteste en réalité les accusations portées contre lui.
Or, il
n'entre pas dans la mission du juge de l'entraide d'examiner de tels
arguments, qui relèvent de l'appréciation du juge du fond (consid. 1.4
ci-dessus). Celui-ci doit au contraire se borner à examiner si les
agissements du recourant, tels qu'ils sont exposés dans la demande
d'entraide, sont ou non de nature à constituer des actes de
blanchiment ou de
participation à une telle infraction pour lesquels l'entraide devrait
être
accordée. La requête ne saurait être tenue pour abusive du seul fait
que les
accusations portées contre B.________ quant à une éventuelle
implication dans
un trafic de drogue auraient été abandonnées. Il ressort en effet des
termes
des commissions rogatoires que ce dernier est soupçonné d'être mêlé à
un
important trafic d'argent liquide, ce que le magistrat chargé de
l'enquête en
Fance n'exclut d'ailleurs nullement à la lecture des extraits des
procès-verbaux d'audition produits par le recourant. Au demeurant,
A.________
a pu faire valoir les faits que les magistrats requérants auraient,
selon
lui, passés volontairement sous silence avant que le Juge
d'instruction, puis
la Chambre d'accusation ne rendent leur décision; les autorités
suisses ont
donc statué en pleine connaissance de cause sur la demande d'entraide
dont
elles étaient saisies et n'ont pas été induites en erreur par les
éventuelles
omissions ou lacunes dont les commissions rogatoires seraient
entachées. A
supposer que l'exposé des faits fût effectivement incomplet, ce vice
a été
réparé en cours de procédure et ne nécessitait pas le renvoi de la
demande
d'entraide à leurs auteurs en vue de son complètement.
Le grief tiré des art. 14 CEEJ, 28 EIMP et 2 CC doit ainsi être
écarté et la
conclusion préalable du recours rejetée.

3.
Le recourant prétend que la condition de la double incrimination ne
serait
pas réalisée.

3.1 La remise de documents bancaires est une mesure de contrainte au
sens de
l'art. 63 al. 2 let. c et d EIMP, qui ne peut être ordonnée, selon
l'art. 64
al. 1 EIMP mis en relation avec la réserve faite par la Suisse à
l'art. 5 al.
1 let. a CEEJ, que si l'état de fait exposé dans la demande
correspond aux
éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse.
L'examen de
la punissabilité selon le droit suisse comprend, par analogie avec
l'art. 35
al. 2 EIMP applicable en matière d'extradition, les éléments
constitutifs
objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières
du
droit suisse en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II
184
consid. 4b p. 186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448
consid. 3a p.
451 et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits
incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même
qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de
punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils
soient
réprimés, dans les deux Etats, comme des délits donnant lieu
ordinairement à
la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188;
117 Ib
337 consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts
cités).

3.2 La Chambre d'accusation a considéré que la condition de la double
incrimination était réalisée en ce qui concerne l'accusation de
blanchiment,
car il n'était pas exclu qu'une partie du montant de la vente de
l'appartement de la rue Margueritte à B.________ provienne du trafic
d'argent
liquide dans lequel ce dernier est impliqué. Le recourant conteste
l'origine
délictueuse des fonds ayant servi à financer l'achat de cet
appartement. Il
prétend que ces fonds proviendraient de la vente d'un autre
appartement dont
B.________ et son frère étaient propriétaires au n° 26 de la rue
Léon Jost,
à Paris, par l'intermédiaire de la société civile immobilière
Y.________. Ce
faisant, il perd de vue qu'il n'appartient pas au juge de l'entraide
de
vérifier la réalité des charges imputées au prévenu, dans la mesure
où les
faits qui lui sont reprochés reposent sur des soupçons objectivement
fondés
(cf. consid. 1.4 ci-dessus; voir également, Robert Zimmermann, La
coopération
judiciaire internationale en matière pénale, Berne 1999, ch. 367, p.
288/289). Les pièces fournies par le recourant ne permettent
d'ailleurs pas
d'exclure que B.________ soit impliqué dans un trafic d'argent
liquide, ni
qu'il ait utilisé des fonds provenant de cette activité délictueuse
pour
financer au moins partiellement l'achat de l'appartement de la rue
Margueritte en octobre 1998. Elles ne permettent pas plus d'exclure
qu'un
dessous-de-table ait été versé à cette occasion, le fait que le litige
opposant sur ce point B.________ à l'administration fiscale ait
trouvé une
solution transactionnelle n'étant à cet égard pas décisif. Pour le
surplus,
nul ne conteste que si le prix de vente avait effectivement
partiellement été
payé à l'aide de fonds provenant d'une infraction pénale, l'élément
constitutif du blanchissage d'argent réprimé à l'art. 305bis CP serait
réalisé. La condition de la double incrimination est donc remplie
pour ce qui
concerne l'accusation de blanchiment aggravé. Il n'y a pas lieu
d'examiner ce
qu'il en est des infractions de faux dans les titres, de gestion
déloyale ou
de recel, car, contrairement à ce qui prévaut en matière
d'extradition (ATF
125 II 569 consid. 6 p. 575), il n'est pas nécessaire, dans
l'entraide régie
par la CEEJ, que la condition de la double incrimination soit
réalisée pour
chacun des chefs à raison desquels le prévenu est poursuivi dans
l'Etat
requérant.

4.
Le recourant voit une violation des principes de la proportionnalité
et de la
subsidiarité dans la décision de la Chambre d'accusation de remettre
l'intégralité de la documentation bancaire saisie à partir du mois de
novembre 1997. Selon lui, l'entraide devrait se limiter à la
transmission des
documents révélant des relations avec les autres personnes visées par
les
commissions rogatoires, en rapport avec la vente de l'appartement de
la rue
Margueritte, ce dans la période comprise entre le 1er octobre 1998 et
le 5
juillet 2000, date de son interpellation.

4.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les
mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité.
L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la
découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat
requérant. La question
de savoir si les renseignements demandés sont
nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans
l'Etat
requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de
poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui
permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des
preuves
recueillies au cours de l'enquête menée à l'étranger, il ne saurait
sur ce
point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de
l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que
si les
actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et
manifestement
impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande
apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve
(ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251
consid. 5c p. 255). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de
manière
claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre
excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun
intérêt pour
la procédure étrangère (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371/372).
Lorsque la
demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine
délictueuse, il
convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions
opérées au
nom des sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II
241
consid. 3c p. 244).

4.2 Aux termes de la commission rogatoire du 10 août 2000, les
magistrats
requérants sollicitent la remise de la documentation relative aux
comptes
détenus ou contrôlés par A.________ sans autre précision. Le Juge
d'instruction a fait entièrement droit à cette requête en se
prévalant de
l'utilité potentielle des documents requis pour les besoins de la
procédure
étrangère. La Chambre d'accusation a, quant à elle, limité l'entraide
à la
transmission des pièces relatives aux comptes bancaires personnels du
recourant en relation avec l'achat de l'appartement de la rue
Margueritte,
soit aux documents d'ouverture et aux relevés desdits comptes à
partir du
mois de novembre 1997, afin de permettre à l'autorité requérante de
vérifier
si, comme l'affirme A.________, les fonds ayant permis cette opération
proviennent effectivement de la vente, intervenue le 20 novembre
1997, d'un
appartement dont B.________ et son frère étaient propriétaires au n°
26 de la
rue Léon Jost, à Paris, par l'intermédiaire de la société civile
immobilière
Y.________.
L'origine des fonds ayant servi à financer l'achat, puis les travaux
de
rénovation de l'appartement sis au n° 15 de la rue Margueritte est
incontestablement un point essentiel à élucider pour déterminer
l'existence
d'un acte de blanchiment dans cette opération. Dans la mesure où
B.________
prétend avoir financé l'achat de cet appartement grâce au prix de la
vente
d'un autre appartement qu'il détenait à la rue Léon Jost, à Paris,
avec son
frère au travers d'une société immobilière, tout document en relation
avec
l'une ou l'autre de ces transactions est de nature à intéresser
l'enquête
pénale ouverte en France contre le recourant et les autres personnes
visées
par la demande d'entraide.
Dans le cas particulier, A.________ est poursuivi en France du chef de
blanchiment pour avoir encaissé sur ses comptes personnels en Suisse
de
l'argent provenant du trafic d'argent liquide dans le cadre de la
vente de
l'appartement de la rue Margueritte, en octobre 1998; il n'est en
revanche
pas directement concerné par la vente, intervenue le 20 novembre
1997, de
l'appartement détenu par B.________ et son frère à la rue Léon Jost,
à Paris.
Aucun élément ne permet de le suspecter d'avoir touché à cette
occasion un
dessous-de-table qu'il aurait reversé sur ses comptes personnels en
Suisse.
La transmission des documents saisis antérieurs au 1er octobre 1998
est donc
sans rapport avec l'infraction pour laquelle A.________ est poursuivi
et ne
se justifie pas en l'état, même dans le cadre d'une interprétation
large de
la demande d'entraide (cf. ATF 108 Ib 111 consid. 6b p. 125). Sur ce
point,
la décision attaquée ne respecte pas le principe de la
proportionnalité. En
revanche, seule la transmission de l'ensemble de la documentation
bancaire
postérieure à l'acquisition de l'appartement de la rue Margueritte
est de
nature à apporter les éclaircissements nécessaires à établir le
cheminement
des fonds suspectés de blanchiment, de sorte qu'il n'y a pas lieu de
limiter
l'entraide à la transmission des relevés de comptes jusqu'au 5
juillet 2000,
date de l'interpellation du recourant.
Le grief tiré de la violation des principes de la proportionnalité et
de la
subsidiarité est donc partiellement fondé. La décision attaquée doit
en
conséquence être réformée en ce sens que seuls les documents
d'ouverture des
comptes bancaires personnels dont A.________ est titulaire auprès de
la
banque W.________, de la banque U.________ et de la banque
V.________, et les
relevés des opérations postérieures au 1er octobre 1998 seront
transmis aux
magistrats requérants.

5.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission très
partielle du
recours. Un émolument judiciaire réduit est mis à la charge du
recourant
(art. 156 al. 3 OJ). Succombant sur le point essentiel du recours, ce
dernier
n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est très partiellement admis. La décision attaquée est
réformée en
ce sens que, des documents saisis concernant les comptes dont
A.________ est
titulaire auprès de la banque W.________, de la banque U.________ et
de la
banque V.________, seuls pourront être transmis aux autorités
françaises ceux
relatifs aux ouvertures des comptes ainsi qu'aux relevés des
opérations
effectuées à partir du 1er octobre 1998.

2.
Un émolument judiciaire réduit de 3'000 fr. est mis à la charge du
recourant.
Il n'est pas alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi
qu'à
l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales,
Section de l'entraide judiciaire internationale.

Lausanne, le 20 août 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.115/2002
Date de la décision : 20/08/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-20;1a.115.2002 ?
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